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TRANSCRIPTION DE LA CONFÉRENCE DE PRESSE DONNÉE PAR LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ONU LE 10 OCTOBRE À GENÈVE

Conférences de presse

On trouvera ci-après la transcription officieuse de la conférence de presse que le Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, a donnée aujourd’hui au Palais des Nations, à Genève.

Le Secrétaire général: Bonjour, Mesdames et Messieurs. Je suis très heureux d’être ici, à Genève, et d’avoir ainsi un échange de vues avec mes amis de la presse genevoise. Cela faisait assez longtemps. Nous avons eu quelques brèves rencontres, mais une conférence de presse officielle, nous n’en avons pas eu depuis un moment. Comme vous le savez, j’ai passé ici une bonne partie de ma vie professionnelle et je me garde bien de sous-estimer l’importance de Genève, qui est l’un des centres névralgiques des Nations Unies, de même que l’importance du travail que tant de mes collègues y accomplissent. Je ne saurais non plus sous-estimer l’importance de la Suisse, qui est sans doute un des Membres les plus récents de l’ONU, mais qui, dès les premiers jours de l’Organisation, a été un hôte et un donateur généreux.

Mais avant de poursuivre, je voudrais tout d’abord exprimer ma profonde tristesse face aux pertes en vies humaines et aux destructions considérables provoquées par le tremblement de terre qui a frappé le Pakistan et dont les dégâts se sont étendus à l’Inde et à l’Afghanistan. J’ai demandé à la communauté humanitaire des Nations Unies de faire tout son possible pour aider le Gouvernement du Pakistan dans la réponse apportée. Une équipe des Nations Unies de Genève a mis sur pied un centre d’accueil à l’aéroport d’Islamabad, pour aider à coordonner les équipes de recherche et de secours ainsi que l’aide internationale qui arrivent, alors que des organismes des Nations Unies, l’UNICEF et le HCR, offrent des stocks de matériels de secours d’urgence, que l’Organisation mondiale de la santé envoie sur place des équipes médicales et que le Programme alimentaire mondial parachute aux victimes des zones sinistrées des biscuits à forte valeur énergétique. J’ai également été profondément attristé par les pertes humaines et matérielles causées par les récentes pluies diluviennes en Amérique centrale. Chaque heure compte et j’exhorte le monde à répondre − à répondre généreusement et avec empressement. La semaine écoulée a été une mauvaise semaine en termes de catastrophes naturelles.

Au cours de mon séjour ici, en Suisse, j’ai eu l’immense joie d’apprendre que le prix Nobel de la paix était décerné, cette année, à l’Agence internationale de l’énergie atomique et à son Directeur général, mon ami Elbaradei. Je prends cela comme un message, un message nous enjoignant à tous de nous attaquer à la question de la non-prolifération et du désarmement en lui accordant un degré d’urgence bien supérieur à celui qui lui a été conféré jusqu’à présent.

J’ai été très déçu que la Conférence d’examen du Traité de non-prolifération nucléaire n’ait pas été en mesure d’enregistrer le moindre progrès, et encore plus déçu que le Sommet mondial qui s’est tenu à New York le mois dernier n’ait même pas pu se mettre d’accord sur un paragraphe traitant de non-prolifération et de désarmement. Je considère néanmoins ce Sommet comme un succès qui nous apporte une base solide pour avancer. Nous sommes parvenus à un accord solide sur le développement, le développement durable et l’environnement. Nous avons eu un engagement clair des gouvernements − de tous les gouvernements − pour avancer dans la réalisation des objectifs de développement du Millénaire d’ici à 2015. Nous disposons en outre d’un cadre pour la mise en place d’une commission de consolidation de la paix qui aiderait les pays sortant d’un conflit.

Nous avons également eu un engagement sur le concept de responsabilité, la responsabilité de protéger, qui, je le pense, constitue un progrès sans précédent: les États Membres admettraient qu’ils ont la responsabilité de protéger les populations civiles menacées de génocide, d’épuration ethnique ou de crime contre l’humanité. Et je pense qu’il est important pour les Nations Unies − en particulier si l’on considère ce qui s’est passé au Rwanda, à Srebrenica −, que les États Membres s’engagent à agir. Je pense que c’est important et j’espère que, s’il y a une prochaine fois − ce qui ne devrait pas manquer d’arriver étant donné le monde dans lequel nous vivons − ils honoreront cet engagement.

Et bien sûr, ils ont également décidé de créer un Conseil des droits de l’homme (nous devons encore mettre au point les détails à ce sujet), de renforcer le programme des droits de l’homme des Nations Unies et de doubler le budget pour les droits de l’homme. Nous avons une très bonne Haut-Commissaire aux droits de l’homme et je pense que nous devrions lui donner les outils nécessaires pour mener à bien la tâche.

Pour la première fois, aussi, nous avons eu une déclaration politique sur le terrorisme, laquelle était selon moi importante. Un fonds pour la démocratie a été créé. Et nous avons jeté les bases pour faire avancer les réformes de gestion. Ce sont là de très importants pas en avant.

Depuis que je suis arrivé, j’ai eu des discussions très constructives avec le Président de la Suisse et d’autres membres du Conseil fédéral. L’une des réunions que j’ai eues ici, et qui, j’en suis sûr, vous intéresse, est ma rencontre avec Detlev Mehlis, qui est chargé de l’enquête indépendante des Nations Unies sur l’assassinat de l’ancien Premier Ministre Rafik Hariri. Le Liban, comme vous le savez, traverse une période intéressante mais inquiétante de son histoire et nous autres, les Nations Unies, y jouons un rôle primordial.

Avant de répondre à vos questions, il est un autre point qui a été soulevé durant mon séjour ici: les migrations internationales. Cette question nous est familière à tous depuis le lancement, la semaine dernière, du rapport de la Commission mondiale sur les migrations internationales basée à Genève et, de manière encore plus frappante, du fait de la situation très grave des migrants qui essaient de passer du Maroc en Espagne par les enclaves de Ceuta et Melilla. Je suis convaincu que cette question − celle du flux de personnes traversant les frontières − captera une part croissante de nos énergies dans les années à venir. Il nous faudra mieux prendre conscience des nombreux avantages qui en découlent tout en faisant face aux difficultés que cette question peut engendrer.

L’année prochaine, il y aura à l’Assemblée générale un dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement, qui offrira l’occasion de commencer à instaurer une coopération plus étroite sur cette importante question. Dans l’immédiat, je pense que le HCR a été actif. Il dispose de trois équipes: une à Ceuta, une à Melilla et l’autre aux Canaries. Il est en contact avec le Gouvernement marocain et j’espère qu’une équipe pourra être envoyée sous peu, que le statut des intéressés sera déterminé et qu’ils recevront l’assistance dont ils ont besoin. Nous faisons donc tout ce que nous pouvons et nous sommes en première ligne. Je vais maintenant répondre à vos questions.

Question: Monsieur le Secrétaire général, avant toute chose, au nom de la presse genevoise et de notre association l’ACANU, je voudrais vous remercier vivement de cette occasion qui nous est offerte de vous parler. Nous espérons tous vous revoir plusieurs fois cette année et l’an prochain, en particulier ici, dans cette salle, pour de véritables conférences de presse. Merci encore. J’ai deux questions à vous poser sur la réforme de l’ONU. Premièrement, avez-vous prévu un calendrier pour les divers projets qui ont été approuvés à New York? Deuxièmement, dans votre introduction, vous n’avez pas mentionné la réforme du Conseil de sécurité. Vu la résistance des Américains et des Chinois, entre autres, croyez-vous qu’il soit encore réaliste d’espérer une réforme et un élargissement du Conseil de sécurité durant votre mandat, d’ici à la fin de 2006?

Le Secrétaire général: En ce qui concerne le calendrier, nous allons essayer de faire le maximum avant la fin de l’année. J’espère que nous arriverons à constituer une commission de consolidation de la paix. Le Fonds pour la démocratie a été établi et le montant des contributions annoncées atteint déjà quelque 40 millions de dollars. Les discussions destinées à régler les détails du Conseil des droits de l’homme ont également commencé. Nous ne partons pas de zéro. Toutes ces questions sont connues et on avait un très bon texte qui aurait pu être approuvé, mais des tensions ont empêché son incorporation au document final. Je suis sûr que nous arriverons à mettre sur pied ce conseil et à régler les détails, sinon avant la fin de cette année, en tout cas avant la prochaine réunion de la Commission des droits de l’homme, qui doit se tenir en mars. Pour ce qui est de la gestion, nous allons de l’avant dans la réforme. Il y a beaucoup de choses que je peux faire de ma propre autorité, mais pour d’autres, nous avons besoin de l’approbation des États Membres et de ressources budgétaires. Quant à la réforme du Conseil de sécurité, je suis désolé, c’était un oubli. Comme je l’ai dit, j’ai mis l’accent sur les points qui font l’objet d’un accord, mais il y a encore des divergences que nous nous efforçons d’aplanir.

Il s’agit non seulement de la réforme du Conseil de sécurité, mais encore de la non-prolifération des armes nucléaires et du désarmement. Lorsque les dirigeants étaient à New York, je les ai exhortés à montrer la voie et à ne pas laisser l’initiative aux négociateurs si ceux-ci n’étaient pas capables de faire preuve du dynamisme et de la clairvoyance nécessaires pour aller de l’avant et régler le problème. En ce qui concerne la réforme du Conseil de sécurité, je demeure persuadé qu’elle est indispensable. La réforme de l’ONU ne sera pas achevée tant que le Conseil de sécurité n’aura pas lui aussi été réformé. Les États Membres devraient se pencher de nouveau sur la question d’ici à la fin de l’année et j’espère toujours en une réforme du Conseil. Comme vous le savez, il y a deux possibilités. Je ne sais pas laquelle les États Membres choisiront, mais il est intéressant de voir que presque tous jugent qu’une réforme est nécessaire, sous une forme ou sous une autre. Il nous faut maintenant nous mettre d’accord sur la nature de cette réforme.

Question: Monsieur le Secrétaire général, ce matin, un groupe dissident de rebelles du Darfour a pris en otage des soldats de l’Union africaine, dont la plupart ont ensuite été relâchés. Le chef de l’équipe et une autre personne, sans doute un interprète, sont toujours entre leurs mains. Êtes-vous inquiet et envisagez-vous un renforcement de la sécurité du personnel humanitaire de l’ONU, voire un retrait temporaire?

Le Secrétaire général: Nous sommes profondément préoccupés par l’instabilité qui règne dans la région − et non seulement par les agissements et les attaques des groupes rebelles, mais encore par la criminalité. Nous avons suspendu nos activités dans certaines parties du Darfour pour protéger notre personnel. Mais je pense que ce qui est arrivé aux soldats de l’Union africaine est absolument inadmissible. En fait, nous n’avons pas tardé … Il y a environ une semaine, nous avons nous-mêmes rappelé au Gouvernement soudanais qu’il était responsable de la protection des travailleurs humanitaires et des agents de maintien de la paix qui se trouvaient sur le terrain. Il devrait faire le maximum pour aider les agents de maintien de la paix de l’Union africaine et demander des comptes aux responsables. Les deux groupes, j’entends les rebelles et le Gouvernement, doivent aussi comprendre que si ces incidents se poursuivent, ils feront obstacle à l’assistance humanitaire. La situation empêche déjà de venir en aide à des personnes qui en ont besoin, et force sera peut-être d’arrêter les activités dans certaines parties du territoire. Mais ce qui est arrivé aux soldats de l’Union africaine est absolument inadmissible et le Gouvernement doit prendre fermement position.

Question: Monsieur Annan, pourquoi avez-vous jugé nécessaire de désigner votre propre envoyé ou représentant spécial pour la grippe pandémique à peine deux mois après que le docteur Lee eut nommé le sien, le docteur Margaret Chen. Il y a deux ans, tout le monde avait peur du syndrome respiratoire aigu, le SRAS, comme aujourd’hui on redoute une grippe pandémique. Or, à l’époque, vous n’avez pas désigné de représentant spécial. Mais bien sûr, l’OMS était alors une organisation très dynamique qui n’hésitait pas à se faire entendre.

Le Secrétaire général: Votre question sous-entend une sorte de rivalité entre l’OMS et l’ONU. Or, nous faisons partie de la même famille. Il n’y a pas de concurrence et j’éprouve une grande admiration pour l’équipe de l’OMS qui s’occupe ici de cette question. Vous devriez savoir que le docteur Nabarro est venu me trouver après avoir consulté le docteur Lee, qu’il est à New York pour m’aider en tant que coordonnateur et conseiller, mais que nous collaborons étroitement avec l’OMS et, bien sûr, avec l’ensemble du système des Nations Unies. Nous travaillons donc en tandem, sans rivalité, et je pense que cette coopération sera bénéfique au monde entier et aux régions.

Question: Monsieur le Secrétaire général, une question sur l’aide apportée aux pays touchés par le tsunami. Aujourd’hui nous avons un communiqué de presse sur le tremblement de terre qui vient d’intervenir au Pakistan, en Inde et en Afghanistan, vous en avez parlé. Est-ce que vous considérez que l’aide massive apportée aux pays touchés par le tsunami connaît de bons résultas? Est-ce que vous êtes satisfait? Et est-ce que vous pensez que des efforts doivent être faits pour accélérer la reconstruction qui, dans au moins un pays, le Sri Lanka, semble plutôt patiner.

Le Secrétaire général: Je crois qu’au début cela a très bien marché. On a pu aider les gens immédiatement. Il n’y a pas eu de morts à cause de maladies, à cause du manque de nourriture ou d’eau. Mais en ce qui concerne la reconstruction c’est lent, j’ai eu l’occasion de discuter avec les chefs d’État lorsqu’ils sont venus à New York le mois dernier et j’ai eu l’occasion de discuter de cela avec le Président Clinton, qui est mon envoyé spécial pour les pays touchés par le tsunami. Nous sommes en train de travailler avec les gouvernements pour accélérer la reconstruction des maisons pour ces gens parce qu’ils sont dans des «temporary shelters» qui ne sont pas très convenables. Donc il faut accélérer. J’admets que c’est très long et nous sommes en train de pousser les gouvernements à accélérer les choses.

Question: Bonjour Monsieur le Secrétaire général. Deux petites questions. La première concerne encore le Darfour. Dans vos remarques introductives vous avez dit que, lors du Sommet mondial, les États se sont engagés à protéger les gens contre le génocide. Or, le débat concernant la question de savoir s’il y a eu génocide à un moment ou à un autre au Darfour n’est pas encore clos. Les États-Unis estiment que tel est le cas. Pensez-vous qu’il faille exercer davantage de pressions sur le Gouvernement soudanais et qu’il entendra les injonctions qui lui sont adressées en vue de faire cesser les attaques qu’il a soutenues, voire auxquelles il a participé. Ma deuxième question concerne le référendum constitutionnel qui doit se tenir en Iraq et les élections législatives qui doivent avoir lieu plus tard dans l’année. À votre avis quelles sont les perspectives que ces scrutins aient effectivement lieu, et pensez-vous que le pays se dirige vers la guerre civile?

Le Secrétaire général: Vous posez des questions faciles n’est-ce pas? S’agissant du Darfour, le Gouvernement des États-Unis a effectivement déclaré que ce qui s’est déroulé au Darfour était un génocide. Les Nations Unies n’ont pas fait pareille déclaration. Le groupe qui a enquêté sur la situation au Darfour a clairement indiqué qu’il ne pouvait la qualifier de génocide − et le terme génocide a du reste une connotation, une signification juridique. Cela étant, quand la CPI, la Cour pénale internationale, commencera à se pencher sur ces affaires, il n’est pas exclu qu’elle constate que des individus ont agi dans l’intention de perpétrer un génocide mais elle n’a pas dit que le Gouvernement en tant que tel était mêlé à un génocide organisé. Cela dit, le terme retenu pour décrire la situation n’est pas si important. Des gens ont souffert, des femmes ont été violées et des crimes sont commis et il nous faut agir pour y mettre un terme et en outre adresser un message pour faire comprendre aux gens que nous ne tolérerons pas que l’impunité se perpétue. Donc il faut maintenir la pression sur le Gouvernement, mais pas seulement sur le Gouvernement, il faut aussi faire pression sur les deux groupes rebelles − l’Armée de libération du Soudan et le Mouvement pour la justice et l’égalité. En fait, dans l’incident dont nous avons parlé concernant des soldats de l’Union africaine, ce n’est pas le Gouvernement qui est impliqué. Ce sont les groupes rebelles qui l’ont fait. Alors, les deux parties doivent faire l’objet de pressions constantes en vue de les amener à respecter le cessez-le-feu et à prendre au sérieux les négociations d’Abuja, car sans règlement politique nous ne parviendrons pas à trouver une solution à long terme. Et si la situation au Darfour perdure, elle pourrait avoir un effet négatif sur la mise en œuvre de l’accord de paix global, qui se dessine actuellement entre le nord et le sud. Permettez-moi également de souligner que le Soudan a besoin de beaucoup d’assistance, et quand je dis le Soudan, je ne me réfère pas seulement au Darfour. Le sud du Soudan a de grands besoins. Des milliers voire des millions de personnes vont rentrer dans le sud après 20 à 21 ans de guerre. Les besoins humanitaires sont immenses et il nous faut aider ces gens à se réinstaller. Ce serait une honte qu’après avoir poussé les Soudanais à faire la paix et avoir travaillé avec eux pour parvenir à la paix, nous nous laissions aller et tolérions que le manque de ressources compromette l’accord et son application.

En ce qui concerne l’Iraq, nous avons été actifs dans ce pays en apportant notre assistance à la transition politique. Nos conseillers en droit constitutionnel ont collaboré avec les autorités iraquiennes et, comme vous le savez, voilà tout juste une semaine, il nous a fallu intervenir pour obtenir l’annulation d’une décision antidémocratique qui avait été prise. Et nous allons continuer à travailler avec les Iraquiens. Nous avions tous espéré que le processus constitutionnel serait porteur d’unité. Nous avions escompté ou espéré que ce processus serait aussi inclusif que possible et rassemblerait tous les groupes iraquiens afin que chacun d’entre eux perçoive son avenir dans un Iraq unifié et démocratique. Nous avons une Constitution qui confère beaucoup d’autorité aux régions et le centre n’est pas aussi puissant qu’il pourrait l’être. Quelles en seront les incidences au bout du compte, je ne saurais le dire. Et au moment même où nous parlons, des tentatives sont menées en vue d’améliorer le document afin d’apaiser jusqu’à un certain point les inquiétudes des Sunnites. Si nous ne parvenons pas à faire accepter la Constitution par tous, le risque de voir se poursuivre la violence persistera. Si ce processus avait été inclusif, si chacun avait adhéré à la Constitution et si chacun avait estimé que ses intérêts étaient protégés par la Constitution, je pense que cette entreprise aurait été fédératrice. Nous n’en sommes pas là. La nature des élections de décembre sera fonction du résultat du référendum. Si le référendum réussit, en décembre nous aurons des élections qui déboucheront sur l’instauration d’un nouveau parlement élu démocratiquement. Si le référendum échoue, il faudra pourtant tenir des élections en décembre pour établir une nouvelle assemblée constituante, qui serait alors appelée à relancer le processus constitutionnel. Alors en fin de compte, seul l’avenir peut apporter la réponse à certaines des questions posées.

Question: Monsieur le Secrétaire général, cette organisation que vous représentez symbolise l’espoir pour des millions de gens dans ce monde mais on a l’impression que, ces derniers temps, elle traverse une phase très très délicate. Indépendamment de ceux qui sont des détracteurs intentionnés, il y en a qui disent qu’il y a un dérapage, qu’elle connaît beaucoup de dérapages. Elle est devenue elle-même visée directement − si on se rappelle ce qui s’est passé à Bagdad − ces institutions se barricadent pour pouvoir continuer à exercer leur fonction qui est celle de protéger les autres. Sa voix s’est tue lorsqu’il a fallu dénoncer les dérapages. Ses symboles − je parle des composantes humaines − sont impliqués dans des procès, à tort ou a raison, de mœurs, de malversations, de mauvaise gestion. Ma question: à qui incombe la responsabilité dans ces dérapages, et est-ce que vous restez confiant que l’on pourra revoir cette organisation reprendre ces fonctions pour lesquelles elle a été créée?

Le Secrétaire général: Les Nations Unies, ce n’est pas un satellite quelque part. Les Nations Unies, ce sont les États Membres. Les Nations Unies peuvent fonctionner, peuvent faire beaucoup de choses, autant que les États Membres ont la volonté politique d’agir. Je crois que les idéaux des Nations Unies sont toujours valables. Je dis souvent, c’est comme la Bible ou le Coran (je vous le dis en anglais pour ne pas perdre les nuances).

Nous parlons beaucoup de religion et de foi. Le problème ne réside pas dans la foi. Le problème ne réside pas dans le Coran ou la Bible. Le problème réside dans le fidèle, dans les fidèles, et la manière dont ils interprètent ou dont ils se comportent et je pense que cela s’applique à un certain point également à notre organisation et à nos idéaux ainsi qu’à la question que vous avez posée. Le mois dernier, plus de 150 chefs d’État ou de gouvernement se sont rassemblés à New York pour se pencher sur les défis et les menaces auxquels nous sommes confrontés au XXIe siècle et sur la manière dont nous pourrions nous organiser collectivement pour y faire face. Et vous savez combien les négociations ont été difficiles. En fin de compte nous avons abouti à un document final, mais il est pour le moins décevant que les États ne puissent se départir de leur propension à tout envisager sous l’angle d’intérêts nationaux étriqués, même si tous admettent que les questions dont nous traitons aujourd’hui ne peuvent être réglées par un pays à lui tout seul − aussi puissant fût-il. Il nous faut donc nous engager dans une sorte de démarche éducative, mais elle ne peut qu’être différente d’une région à une autre. Le Groupe des pays européens a vigoureusement soutenu la réforme. Ces pays vivent l’expérience du multilatéralisme. Ils n’en ont pas peur. Je ne suis pas certain que toutes les autres régions en soient à ce stade. Mais j’espère que l’expérience européenne apportera un enseignement aux autres régions sur la manière dont parfois, souvent même, l’intérêt collectif coïncide avec les intérêts nationaux.

Question: Monsieur le Secrétaire général, c’est au sujet du Conseil des droits de l’homme. Tout le monde a salué cette décision avec satisfaction. Cependant, le Conseil des droits de l’homme est une coquille vide, c’est-à-dire, on ne sait pas qui siègera dans ce conseil. Or, comme le dit Mme Arbour, aucun État n’a raison de pavoiser. Autrement dit, aucun État ne viole pas quelque part les droits de l’homme. Alors comment pensez-vous que l’on pourra parvenir à faire un choix équilibré et juste et avoir des États modèles?

Le Secrétaire général: D’abord, ils ont pris la décision d’établir un Conseil des droits de l’homme. Nous sommes en train d’élaborer les détails. On doit pouvoir y arriver. Évidemment, on va aussi changer les méthodes de sélection. Aujourd’hui, si une région, selon le système de rotation, propose des pays comme membre du Conseil, ils sont automatiquement acceptés par l’Assemblée générale. Mais avec les changements, chaque candidat doit avoir deux tiers des votes. Donc, si un pays est proposé, et n’arrive pas à avoir deux tiers des votes dans l’Assemblée générale, on doit retirer sa candidature et proposer quelqu’un d’autre. J’espère qu’avec cette approche, on va pouvoir améliorer, disons, la liste des pays qui participent dans ce Conseil. On n’a pas encore décidé du nombre de membres. Moi j’avais proposé 30. Ils sont en train de regarder entre 30 et 50. Je ne sais pas ce qu’ils vont décider, mais en tout cas je crois qu’on verra un changement avec cette méthode de sélection, qui peut nous aider.

Question: Monsieur le Secrétaire général, je me demande si vous pourriez développer un peu ce que vous avez dit devant le Comité exécutif du HCR au sujet des réformes et de la question de la protection des personnes qui signalent des irrégularités ou des abus, par exemple. Est-ce que cela signifie que si une personne dénonce publiquement des abus − je pense par exemple à l’affaire de l’ancien Haut-Commissaire pour les réfugiés − elle ne risquera plus de perdre son emploi? Deuxièmement, dans le même contexte, comment est-il possible que vous ayez exonéré l’ancien Haut-Commissaire pour les réfugiés des accusations de harcèlement portées contre lui, alors qu’au début de l’année il a été malgré tout contraint de démissionner? Je vous remercie.

Le Secrétaire général: Tout d’abord, à ma connaissance aucune personne ayant dénoncé un abus publiquement n’a été contrainte de démissionner. Nous disons que nous allons améliorer la protection des personnes qui signalent des irrégularités et les gens qui divulguent certaines informations et nous prenons au sérieux l’idée de les protéger − et elle se réalisera. En ce qui concerne l’ancien Haut-Commissaire pour les réfugiés, M. Lubbers, je suis un peu étonné que cette question fasse à nouveau surface aujourd’hui. Je pense qu’il nous faudrait parfois laisser certaines affaires se tasser et permettez-moi de vous dire que cette affaire − à ce propos j’apprécie que vous ayez utilisé l’expression accusations de harcèlement − a fait l’objet d’une enquête et a donné lieu à un processus approfondi. L’ancien Haut-Commissaire a eu la possibilité de répondre et après avoir consulté mon entourage et mes juristes je suis parvenu à la conclusion que les éléments de preuve avancés n’étayaient pas l’accusation et une décision a alors été prise. Mais divers facteurs, en particulier des comportements du type du vôtre en ce moment − harceler l’accusé, ne pas le lâcher, revenir à la charge encore et encore − dans une organisation qui vit de contributions volontaires, sur un fond de rumeurs et de fuites, tout cela a été très injuste envers lui et a fini par l’amener à s’en aller, dans l’intérêt de l’Organisation, et je pense que l’affaire devrait en rester là.

Question: Monsieur le Secrétaire général, au cours des débats de l’Assemblée générale, on a parlé, à droite à gauche, qu’il y a un comité qui va soutenir le Secrétaire général dans ses décisions au niveau du budget. C’est-à-dire que ce Comité a deux tâches, premièrement réduire ou alléger les tâches du Secrétaire général au niveau des dépenses, après le rapport «pétrole contre nourriture», et deuxièmement faire un petit contrôle sur les «activités du Secrétaire général». Deuxième question concernant la tâche et la mission de M. Mehlis au Liban. On a parlé sur le contenu du rapport que M. Mehlis n’a rien trouvé de tangible pour trouver la piste sur l’assassinat de Rafik Hariri. On a parlé que le Premier Ministre libanais a demandé, à vous, de prolonger le mandat de M. Mehlis pour deux mois. C’est-à-dire que le mandat se termine le 25 octobre, pour le 15 décembre. Est-ce que le Secrétaire général décide de prolonger cette mission sans savoir le rapport qui va être présenté le 21 octobre, s’il y a quelque chose de réel?

Le Secrétaire général: Je n’ai pas bien saisi la première question. Vous parlez du comité créé par l’Assemblée générale. Je ne crois pas que c’est le cas. C’est un Comité que l’on va créer, on va établir ce que l’on appelle un «ethics committee» et on a parlé de accountability: on va établir un groupe pour travailler avec moi. Et puis il y a aussi le concept d’inspecteur général qui existe aujourd’hui sous la forme de l’OIOS qui, déjà, est obligé de soumettre ses rapports à l’Assemblée générale, mais on veut lui donner beaucoup plus de moyens et le rendre beaucoup plus efficace.

En ce qui concerne la question sur M. Mehlis, effectivement, je n’ai pas vu le rapport. Ce rapport n’est pas terminé, donc je ne vais pas parler du contenu de ce rapport. Si le mandat de Mehlis doit être prolongé ou non, cela dépendra des besoins. S’il a besoin de continuer le travail, s’il a des choses à faire, je verrai. Mais s’il a terminé son travail, c’est autre chose. Mais je ne peux rien dire tant que je n’aurai pas vu le rapport de M. Mehlis.

Question: Monsieur le Secrétaire général, vous avez récemment nommé M. Supachai à la tête de la CNUCED et on vous dit ardemment convaincu que le commerce peut permettre aux gens d’échapper à la pauvreté. Quel message adresserez-vous aux négociateurs et ministres du commerce devant se réunir à Hong Kong en ce qui concerne les plus pauvres des pauvres, en particulier en Afrique subsaharienne? Deuxièmement, au sujet de la menace terroriste, à quel point les Nations Unies sont-elles préparées à riposter à une attaque massive, à des attaques multiples dans de nombreuses villes? Je vous remercie.

Le Secrétaire général: La question du commerce a été très présente lors du dernier Sommet. S’agissant de la meilleure manière d’aider les pauvres, l’aide au développement apporte sa contribution, de même que l’allégement de la dette, mais oui, effectivement, je crois qu’un système commercial véritablement libre et équitable permettant aux pauvres de commercer eux-mêmes pour s’arracher à la pauvreté et nivelant le terrain grâce à l’élimination des subventions est susceptible de faire toute la différence. Je peux vous dire que les subventions agricoles sapent vraiment la productivité et l’efficacité agricoles des producteurs du tiers monde. J’espère sincèrement que la réunion de Hong Kong permettra de réaliser de réels progrès. Cette question a également été abordée par l’Assemblée générale. J’y étais avec M. Supachai, et d’autres, et nous avons poussé à l’élimination des subventions et à des efforts authentiques visant à améliorer le système commercial en faveur des pauvres. Franchement, ils tireront bien davantage du commerce que de tout ce que l’aide au développement est susceptible de leur apporter. Et j’espère que cela se produira. Vous avez posé une autre question…

Question: Oui, il s’agissait de la menace accrue du terrorisme. Merci.

Le Secrétaire général: Comment l’ONU répondrait à des attaques survenant simultanément dans plusieurs capitales. Évidemment, vous n’entendez pas par là, je suppose, une intervention matérielle.

Question: Je veux parler du volet humanitaire.

Le Secrétaire général: Devoir affronter tant de situations à la fois poserait un problème extrêmement difficile et il faut espérer que nous n’en arriverons jamais là. Cependant il faut, bien entendu, envisager tous les scénarios possibles, y compris les scénarios catastrophes. De fait, c’est la situation qui se présente déjà aujourd’hui, avec toutes les catastrophes naturelles que nous connaissons. Quelqu’un a évoqué le tsunami, nous avons parlé du séisme qui s’est produit au Pakistan. La situation en Amérique centrale est également très tragique, mais elle se trouve reléguée au second plan, compte tenu de l’ampleur des problèmes du Pakistan. Et pourtant, les besoins sont bien réels dans cette région. Voyez ce qui s’est passé ces deux ou trois derniers mois: l’ouragan Katrina et l’ouragan Rita, le Pakistan et l’Amérique centrale, plus, il y a quelques mois, le tsunami: tout cela en une dizaine de mois. Toutes ces crises se disputent les mêmes ressources, le même soutien logistique. De toute évidence, il faut penser au scénario que vous avez évoqué. S’il devait se matérialiser, il poserait un véritable défi, non seulement d’un point de vue logistique, mais aussi en ce qui concerne la mobilisation des ressources, l’organisation et la conduite effective des interventions. Bien entendu, l’un des principaux impératifs est la mise en place d’une coordination efficace, et il faudra disposer, partout, de bonnes équipes de coordination. Merci.

Question: Je voudrais vous poser une question au sujet des enclaves espagnoles et de ce qui s’y passe actuellement. Pensez-vous, Monsieur le Secrétaire général, qu’il s’agit d’une question exclusivement européenne et qu’il appartient aux Européens d’y trouver une solution ou faudrait-il aborder ces questions de migration dans un cadre international, éventuellement dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies? Merci.

Le Secrétaire général: Je crois que le règlement de cette question suppose une coopération internationale. C’est la raison pour laquelle j’ai préconisé, il y a deux ans, la création de la Commission mondiale sur les migrations internationales. La Commission a déposé son rapport la semaine dernière et j’espère que vous aurez l’occasion de le consulter. La question des migrations est évidemment une question complexe, à la fois pour les pays d’origine, les pays de transit et les pays de destination. Chacun y trouve des avantages et des inconvénients. Ce qui est évident, c’est que les caractéristiques démographiques du continent européen rendent les migrations nécessaires. Plusieurs pays européens ne pourront pas maintenir leur niveau actuel de développement économique sans l’immigration. Il faut aussi aider les immigrants à s’installer; à leur tour, ils doivent accepter et respecter les lois des pays d’accueil. Il importe de ne pas se livrer à la vaine entreprise qui consisterait à essayer d’empêcher les mouvements transfrontières et les migrations. Cette démarche serait vouée à l’échec. Ces mouvements se produisent depuis des siècles. Aujourd’hui, quelque 200 millions de personnes vivent en dehors de leur pays. Ce mouvement se poursuivra. Ce qu’il faut, c’est gérer le processus de manière juste et équitable, dans l’intérêt de tous − pays d’origine, pays de transit et pays d’accueil − mais, avant tout, dans le respect des droits des migrants. Il se pose évidemment la question de certains éléments criminels. Nous sommes préoccupés notamment par le trafic d’êtres humains et le passage de drogues à travers les frontières. Certes, nous devons trouver les moyens d’affronter cette situation, mais nous ne devons pas, ce faisant, balayer d’un revers de la main les demandeurs d’asile légitimes. Le problème est donc complexe et il faut y faire face.

Question: Monsieur le Secrétaire général, l’ensemble des rapporteurs et des experts internationaux conviennent de la difficulté de la mise en œuvre du droit international des droits de l’homme. Cela étant et même si les Nations Unies ne sont pas parties aux Pactes et aux Conventions relatives aux droits de l’homme, quelle est votre position sur l’applicabilité des droits de l’homme par l’administration des Nations Unies, et aussi de l’applicabilité des résolutions ou de la non-applicabilité des résolutions adoptées par l’Assemblée générale à l’intention de l’administration de l’Organisation?

Le Secrétaire général: Je ne suis pas sûr que j’ai bien compris la question.

Question: Je regrette de vous poser cette question, mais au vu des différentes démarches entreprises auprès de l’administration à Genève et à New York, sans réponse, j’ose vous poser la question de fond à vous: quelle est votre position concernant l’application des résolutions de l’Assemblée générale à l’intention de l’administration des Nations Unies et donc, quelle est votre position concernant la viabilité et le respect des normes des droits de l’homme par l’administration des Nations Unies. Par exemple, il y a des cas d’espèce, il s’agit simplement, en tout cas pour le moment de connaître votre position concernant ces deux questions.

Le Secrétaire général: Je vais essayer de répondre à la question, telle je crois l’avoir comprise. Je crois que les États Membres de l’Organisation doivent respecter les résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité. Ce n’est pas toujours le cas, ils ne les respectent pas toujours, et pourtant ils doivent s’y conformer. À l’échelon du Secrétariat, nous devons non seulement accepter, mais aussi promouvoir le respect et l’application de ces résolutions, qu’elles émanent de l’Assemblée générale ou du Conseil de sécurité. Merci.

Question: Il s’agit d’une résolution en l’occurrence − il y en a d’autres − mais la 51/226 à l’intention de l’administration des Nations Unies et qui pour l’instant n’est pas mise en œuvre. Cette résolution a été approuvée par l’Assemblée générale en 1997 et reconduite chaque année, et elle est traitée également à la Cinquième Commission, toujours sans application par l’administration des Nations Unies.

Le Secrétaire général: Je vois que portez un intérêt très particulier à cette résolution. Il ne me semble pas, cependant, que la question intéresse autant le reste de l’assistance. Je suggèrerais donc que nous en discutions à la fin de la réunion, par exemple. Passons à la question suivante, s’il vous plaît.

Question: Ma question concerne la proposition que vous avez faite en vue du règlement du problème du Kosovo. J’aimerais également connaître votre position sur d’autres problèmes similaires, à savoir, par exemple, ceux de l’Abkhazie et de l’Ossétie, qui ont été intégrées de force à la Géorgie sous le régime de Staline. Merci.

Le Secrétaire général: En ce qui concerne le Kosovo, j’ai chargé l’Ambassadeur Kai Eide de mener une étude. Le rapport issu de cette étude, qui m’a été remis la semaine dernière, rend compte des progrès réalisés en matière d’application des normes. Nous avions indiqué que si les progrès étaient suffisants dans ce domaine, nous passerions à l’examen de la question du statut. Après avoir pris connaissance du rapport, j’ai recommandé au Conseil de sécurité que nous entamions cet examen. Je désignerai prochainement un Envoyé spécial qui conduira les entretiens. Le problème est complexe. Nous devons en discuter avec Pristina et avec Belgrade. Cela étant, il nous faut garder à l’esprit que le Kosovo n’est pas une entité isolée et tenir compte des répercussions que nos décisions pourraient avoir dans la sous-région. Je ne suis pas en mesure de vous dire quand les entretiens débuteront, mais je puis vous assurer que nous, nous les mènerons avec détermination et bonne foi et que nous nous efforcerons de trouver une solution acceptable. Pour ce qui est de l’Abkhazie et de l’Ossétie, comme vous le savez, j’ai un Représentant spécial à Tbilissi, qui étudie cette question avec le Gouvernement géorgien et le Gouvernement russe. Les Amis de la Géorgie se réunissent régulièrement ici pour examiner la situation. Nous n’avons pas réalisé tous les progrès que nous escomptions et notre action doit se poursuivre.

Question: Monsieur le Secrétaire général, j’aimerais d’abord remercier votre Directeur général qui nous accorde de temps en temps la parole. Ma question pour revenir à l’Afrique, car de plus en plus souvent, pour se faire bonne conscience, on parle de l’Afrique, mais quand il s’agit de réfléchir, les Africains ne sont pas là. Monsieur le Secrétaire général, j’ai une question par rapport à l’affaire Habré. Le Président Wade du Sénégal vous avait fait la promesse de l’extrader. Est-ce que, aujourd’hui, la position des Nations Unies est toujours la même, c’est-à-dire est-ce que vous êtes pour que le Président Habré soit extradé s’il n’est pas jugé au Sénégal. Ma deuxième question: allez-vous vous présenter après la fin de votre mandat comme président de votre pays.

Le Secrétaire général: En ce qui concerne l’affaire Hissène Habré, j’attends de parler avec le Président Wade, je n’ai pas eu l’occasion de le faire encore. Mais évidemment il y a un cas contre lui et j’espère que... Je ne peux rien dire avant ma discussion avec le Président Wade. Je vais lui en parler. En ce qui concerne mes activités fin 2006, je ne serai pas un politicien, je ne serai pas candidat pour le poste de Président du Ghana. J’ai fait énormément de travail. Cela fait 15 ans que j’occupe un poste «à haute pression» si vous voulez, premièrement comme responsable du maintien de la paix, et bientôt 10 ans comme Secrétaire général. Je crois que j’aurai besoin de repos après ça.

Question: Monsieur le Secrétaire général, je voudrais revenir sur une expression que vous avez prononcée, celle de diplomatie multilatérale. Est-ce que ce concept n’a pas montré ses limites? Vous avez cité certains dossiers − le traité de non-prolifération, la Conférence du désarmement, la crise iraquienne, la réforme des Nations Unies − à l’aune de tout cela, quel avenir, non pas utopique ou idéaliste, mais quel avenir réaliste voyez-vous pour ce concept de diplomatie multilatérale et est-ce qu’il n’a pas montré ses limites?

Le Secrétaire général: On a tendance, lorsqu’on discute ce genre de choses, à citer des échecs mais pas des succès. Par exemple, la communauté internationale, même concernant l’Iraq, a travaillé ensemble pour la première guerre d’Iraq. La communauté internationale a travaillé ensemble. On a vu, avec le tsunami, on a travaillé ensemble. Sur les questions des droits de l’homme, du droit international, les Nations Unies ont un devoir; c’est les Nations Unies qui travaillent avec les États Membres pour promouvoir les Conventions et tout cela. Donc, dans certains domaines ça marche. Si, aujourd’hui, on n’a pas pu avoir encore un accord sur la non-prolifération et tout cela, ça ne veut pas dire que l’on doit laisser tomber, que ça ne marchera jamais. Ca ne veut pas dire que l’on doit laisser tomber les idéaux parce qu’on n’a pas réussi aujourd’hui.

Le Secrétaire général: Vous devez vous fixer un objectif ou une norme et tendre vers cet objectif ou cette norme. Vous conviendrez avec moi, je l’espère, que le rêve aussi est nécessaire. Vous devez parfois rêver, faute de quoi, vous ne vous assignez aucune tâche à accomplir. Il faut d’abord rêver, puis s’efforcer de réaliser ses rêves en s’en donnant les moyens. Ne bannissez donc par le rêve ou les normes qui ne sont pas réalisables dans l’immédiat.

Porte-parole adjoint: Je crois que nous avons tout juste le temps d’écouter une question et je donne la parole à Gordon Martin qui, me semble-t-il, est le journaliste le plus ancien ici puisqu’il travaille avec application depuis plus de 25 ans.

Question: Je suis particulièrement heureux de vous revoir et tiens à vous remercier d’être ici parmi nous. Nous sommes honorés d’accueillir aujourd’hui dans cette salle un fonctionnaire particulièrement dévoué, travailleur et courageux des Nations Unies, à savoir mon ami Mohamed Sahnoun. Percevez-vous des signes d’espoir dans la région dont il s’occupe, à savoir notamment la Somalie? Merci.

Le Secrétaire général: Merci Gordon. Je suis, comme toujours, ravi de vous voir. La corne de l’Afrique est une région difficile et complexe. Quant à la Somalie, nous n’avons guère progressé. Les Somaliens n’ont plus. Ils sont convenus à Nairobi de mettre sur pied un parlement, ce qu’ils ont fait, ils ont élu un président et nommé des ministres et ils devaient regagner la Somalie pour poursuivre leurs travaux. Bien sûr, comme nous le savons tous, l’insécurité règne en Somalie, aussi ont-ils dû, tout d’abord, s’y établir, assurer leur propre protection et commencer à remettre sur pied les institutions gouvernementales. Ce n’est pas encore fait. Mon Représentant spécial, François Fall, fait tout ce qu’il peut pour les aider, mais la situation est extrêmement difficile, et plusieurs ministres ont même dû quitter de nouveau la Somalie. J’ignore quand ils pourront regagner le pays, où la sécurité est loin d’être assurée. Il y a environ quatre mois, l’IGAD a envisagé l’envoi d’une force de 20 000 hommes dans l’espoir de calmer le jeu. Cette solution ne m’a pas paru viable. L’IGAD n’a pas les troupes nécessaires ni les moyens de déployer 20 000 hommes en Somalie et de les y maintenir. Il faudrait un gros appui logistique et des ressources importantes, qui ne sont pas disponibles pour l’heure.

Il y a ensuite le conflit entre l’Érythrée et l’Éthiopie. La Commission du tracé de la frontière a rendu ses décisions, que nous n’avons pas pu mettre en œuvre. Le personnel de maintien de la paix est sur place. Mais on ne peut démarquer une frontière à moins que les deux parties coopèrent. L’Érythrée insiste pour que les décisions de la Commission soient automatiquement mises en œuvre, tandis que l’Éthiopie dit vouloir accepter ses décisions, mais veut en discuter avant qu’elles ne soient mises en œuvre. Il y a ainsi une sorte d’affrontement entre deux parties dont l’une insiste pour que les décisions soient examinées avant d’être appliquées et dont l’autre veut absolument qu’elles soient appliquées avant tous pourparlers. Nous avons tout tenté. J’ai dépêché des représentants pour tenter de débloquer la situation. Si l’une des parties reçoit mon envoyé, l’autre refuse de le faire. À présent nous allons voir si, par la suite, il y a moyen de sortir de l’impasse. S’y ajoute le fait qu’il y a aujourd’hui une situation politique nouvelle en Éthiopie − des élections ont eu lieu, l’opposition a eu de très bons résultats et la session du Parlement est, je crois, censé s’ouvrir aujourd’hui ou dans les jours à venir. La dynamique du Parlement et la question de la gestion des affaires publiques devraient aussi évoluer, mais j’ignore quelle sera la position du nouveau Parlement et du Gouvernement sur la question de la frontière.

De surcroît, il y a dans la région une grave situation sur le plan humanitaire. Nous avons encouragé les gouvernements à accorder toute l’attention voulue à la sécurité alimentaire et à collaborer avec la communauté internationale en vue de commencer à dresser les plans nécessaires pour établir effectivement un mécanisme et un système de sécurité alimentaire, afin d’éviter les famines périodiques, qui sont très meurtrières et exigent des ressources importantes. En étant correctement planifiées, ces ressources peuvent être investies dans une agriculture productive. J’insiste auprès des gouvernements des pays donateurs et des pays d’Afrique afin qu’ils accordent à l’agriculture toute l’attention voulue. Malheureusement, de tous les continents, l’Afrique est le seul où il n’y a pas eu de révolution verte. Nous devrions pouvoir améliorer la productivité agricole, de même que les systèmes d’irrigation, de manière à mieux tirer parti de chaque goutte d’eau. Nous devrions disposer de systèmes de conservation et de transformation des denrées alimentaires. Il y ainsi beaucoup à faire. Il ressort de discussions avec le Gouvernement éthiopien que celui-ci commence à s’intéresser de très près à la question de la sécurité alimentaire. Si la région donne ainsi quelques signes d’espoir, beaucoup de difficultés demeurent. Mohamed Sahnoun, ici présent, a beaucoup fait dans la région et sait sans doute de quoi je parle. Je vous remercie.

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