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Devant le Conseil, M. Türk dénonce le « refus systématique de l'armée » du Myanmar d'apporter une aide humanitaire vitale aux civils, et M. Zongo avertit que le Burundi est en train de devenir une « crise oubliée »

Compte rendu de séance

 

Ce matin, le Conseil des droits de l’homme a tenu deux dialogues concernant le Myanmar : l’un, avec M. Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, qui a présenté un rapport axé sur l’accès à l’aide humanitaire ; et l’autre, avec M. Tom Andrews, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, qui a présenté un compte rendu oral de la situation.  Le Conseil a ensuite entamé son dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi, M. Fortuné Gaétan Zongo.

S’agissant du Myanmar, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme a indiqué que son rapport se concentre sur le refus systématique de l'armée du Myanmar d'apporter une aide humanitaire vitale aux civils.  M. Türk a précisé que les militaires avaient en effet mis en place des obstacles juridiques, financiers et bureaucratiques pour que les personnes dans le besoin ne puissent pas recevoir l'aide ni y a accéder – alors même qu’un tiers de la population a besoin d'une aide urgente en matière, notamment, de logement, de nourriture et d'eau et d’emploi.

Le Haut-Commissaire a ajouté que selon des sources crédibles, 3747 personnes avaient trouvé la mort aux mains des militaires depuis qu'ils ont pris le pouvoir et 23 747 avaient été arrêtées.  M. Türk a demandé à tous les pays de cesser et d'empêcher la fourniture d'armes aux militaires et de prendre des mesures ciblées pour limiter l'accès des généraux aux devises étrangères, au carburant d'aviation et à d'autres moyens d'attaquer la population. Le Conseil, a insisté M. Türk, doit réfléchir à la manière de mettre en évidence les intérêts commerciaux qui soutiennent les militaires et les maintiennent à flot.

Plusieurs délégations* ont ensuite pris part au dialogue avec M. Türk.

Pour sa part, M. Andrews a indiqué que l’année dernière, il avait présenté un document sur les droits de l’homme des enfants du Myanmar avertissant que si les conditions ne changeaient pas, ces enfants deviendraient une génération perdue ; le Rapporteur spécial a exprimé ce matin son « profond regret » d’annoncer que bon nombre de ces terribles avertissements se sont concrétisés. 

M. Andrews a ainsi relevé qu’à la fin de l’année dernière, plus de 800 enfants avaient été tués ou mutilés depuis le début du coup d’État, la plupart victimes d’attaques aveugles menées par les forces de la junte.  Quelque 387 enfants sont actuellement détenus derrière les barreaux en tant que prisonniers politiques et 51 enfants sont retenus en otage dans le but de faire pression sur leurs parents ou d’autres personnes, a-t-il ajouté. En outre, plus de 660 000 enfants sont aujourd’hui déplacés par le conflit et quelque 5,8 millions d’enfants ont besoin d’une aide humanitaire, a-t-il poursuivi. Le conflit en cours a perturbé l’accès sûr à l’éducation pour des millions d’enfants, tout en compromettant la prestation de services de santé essentiels, y compris les vaccinations de routine, a-t-il regretté.

Le Rapporteur a affirmé que le peuple du Myanmar a besoin d’une action des États Membres de l’ONU qui soutienne les efforts héroïques de ce peuple pour sauver son pays et qui prive la junte des trois choses dont elle a besoin pour maintenir sa brutalité et son oppression : les armes, l’argent et la légitimation.  M. Andrews a dit craindre que la volonté politique nécessaire pour soutenir cette action ne s’estompe. Les conditions dans l’État rakhine sont tout sauf propices au retour sûr, digne et durable des Rohingya, a-t-il par ailleurs affirmé.

Après cette présentation de M. Andrews, de nombreuses délégations** ont pris la parole dans le cadre du dialogue avec le Rapporteur spécial.

Enfin, M. Zongo, dans son compte rendu oral sur la situation au Burundi, a souligné que l’espace civique s’était rétréci au Burundi, avec une intolérance et une répression des libertés publiques qui ont pour corollaire l’affaiblissement des partis politiques d'opposition, l’autocensure des médias, les arrestations arbitraires d’opposants politiques et des représentants d’organisations de la société civile, ainsi que le maintien d’opposants, de médias et d’organisations de la société civile en exil.

Le Rapporteur spécial s’est par ailleurs dit très préoccupé par le rattachement du Service national du Renseignement (SNR) à l’autorité du Président de la République, ainsi que par l’instrumentalisation du processus de justice transitionnelle et par la question foncière – « une bombe à retardement » du fait des accaparements de terres par les élites politiques et de l’incapacité à restituer les terres aux personnes de retour et déplacées internes, a-t-il déclaré.  Le Rapporteur spécial a regretté que l’impunité reste un facteur systémique au Burundi.  Il a en outre jugé préoccupants l’acharnement et la répression accrue visant le Congrès national pour la liberté, principal parti d’opposition.  Alors que les prochaines élections législatives auront lieu en 2025, des signes avant-coureurs indiquent des risques de violences avant, pendant et après ces élections, a mis en garde le Rapporteur spécial.

« Le Burundi est en train de devenir une crise oubliée », comme sa situation humanitaire, économique et sociale le démontre, a conclu le Rapporteur spécial.

Suite à cette présentation, le Burundi a fait une déclaration en tant que pays concerné, avant que quelques délégations*** n’engagent le dialogue avec M. Zongo.

 

Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil achèvera son dialogue avec M. Zongo, avant d’examiner le rapport du Groupe de travail sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises. Le Conseil entamera ensuite l’adoption des documents finals résultant de l’Examen périodique universel (EPU) de plusieurs pays.

 

Dialogue autour du rapport du Haut-Commissaire sur la situation des droits de l’homme au Myanmar

Le Conseil est saisi du rapport du Haut-Commissaire sur la situation des droits de l’homme au Myanmar (A/HRC/53/52, à paraître en français).

Présentation du rapport

M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a déploré que le Myanmar poursuive « sa chute libre mortelle dans une violence et une misère pires encore », le régime imposé par les généraux depuis deux ans et demi ayant réduit à néant l'optimisme que les habitants du Myanmar nourrissaient autrefois à l'égard de la paix, de la démocratie et d'un avenir plus prospère.

Les minorités du pays sont confrontées à des attaques brutales de l'armée dans les régions frontalières, et un nombre croissant de personnes franchissent les frontières internationales à la recherche de sécurité et de protection, a poursuivi M. Türk. Plus d'un million de Rohingya se trouvent toujours au Bangladesh voisin, où ils vivent dans le plus grand camp de réfugiés du monde dans des conditions déplorables, et les conditions de leur retour au Myanmar sont toujours inexistantes, a-t-il souligné.

Depuis le début du coup d'État, les militaires ont incendié au moins 70 000 maisons dans tout le pays, a précisé le Haut-Commissaire. Plus d’un million et demi de personnes ont été déplacées de force, avec un accès minimal à l'aide humanitaire, a-t-il ajouté. Pour 2023, à ce jour, le Haut-Commissariat a enregistré une augmentation de 33% des frappes aériennes aveugles par rapport au premier semestre de 2022, avec des attaques de plus en plus nombreuses contre des villages, des écoles, des hôpitaux et des lieux de culte, a fait savoir M. Türk. Le 11 avril, dans le village de Pa Zi Gyi, dans la région de Sagaing, 168 civils, dont un grand nombre de femmes et d'enfants, ont été tués lors d'une attaque aérienne, a-t-il indiqué.

Le Haut-Commissariat a aussi documenté des violences sexuelles, des massacres, des exécutions extrajudiciaires, des décapitations, des démembrements et des mutilations, a rapporté M. Türk.  Il a indiqué que, selon des sources crédibles, 3747 personnes avaient trouvé la mort aux mains des militaires depuis qu'ils ont pris le pouvoir et 23 747 avaient été arrêtées.

Le rapport présenté au Conseil aujourd'hui se concentre sur le refus systématique de l'armée d'apporter une aide humanitaire vitale aux civils, a souligné le Haut-Commissaire. L’armée a en effet mis en place une série d'obstacles juridiques, financiers et bureaucratiques pour que les personnes dans le besoin ne puissent ni recevoir l’aide ni y accéder, alors même qu’un tiers de la population a besoin d'une aide urgente en matière, notamment, de logement, de nourriture et d'eau et d’emploi, a-t-il déclaré. En mai dernier, lorsque le cyclone Mocha a touché terre avec des effets dévastateurs, les militaires ont activement empêché les évaluations indépendantes des besoins et ont entravé l'accès à l'information, a insisté le Haut-Commissaire ; ils ont suspendu toutes les autorisations de voyage dans l'État rakhine, autorisant finalement la reprise de la distribution de l'aide à condition qu’elle ne soit pas liée au cyclone. Les militaires ont aussi menacé d'engager des poursuites judiciaires à l'encontre de toute personne faisant état de chiffres différents des leurs concernant le nombre de décès de Rohingya. Quelque 15,2 millions de personnes ont besoin d'une aide alimentaire et nutritionnelle d'urgence, alors que le prix des denrées alimentaires a augmenté de 177% en 2022, a d’autre part indiqué M. Türk.

Le Haut-Commissaire a réitéré son appel à mettre fin immédiatement à cette « violence insensée » et a exhorté les autorités à libérer sans délai les 19 377 prisonniers politiques détenus au Myanmar, y compris le Président déchu Win Mynt et la Conseillère d'État Aung San Suu Kyi.

Le rapatriement volontaire des Rohingya ne pourra avoir lieu que lorsque les conditions d'un retour sûr, durable et digne au Myanmar seront en place et que l'ensemble de leurs droits seront respectés et défendus, a déclaré le Haut-Commissaire. Il a tenu à souligner que les Rohingya faisaient partie intégrante du peuple du Myanmar et de l'avenir du pays.

Le Haut-Commissaire a demandé à tous les pays de cesser et d'empêcher la fourniture d'armes aux militaires et de prendre des mesures ciblées pour limiter l'accès des généraux aux devises étrangères, au carburant d'aviation et à d'autres moyens d'attaquer la population. Le Conseil, a ajouté M. Türk, doit réfléchir à la manière de mettre en évidence les intérêts commerciaux qui soutiennent les militaires et les maintiennent à flot.

Le Haut-Commissaire a enfin rappelé au Conseil de sécurité, à l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE / ASEAN) et à tous les États Membres ayant une influence sur Min Aung Hlaing et l'armée qu'il leur incombe d'exercer une pression maximale pour mettre fin à cette crise.

Aperçu du dialogue

Des délégations ont relevé que les attaques directes de l'armée contre le personnel et les infrastructures de santé, ainsi que les restrictions d'accès à l'aide alimentaire et l'instrumentalisation de l'aide humanitaire aggravaient une situation humanitaire déjà désastreuse, encore exacerbée par l'impact du cyclone Mocha. « Ces actions », a-t-il été affirmé, « constituent une obstruction intentionnelle ou un refus de l'aide humanitaire et peuvent constituer des violations flagrantes du droit international des droits de l'homme et des violations graves du droit international humanitaire ».

Il a été rappelé, à ce propos, que l’accès humanitaire complet, sûr et sans entrave était – au même titre que la cessation immédiate de la violence et la désescalade des tensions au Myanmar – une demande formulée dans la résolution 2669 (2022) du Conseil de sécurité ainsi que dans le « consensus en cinq points » de l’ANASE. Le Haut-Commissaire a été prié de dire comment la communauté internationale pouvait contribuer à une meilleure protection des travailleurs humanitaires opérant sur le terrain, et comment réagir en cas d’interdiction totale des déplacements et de l'action humanitaire.

Par ailleurs, notant avec inquiétude les coupes dans les rations alimentaires du Programme alimentaire mondial destinées aux Rohingya temporairement abrités au Bangladesh, des délégations ont appelé la communauté internationale à continuer d'apporter des contributions financières adéquates en faveur des Rohingya afin d'éviter les conséquences dévastatrices de ces réductions. Un groupe de pays a recommandé de se concentrer, au-delà des événements actuels, sur la situation des droits de l'homme des musulmans rohingya « qui sont victimes depuis des décennies de discrimination institutionnalisée, de marginalisation et de persécution ».

D’autre part, « la junte » a été appelée à libérer immédiatement et sans conditions les 12 000 personnes, y compris des enfants, détenues arbitrairement au Myanmar, à mettre fin immédiatement à tous les actes de violence et à accorder aux organisations humanitaires un accès illimité. À l’instar du Haut-Commissaire, certaines délégations ont appelé les États à cesser d’exporter, de vendre, de transférer et de détourner des armes, des munitions et d'autres équipements militaires au bénéfice de l’armée du Myanmar.

D’autres intervenants ont, pour leur part, demandé le retrait des mesures coercitives unilatérales visant le Myanmar, qui, selon eux, « ne font qu’aggraver la situation ». D’aucuns ont regretté que le Myanmar ne puisse participer au débat à titre de pays concerné et exposer ses efforts et progrès sur le terrain – surtout dans le contexte de la pandémie et de Mocha – car cela nuit aux efforts visant à trouver des formes constructives d'assistance internationale au Myanmar.

Le Conseil a été appelé, pour sa part, à renforcer son soutien aux processus en cours pour mettre fin à l'impunité et pour faire respecter les droits du peuple du Myanmar, y compris les musulmans rohingya et d'autres minorités ethniques.

*Liste des intervenants : Union européenne, Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), République tchèque, Luxembourg, Espagne, Indonésie, France, États-Unis, Malaisie, Maldives, Royaume-Uni, Afrique du Sud, Venezuela, Inde, Bangladesh, Chine,  Gambie, Suisse, Libye, Roumanie, Bélarus, Bulgarie, Malte, Autriche, Fédération de Russie, Thaïlande, Géorgie, Türkiye, Centre pour les droits civils et politiques, Center for Global Nonkilling, Asian Forum for Human Rights and Development, Lawyers' Rights Watch Canada, Iuventum e.V., Commission internationale des juristes, CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Christian Solidarity Worldwide et International Bar Association.

Réponses et remarques de conclusion du Haut-Commissaire

M. TÜRK a jugé essentiel de porter toute l’attention nécessaire au peuple du Myanmar et d’exiger qu’il soit mis fin à la violence quotidienne que ce peuple subit. Le Haut-Commissaire a aussi plaidé pour la liberté d’accès des acteurs humanitaires, afin que l’aide salvatrice parvienne aux personnes qui en ont besoin, et pour la libération des personnes détenues arbitrairement pour des motifs politiques. M. Türk a en outre recommandé d’analyser les intérêts économiques qui se cachent derrière la fourniture d’armes aux militaires. 

Toute solution politique au Myanmar devra intégrer l’obligation de rendre des comptes pour les crimes commis, a souligné le Haut-Commissaire, mentionnant ici les rôles de la Cour pénale internationale et du Mécanisme d'enquête indépendant pour le Myanmar. 

Les Rohingya doivent être considérés comme faisant partie intégrante du tissu du Myanmar, a d’autre part insisté le Haut-Commissaire.

M. Türk a enfin demandé d’appuyer les organisations de la société civile au Myanmar, en particulier celles dirigées par des jeunes.

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar

Le Conseil est saisi du rapport d’étape du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar.

Compte rendu oral

Présentant son rapport d’étape au travers d’un compte rendu oral, M. Thomas H. Andrews, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, a indiqué que l’année dernière, il avait présenté un document sur les droits de l’homme des enfants du Myanmar avertissant que si les conditions ne changeaient pas, ces enfants deviendraient une génération perdue ; le Rapporteur spécial a exprimé ce matin son « profond regret » d’annoncer que bon nombre de ces terribles avertissements se sont concrétisés. 

M. Andrews a ainsi relevé qu’à la fin de l’année dernière, plus de 800 enfants avaient été tués ou mutilés depuis le début du coup d’État, la plupart victimes d’attaques aveugles menées par les forces de la junte.  Quelque 387 enfants sont actuellement détenus derrière les barreaux en tant que prisonniers politiques et 51 enfants sont retenus en otage dans le but de faire pression sur leurs parents ou d’autres personnes, a ajouté le Rapporteur spécial. Plus de 660 000 enfants sont aujourd’hui déplacés par le conflit et quelque 5,8 millions d’enfants ont besoin d’une aide humanitaire, a-t-il poursuivi. Le conflit en cours a perturbé l’accès sûr à l’éducation pour des millions d’enfants, tout en compromettant la prestation de services de santé essentiels, y compris les vaccinations de routine, a-t-il regretté.

Le Rapporteur a affirmé que le peuple du Myanmar a besoin d’une action – qu’il mérite – de la part des États Membres de l’ONU, une action qui soutienne les efforts héroïques de ce peuple pour sauver son pays et qui prive la junte des trois choses dont elle a besoin pour maintenir sa brutalité et son oppression : les armes, l’argent et la légitimation.  M. Andrews a dit craindre que la volonté politique nécessaire pour soutenir cette action ne s’estompe. Certains gouvernements semblent prêts à aller de l’avant, à accepter la prétention illégitime de la junte au pouvoir, a-t-il déploré. Il est impératif d’inverser cette tendance. La junte militaire du Myanmar ne doit pas croire que le temps joue en sa faveur, a insisté le Rapporteur spécial.

M. Andrews a indiqué qu’il avait publié un document, « The Billion Dollar Death Trade », qui documente comment la junte a importé plus d’un milliard de dollars d’armes et de matériel lié aux armes depuis le coup d’État militaire. Cela a été fait en sachant pertinemment que ces armes pourraient être utilisées pour tuer des milliers de personnes innocentes, pour commettre probablement des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, a regretté M. Andrews. « C’est inadmissible », a-t-il insisté.

Projeter une apparence de légitimité est essentiel pour la junte, a souligné le Rapporteur spécial, regrettant que certains gouvernements régionaux semblent prêts à s’engager avec la junte comme s’il s’agissait du gouvernement légitime du Myanmar, comme si cette junte n’assassinait pas son propre peuple. Et maintenant, a ajouté M. Andrews, le commandant en chef de l’armée de l’air du Myanmar, qui continue de tuer et de mutiler un nombre incalculable d’innocents avec des chasseurs à réaction et des hélicoptères, a été nommé Président de la Conférence des chefs de l’air de l’ANASE (ASEAN).  Le Rapporteur spécial a affirmé qu’il ne saurait imaginer une quelconque justification à cette politique inexplicable et a souligné que l’ANASE perd en étant directement associée aux atrocités d’une armée impitoyable.

Plus d’un million de personnes tentent maintenant de survivre dans les camps de réfugiés au Bangladesh, mais, en raison d’un manque de soutien de la communauté internationale,  les enfants rohingya sont privés  de la nourriture et de la nutrition dont ils ont besoin, a par ailleurs souligné M. Andrews. « C’est inadmissible et cela devrait être inacceptable pour tout le monde dans cette enceinte », a-t-il déclaré. Les conditions dans l’État rakhine sont tout sauf propices au retour sûr, digne et durable des Rohingya, a-t-il affirmé.

M. Andrews a exhorté les États Membres qui soutiennent le peuple du Myanmar à élaborer une stratégie et un plan d’action coordonnés dans lesquels l’action d’un gouvernement est liée à celle des autres ; il a plaidé pour que ces actions soient proactives et ciblées comme un rayon d’action visant à saper la capacité de la junte à poursuivre ses attaques contre le peuple du Myanmar en lui refusant des ressources, de l’argent et de la légitimité.  Le Rapporteur spécial a également plaidé pour que soient engagés les fonds nécessaires afin de mettre un terme à « la négligence et aux souffrances honteuses » des centaines de milliers d’enfants et de familles rohingya qui se trouvent à l’extérieur du Myanmar. 

Aperçu du dialogue

Un grand nombre d’intervenants ont déploré que la situation au Myanmar ne montre aucun signe d’amélioration. De nombreuses délégations se sont ainsi déclarées profondément préoccupées par les informations faisant état d’une intensification de la violence, d’attaques aveugles, de persécutions d’opposants présumés, de discrimination systémique à l’encontre des Rohingya et d’autres minorités et de mépris des droits de l’homme.  Une délégation a regretté que les personnes appartenant à des minorités ethniques et religieuses soient particulièrement touchées par les violations continues du droit international, notamment du droit international relatif aux droits humains, commises par l’armée du Myanmar et dont certaines peuvent constituer des crimes internationaux.

Plusieurs délégations se sont montrées très préoccupées par le fait que les enfants subissent systématiquement de graves violations de leurs droits fondamentaux: ils seraient tués, mutilés, enlevés, recrutés et utilisés par l’armée, soumis à des violences sexuelles, privés d’accès humanitaire, torturés et détenus arbitrairement, a-t-il été observé.

Certains intervenants ont par ailleurs déploré la détérioration de la situation des femmes et des filles ; les rapports alarmants faisant état de violences sexuelles et sexistes, de discrimination et de manque d’accès aux soins de santé et à l’éducation sont profondément affligeants, a déclaré une délégation.

Un grand nombre d’intervenants ont insisté sur la nécessité pour les auteurs de ces crimes d’avoir à rendre des comptes de leurs actes.  A notamment été soutenu dans ce contexte le travail accompli par le Mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar.

Il a par ailleurs été relevé que le peuple du Myanmar a fait preuve d’une résilience déterminée face à des atrocités innommables, démontrant son attachement à la démocratie, aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.

D’aucuns ont en outre souligné durant ce dialogue que le récent cyclone Mocha n’a fait qu’exacerber les besoins humanitaires déjà existants de la population touchée.  Certaines délégations ont exprimé leur grave préoccupation face aux contraintes croissantes en matière d’accès humanitaire, en particulier à la suite du cyclone, et ont appelé à un accès humanitaire complet, sûr, rapide et sans entrave pour atteindre ceux qui souffrent.

Évoquant la situation des réfugiés rohingya, plusieurs délégations ont rappelé l’importance de veiller à ce que le retour des réfugiés et des personnes déplacées soit volontaire, sûr, digne et durable, et conforme aux normes internationales ; ces conditions ne sont actuellement pas remplies, ont-elles constaté.

Plusieurs délégations se sont en outre dites alarmées par les récentes réductions des rations alimentaires du Programme alimentaire mondial et par la diminution progressive du soutien financier, en particulier celui accordé au Plan de réponse conjoint pour les Rohingya temporairement hébergés au Bangladesh.

Ont par ailleurs été soulignés le rôle central et le leadership de l’ANASE dans le traitement de la crise au Myanmar.

Plusieurs délégations ont plaidé, à l’instar du Rapporteur spécial, en faveur d’une réponse internationale plus forte à la crise des Rohingya.

Le Myanmar doit se conformer pleinement aux mesures provisoires de la Cour internationale de Justice, coopérer avec les mécanismes internationaux de justice et de responsabilité en cours, et mettre en œuvre toutes les recommandations de la Commission consultative sur l'État rakhine, y compris des mesures claires d'incitation au retour.

Enfin, plusieurs intervenants ont exprimé leur rejet de principe de tout mandat créé en l’absence du soutien du pays concerné et ont rejeté les mesures coercitives unilatérales imposées au Myanmar.

**Liste des intervenants : Union européenne, Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), Danemark (au nom d’un groupe de pays), Uruguay (au nom d’un groupe de pays), République de Corée, Koweït, Allemagne, Italie, Japon, Luxembourg, France, Australie, Canada, États-Unis, Malaisie, Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande, Venezuela, Bangladesh, Chine, République démocratique populaire lao, Arabie saoudite, Singapour, Viet Nam, Indonésie, Centre Europeen pour le droit, les Justice et les droits de l'homme ; Edmund Rice International Limited ; Christian Solidarity Worldwide ; CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens ; Centre pour les Droits Civils et Politiques - Centre CCPR ; Access Now ; Article 19 - Centre international contre la censure ; Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement; Amnesty International ; et Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH).

Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial

M. ANDREWS a souligné que sa porte est toujours ouverte aux États Membres qui ont des questions à soulever concernant son mandat. Il a fait observer que le Japon était le plus grand contributeur du Plan conjoint [d’aide aux réfugiés rohingya] et a remercié un ensemble de pays qui ont contribué à son travail.

Le Rapporteur spécial a ensuite indiqué que des crimes contre l’humanité sont en préparation ou ont été commis, avec des femmes et des enfants pris pour cibles. Il a souligné que c’est une fonction prioritaire de son mandat que d’étudier la manière de remédier à cette situation. M. Andrews a insisté sur la nécessité de lutter contre le trafic d’armes au Myanmar.

Le Rapporteur spécial a relevé que de plus en plus de pays ont pris des sanctions « très efficaces » contre les autorités du Myanmar en touchant les banques commerciales et d’investissements. Il s’agit de mesures importantes qui ont des conséquences importantes, a-t-il insisté.

Il ne faut pas perdre espoir et ne pas oublier la ténacité de la population du Myanmar, a déclaré le Rapporteur spécial. Les femmes et les enfants sont les fers de lance des mouvements d’opposition ; il faut les aider à mettre fin à ce cauchemar absolu, a-t-il conclu.

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi

Le Conseil est saisi d’un compte rendu oral du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi.

Compte rendu oral

M. FORTUNÉ GAÉTAN ZONGO, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi, a indiqué que l’espace civique s’était rétréci au Burundi, avec une intolérance et une répression des libertés publiques qui ont pour corollaire l’affaiblissement des partis politiques d'opposition, l’autocensure des médias, les arrestations arbitraires d’opposants politiques et des représentants d’organisations de la société civile, ainsi que le maintien d’opposants, de médias et d’organisations de la société civile en exil.

Cette semaine, a illustré le Rapporteur spécial, l’examen du rapport du Burundi par le Comité des droits de l’homme ne s’est pas déroulé comme prévu, la délégation ayant refusé de participer à la réunion arguant de la « présence de certains activistes des droits de l'homme » qui seraient des « criminels condamnés se faisant passer pour des membres de la société civile ». « Cette situation illustre à suffisance l’arbitraire, les intimidations et les représailles » [au Burundi], a estimé le Rapporteur spécial. Tant que le Gouvernement emprisonnera les représentants de la société civile, les opposants ou les journalistes – comme Floriane Irangabiye, condamnée à dix ans de prison pour atteinte à la sûreté du territoire national –, il y a peu de chances que les acteurs en exil retournent au Burundi, a déclaré M. Zongo.

Le Rapporteur spécial s’est par ailleurs dit très préoccupé par le rattachement du Service national du Renseignement (SNR) à l’autorité du Président de la République, [ce qui lui donne] un pouvoir fort qui interfère avec le mandat des institutions de la République ; ainsi que par l’instrumentalisation du processus de justice transitionnelle, qui entraîne un manque de confiance, entre autres, au sein de la société burundaise ; et par la question foncière, « une bombe à retardement » du fait des accaparements de terres par les élites politiques et de l’incapacité à restituer les terres aux personnes de retour et déplacées internes.

M. Zongo a ensuite relevé que si l’arrestation de l’ancien Premier Ministre Alain-Guillaume Bunnyoni a fait naître l’espoir d’un engagement vers la lutte contre l’impunité, les délits qui lui sont imputés –  « atteinte à la sûreté intérieure de l'État » et « au bon fonctionnement de l'économie nationale », « prise illégale d'intérêts », « détention illégale d'armes » et « outrage envers le Chef de l'État » – sont constitutifs de luttes internes pour la gestion du pouvoir. Le Rapporteur spécial a regretté que l’impunité reste un facteur systémique au Burundi.

Enfin, M. Zongo a notamment jugé préoccupants l’acharnement et la répression accrue visant le Congrès national pour la liberté, principal parti d’opposition.  Alors que les prochaines élections législatives auront lieu en 2025, des signes avant-coureurs indiquent des risques de violences avant, pendant et après ces élections, a mis en garde le Rapporteur spécial.

Quant à l’institution nationale des droits de l’homme, re-accréditée en juin 2021 avec le statut A de pleine conformité aux Principes de Paris, elle peine à faire preuve d’indépendance et d’impartialité, a affirmé le Rapporteur spécial, relevant qu’un examen des rapports de cette institution permettait de constater le caractère sélectif des cas qu’elle traite.

Après avoir suggéré de « revisiter, mettre à jour et appliquer » l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi, M. Zongo a conclu sa présentation en mettant en garde contre le fait que « le Burundi est en train de devenir une crise oubliée », comme sa situation humanitaire, économique et sociale le démontre.

Concernant son mandat, M. Zongo a regretté les nombreux malentendus sur la nature et l'objectif du mécanisme qu’il incarne, et a estimé que ces malentendus ne peuvent que détourner les discussions des questions de fond ou saper les efforts visant à améliorer la situation des droits de l'homme au Burundi.

Pays concerné

Le Burundi a déclaré ne pas reconnaître le mandat [du Rapporteur spécial] qui lui est « imposé », considérant que ce mécanisme tire sa source de la session extraordinaire du Conseil convoquée il y a presque huit ans à l'initiative d'un groupe de pays occidentaux prétextant prévenir un « génocide imminent en cours de préparation » au Burundi.

Le Burundi connaît certes des défis, comme tout autre pays, en matière de promotion et de protection des droits humains, qui restent un idéal à atteindre pour tous les peuples, a poursuivi la délégation burundaise. À cet égard, dans son discours à la Nation à l'occasion du 61ème anniversaire de l'indépendance du Burundi, le 1er juillet dernier, le Président de la République, Évariste Ndayishimiye, a rappelé que le système d'administration du Burundi, avant l'arrivée du colon envahisseur en 1896, était centré sur l’État de droit, la bonne gestion de la chose publique, le respect de la vie humaine, l'entraide et la cohésion sociale.

La délégation a par ailleurs ajouté qu’à Bujumbura, le 6 mai dernier, le Secrétaire général des Nations Unies avait appelé la communauté internationale à soutenir les efforts de développement durable et de redressement économique du Burundi. La délégation a dit douter que le mandat [du Rapporteur spécial] y contribue réellement.

Pour sa part, la Commission nationale indépendante des droits de l’homme du Burundi (CNIDH) a notamment estimé qu’au cours de la période 2022-2023, la situation politique avait été satisfaisante, que ce soit au niveau intérieur ou aux niveaux régional et international. Les partis politiques ont fonctionné normalement, mais les problèmes internes au parti du Congrès national pour la liberté (CNL) nécessitent un suivi pour trouver une solution dans les meilleurs délais, a-t-elle ajouté. La CNIDH a aussi constaté avec satisfaction que « des jeunes qui se cachent derrière l’appartenance au parti politique et aux ligues de jeunes (Imbonerakure) pour attenter à la vie des gens ont été poursuivis et punis par la justice » ; et que cinq membres du parti au pouvoir ont été condamnés pour avoir malmené un membre du CNL.                                                                                                         

Aperçu du dialogue

Une délégation a dit prendre note des quelques progrès en matière de respect des droits humains au Burundi et de la libération, dans ce pays, de cinq défenseurs des droits de l’homme. A par ailleurs été salué l’engagement pris par le Président de la République en faveur d’une réforme du système judiciaire.

Néanmoins, plusieurs délégations se dites préoccupées par la situation fragile des droits humains dans le pays, étant donné les allégations persistantes faisant état d’actes de torture et de traitements inhumains ou dégradants, de conditions de détention intolérables, ou encore de disparitions forcées et de restrictions sans justification aux libertés fondamentales.

Plusieurs intervenants ont appelé à des enquêtes indépendantes et impartiales sur toutes les violations des droits humains commises dans le pays.

L'espace dévolu à la société civile reste limité, a-t-il par ailleurs été regretté. L’espace civique et politique est toujours fortement restreint, a relevé une délégation, déplorant les entraves au fonctionnement du principal parti d’opposition. Certains intervenants ont dénoncé l’emprisonnement de journalistes qui ne font qu’exercer leur travail.

Un appel a par ailleurs été lancé au Gouvernement burundais pour qu’il coopère pleinement avec le Conseil, avec les organes conventionnels et avec le Rapporteur spécial, notamment en permettant à ce dernier de visiter le pays.

Enfin, une délégation a réitéré son rejet de la poursuite des travaux des mécanismes du Conseil spécifiques à un pays donné qui ne bénéficient pas de l’approbation du pays concerné.

***Liste des intervenants : Union européenne, Pays-Bas, Égypte, Luxembourg, Belgique.

 

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