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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE CONCLUT LES TRAVAUX DE SA SESSION D'AUTOMNE

Communiqué de presse
Il présente des observations finales sur le Yémen, la Slovaquie, El Salvador, l’Azerbaïdjan, la Colombie, la République de Moldova et l’Espagne

Le Comité contre la torture a conclu, ce matin, les travaux de sa quarante-troisième session, en rendant publiques ses conclusions et recommandations sur les rapports présentés au cours de la session par le Yémen, la Slovaquie, El Salvador, l’Azerbaïdjan, la Colombie, la République de Moldova et l’Espagne.

En ce qui concerne le Yémen, dont l'examen du rapport s’est fait en l’absence de toute délégation, le Comité fait part de sa préoccupation face aux nombreuses allégations faisant état d'une pratique généralisée de la torture et des mauvais traitements dans les prisons du pays. Il exhorte donc le Yémen à établir un système de surveillance et d’inspection de tous les lieux de détention. Parmi les sources de préoccupation du Comité figurent l’application de la peine de mort à des enfants de 15 à 18 ans ; le harcèlement et les mauvais traitements à l'encontre des femmes détenues ; et l’application de sanctions pénales telles que le fouet et l'amputation des membres.

S'agissant de la Slovaquie, le Comité insiste sur l’importance de garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le pays est aussi invité à renforcer l’indépendance du Bureau des services d’inspection des forces de police, pour garantir des enquêtes impartiales pour les cas de torture. De l’avis du Comité, la Slovaquie devrait par ailleurs prendre des mesures urgentes pour enquêter de manière impartiale sur les allégations de stérilisation forcée de femmes roms, punir les coupables et offrir une indemnisation aux victimes.

Dans ses observations finales sur El Salvador, le Comité se dit préoccupé face aux allégations de délits graves commis par des agents de la Police civile nationale et par le personnel pénitentiaire, surtout dans le cadre des stratégies mises en place pour lutter contre le niveau élevé de criminalité. Il recommande au pays de faire avancer les réformes visant à créer un organe indépendant de contrôle de la conduite des forces de police. Il lui demande également d'abolir les programmes, même temporaires, qui autorisent l'armée à intervenir dans des activités policières.

S'agissant de l’Azerbaïdjan, face aux allégations de recours à la torture contre les suspects et face à la réticence des autorités à engager des poursuites pénales concernant ces actes, le Comité recommande au pays d’assurer que toutes ces allégations fassent l'objet d’enquêtes impartiales et efficaces. Il faut aussi garantir au Comité public chargé de surveiller les établissements pénitentiaires le droit d'effectuer des visites inopinées dans tous les lieux de détention du pays. Inquiet des violences et du bizutage au sein de l'armée, le Comité recommande au pays d’enquêter sur les décès qui ne sont pas survenus sur le terrain et de prévenir de tels incidents à l'avenir.

En ce qui concerne la Colombie, le Comité est préoccupé par l'incidence encore élevée de torture dans ce pays. Si les groupes armés illégaux ont une part importante de responsabilité dans ces violations, la participation ou l'accord des agents de l'État dans de tels actes n’en sont pas moins dénoncés. Le Comité s’inquiète par ailleurs que des juges de la Cour suprême aient été menacés et aient dû recourir au système interaméricain des droits de l'homme pour solliciter des mesures de protection. La Colombie est aussi engagée à mettre un terme au harcèlement contre les défenseurs des droits de l'homme et à prendre des mesures efficaces pour protéger les témoins et les victimes.

S'agissant de la République de Moldova, le Comité estime que le pays devrait condamner publiquement et sans ambiguïté tous les actes de torture. Il estime que des enquêtes sur les allégations de fautes commises par des agents de la force lors des événements d’avril 2009 devraient être menées par un organe indépendant, impartial et crédible. Des mesures efficaces devraient en outre être prises pour assurer que ceux qui dénoncent les actes de mauvais traitements, comme les médecins et les avocats, soient protégés contre toute intimidation ou toutes représailles.

Pour ce qui est de l’Espagne, le Comité réitère sa préoccupation quant au fait que le régime de détention au secret utilisé par ce pays dans les délits en rapport avec le terrorisme et les bandes armées porte atteinte aux garanties contre tout mauvais traitement et acte de torture. L'Espagne doit veiller à ce que les accords bilatéraux concernant le rapatriement assisté de mineurs qu'elle signe contiennent des garanties adéquates de protection, ajoute-t-il. Il trouve encore élevé le nombre de suicides et de morts violentes en détention policière et en prison et recommande d'envisager la possibilité d'abandonner l'usage des armes électriques "Taser" par les polices locales.

Au cours de cette session, le Comité a par ailleurs tenu une réunion avec les membres du Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, créé en vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Au cours de cette réunion, chacun s'est efforcé de dégager des pistes en vue d'une coopération optimale entre les deux organes. Le Comité a en outre abordé la question des liens entre torture et handicap. Durant cette session, le Comité s'est également penché à huis clos sur des plaintes individuelles qui lui sont transmises en vertu de l'article 22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

La quarante-quatrième session du Comité contre la torture se tiendra à Genève du 26 avril au 14 mai 2010. Le Comité a prévu d'examiner à cette occasion les rapports des pays suivants : Autriche, Cameroun, France, Jordanie, Liechtenstein, Suisse et Syrie.


Observations finales

Le Comité contre la torture a adopté des observations finales sur les rapports examinés au cours de cette session et présentés par les sept pays suivants (dans l'ordre de présentation des rapports): Yémen, Slovaquie, El Salvador, Azerbaïdjan, la Colombie, République de Moldova et Espagne. Les textes complets de ces observations finales sont disponibles sur la page Internet de la session, à l'adresse suivante: http://www2.ohchr.org/english/bodies/cat/cats43.htm (consultez la colonne «Concluding Observations» en regard de chaque pays).

Pour ce qui est du Yémen, dont l’examen du rapport s’est fait en l’absence de toute délégation du pays, le Comité invite ce pays à lui transmettre des commentaires par écrit sur ses observations finales provisoires et lui demande instamment, à l'avenir, de respecter pleinement ses obligations en vertu de l'article 19 de la Convention (relatif à la présentation des rapports). Il prend note des efforts déployés par le Yémen pour réformer sa législation et ses politiques afin d'assurer une meilleure protection des droits de l'homme ainsi que de son ouverture à la coopération internationale. De l’avis du Comité, le Yémen devrait appliquer de bonne foi toutes les recommandations qui lui sont adressées et veiller à ce que ses principes religieux et ses lois soient compatibles avec les droits de l'homme et avec ses obligations en vertu de la Convention. Le pays est prié de fournir des informations sur le mandat du nouveau Comité du vice et de la vertu, sur ses procédures d'appel éventuelles et sur ses compétences précises. Le Comité est en outre préoccupé par la définition de la torture actuellement en vigueur au Yémen, qui interdit la torture uniquement en tant que moyen d’obtenir des aveux et qui limite les sanctions aux seules personnes qui ordonnent ou commettent des actes de torture, sans les étendre aux individus complices de tels actes. Face aux nombreuses allégations, corroborées par un certain nombre de sources yéménites et internationales, faisant état d'une pratique généralisée de la torture et des mauvais traitements dans les prisons yéménites, le pays devrait, de toute urgence, prendre des mesures pour prévenir les actes de torture et les mauvais traitements dans tout le pays et annoncer le lancement d’une politique d'éradication de ces actes. L'État devrait également veiller à ce que toutes les allégations de torture et de mauvais traitements fassent l’objet d'enquêtes efficaces et impartiales et à ce que les coupables soient poursuivis et condamnés conformément à la gravité de leur acte.

D’autre part, le Comité reste gravement préoccupée par le manque de respect des garanties juridiques fondamentales applicables aux détenus, comme le droit d'avoir rapidement accès à un avocat et à un examen médical indépendant et le droit de comparaître devant un juge dans un délai conforme aux normes internationales. Le Comité est également préoccupé par l'absence d'un registre central couvrant toutes les personnes placées en détention, y compris les mineurs. Le Yémen est instamment prié d'établir un système de surveillance et d’inspection de tous les lieux de détention. Le pays devrait également faire en sorte que des médecins légistes formés à la détection des signes de torture soient présents lors de ces inspections. Il devrait aussi formellement interdire tout lieu de détention ne relevant pas de l'autorité étatique. Par ailleurs, le Yémen devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la compatibilité de ses mesures antiterroristes avec les dispositions de la Convention et pour abolir la détention au secret. Sur ce point, le Comité souhaite que le pays lui fournisse des informations sur les quatre Camerounais détenus au secret à Sanaa depuis 1995 sans avoir bénéficié d’une procédure judiciaire. Le Comité exprime en outre sa préoccupation face à la pratique de prise en otage de proches de suspects, y compris des enfants et des personnes âgées, parfois pendant plusieurs années, afin de contraindre les personnes recherchées à se livrer à la police. Le Yémen devrait par ailleurs prendre les mesures nécessaires pour établir et garantir l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire. Il devrait aussi dissoudre le Tribunal pénal spécialisé, les procès qui se déroulent devant cette juridiction d'exception étant contraires aux principes fondamentaux d'un procès équitable. Le Comité reste en outre préoccupé que certaines sanctions pénales, telles que le fouet, les coups ou encore l'amputation des membres, soient encore prévues par la loi et pratiquées au Yémen, en violation de la Convention. Il s’inquiète également que les tribunaux du pays imposent presque quotidiennement des peines de flagellation pour consommation d’alcool et infractions sexuelles et que ces sentences soient exécutées en public, immédiatement et sans appel. En outre, le Comité est d’avis que le Yémen devrait revoir sa politique en matière de peine capitale et prendre des mesures pour garantir que cette peine ne soit pas infligée à des enfants. Il s’inquiète en outre que la majorité des femmes détenues aient été condamnées pour prostitution, adultère, alcoolisme, comportement indécent ou pour avoir violé les restrictions de mouvement imposées par les traditions familiales et les lois yéménites. Le Yémen est prié de prendre des mesures pour prévenir la violence sexuelle contre les femmes en détention, notamment en assurant que les femmes détenues sont séparées des détenus de sexe masculin. Enfin, le Yémen devrait abroger l'article 232 du Code pénal qui prévoit que tout homme qui tue sa femme ou une autre femme de la famille soupçonnée d'adultère ne sera pas poursuivi pour assassinat mais pour un crime de moindre gravité.

Dans ses conclusions et recommandations sur le rapport de la Slovaquie, le Comité note avec appréciation que le pays a ratifié, en 2002, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale et qu’il a créé en 2001 un Bureau du Défenseur public. Il se réjouit également de la décision de la Cour constitutionnelle en date du 26 juin 2008 de ne pas envoyer M. Mustapha Labsi en Algérie pour le motif qu’il risquerait d’y être soumis à la torture. Toutefois, le Comité s'inquiète que la définition de la torture du Code pénal slovaque ne soit pas pleinement conforme à celle énoncée à l'article premier de la Convention. Il est en outre préoccupé par le fait que les juges sont nommés par le Président de la République slovaque sur la base d'une proposition du Conseil de la magistrature, alors que certains des membres de cet organe sont nommés et peuvent être révoqués également par le Président. La Slovaquie devrait garantir la pleine indépendance du Conseil de la magistrature, de manière à garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire. Le Comité s’inquiète également de ce que les actes présumés illégaux commis par la police sont examinés par des policiers du Bureau des services d’inspection. Il invite le pays à renforcer davantage l’indépendance de cet organe, notamment en y joignant des experts indépendants non issus de la Police, de manière à garantir que les allégations de torture et autres traitements cruels fassent l’objet d’enquêtes rapides, impartiales et approfondies.

En ce qui concerne la justice juvénile, le Comité recommande à la Slovaquie de faire en sorte que le placement en détention de mineurs soit une mesure de dernier ressort. Profondément préoccupé par les allégations concernant les stérilisations forcées de femmes roms, le Comité estime que le pays devrait prendre des mesures urgentes pour enquêter de manière impartiale, approfondie et efficace sur toutes les allégations de stérilisation forcée de ces femmes; pour poursuivre et punir les coupables; et pour offrir aux victimes une réparation équitable et adéquate. Inquiet face aux allégations de mauvais traitements infligés aux Roms par des agents de police lors de l’arrestation et de la détention, ainsi que face au pourcentage élevé d'enfants roms se trouvant dans les institutions pour enfants handicapés mentaux, le Comité rappelle que la protection de certaines minorités et d’individus ou groupes marginalisés fait partie des obligations de l'État partie en vertu de la Convention.

Suite à l'examen du rapport périodique d’El Salvador, le Comité se félicite que le pays ait ratifié un certain nombre d'instruments internationaux, au nombre desquels les deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant. Il note en outre avec satisfaction que le pays a supprimé la peine de mort mais lui recommande de la supprimer également pour les délits militaires. Le Comité note en outre avec satisfaction l'adoption de la Loi spéciale de protection des victimes et témoins et accueille avec satisfaction la mise sur pied, en juin 2000, de l'Unité des droits de l'homme de la Police civile nationale. Toutefois, le Comité réitère sa préoccupation s'agissant du fait qu'El Salvador n'a toujours pas ajusté sa définition de la torture avec celle énoncée à l'article premier de la Convention, ni avec les exigences de l'article 4 de cet instrument. Ainsi, s'inquiète le Comité, l'incrimination de la torture n'inclut-elle aucun élément relatif à l'objectif du délit, pas plus qu'elle n'établit de circonstances aggravantes ni n'inclut les notions de tentative de torture, d'intimidation de la victime ou de discrimination comme motif ou raison de la torture. Par ailleurs, le Comité se dit préoccupé par le fait qu'il continue de recevoir des allégations de délits graves, y compris d'actes de torture, qui seraient commis par des agents de la Police civile nationale et par le personnel pénitentiaire dans le cadre de leurs fonctions, surtout dans le cadre des stratégies mises en place pour lutter contre le niveau élevé de criminalité. Est particulièrement préoccupant à cet égard le fait que les allégations de torture qui sont reçues touchent des personnes vulnérables telles que les enfants et les jeunes de la rue. Le Comité recommande à El Salvador de faire avancer les réformes législatives visant à créer un organe indépendant de contrôle de la conduite des forces de police. Il note avec préoccupation que l'impunité généralisée est l'une des raisons principales pour lesquelles l'on n'est pas parvenu à éradiquer la torture dans le pays.

Notant avec préoccupation qu'El Salvador a intégré 4000 membres des forces armées dans des unités de police appelées «Groupes de tâche conjointe» afin d'intervenir dans des questions à caractère policier comme la prévention et la répression de crimes de droit commun liés au nombre de bandes de jeunes, le Comité demande au pays de prendre des mesures efficaces pour soutenir la Police civile nationale et d'abolir les programmes, même temporaires, qui autorisent l'armée à intervenir dans des activités nettement policières et de prévention de la criminalité de droit commun. Le Comité fait part de sa préoccupation face au défaut de réparation intégrale en faveur des victimes et des familles des personnes victimes des disparitions forcées ou involontaires durant le conflit armé des années 1980 à 1992. Le Comité note avec satisfaction la position du Gouvernement de ne pas perpétuer la position qui était celle des administrations antérieures et qui consistait à justifier le maintien en vigueur de la Loi d'amnistie comme étant nécessaire au maintien de la paix dans le pays; aussi, le Comité exhorte-t-il El Salvador à abroger la Loi d'amnistie générale. Il est en outre recommandé à El Salvador de prendre les mesures appropriées pour limiter le recours à la détention préventive et d'adopter immédiatement des mesures pour réduire la surpopulation dans les centres de détention. El Salvador devrait également veiller à ce que dans tous les lieux de détention, les accusés soient séparés des condamnés, les femmes des hommes et les enfants des adultes. Le pays devrait en outre abolir toute forme de détention au secret et prendre des mesures afin d'améliorer les conditions de détention sous le régime d'internement spécial. El Salvador est en outre prié d'intensifier ses efforts afin d'assurer l'application de mesures de protection urgentes et efficaces visant à prévenir et combattre la violence contre les femmes et les fillettes, en particulier les abus sexuels, la violence domestique et les morts violentes de femmes. Par ailleurs, le Comité tient à souligner que les examens des parties intimes de la femme (à l'arrivée dans un lieu de détention) peuvent constituer des traitements cruels et dégradants et qu'El Salvador devrait prendre des mesures afin d'assurer que de tels examens ne soient effectués que lorsque cela est nécessaire. Enfin, le Comité fait part de sa préoccupation face aux plaintes pour harcèlement et menaces de mort touchant des défenseurs de droits de l'homme et face au fait que ces actes restent impunis.

S’agissant du rapport de l’Azerbaïdjan, le Comité se félicite de l’adoption d’une loi sur la traite des êtres humains en 2005 et de l’adoption d’un décret présidentiel sur la modernisation du système judiciaire en janvier 2006. Il note également avec satisfaction l’adoption, en décembre 2006, d’un Plan d’action national pour la protection des droits de l'homme, le lancement d’un programme de réforme des prisons en 2006 et les efforts déployés pour améliorer les conditions de détention des prisonniers. Le Comité réitère néanmoins sa préoccupation quant au fait que la définition de la torture en droit interne omet certains éléments de celle énoncée à l'article premier de la Convention, s'agissant notamment de la discrimination, et ne contient pas de dispositions stipulant expressément que tout acte de torture infligé avec le consentement d'un agent public ou de toute autre personne exerçant des fonctions officielles constitue une infraction. Face aux nombreuses allégations faisant état de recours à la torture à l'encontre de suspects et autres détenus et face à la réticence des autorités à engager des poursuites pénales pour des actes présumés de torture ou de mauvais traitements, le Comité recommande à l’Azerbaïdjan d’adopter toutes les mesures nécessaires pour assurer que, dans la pratique, toutes les allégations de torture fassent l'objet d'une enquête rapide, impartiale et efficace.

Par ailleurs, se félicitant de la création du Comité public chargé de surveiller les établissements pénitentiaires, le Comité invite le pays à garantir à cet organe le droit d'effectuer des visites inopinées et sans entrave dans tous les lieux de détention du pays, y compris les lieux de détention avant procès et le centre de détention relevant du Ministère de la sécurité nationale. L’Azerbaïdjan devrait en outre prendre des mesures immédiates pour garantir que les preuves obtenues par la torture ne puissent être utilisées comme preuves dans une procédure judiciaire. Le Comité est en outre préoccupé par les cas de « restitutions » - sur la base d’accords bilatéraux d’extradition - de Tchétchènes à la Fédération de Russie et de Kurdes à la Turquie, où ces personnes peuvent être confrontées à un risque de torture. Enfin, inquiet des cas de violence et de mauvais traitements au sein de l'armée - pratique communément appelé « dedovchtchina » (bizutage ou harcèlement moral) - le Comité recommande à l’Azerbaïdjan d’ouvrir des enquêtes pour tous les cas de décès qui ne sont pas survenus sur le terrain, y compris de suicides, et de prendre des mesures pour prévenir de tels incidents à l'avenir.

Dans ses recommandations à la Colombie, le Comité se félicite que le pays ait ratifié un certain nombre d'instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l'homme, au nombre desquels les deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant ou encore la Convention interaméricaine sur la disparition forcée. Il juge également positif que les dispositions relatives à la juridiction de la Cour pénale internationale s'appliquent en Colombie sans réserve depuis cette année. Le Comité exprime en outre sa satisfaction que la peine de mort n'existe pas dans le pays. Toutefois, le Comité juge préoccupant que, dans la pratique, l'incrimination de la torture ne permette pas d'identifier clairement les cas de torture comme des crimes spécifiques et autonomes puisque ces délits ne sont considérés que comme des circonstances aggravantes de délits connexes considérés comme plus graves par les opérateurs judiciaires. Bien que l'on enregistre en Colombie une diminution globale du nombre de plaintes pour torture depuis 2004, le Comité se dit néanmoins préoccupé que l'incidence de la torture reste élevée et corresponde à des cadres spécifiques qui indiquent une application généralisée. Le Comité signale à cet égard que si les groupes armés illégaux ont une part importante de responsabilité dans ces violations, continuent aussi d'être dénoncés la participation ou l'accord des agents de l'État dans de tels actes. Est à cet égard particulièrement préoccupante l'information indiquant une hausse du nombre de cas faisant état d'une participation directe de la part d'agents de l'État. Le Comité exprime en outre sa grande préoccupation face à la persistance de graves violations connexes à la torture, comme les exécutions extrajudiciaires, les disparitions forcées, les déplacements forcés, les violences sexuelles ou encore le recrutement d'enfants dans le contexte du conflit armé. Le Comité note la prévalence de l'impunité en Colombie.

Par ailleurs, le Comité exprime de graves préoccupations face au manque de cadre juridique adéquat permettant d'établir la responsabilité pénale des personnes démobilisées qui appartenaient à des groupes armés illégaux, au nombre desquels environ 30 000 paramilitaires. Le Comité se dit préoccupé par la forte complicité des agents publics et des élus avec des groupes armés illégaux ainsi que par le fait que des juges de la Cour suprême aient été menacés et aient dû recourir au système interaméricain des droits de l'homme pour solliciter des mesures préventives de protection. Gravement préoccupé par le grand nombre d'exécutions extrajudiciaires de civils, qui ont ensuite été présentées par la force publique comme relevant de "morts au combat", le Comité réitère sa préoccupation du fait que la justice militaire continue d'assumer la juridiction sur des cas graves de violations des droits de l'homme, y compris des exécutions extrajudiciaires, alors que la gravité et la nature des crimes témoignent clairement qu'ils ne relèvent absolument pas de la juridiction de la justice militaire. Le Comité exprime en outre sa grave préoccupation face à l'étendue de la pratique des disparitions forcées (28 000 ont été officiellement reconnues dans le Registre national des personnes disparues) et déplore que le pouvoir exécutif se soit opposé à un projet de loi sur l'éclaircissement des disparitions forcées et l'identification des cadavres dans les fosses communes. Le Comité se dit par ailleurs préoccupé par la forte incidence des détentions arbitraires - et en particulier par le recours à la détention préventive administrative par la police ainsi que par les détentions massives aux mains de la police et de l'armée - et recommande à la Colombie d'éradiquer ces pratiques. Le Comité reste aussi préoccupé par les conditions de détention: le surpeuplement carcéral persiste et des plaintes pour torture et autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants continuent d'être déposées. Le Comité exhorte enfin la Colombie à mettre un terme immédiat au harcèlement dont sont victimes les défenseurs des droits de l'homme et autres acteurs de la société civile de la part d'agents du Département administratif de sécurité (DAS) et à prendre des mesures efficaces pour garantir la sécurité et l'intégrité des témoins et des victimes.

En ce qui concerne le rapport de la République de Moldova, le Comité se félicite de la ratification par ce pays de plusieurs instruments internationaux et régionaux, dont le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et le Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant l'abolition de la peine de mort. Il accueille avec satisfaction les efforts déployés par l'État pour réformer sa législation et garantir une meilleure protection des droits de l'homme, s'agissant notamment de la réforme du système de justice pénale ou de l’inclusion dans le Code de procédure pénale d’un article rendant irrecevables les déclarations obtenues sous la torture. Le Comité se dit préoccupé par les allégations nombreuses relatives à l'utilisation généralisée de la torture et d’autres formes de mauvais traitements en garde à vue, corroborées par le Rapporteur spécial sur la torture dans son rapport. Par conséquent, la République de Moldova devrait de toute urgence prendre des mesures pour prévenir les mauvais traitements et annoncer qu'aucune forme de torture ou de mauvais traitements ne sera tolérée. Elle devrait aussi condamner publiquement et sans ambiguïté tous les actes de torture. L’État devrait également prendre des mesures immédiates pour transférer la responsabilité des installations de détention temporaire du Ministère de l'Intérieur au Ministère de la justice.

D’autre part, le Comité note avec préoccupation que des contraintes graves entravent l’efficacité du mécanisme national de prévention de la torture créé en vertu du Protocole facultatif. La République de Moldova devrait à cet égard clarifier les dispositions juridiques relatives au droit des membres du mécanisme d’effectuer des visites régulières et inopinées dans tous les lieux de détention et engager une procédure disciplinaire contre les officiers qui interfèrent avec leur libre accès à tous les lieux où des personnes sont privées de liberté. Face aux « rapports crédibles » dénonçant un usage excessif de la force par les agents du maintien de l’ordre, en particulier lors des manifestations post-électorales d’avril 2009, le Comité invite le pays, par le biais d'un organe indépendant, impartial et crédible à mener des enquêtes impartiales sur toutes les plaintes et allégations de fautes commises par des agents des forces de l'ordre lors de ces événements. L’État devrait également veiller à ce que tous les agents portent des badges d’identification visibles, pour prévenir les actes de torture et assurer que la responsabilité individuelle puisse être engagée. En ce qui concerne les conditions de détention, la République de Moldova devrait prendre des mesures pour réduire le problème de surpopulation des établissements pénitentiaires, notamment par l'application de mesures alternatives à la détention, ainsi que pour protéger les détenus de la violence entre prisonniers. Préoccupé par le nombre limité d’enquêtes menées par rapport au nombre de cas répertoriés de torture commis par les forces de l’ordre, ainsi que par l'absence d'une autorité indépendante qui pourrait enquêter sur les allégations de mauvais traitements commis par la police, le Comité prie la République de Moldova de faire en sorte que les enquêtes pour cas de torture ne soient pas effectuées par le Bureau du Procureur général ou sous son autorité, mais par un organe indépendant. Des mesures efficaces devraient en outre être prises pour assurer que ceux qui dénoncent les actes de mauvais traitements, comme les médecins et les avocats, soient protégés contre toute intimidation ou toutes représailles.


Pour ce qui est de la mise en œuvre de la Convention en Espagne, le Comité se félicite de la ratification par le pays d'un certain nombre d'instruments internationaux au nombre desquels le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ou encore la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite de personnes. Par ailleurs, le Comité prend note avec satisfaction des efforts que continue de déployer l'Espagne pour réformer sa législation, ses politiques et ses procédures afin d'assurer une meilleure protection des droits de l'homme et en particulier du droit à ne pas être soumis à la torture. De ce point de vue, le Comité prend note, entre autres, de l'adoption de la Loi sur la mémoire historique de 2007 ainsi que du fait que, depuis 1995, l'abolition de la peine de mort est absolue en Espagne - cette abolition s'appliquant également en temps de guerre. D'autre part, le Comité se réjouit que l'Espagne n'ait pas créé un système de justice parallèle pour combattre le fléau du terrorisme. Pour autant, le Comité encourage le pays à continuer d'harmoniser la définition de la torture énoncée à l'article 174 du Code pénal espagnol avec celle figurant à l'article premier de la Convention, en tenant compte, en particulier, des dispositions de cet article qui rappellent que la torture peut avoir pour finalité d'intimider une personne ou de faire pression sur elle et qu'elle peut être infligée par «toute autre personne agissant à titre officiel». Relevant par ailleurs qu'en vertu de ce même article du Code pénal, une personne coupable de torture sera condamnée à une peine de deux à six années d'emprisonnement si l'infraction était grave et à une peine d'une à trois années d'emprisonnement si elle ne l'était pas, le Comité rappelle à l'Espagne qu'elle doit veiller à ce que dans tous les cas, soit reconnu le caractère grave de tout acte de torture. Le Comité se dit en outre préoccupé par les informations reçues de différentes sources selon lesquelles les déclarations faites à la police par des personnes détenues par cette dernière peuvent être utilisées dans la procédure, alors même que dans ses réponses écrites, l'Espagne indiquait que conformément à l'ordre juridique espagnol, seules peuvent être prises en compte, au moment de décider de la culpabilité ou de l'innocence d'une personne inculpée, les preuves recueillies durant l'audition orale de l'accusé en présence d'une autorité judiciaire et avec l'assistance d'un avocat librement choisi par l'accusé.

Le Comité encourage en outre l'Espagne à procéder à une nouvelle réforme du Code de procédure pénale afin de veiller à ce que, au moment critique où s'effectue la détention, soit inclus dans la liste des droits dont lecture est donnée à la personne appréhendée le droit de cette dernière de solliciter sa présentation immédiate devant un juge (habeas corpus). Par ailleurs, le Comité réitère sa préoccupation - partagée par tous les organes pertinents des droits de l'homme aux niveaux régional et international - quant au fait que le régime de détention au secret utilisé par l'Espagne dans les délits en rapport avec le terrorisme et les bandes armées porte atteinte aux garanties contre tout mauvais traitement et acte de torture, garanties qui sont propres à tout État de droit. Aussi, le Comité recommande-t-il au pays de revoir son régime de détention au secret, en vue de son abolition, et de s'assurer que toutes les personnes privées de liberté ont accès aux droits fondamentaux de tout détenu, au nombre desquels le droit de désigner un avocat de leur choix, le droit d'être examiné par un médecin de leur choix et le droit de faire savoir à un proche ou à toute autre personne qu'elles sont détenues ainsi que le lieu de leur détention. D'autre part, le Comité souligne que l'Espagne doit veiller à ce que les accords bilatéraux concernant le rapatriement assisté de mineurs qu'elle signe contiennent des garanties adéquates afin d'assurer la protection contre la restitution d'enfants victimes de la traite, de la prostitution ou de la pornographie, d'enfants ayant été impliqués dans un conflit ou encore d'enfants ayant fui leur pays suite à une crainte fondée de persécution. Par ailleurs, le Comité trouve encore élevé le nombre de suicides et de morts violentes en détention policière et en prison. Il est d'autre part recommandé à l'Espagne d'assurer le caractère imprescriptible du crime de torture. Il lui est aussi recommandé d'envisager la possibilité d'abandonner l'usage des armes électriques "Taser" par les polices locales.


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CAT09038F