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Le Conseil des droits de l’homme entend l’un de ses rapporteurs spéciaux lui indiquer que la junte militaire au Myanmar commet des crimes contre l'humanité et que la crise dans le pays s’est aggravée

Compte rendu de séance

 

La junte ayant ordonné à ses forces de se livrer à une attaque généralisée et systématique contre la population du Myanmar, « il existe un argument convaincant pour dire que la junte militaire commet des crimes contre l'humanité ». C’est ce qu’a déclaré, cet après-midi, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, M. Thomas H. Andrews, en présentant un rapport oral devant le Conseil des droits de l’homme. Il a recommandé que les nations prêtes à soutenir les citoyens du Myanmar agissent dans le cadre d'un programme coordonné de sanctions économiques ciblées ainsi que d'un embargo complet sur les armes et les technologies à double usage.

M. Andrews a indiqué que, depuis son dernier rapport, la crise au Myanmar s’était encore aggravée, avec la poursuite de la commission d’atroces crimes de masse et une escalade meurtrière du conflit armé. Les résultats sont catastrophiques, a-t-il affirmé. Depuis le 1er février dernier, a-t-il précisé, la « junte militaire » et ses forces ont ainsi assassiné plus de 1100 personnes, détenu arbitrairement plus de 8000 personnes et déplacé de force plus de 230 000 civils, ce qui porte le nombre total de personnes déplacées à l'intérieur du Myanmar à plus d'un demi-million.

La junte continue également de nier l'existence de la minorité ethnique des Rohingya en les privant de la citoyenneté, de la liberté de mouvement et d'autres droits fondamentaux, a poursuivi le Rapporteur spécial. Les mêmes commandants qui ont commis d’atroces crimes de masse contre les Rohingya en 2017 supervisent aujourd'hui la junte militaire, mettant en grave danger plus de 600 000 Rohingya vivant au Myanmar, a souligné M. Andrews. Il a aussi attiré l’attention du Conseil sur des atteintes au droit à la santé dues à des attaques menées contre les personnels de santé par les forces de la junte.

De nombreuses délégations** ont ensuite pris part au dialogue avec M. Andrews, avant que celui ne close le débat en insistant sur l’importance de « refuser toute légitimité à cette junte illégitime ». Le Rapporteur spécial a ajouté que le peuple du Myanmar réclamait lui-même des sanctions destinées à assécher les flux de recettes de la junte.

Cet après-midi, le Conseil a par ailleurs achevé son débat général au titre de la promotion et la protection de tous les droits de l’homme, en entendant les déclarations de très nombreuses organisations non gouvernementales*.

Par ailleurs, les pays suivants ont exercé leur droit de réponse : Arménie, Chine, Azerbaïdjan et Cuba.

 

Demain matin, à 10 heures, le Conseil doit entamer un dialogue avec la Haute-Commissaire aux droits de l’homme sur sa mise à jour écrite concernant le Myanmar, avant d’engager un dialogue renforcé avec la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud.

 

Fin du débat général sur la promotion et la protection de tous les droits de l’homme

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont plaidé pour que le droit au développement, ainsi que l’accès aux soins et au logement, soient la priorité des Etats. Le droit au développement devrait être la base de toutes les politiques en matière de droits de l’homme, ont-elles plaidé.

Nombre d’organisations ont insisté sur la nécessité de travailler ensemble pour relever les défis liés à la pandémie ou encore au réchauffement climatique. Elles ont dès lors appelé à un renforcement de la coopération et de la solidarité internationales à cette fin.

Plusieurs intervenants ont en outre appelé les Etats à mettre fin aux mesures coercitives unilatérales car elles empêchent les Etats de sauver des vies, notamment en cette période de pandémie.

Certains intervenants ont souligné que les violations des droits économiques, sociaux et culturels dans le monde touchent les femmes de manière disproportionnée.

Plusieurs organisations ont appelé la communauté internationale à protéger les femmes et les filles afghanes, qui sont les « principales victimes » du retrait des Etats-Unis d’Afghanistan.

Ont par ailleurs été dénoncées les représailles et les pressions à l’encontre des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme dans plusieurs régions du monde.

A aussi été déplorée la montée de la haine et de l’antisémitisme dans différentes régions.

Certaines ONG ont également regretté que le droit d’accès à l’eau potable pour tous ne soit pas encore une réalité dans de nombreux pays.

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 est le processus le plus participatif de l’histoire des Nations Unies et est devenu l’un des instruments les plus universels du développement durable, a-t-il été affirmé ; il souligne la responsabilité des Etats de protéger et promouvoir les droits de l’homme pour tous, a-t-il été rappelé.

De très nombreuses organisations ont souhaité attirer l’attention du Conseil sur les situations de droits de l’homme et les violations de ces droits dans de nombreux pays, régions et territoires à travers le monde.

*Liste des intervenants : Chinese People's Association for Friendship with Foreign Countries, Association américaine de juristes , Right Livelihood Award Foundation, Institut International pour les Droits et le Développement, Congrès du monde islamique , Partners For Transparency, Christian Solidarity Worldwide, Promotion du Développement Economique et Social – PDES, Iraqi Development Organization, Ingenieurs du Monde, CIVICUS - Alliance mondiale pour la participation des citoyens , Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc, Association Internationale pour l'égalité des femmes, Centre européen pour le droit, la justice et les droits de l'homme , Il Cenacolo, Rahbord Peimayesh Research & Educational Services Cooperative, Organization for Defending Victims of Violence, Jameh Ehyagaran Teb Sonnati Va Salamat Iranian, Union internationale humaniste et laïque , Peace Brigades International, VIVAT International, International Action for Peace & Sustainable Development, Institute for Human Rights Studies, Cairo, World Evangelical Alliance, Meezaan Center for Human Rights, International Commission of Jurists, Organisation internationale pour les pays les moins avancés (OIPMA) , Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies , Elizka Relief Foundation, International Council Supporting Fair Trial and Human Rights, Villages Unis , The Next Century Foundation, Mother of Hope Cameroon Common Initiative Group, Tumuku Development and Cultural Union (TACUDU), Association pour l'Intégration et le Développement Durable au Burundi , Stichting Global Human Rights Defence, Centre for Gender Justice and Women Empowerment, Global Welfare Association , Réseau Unité pour le Développement de Mauritanie , South Youth Organization, World Barua Organization (WBO), Liberation, Center for Organisation Research and Education, Association internationale des avocats et juristes juifs , Association Ma'onah for Human Rights and Immigration, Global Appreciation and Skills Training Network, Alliance Creative Community Project, Asian Legal Resource Centre, International Career Support Association, Community Human Rights and Advocacy Centre (CHRAC), Jeunesse Etudiante Tamoule , Society for Development and Community Empowerment, Conseil de jeunesse pluriculturelle (COJEP), Health and Environment Program (HEP), et Escuela del Estudio de la Intuición Enseñanza de Valores, Asociación Civil Sin Fines De Lucro.

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar

Présentation du rapport oral

Le Conseil est saisi d’un rapport oral du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar.

M. THOMAS H. ANDREWS, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar, a déclaré que, depuis son dernier rapport, la crise au Myanmar s’était encore aggravée, avec la poursuite de la commission d’atroces crimes de masse et une escalade meurtrière du conflit armé. Les résultats sont catastrophiques, a insisté le Rapporteur spécial. Depuis le 1er février dernier, a indiqué M. Andrews, la « junte militaire » et ses forces ont ainsi assassiné plus de 1100 personnes, détenu arbitrairement plus de 8000 personnes et déplacé de force plus de 230 000 civils, ce qui porte le nombre total de personnes déplacées à l'intérieur du Myanmar à plus d'un demi-million.

Des villages entiers ont été attaqués par des frappes aériennes. Les enfants n'ont pas été épargnés, a poursuivi M. Andrews: au mois de juillet, [le bilan pour cette année était que] la junte avait tué au moins 75 enfants âgés de 14 mois à 17 ans. Ces enfants ont été heurtés par des véhicules conduits par la junte, abattus par les forces de la junte ou tués par des obus d'artillerie. D’autres enfants auraient été torturés, selon des informations crédibles parvenues au Rapporteur spécial.

La junte continue également de nier l'existence de la minorité ethnique des Rohingya en les privant de la citoyenneté, de la liberté de mouvement et d'autres droits fondamentaux. Les mêmes commandants qui ont commis d’atroces crimes de masse contre les Rohingya en 2017 supervisent aujourd'hui la junte militaire, mettant en grave danger plus de 600 000 Rohingya vivant au Myanmar, a souligné M. Andrews. Le Rapporteur spécial a aussi attiré l’attention du Conseil sur des atteintes au droit à la santé dues à des attaques menées contre les personnels de santé par les forces de la junte.

M. Andrews a résumé ainsi son propos : la junte ayant ordonné à ses forces de se livrer à une attaque généralisée et systématique contre la population du Myanmar, « il existe un argument convaincant pour dire que la junte militaire commet des crimes contre l'humanité ». L'analyse préliminaire du Mécanisme d'enquête indépendant pour le Myanmar – Mécanisme créé par le Conseil, a rappelé M. Andrews – indique que les forces de sécurité du Myanmar ont commis de graves crimes internationaux depuis qu'elles ont pris le pouvoir le 1er février 2021, notamment des meurtres, des persécutions, des emprisonnements, des violences sexuelles, des disparitions forcées et des actes de torture.

Le Rapporteur spécial a ensuite décrit la formation du gouvernement d'unité nationale, en tant que gouvernement d'opposition légitime à la junte, par des membres du gouvernement civil (qui a été déposé) et plusieurs dirigeants ethniques – un gouvernement dont les femmes occupent neuf des 36 postes.

Les efforts bien intentionnés de celles et ceux qui cherchent à mettre fin à cette violence par le dialogue n'aboutiront pas tant que la junte militaire n'aura pas la volonté de mettre fin à sa brutalité, ce qui ne peut se faire qu'en faisant pression, a affirmé le Rapporteur spécial. Il a recommandé que les nations prêtes à soutenir les citoyens du Myanmar agissent dans le cadre d'un programme coordonné de sanctions économiques ciblées ainsi que d'un embargo complet sur les armes et les technologies à double usage. Ces actions ne sont pas une solution miracle, mais elles seraient conformes aux demandes de la population du Myanmar et constitueraient un élément essentiel d'un ensemble complet d'actions économiques, diplomatiques et politiques, a déclaré M. Andrews.

Les États membres du Conseil peuvent jouer trois rôles essentiels pour faire face à cette crise, a enfin souligné le Rapporteur spécial : attirer l'attention du public sur la crise au Myanmar ; faire entendre au sein des Nations Unies la détresse et l’appel à la justice lancé par le peuple assiégé du Myanmar ; et agir en tant que catalyseurs de l'action.

Aperçu du débat

Le Rapporteur spécial a été remercié pour cette mise à jour orale que le Conseil lui avait demandée en mars dernier. Le Myanmar a été appelé à reprendre immédiatement sa coopération avec le mandat de M. Andrews et à accorder un accès sans restriction à l'ensemble du pays. Il a aussi été demandé au Myanmar de permettre à l'Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour le Myanmar de se rendre dans le pays et d’y rencontrer toutes les parties prenantes.

Nombre d’intervenants ont condamné le coup d'État militaire au Myanmar et la répression qui a suivi, et ont appelé « le régime militaire » à respecter la volonté du peuple exprimée lors des élections de novembre 2020, de même qu’à restituer le pouvoir au gouvernement civil légitime élu et à respecter l'État de droit.

Des préoccupations ont en outre été exprimées s’agissant de la situation des femmes défenseures des droits humains au Myanmar, dont il a été rappelé qu’elles ont joué un rôle de premier plan dans les manifestations civiles. Les menaces et les attaques dont sont victimes les défenseurs des droits humains, les militants, les journalistes, les professionnels de la santé et les autres membres de la société civile sont inacceptables et doivent cesser immédiatement, a-t-il été demandé.

La levée de l’état d’urgence et la fin des arrestations, des détentions arbitraires et des violences contre les populations civiles ont été exigées, de même qu’un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave, notamment pour pouvoir soutenir l’ensemble des personnes déplacées et en situation de vulnérabilité. Des intervenants ont estimé que la fourniture d'une assistance humanitaire au peuple du Myanmar devrait être la priorité absolue de la communauté internationale, compte tenu de la situation actuelle induite par la COVID-19 et par la fragilité du système de santé publique du pays.

Des organisations non gouvernementales ont dénoncé des amendements arbitraires apportés au Code pénal du Myanmar qui, a-t-il été affirmé, ont eu pour résultat de faire du journalisme indépendant un crime. Elles ont aussi fait état de l'utilisation de tirs à balles réelles contre des manifestants non armés, de violences sexuelles généralisées et d'attaques incessantes contre des groupes ethniques.

Des délégations ont rappelé que quatre années se sont écoulées depuis que des centaines de milliers de Rohingya musulmans se sont réfugiés au Bangladesh pour fuir les brutalités commises au Myanmar. Malheureusement, une solution durable au problème n'a pas encore été trouvée en raison du manque de coopération et du manque de sincérité du Myanmar – en particulier, a-t-il été déploré. Le Myanmar n'a pris aucune mesure sérieuse pour mettre un terme aux atrocités perpétrées contre les Rohingya depuis 2017, ni pour remédier à la discrimination et à la répression dont ils sont victimes depuis des décennies, a-t-on insisté. Le Bangladesh a été félicité pour avoir ouvert ses frontières et créé des abris pour les millions de réfugiés rohingya.

Les efforts de médiation de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) ont été salués. Des intervenants ont insisté sur l’importance de maintenir le dialogue ouvert entre toutes parties et sur la nécessité de faire preuve d’objectivité et d’impartialité dans l’examen de cette situation. Il a été rappelé que, par le passé, le dialogue avait contribué au processus de démocratisation du Myanmar et à l'élection d'un gouvernement civil.

**Liste des intervenants : Union européenne, Suède (au nom d’un groupe de pays), Liechtenstein, France, Australie, Luxembourg, Bangladesh, Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), République de Corée, Indonésie, Thaïlande, États-Unis, Turquie, Inde, Arabie saoudite, Malaisie, Belgique, République tchèque, Suisse, Philippines, Royaume-Uni, Bulgarie, Timor-Leste, République démocratique populaire lao, Brunéi Darussalam, Maldives, CIVICUS, Human Rights Now, Fédération internationale des ligues de droits de l’homme,Asian Forum for Human Rights and Development, Article 19,Christian Solidarity Worldwide,International Commission of Jurists et Legal Action Worldwide.

Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial

M. ANDREWS a dit apprécier le soutien du Conseil à son mandat et a ajouté garder sa porte ouverte pour toute demande de dialogue au sujet de la crise au Myanmar. Le Rapporteur spécial a déploré la violence exercée contre les femmes par les Tatmadaw (les forces armées du Myanmar). Il a rappelé qu’il s’occupait aussi des Rohingya : M. Andrews a indiqué s’être rendu dans l’État rakhine de même que dans les camps de réfugiés au Bangladesh et a assuré qu’il continuerait à faire rapport sur cette question.

Le Rapporteur spécial a recommandé que l’on rende illicite les exportations d’armes vers le Myanmar et que l’on veille à ce que les auteurs de crimes rendent des comptes. Il a insisté sur l’importance de refuser toute légitimité à cette junte illégitime. M. Andrews a ajouté que le peuple du Myanmar réclamait lui-même des sanctions destinées à assécher les flux de recettes de la junte. La pression économique peut rendre possible le dialogue auquel la communauté internationale aspire, a-t-il conclu.

 

HRC21.121F