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Le Conseil tient un dialogue approfondi sur la situation des droits de l’homme au Soudan du Sud et entend la mise à jour générale de M. Türk sur la situation des droits de l’homme dans le monde

Compte rendu de séance

Le Conseil des droits de l’homme a entendu, ce matin, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, M. Volker Türk, présenter sa mise à jour générale sur la situation des droits de l’homme dans le monde. Auparavant, le Conseil a tenu un dialogue approfondi sur la situation des droits de l’homme au Soudan du Sud, avec la participation de M. Türk, du Ministre sud-soudanais de la justice et des affaires constitutionnelles, ainsi que de membres de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud. En début de séance, le Conseil a achevé, en entendant les interventions de plusieurs délégations*, le dialogue entamé hier après-midi avec le Groupe d’experts des droits de l’homme sur le Nicaragua.

Dans sa mise à jour générale, M. Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a mentionné les situations dans de nombreux pays ou régions à travers le monde entier. Il a également évoqué les grands sujets de préoccupation que sont actuellement la guerre et la violence, la discrimination et le racisme, les injustices structurelles et la pauvreté, la restriction de l’espace civique, ainsi que les problèmes liés à l’environnement et aux changements climatiques.

Dans le cadre du dialogue approfondi sur la situation des droits de l’homme au Soudan du Sud, M. Türk a regretté qu’en dépit des appels à un cessez-le-feu et à la mise en œuvre de l'Accord de paix, des flambées de violence se soient produites récemment dans le Grand Pibor, l'État de Jonglei et l'État du Haut-Nil. La Mission des Nations Unies au Soudan du Sud a documenté des meurtres, enlèvements de civils, violences sexuelles, ainsi que des pillages et destructions de biens : entre janvier et décembre 2022, environ 714 incidents de violence touchant 3469 civils ont été recensés, et pas moins de 380 femmes et filles auraient été victimes de violences sexuelles liées aux conflits, a notamment fait savoir le Haut-Commissaire.

M. Andrew Clapham, membre de la Commission sur les droits de l'homme au Soudan du Sud, a insisté sur le fait que son équipe avait documenté, depuis mars 2022, d'autres attaques généralisées et odieuses contre des civils et des exécutions extrajudiciaires commanditées par l'État. La violence sexuelle contre les femmes et les filles reste systématique, et l'utilisation d'enfants par les forces étatiques et non étatiques se poursuit. Les mots ne peuvent exprimer pleinement l'horreur et la totalité des atrocités en cours, a déclaré M. Clapham.

Pour sa part, M. Ruben Madol Arol Kachuol, Ministre de la justice et des affaires constitutionnelles du Soudan du Sud, a fait état des progrès réalisés par son pays, notamment dans la mise en œuvre de l’Accord de paix revitalisé. Il a demandé que le Conseil mette fin au mandat de la Commission et qu’il renouvelle, au contraire, la résolution sur l’assistance technique et le renforcement des capacités dans le domaine des droits de l’homme en faveur de son pays.

De nombreuses délégations** ont pris part au dialogue qui a suivi ces trois présentations.

 

Le Conseil se réunit de nouveau cet après-midi, à 15 heures, pour entendre la présentation des autres rapports de M. Türk concernant les activités du Haut-Commissariat aux droits de l’homme en Colombie, au Guatemala et au Honduras, de même qu’un rapport sur Chypre.

 

Fin du dialogue avec le Groupe d’experts des droits de l’homme sur le Nicaragua

Aperçu du dialogue

Certains intervenants ont dénoncé l’approche « sélective et politiquement motivée » qui sous-tend, selon eux, le rapport du Groupe d’experts, estimant qu’il s’agissait « d'une nouvelle tentative de manipuler le Conseil des droits de l'homme pour des intérêts politiques » et d’« une violation flagrante de la souveraineté et du respect dû à la non-ingérence dans les affaires intérieures des États ».

Agir véritablement au nom des droits de l'homme implique d’exiger l'élimination immédiate des mesures coercitives unilatérales prises contre le Nicaragua et contre d'autres pays du Sud, a ajouté une délégation, soulignant que les effets de ces mesures constituent un obstacle à la pleine jouissance des droits de l'homme par les populations des pays concernés. Plusieurs intervenants ont à cet égard aussi dénoncé les sanctions économiques infligées au Venezuela. Le Conseil devrait tenir compte des bons résultats obtenus par le Nicaragua dans le domaine des droits économiques et sociaux, ont estimé plusieurs délégations.

Le rapport du Groupe d’experts soulève des inquiétudes quant à « la participation du Président, du Vice-Président et de fonctionnaires », ainsi que d'acteurs non étatiques, à des violations des droits de l'homme « exceptionnellement graves et systématiques », notamment des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture, la privation arbitraire de la nationalité, ainsi que des violations de nombreuses libertés fondamentales, a-t-il été relevé. Le Gouvernement nicaraguayen devrait rétablir l'état de droit et la démocratie, et respecter la liberté de réunion et d'expression, la liberté des médias et la liberté de religion ou de croyance, a-t-il été demandé.

Des préoccupations ont en outre été exprimées s’agissant des violations des droits des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine au Nicaragua, notamment l’accaparement de terres et des assassinats. Une organisation non gouvernementale (ONG) a demandé à ce propos que les « responsables de l’ethnocide » rendent des comptes. Ont également été dénoncées les déchéances de nationalité que le Gouvernement inflige à certains opposants.

Les autorités nicaraguayennes ont été appelées à respecter les traités internationaux ratifiés par le Nicaragua, à collaborer avec les mécanismes de protection des droits de l'homme – notamment le Haut-Commissariat et le Groupe d'experts – et à engager un dialogue avec l'opposition et les acteurs de la société civile nicaraguayenne.

La libération sans condition des prisonniers politiques qui se trouvent encore en prison au Nicaragua, y compris Mgr Álvarez, a aussi été demandée. Les libérations qui ont déjà eu lieu ont été jugées positives mais, a souligné une délégation, « ces personnes n’auraient jamais dû être mises en prison ».

*Liste des intervenants : Chypre, République populaire démocratique de Corée, Venezuela, Royaume-Uni, Argentine, Espagne, Saint-Siège, Géorgie, Italie, Chili, Bélarus, Cuba, Iran, Australie, Irlande, Costa Rica, Ukraine, Fédération de Russie, Panama, Brésil, Érythrée, Syrie, Paraguay, Chine, Right Livelihood Award Foundation, Aula Abierta, Réseau international des droits humains, Fédération internationale des ligues de droits de l’homme, Freedom HouseInternational Service for Human Rights,Center for Justice and International Law, Christian Solidarity Worldwide, Human Rights Watch, CIVICUS.

Réponses et conclusions des membres du Groupe d’experts

MME ÁNGELA MARÍA BUITRAGO, membre du Groupe d’experts des droits de l’homme sur le Nicaragua, a souligné l’importance de l’indépendance des juges pour remédier aux détentions arbitraires de personnes au Nicaragua. Les étudiants et les jeunes opposants ne devraient pas être obligés de s’exiler, a-t-elle ajouté ; au contraire, les jeunes devraient être reconnus comme des acteurs fondamentaux pour l’avenir du pays et il importe de garantir que toutes les personnes aient accès à l’éducation, indépendamment de leurs opinions politiques.

M. JAN MICHAEL SIMON, membre du Groupe d’experts des droits de l’homme sur le Nicaragua, a souligné qu’au vu de la gravité de la situation, le Groupe demandait le renouvellement de son mandat pour au moins deux ans et qu’il serait raisonnable qu’il puisse présenter des mises à jour périodiques concernant son travail contre l’impunité et pour la justice envers les victimes. M. Simon a recommandé aux pays tiers de poursuivre chez eux, s’ils le peuvent, les crimes atroces commis au Nicaragua. Ces crimes ne doivent pas rester impunis et leurs victimes doivent pouvoir obtenir réparation, a-t-il insisté.

M. Simon a aussi demandé que le Groupe d’experts dispose de moyens humains et matériels adaptés à l’ampleur de sa mission. Le Groupe a notamment besoin de moyens complémentaires pour évaluer la situation des communautés autochtones au Nicaragua, a-t-il précisé.

Dialogue renforcé autour du rapport de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud

Le Conseil est saisi du rapport de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud (A/HRC/52/26).

Présentations

M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, a déclaré qu’en dépit des appels à un cessez-le-feu et à la mise en œuvre de l'Accord de paix, les conflits et les affrontements à travers le Soudan du Sud entraînent une série de violations des droits de l’homme et d'abus. D'importantes flambées de violence se sont récemment produites dans la région administrative du Grand Pibor, dans l'État de Jonglei et dans l'État du Haut-Nil. La Division des droits de l'homme de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud continue de documenter des meurtres, des blessures, des enlèvements de civils, des violences sexuelles, ainsi que des pillages et destructions de biens, a indiqué M. Türk. Entre janvier et décembre 2022, a-t-il précisé, environ 714 incidents de violence touchant 3469 civils – dont 2334 hommes, 644 femmes et 491 enfants – ont été documentés. Quelque 1600 personnes ont été tuées, 988 blessées et 501 enlevées. Pas moins de 380 femmes et filles auraient été victimes de violences sexuelles liées aux conflits. Entre août et décembre, au moins 100 autres femmes et filles ont été enlevées par des parties au conflit lors d'affrontements dans l'État du Haut-Nil, les exposant à un risque élevé de violence sexuelle, notamment de viol, de viol collectif et d'esclavage sexuel.

S’agissant des besoins humanitaires, ils sont parmi les plus importants du continent africain, a poursuivi le Haut-Commissaire. Quelque 8,9 millions de personnes ont un besoin critique d'aide humanitaire ; 2,2 millions sont déplacées à l'intérieur du pays et plus de 1,4 million d'enfants souffrent de malnutrition. De plus, le pays reste l'un des endroits les plus dangereux pour les travailleurs humanitaires ; neuf d’entre eux ont été tués en 2022. A côté de cela, l'espace civique et politique se rétrécit considérablement. De nombreux médias ont fermé, des journalistes et défenseurs des droits humains ont été enlevés, harcelés, intimidés et détenus arbitrairement. Dans la perspective d'éventuelles élections générales en 2024, la tendance à la censure et au silence de certains partis politiques reste préoccupante, a souligné M. Türk. Dans l'ensemble, l'obligation redditionnelle pour les violations et atteintes aux droits de l'homme et au droit international humanitaire reste inexistante, dans un contexte d'impunité, d'infrastructure judiciaire absente ou faible et de manque de volonté politique, a-t-il ajouté.

En matière de justice transitionnelle, des progrès ont été accomplis vers la création de la Commission Vérité, Réconciliation et Guérison dans le cadre de l'Accord de paix revitalisé. Des projets de loi visant la création de cet organe et de l'Autorité d'indemnisation et de réparation sont en cours de rédaction. Pourtant, malgré un accord entre les parties dès 2015, il y a eu peu de progrès dans l'opérationnalisation du tribunal hybride pour le Soudan du Sud, pourtant considéré par l'Union africaine et les Nations Unies comme un élément crucial de l'architecture de responsabilité prévue pour le pays, a déclaré le Haut-Commissaire. La « plus jeune nation du monde » se trouve à la croisée des chemins, a-t-il indiqué. Le Gouvernement, avec l'appui de la communauté internationale, a la possibilité de choisir une voie de guérison et de paix durable. Le renforcement de la responsabilisation et de l'espace civique est en cela essentiel, a conclu le Haut-Commissaire.

M. ANDREW CLAPHAM, membre de la Commission sur les droits de l'homme au Soudan du Sud, a insisté sur le fait que son équipe avait documenté, depuis mars 2022, d'autres attaques généralisées et odieuses contre des civils et des exécutions extrajudiciaires commanditées par l'État. La violence sexuelle contre les femmes et les filles reste systématique, et l'utilisation d'enfants par les forces étatiques et non étatiques se poursuit. Les mots ne peuvent exprimer pleinement l'horreur et la totalité des atrocités en cours, a déclaré M. Clapham.

Ainsi, au cours d'une opération bien planifiée et dévastatrice à Leer, des milices alignées sur le Gouvernement ont perpétré des meurtres, des viols et des déplacements forcés à grande échelle contre des civils considérés comme loyaux à l'opposition. Les assaillants ont complètement détruit les moyens de subsistance des communautés qui connaissaient déjà des conditions proches de la famine. Les femmes qui ont survécu aux violences sexuelles ont dit avoir été capturées, forcées de transporter l'aide alimentaire pillée jusqu'à une base gouvernementale, puis violées pendant des jours. Le fonctionnaire du Gouvernement qui a fomenté ces attaques est toujours en fonction.

À Tonj Nord, les forces gouvernementales conjointes ont infligé une campagne de violence contre les civils, qui a commencé lorsque les trois principaux organes de sécurité de l'État se sont déployés dans la région. L'opération a fait suite à la mort de dizaines de soldats qui étaient intervenus d'un côté dans un conflit concernant un vol de bétail.

À Mayom, une opération militaire supervisée par un gouverneur d'État et un officier supérieur de l'armée a abouti à l'exécution extrajudiciaire de quatre hommes qui auraient été impliqués dans une attaque meurtrière contre les forces gouvernementales. Capturées par une caméra, les images de ces meurtres ont été largement diffusées sur les médias sociaux, provoquant l'indignation d'un pays qui n'est pourtant pas étranger à de tels actes de violence éhontés, a indiqué M. Clapham.

Dans le Haut-Nil, a-t-il poursuivi, les civils ont de nouveau été pris pour cible par plusieurs groupes armés en quête de contrôle territorial. Des survivants ont raconté s'être déplacés de village en village, poursuivis par des assaillants qui ont tué et violé des civils selon leur appartenance ethnique. En septembre et à nouveau en novembre, des civils réfugiés dans des camps de fortune ont été attaqués, leur aide alimentaire pillée. Aucune institution responsable n'a pris de mesures pour les protéger. Le site de protection des civils de l'ONU à Malakal a été submergé par des dizaines de milliers de nouvelles personnes arrivant pour chercher la sécurité.

M. Clapham a constaté que le Gouvernement avait annoncé la création de commissions d'enquête sur ces quatre situations, mais qu’une seule enquête réelle semblait avoir été menée. Aucun rapport détaillé n'a été publié, et aucune poursuite ou procès n'a eu lieu. La Commission salue l'évolution vers la traduction de certaines personnes devant la justice militaire, mais elle estime que le filet doit être étendu plus largement afin que les hauts responsables se sentent eux aussi redevables.

La stabilité du Soudan du Sud dépendra de l’adoption d'une constitution solide qui sous-tend l'État de droit, a souligné M. Clapham. Un processus crédible d'élaboration de la constitution, et les élections qui suivront, exigent une véritable participation publique et un environnement propice à la libre expression et au débat. Or, l'espace civique a pratiquement disparu, a regretté M. Clapham : les journalistes et les défenseurs des droits de l'homme sont confrontés à des menaces constantes contre leur vie et leur liberté, même lorsqu'ils vivent à l'étranger. La Commission demande aux dirigeants politiques d'ordonner clairement à toutes les autorités publiques de mettre fin au harcèlement de la société civile et de faciliter le débat public.

La Commission se félicite toutefois des initiatives prises pour faire cesser les arrestations arbitraires, a ajouté M. Clapham, qui a aussi salué la collaboration du Ministre de la justice avec la Commission.

M. RUBEN MADOL AROL KACHUOL, Ministre de la justice et des affaires constitutionnelles du Soudan du Sud a fait état d’avancées dans la mise en œuvre de l’Accord de paix revitalisé et a attiré l’attention sur les mesures prises en faveur de la ratification de divers instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Il a également rendu compte des mesures prises en matière de lutte contre les violences sexuelles, évoquant notamment des campagnes de sensibilisation, ainsi que des poursuites engagées contre des auteurs de telles violences. S’agissant du rapport de la Commission, il a estimé que la méthodologie suivie pour son élaboration laissait à désirer. Le rapport ne contient que des informations recyclées, certaines datant de 2013 ; il ne tient pas compte des progrès réalisés, a déclaré le Ministre, insistant pour que soit respectée la souveraineté du Soudan su Sud. Pour cette raison, il a demandé que le Conseil mette fin du mandat de la Commission et renouvelle au contraire la résolution sur l’assistance technique et le renforcement des capacités dans le domaine des droits de l’homme [pour le Soudan du Sud].

Aperçu du dialogue

Plusieurs pays ont dans un premier temps reconnu les progrès et avancées réalisés au Soudan du Sud, tout en soulignant que les progrès dans la mise en œuvre de l’Accord de paix revitalisé restent lents. De plus, la dynamique des violences en tous genres et des discours de haine reste préoccupante, tout comme le rétrécissement de l’espace de la société civile et les attaques contre les journalistes et défenseurs des droits de l’homme. Les rapports sont « horribles », certains faisant état de recrutements d’enfants dans les groupes armés, d’imposition de la peine de mort aux mineurs ou encore de raids militaires contre des journalistes et défenseurs des droits de l’homme, ont affirmé des ONG. L’espoir de voir un Soudan du Sud vivant dans un espace libre et apaisé est encore lointain, a fait observer une délégation.

Dans ce contexte, il a été demandé au Gouvernement sud-soudanais de travailler de manière constructive avec les partenaires internationaux. Le pays doit faire davantage pour respecter ses engagements internationaux, mettre en œuvre, de manière primordiale, l’Accord de paix revitalisé et opérationnaliser les mécanismes de justice transitionnelle et de lutte contre l’impunité, a-t-il été souligné. Le Gouvernement doit également s’atteler au programme de démobilisation et de désarmement et il doit s’assurer que ces armes ne puissent être réutilisées, a plaidé une délégation.

Toutes les parties doivent s’en tenir à leurs responsabilités et à leurs engagements internationaux ; la communauté internationale doit y veiller, y compris en maintenant un mécanisme de surveillance des droits de l’homme, qui est encore nécessaire, a-t-il été affirmé. Pour cette raison, le Conseil a été appelé à renouveler le mandat de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud pour un ou deux ans supplémentaires, afin de lui permettre de poursuivre son engagement avec le Gouvernement. Son mandat reste primordial dans un contexte où la situation continue de s’aggraver, a-t-il été souligné. La communauté internationale s’était mise d’accord sur un modèle de cour hybride, seule à même de permettre de lutter contre l’impunité, a ajouté une ONG.

Plusieurs pays ont insisté sur les progrès réalisés par le Soudan du Sud et d’aucuns ont souligné que tout débat fondé sur des préjugés ne peut qu’être contre-productif et faire perdre confiance et espoir dans le système multilatéral. Le Conseil, le Haut-Commissariat et la Commission doivent éviter la politisation, la sélectivité, les deux poids deux mesures et l’ingérence dans les affaires internes, a-t-on insisté.

Le Soudan du Sud a au contraire besoin de coopération, de dialogue constructif, d’assistance technique, de renforcement des capacités et de soutien financier pour mettre en œuvre l’Accord de paix revitalisé et répondre à ses besoins humanitaires, a-t-il été affirmé. Le Conseil doit donc aborder la situation au Soudan du Sud au titre du point 10 de l’ordre du jour, portant sur l’assistance technique et le renforcement des capacités en matière de droits de l’homme ; il doit donc mettre un terme au mandat de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud, ont plaidé certains intervenants. Il faudrait écouter le pays pour déterminer de quoi il a besoin et comment lui venir en aide, a-t-il été dit.

Des questions ont été posées concernant la manière dont la communauté internationale pourrait aider le Soudan du Sud, y compris pour mettre en œuvre l’Accord de paix revitalisé et la justice transitionnelle.

**Liste des intervenants: Union européenne, Norvège (au nom d’un groupe de pays), Côte d’Ivoire (au nom du Groupe africain), France, ONU Femmes, États-Unis, Allemagne, Luxembourg, Chine, République populaire démocratique de Corée, Venezuela, Égypte, Suisse, Pays-Bas, Royaume-Uni, Soudan, Albanie, Ouganda, Kenya, Éthiopie, Sénégal, Malawi, Australie, Irlande, République-Unie de Tanzanie, Arabie saoudite, Afrique du Sud, Nigeria, Fédération de Russie, Burundi, Érythrée, Libye, ainsi que East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, Center for Reproductive Rights, Human Rights Watch, Interfaith International, Amnesty international, Elizka Relief Foundation, CIVUCUS, Advocates for Human Rights, Organisation international pour l’élimination de toute forme de discrimination raciale, Al Mezan center for Human Right au titre des organisations non-gouvernementales.

Réponses et remarques de conclusion

M. RUBEN MADOL AROL KACHUOL a réitéré la volonté du Soudan du Sud de mettre en œuvre l’Accord de paix revitalisé, dans les deux ans comme convenu avec les parties. Les mécanismes prévus pour les élections et la justice transitionnelle seront mis en place, a-t-il assuré. Mais il est important que la communauté internationale comprenne dans quelles circonstances le Gouvernement agit ; elle doit aussi comprendre que ce dont a besoin le Soudan du Sud, c’est d’appuis, a déclaré le Ministre. Cela ne sera possible qu’en examinant la situation au Soudan du Sud au titre de l’assistance technique et du renforcement des capacités, a-t-il plaidé.

M. ANDREW CLAPHAM a rappelé les recommandations faites au Gouvernement en matière de justice, notamment pour ce qui est de la responsabilité concernant les crimes commis par les forces de sécurité. Il a ajouté que la Commission dont il est membre entend continuer sa coopération avec l’Union africaine pour parvenir à la création de tribunaux hybrides dans le pays.

Mise à jour du Haut-Commissaire

M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, a d’abord souligné que la pleine coopération avec le Haut-Commissariat et ses présences sur le terrain – ainsi qu'avec tous les mécanismes des droits de l'homme – visait avant tout à trouver des solutions et des résultats concrets pour la vie des personnes ordinaires. Il s’est dit conscient que les discussions sur des questions relatives aux droits de l'homme peuvent être difficiles ou sensibles pour certains. Il a appelé à la recherche d’un espace ouvert « où nous pouvons en discuter dans un esprit constructif et ouvert, sans être dérangés par les tiraillements de la géopolitique et en gardant à l'esprit que personne n'est parfait ».

Présentant ensuite sa mise à jour générale sur les activités du Haut-Commissariat et sur un certain nombre de situations particulièrement préoccupantes en matière de droits de l’homme, le Haut-Commissaire a souligné qu’un quart de l'humanité vivait dans des endroits touchés par des conflits violents, et que ce sont les civils qui souffrent le plus. Il faut cultiver la paix, d'abord et avant tout en respectant la Charte des Nations Unies et le droit international, y compris le droit international des droits de l'homme, a-t-il déclaré.

La guerre en Ukraine a entraîné des pertes civiles et des destructions « d'une ampleur choquante », les droits des Ukrainiens étant « mis à mal pour les générations à venir », a souligné le Haut-Commissaire. La guerre a aussi des répercussions sur les prix du carburant et des denrées alimentaires, qui se font sentir pour chacun d’entre nous dans le monde. Qu’une telle destruction puisse encore être amenée par la guerre en Europe est une trahison des promesses de changement transformateur faites au moment de la fondation de l’Organisation des Nations Unies, il y a plus de 75 ans, a déploré le Haut-Commissaire.

Après « douze ans de bain de sang douloureux, la Syrie est devenue un microcosme des blessures qui ont toutes la même racine : le mépris des droits humains », une tragédie encore aggravée par les tremblements de terre du mois de février, a poursuivi le Haut-Commissaire. La seule façon d'aller de l'avant doit passer par le respect des droits de l'homme et la responsabilisation de tous ceux qui ont commis des crimes. Le Haut-Commissaire a dit soutenir pleinement les appels à la création d'une nouvelle institution chargée de faire la lumière sur le sort des personnes disparues et sur l'endroit où elles se trouvent, et de fournir un soutien aux victimes.

La situation sécuritaire au Mali est particulièrement alarmante dans la partie centrale du pays et dans la zone frontalière entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, a encore mis en garde M. Türk. De nombreux groupes armés profitent de l'hostilité intercommunautaire et de l'absence des autorités étatiques pour étendre leur influence et mener des attaques contre les civils. Les groupes armés non étatiques ont commis la plupart des violations. Des violations graves ont également été commises par les forces armées maliennes, accompagnées dans certains cas par des agents militaires et de sécurité étrangers, a indiqué le Haut-Commissaire. Il s’est dit très inquiet des discours de haine fondés sur des motifs ethniques, ainsi que des menaces, intimidations et attaques contre la société civile et les médias par des acteurs étatiques et non étatiques – une situation d'autant plus préoccupante que le pays s'engage dans un processus électoral où un libre débat d'idées devrait prendre son essor.

La perspective d'une aggravation de l'instabilité au Burkina Faso est une autre source d'inquiétude pour le Haut-Commissaire. Au cours des six derniers mois de 2022, a précisé M. Türk, le Haut-Commissariat a recensé au moins 1076 victimes de violations et d'abus. Les groupes armés sont responsables de la plupart de ces incidents, mais les opérations militaires font de plus en plus de victimes parmi les civils. Le Haut-Commissaire a dit avoir exhorté les autorités à écouter les revendications de la population relatives à toute forme d'impunité et à enquêter sur de telles allégations. Il est essentiel d'inverser la tendance à la montée incessante de la violence et de permettre à la société civile et aux partis politiques de se développer, a demandé le Haut-Commissaire.

Concernant l’Éthiopie, M. Türk s’est dit heureux d'annoncer que les consultations nationales sur les options politiques en matière de justice transitionnelle s’étaient ouvertes hier, avec le soutien du Haut-Commissariat ; elles seront suivies d’autres consultations dans tout le pays avec les personnes qui ont été affectées par le conflit. Malgré ces progrès, le Haut-Commissariat a reçu des informations faisant état de la présence continue dans le Tigré des Forces régionales Amhara et de la milice Fano, ainsi que des Forces de défense érythréennes, qui auraient perpétré de très graves violations. La situation des droits de l'homme dans d'autres régions d'Éthiopie reste très préoccupante, notamment dans l'Oromia.

Outre la présence militaire de l'Érythrée dans le Tigré, le Haut-Commissariat a reçu des informations selon lesquelles l'Érythrée intensifie son recours à la conscription forcée et indéterminée, « une pratique qui s'apparente à l'esclavage » et qui est le principal moteur de l'exode des réfugiés, a mis en garde M. Türk.

M. Türk a ensuite appelé les parties au Yémen à tenir compte des appels d'une population épuisée par huit années de guerre brutale et à avancer résolument vers un processus de paix chapeauté par l'ONU. Pour que tout accord de paix soit durable, la justice transitionnelle et la responsabilité sont fondamentales, et les femmes doivent pouvoir participer pleinement aux pourparlers, a insisté M. Türk. Il a demandé la libération immédiate de deux membres du personnel de l'UNESCO et du Haut-Commissariat, détenus au Yémen depuis seize mois.

En Libye, la violence généralisée des acteurs armés, une longue impasse politique et un espace civique de plus en plus restrictif continuent de porter gravement atteinte aux droits, a déploré M. Türk. La Mission indépendante d'établissement des faits présentera son rapport final à la fin de la présente session du Conseil : il est urgent que les autorités appliquent ses recommandations sans délai, a demandé le Haut-Commissaire.

Le Haut-Commissaire poursuit par ailleurs la surveillance à distance de la situation des droits de l'homme au Sahara occidental. Étant donné que la dernière visite du Haut-Commissariat a eu lieu il y a presque huit ans, il est crucial qu’il puisse entreprendre à nouveau des missions dans la région, a plaidé M. Türk.

Le Haut-Commissaire a fait savoir, en outre, qu’au cours des derniers mois, il avait eu l'occasion de discuter de la situation préoccupante des droits de l'homme au Cachemire avec l'Inde et avec le Pakistan. Les progrès en matière de droits de l'homme, et de justice pour le passé, seront essentiels pour faire progresser la sécurité et le développement.

La population d'Haïti affronte « une violence cauchemardesque », alors que des gangs lourdement armés contrôlent les services et l'accès à de vastes parties de la capitale et du pays, et commettent des meurtres, enlèvements, tirs isolés et violences sexuelles à un degré effroyable, a ensuite souligné le Haut-Commissaire. Selon lui, la situation exige, en particulier, de dynamiser le processus politique en vue d'élections libres et transparentes ; d’appliquer pleinement l'embargo sur les armes ; d’imposer des sanctions efficaces envers ceux qui parrainent et dirigent les bandes armées ; et de déployer une force d'appui spécialisée, limitée dans le temps, avec des garanties en matière de droits de l'homme.

M. Türk a ensuite condamné la discrimination et le racisme en tant que menaces « tant pour la dignité humaine que pour nos relations en tant qu'êtres humains ». Il s’est dit aussi profondément choqué par le mépris pour les femmes et l'égalité des sexes que certains soi-disant « influenceurs » répandent sur Internet, qui alimentent des attitudes sociales qui reviennent à ignorer, voire à tolérer, la violence sexiste et la marchandisation des femmes. Plus généralement, la portée et l'ampleur de la discrimination à l'égard des femmes et des filles en font l'une des violations des droits humains les plus accablantes au monde, et son démantèlement sera un axe majeur du travail du Haut-Commissariat, a assuré M. Türk.

La répression des femmes en Afghanistan est sans précédent et contrevient à tout système de croyance établi ; les droits des femmes et des filles à faire des choix concernant leur vie et à participer à la vie publique sont en train d'être supprimés, a par ailleurs souligné M. Türk. Cette répression et cette persécution des femmes constituent une menace pour l'économie et l'avenir de l'Afghanistan. « Cette tyrannie ne doit pas échapper à la reddition de comptes », a insisté le Haut-Commissaire, assurant que le Haut-Commissariat continuerait à se battre pour le respect des droits et libertés de chaque femme et fille afghane.

En ce qui concerne l’Iran, le Haut-Commissaire a jugé urgent que les autorités répondent aux exigences des manifestants – en particulier des femmes et des filles, qui continuent de subir une profonde discrimination. Il a fait part de sa vive préoccupation devant le sort de 17 manifestants qui auraient été condamnés à mort ; quatre ont été exécutés jusqu'à présent et plus de cent font actuellement l'objet d'accusations passibles de la peine de capitale. Les amnisties prononcées récemment constituent une première étape bienvenue, a affirmé M. Türk. Il a demandé instamment la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes détenues arbitrairement dans le cadre des manifestations et au-delà, y compris les étrangers et les personnes binationales. Toutes les Iraniennes et tous les Iraniens doivent être libres de faire leurs propres choix, d'exprimer leurs opinions et d'exercer leurs droits, a insisté M. Türk.

M. Türk a ensuite salué la nouvelle loi adoptée par la Sierra Leone en novembre qui interdit la discrimination fondée sur le sexe ; impose la présence d'au moins 30 % de femmes au Parlement, dans le corps diplomatique, dans les conseils locaux et dans la fonction publique ; et établit l'égalité de rémunération pour les femmes, entre autres mesures. Il a, de même, salué l'adoption récente par l'Espagne de nouvelles mesures portant, notamment, sur l'accès de toutes les femmes à la procréation assistée et sur l’interdiction des prétendues « thérapies de conversion ».

M. Türk a ensuite condamné les discours haineux dirigés non seulement contre les femmes et les filles, mais aussi contre les personnes d'origine africaine, les juifs, les musulmans, les personnes LGBTIQ+, les réfugiés, les migrants et bien d'autres personnes issues de groupes minoritaires. Il a jugé profondément dangereuses les provocations délibérées qui visent à diviser les communautés, comme les récents incidents où des exemplaires du Coran ont été brûlés.

La violence qui est infligée de manière disproportionnée aux personnes d'ascendance africaine par les agents chargés de l'application des lois est un exemple de dommage structurel profondément ancré et de la discrimination raciale historique, a ajouté le Haut-Commissaire. Il a fait savoir que le Haut-Commissariat et les mécanismes des droits de l'homme de l'ONU avaient dénoncé à plusieurs reprises l'usage excessif de la force, le profilage racial et les pratiques discriminatoires de la police, notamment en Australie, en France, en Irlande et au Royaume-Uni. Au Brésil, le nombre total de décès lors de confrontations avec la police a diminué en 2021 pour la première fois en neuf ans, avec une baisse de 31 % pour les Blancs, selon une source, mais avec une augmentation de près de 6 % pour les personnes d'ascendance africaine.

Aux États-Unis, les personnes d'ascendance africaine seraient presque trois fois plus susceptibles d'être tuées par la police que les personnes « blanches », a poursuivi le Haut-Commissaire. La mort brutale de Tyre Nichols il y a deux mois s'est distinguée non seulement par la gravité des violences filmées, mais aussi parce qu'elle a été suivie d'une action immédiate pour poursuivre les policiers impliqués, alors qu'en général seule une fraction de ces cas aboutit à des poursuites contre les responsables, a relevé M. Türk. Le fait de tenir les auteurs responsables dans chaque cas devrait être la règle, et non l'exception, a-t-il insisté.

Les forces de police doivent servir et protéger tous les membres de la société, a souligné le Haut-Commissaire. Aux Philippines, où des meurtres dans le cadre d'opérations de police liées à la drogue se produisent encore, le Haut-Commissariat travaille avec les acteurs de la sécurité pour renforcer la responsabilité et promouvoir les droits de l'homme dans la lutte contre la drogue. Le Gouvernement a annoncé des mesures contre la corruption des hauts fonctionnaires de police : M. Türk a espéré qu’il y aurait des progrès rapides dans la poursuite des auteurs de violations des droits de l'homme.

M. Türk a ensuite évoqué les injustices structurelles, la pauvreté extrême et les inégalités croissantes qui constituent autant de manquements aux droits de l'homme. Ainsi, a-t-il relevé, le Liban est-il en proie à l'une des pires crises économiques de l'histoire moderne. Plus de la moitié de la population vivrait désormais sous le seuil de pauvreté et deux millions de personnes seraient confrontées à l'insécurité alimentaire. Le Haut-Commissariat a demandé instamment au pays de redoubler d'efforts contre la corruption, d’ancrer la réglementation économique et financière dans l'État de droit, et d’intégrer fermement la responsabilité et la transparence dans toutes les mesures économiques. Il est aussi urgent de mener une enquête sérieuse sur l'explosion d'août 2020 [à Beyrouth], sans interférence politique ni retard supplémentaire.

À Sri Lanka, la dette et la crise économique ont fortement restreint l'accès de la population aux droits économiques et sociaux de base, a observé le Haut-Commissaire. Les politiques de relance devront corriger les inégalités et investir dans les protections sociales et autres leviers de la résilience économique, a-t-il recommandé. Le recours à des lois de sécurité draconiennes, ainsi que le harcèlement et la surveillance de la société civile et des victimes, doivent cesser. Le Haut-Commissariat reste déterminé à soutenir une approche authentique et globale de la justice transitionnelle à Sri Lanka, a assuré M. Türk.

De nombreux pays d'Afrique australe ont été durement touchés par les coups économiques successifs, notamment ceux liés à la COVID-19, par la hausse des prix des denrées alimentaires, des carburants et des engrais en raison de la guerre en Ukraine, et par la spirale du remboursement de la dette. Dans une région qui est la plus inégalitaire du monde, ces chocs poussent des millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté. L'Afrique du Sud a déclaré le mois dernier que sa crise énergétique relevait d’un état de catastrophe nationale ; dans le même temps, les tribunaux contribuent à tracer la voie à suivre en ce qui concerne le fondement juridique des droits économiques, sociaux et culturels.

De nombreux pays du Nord sont également confrontés à la pauvreté. Le Haut-Commissaire a salué les mesures prises par le Gouvernement du Royaume-Uni pour soulager quelque peu l'augmentation du coût du carburant et augmenter le salaire minimum, mais a encouragé un plus grand dialogue avec les travailleurs en grève dans ce pays. M. Türk a alerté face au problème urgent de la dette mondiale et indiqué que le Haut-Commissariat plaiderait avec force pour un changement des institutions financières internationales qui soit fondé sur les droits de l'homme.

La restriction sévère de l'espace civique est la faiblesse fatale de la gouvernance, a souligné M. Türk. « Si j'ai un message à délivrer à chaque chef d'État ou de gouvernement, c'est celui-ci : écoutez les gens - et en particulier les victimes et les défenseurs, les personnes qui ont l'expérience la plus profonde des problèmes. Ils ont quelque chose à dire que vous devez entendre », a dit le Haut-Commissaire, qui a fait part de sa grande préoccupation devant le nombre et l'éventail des pays dans lesquels il doit signaler des mesures qui sapent les institutions de la justice, les libertés des médias et l'espace des libertés civiques fondamentales.

Sur une note positive, le Haut-Commissaire a mentionné la République-Unie de Tanzanie, où des progrès ont été réalisés dans l'ouverture de l'espace civique et démocratique au cours des deux dernières années. Il faut cependant faire davantage pour régler la question de la responsabilité et d'autres problèmes liés aux droits de l'homme, notamment pour ce qui est des situations de Ngorongoro et de Loliondo. La Zambie a également pris des mesures positives en faveur d'un plus grand respect des droits de l'homme et de l'État de droit, notamment l'abolition de la peine de mort et la suppression des dispositions criminalisant la « diffamation du Président ». Au Kenya, certaines avancées ont été réalisées en matière de responsabilité pour les violations des droits de l'homme.

En revanche, dans la Fédération de Russie, le Haut-Commissaire s’est dit profondément préoccupé par plusieurs tendances. Les fermetures du journal Novaya Gazeta et du Groupe Helsinki de Moscou sont un signe de la disparition de l'espace civique russe ; les messages pro-guerre constants dans les médias d'État alimentent les stéréotypes et incitent à la haine et à la violence. En outre, depuis décembre, toute personne ou entité considérée comme étant « sous influence étrangère » - une qualification excessivement large et vague - peut être désignée comme « agent étranger » et soumise à de nombreuses restrictions. En décembre, la législation interdisant la prétendue « propagande pour les relations non traditionnelles » a été étendue pour couvrir l'information à toute personne sur les relations et la sexualité LGBTIQ+, ainsi que la transition de genre.

Le Haut-Commissaire s’est aussi dit préoccupé par l'agitation croissante contre les droits des personnes LGBTIQ+ dans de nombreux pays, surtout récemment en Afrique de l'Est - y compris la rhétorique des politiciens incitant à la haine, ainsi que les mesures de répression contre les organisations LGBTIQ+. La semaine dernière, un projet de loi très troublant dit « anti-homosexualité » a été déposé au Parlement de l’Ouganda, tandis qu'au Burundi, 24 personnes, dont beaucoup étaient engagées dans l'éducation sur le sida, ont été arrêtées lors d'une opération de répression.

Au Tadjikistan, des journalistes et blogueurs indépendants ont été condamnés à des peines allant de 7 à 21 ans de prison, accusés de terrorisme et d'extrémisme dans le cadre d'une répression croissante de la liberté d'expression. Les procès se sont déroulés à huis clos, mais ne semblent pas avoir présenté de preuves substantielles d'un quelconque crime, a constaté le Haut-Commissaire.

Au Bangladesh, M. Türk a regretté l'incidence croissante de la violence politique, associée aux arrestations arbitraires de militants politiques, et le harcèlement des défenseurs des droits de l'homme et du personnel des médias. M. Türk a demandé la modification de la loi sur la sécurité numérique, car des condamnations pénales continuent d'être prononcées contre ceux et celles qui exercent leurs droits à la liberté d'expression et de croyance.

Au Cambodge, le Gouvernement continue de réprimer l'opposition politique, les défenseurs des droits de l'homme et les médias indépendants, comme le montrent la fermeture de l'organe de presse Voice of Democracy et la peine extraordinairement lourde infligée la semaine dernière au leader de l'opposition Kem Sokha, sur la base d'accusations douteuses. Ces actions sapent sérieusement l'espace civique et politique, y compris l'environnement pour organiser des élections libres et équitables en juillet prochain.

En Tunisie, M. Türk a fait part de préoccupations devant des mesures de répression contre des juges, médias, acteurs de la société civile, membres de l'opposition et dirigeants syndicaux arrêtés et présentés devant une cour martiale. Ces pratiques viennent réduire la marge de manœuvre civique, y compris celle des syndicats, qui doit être défendue. En parallèle, une vague d'attaques, associée à une rhétorique déshumanisante et raciste, vise les migrants, surtout ceux venus du sud du Sahara. Le Haut-Commissaire a dit prendre acte de l'annonce faite par les autorités, il y a deux jours, de mesures visant à soutenir les migrants, et a demandé que toutes les attaques fassent l'objet d'une enquête approfondie.

En Égypte, les restrictions continues de l'espace civique comprennent la répression de la dissidence, la détention arbitraire et les mesures de censure et de blocage des sites Web. Il y a deux jours, de lourdes peines ont été prononcées à l'encontre de plusieurs personnes qui défendaient les droits de l'homme, dans le cadre de procédures sur des accusations douteuses liées au terrorisme qui ont également soulevé des inquiétudes quant à l'équité du procès, a indiqué M. Türk, avant d’exhorter les autorités à « libérer toutes les personnes détenues arbitrairement et à lever les restrictions à l'espace civique ».

Au Pérou, au moins 60 personnes ont été tuées et plus d'un millier blessées lors d'affrontements avec les forces de sécurité et aux barrages routiers au cours des manifestations récentes, a rappelé M. Türk. Les griefs sous-jacents, notamment la discrimination et l'exclusion, touchent particulièrement les peuples indigènes, les campesinos et les pauvres urbains. Les initiatives récentes du Gouvernement, telles que la création d'une commission chargée de fournir un soutien économique aux familles des personnes tuées et blessées, devraient être élargies à la reddition des comptes, a estimé le Haut-Commissaire.

En ce qui concerne la Chine, le Haut-Commissariat a ouvert des canaux de communication avec une série d'acteurs pour assurer le suivi de plusieurs questions relatives aux droits de l'homme, notamment la protection des minorités, telles que les Tibétains et les Ouïghours. Dans la région du Xinjiang, le Haut-Commissariat a documenté de graves préoccupations – notamment les détentions arbitraires à grande échelle et les séparations familiales – et a formulé des recommandations importantes qui demandent des mesures de suivi sérieuses, a souligné M. Türk. Le Haut-Commissariat est aussi préoccupé par la détention arbitraire de défenseurs des droits de l'homme et d'avocats, et par les effets de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong, a-t-il ajouté.

D’autre part, « la lutte contre le changement climatique et le maintien du droit à un environnement propre, sain et durable sont les combats déterminants de notre génération », a souligné M. Türk. Ainsi la Somalie subit-elle actuellement une sécheresse historique, près de 1,2 million de Somaliens ayant dû quitter leur foyer l’an dernier faute de pluie. La concurrence entre les éleveurs pour les rares ressources naturelles est un moteur de conflit : depuis 2020, au moins 237 personnes ont été tuées dans des violences claniques liées aux terres, aux pâturages ou à l'eau. La situation est exacerbée par le groupe armé Al-Shabaab, qui cible les sources d'eau et les infrastructures pour punir les communautés perçues comme soutenant le Gouvernement.

Dans la région du Sahel, un récent rapport du Haut-Commissariat souligne l’incidence grave de la dégradation des sols liée aux changements climatiques et à la baisse de la production alimentaire sur les revenus, la santé, la concurrence des ressources, les conflits et les déplacements. Les températures au Sahel augmentent beaucoup plus rapidement que la moyenne mondiale ; et même si la hausse de la température mondiale était maintenue au niveau improbable de 1,5 degré, l'impact sur les populations du Sahel serait permanent et dévastateur, a souligné M. Türk.

L'Iraq subit également de lourds dommages dus aux changements climatiques, avec des températures en forte hausse, une diminution des précipitations et plus de tempêtes de sable. Les débits des eaux du Tigre et de l’Euphrate ont diminué de 29 % et 73 % respectivement, les projets de barrages dans la région étant un facteur aggravant. Sept millions d'Iraquiens risquent de ne pas pouvoir satisfaire leurs besoins en eau dans un avenir proche. M. Türk s’est dit également préoccupé par le rétrécissement de l'espace de liberté d'expression dans le pays.

M. Türk a par ailleurs dit avoir pris note de l'initiative du Vanuatu de demander un avis consultatif à la Cour internationale de justice sur les obligations des États de protéger les droits des générations actuelles et futures contre les effets néfastes des changements climatiques.

Le Haut-Commissaire a dénoncé « les fausses solutions climatiques » et a déploré les tentatives de l'industrie des combustibles fossiles, lors des négociations mondiales sur le climat et ailleurs, « d'écologiser leur réputation » et de faire dérailler l’objectif de décarbonisation. Il faudra éviter cela lors de la COP28, à Dubaï, a demandé M. Türk. À tous les pays, le Haut-Commissaire a recommandé de garantir l'accès public à l'information sur les risques environnementaux et sur les politiques gouvernementales dans ce domaine ; et d’assurer la pleine participation des peuples autochtones – et des autres personnes qui sont les premières à subir les méfaits du climat – aux lois et mesures environnementales.

Enfin, M. Türk a rappelé que « nous sommes confrontés aux effets continus et cumulés de ces crises – tout en faisant face à une vague de nouveaux défis en matière de droits de l'homme, notamment dans les domaines du numérique et impliquant l'intelligence artificielle et la surveillance ».

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.

Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.

 

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