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OBSERVATIONS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL À L’OCCASION DU DÉBAT DE HAUT NIVEAU DE LA CONFÉRENCE DE GENÈVE SUR LA SYRIE

Déclarations et discours

Le texte suivant a été prononcé par le Secrétaire général de l'ONU à l'ouverture du débat de haut niveau de la conférence de Genève sur la Syrie, qui s'est tenue aujourd'hui à Montreux:

Près de trois ans après le début d’un douloureux conflit en Syrie, un espoir fragile mais réel se présente aujourd’hui.

Pour la première fois, le Gouvernement syrien et l’opposition syrienne, les pays de la région et la communauté internationale se réunissent pour chercher une solution politique face aux morts, aux destructions et aux déplacements qui sont aujourd’hui la sombre réalité de l’existence dans la Syrie d’aujourd’hui.

Tous les Syriens et tous ceux qui, dans la région, sont touchés par cette crise se tournent vers vous qui êtes réunis ici pour mettre fin à des souffrances indescriptibles, sauver la riche mosaïque que constitue la société syrienne et engager un véritable processus politique afin d’opérer une transition conduite par les Syriens, vision présentée pour la première fois il y a un an et demi dans le communiqué de Genève et approuvée par le Conseil de sécurité de l’ONU.

Vous, les représentants du Gouvernement syrien et de l’opposition syrienne, êtes ici dans ce but.

Vous avez l’occasion et l’immense responsabilité consistant à rendre un service historique au peuple syrien.

Le fait que des manifestations pacifiques en Syrie en faveur d’un changement se sont transformées en une sanglante guerre civile est la plus terrible des tragédies.

Si les responsables gouvernementaux avaient écouté plus attentivement et plus humblement les préoccupations exprimées par le peuple, la présente Conférence n’aurait sans doute pas été nécessaire.

La catastrophe est désormais omniprésente.

Des villes et des villages sont devenus invivables, ravagés par des bombardements aériens constants. Des écoles, des hôpitaux, des boulangeries, des marchés, des maisons et des lieux de culte ont été détruits. Les voitures piégées, les attentats-suicide et les attaques au mortier ne cessent de terrifier la population dans de nombreuses régions du pays. L’anarchie et le chaos attirent des criminels et des combattants étrangers du monde entier. Des groupes radicaux imposent leur propre vision, destructive et dangereuse.

Les chiffres sont terrifiants: plus de 100 000 morts et un grand nombre de personnes disparues ou détenues. Les attaques contre les civils se poursuivent et les parties ont toutes manifesté un mépris total pour les responsabilités qui leur incombent en vertu du droit humanitaire international et du droit relatif aux droits de l’homme.

Plus de 6,5 millions de personnes sont déplacées dans leur propre pays. Plus de 9,3 millions de personnes en Syrie ont besoin d’une aide humanitaire, dont plus de 2,5 millions vivant dans des zones auxquelles les services humanitaires ont très difficilement accès et un grand nombre qui n’ont pas pu être atteintes du tout.

Les privations font désormais partie des stratégies politiques et militaires.

Alors qu’on y trouvait autrefois des réfugiés de toutes origines, la guerre a contraint plus de 2,3 millions de personnes − dont la moitié sont des enfants − à fuir vers les pays voisins et au delà. En dépit d’énormes difficultés, les voisins de la Syrie ont fait preuve d’une admirable hospitalité.

Je suis très reconnaissant à ceux qui ont pris des engagements à la Conférence des donateurs humanitaires organisée la semaine dernière au Koweït. Cependant, les besoins humanitaires ne pourront sans doute pas être satisfaits, surtout si le conflit se poursuit.

Je remercie également la communauté internationale de s’être unie face à l’objectif consistant à détruire les stocks d’armes chimiques de la Syrie après les atroces attaques d’août dernier.

En même temps, force est de reconnaître que la plupart des morts et des destructions en Syrie sont dus à des armes classiques qui parviennent en abondance de nombreuses régions à tous les belligérants.

Différents acteurs ont conféré une dimension sectaire à ce conflit. Leurs appels ont abouti dans certains cas à une prévision autoréalisatrice.

Cependant, nous observons également une solidarité intercommunautaire tenace, voire des manifestions contre l’extrémisme.

Les Syriens restent unis dans le profond amour qu’ils portent à leur pays, la fierté qu’ils tirent de leur patrimoine culturel et religieux et la longue histoire de leur coexistence pacifique. Les Syriens doivent recommencer à se parler les uns aux autres pour retrouver ce qui a été perdu. Nous voyons chaque jour de magnifiques exemples de cet esprit de solidarité, les nombreux exemples de mères et de pères qui font tout pour protéger les membres de leur famille en Syrie et assurer leur survie.

Il est essentiel que tous les Syriens − hommes et femmes − s’associent à l’action engagée pour forger un avenir commun.

Permettez-moi à présent d’en revenir aux travaux par lesquels débute la présente Conférence: c’est aux Syriens eux-mêmes qu’il incombe au premier chef de mettre fin au conflit, de déterminer leur système politique et leur avenir et de commencer à reconstruire leur pays. La tâche de tous les membres de la communauté internationale, qu’ils soient ici présents ou non, est de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour les aider à atteindre ces objectifs.

Le Communiqué de Genève fixe un certain nombre d’étapes clefs pour une transition menée par les Syriens, en commençant par la mise en place d’un «organe de gouvernement transitoire formé par consentement mutuel et doté des pleins pouvoirs exécutifs», y compris sur les forces militaires et les services de sécurité et de renseignement.

Le Communiqué spécifie également que les services publics doivent être préservés ou restaurés et respecter les normes relatives aux droits de l’homme. Ils doivent être dirigés par des responsables qui inspirent confiance à la population, sous le contrôle de l’organe de gouvernement transitoire.

J’exhorte tous ceux qui sont réunis aujourd’hui à persuader les deux parties de la nécessité et du caractère inévitable d’une solution politique.

Je compte sur vous pour encourager les parties syriennes et leurs délégations à parvenir à un règlement global fondé sur le Communiqué de Genève.

De même que les parties cherchent une solution politique, de même doivent-elles respecter le droit humanitaire international qui a été lamentablement bafoué pendant ce conflit.

Il faut mettre un terme à la violence. Les attaques contre les civils doivent cesser. Toutes les parties doivent s’appliquer à mettre un terme à tous les actes terroristes.

J’engage instamment le Gouvernement et l’opposition à autoriser un accès humanitaire immédiat et sans restriction vers toutes les communautés qui en ont besoin, en particulier dans les zones assiégées où des centaines de milliers de personnes sont privées depuis des mois de toute forme d’assistance, et dont proviennent des informations inquiétantes faisant état de cas de malnutrition et d’une situation sanitaire désespérée. Il faut autoriser les livraisons de vivres et de matériel médical et chirurgical et permettre aux malades et aux blessés d’en sortir.

Je demande aux délégations syriennes de s’engager sérieusement et de manière constructive. Des défis considérables les attendent, mais ils ne sont pas insurmontables.

Combien mourront encore en Syrie, combien perdront des êtres chers, seront mutilés à vie ou perdront leur habitation si nous ne saisissons pas cette occasion?

Nous n’avons pas d’autre choix que de mettre fin à la violence et de trouver une solution politique. C’est pour cette raison que nous sommes ici.

Montrons à tous que le monde est capable de s’unir et de soutenir le peuple de Syrie alors qu’il s’engage sur la voie d’une Syrie pacifique, démocratique et stable.

Je vous invite à faire montre d’une grande ambition pour l’humanité et à faire preuve à la fois d’esprit de décision et de souplesse. Les Syriens méritent de vivre dans la paix, la dignité et le respect mutuel et à l’abri de la peur.”

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel