Fil d'Ariane

Gaza : un convoi du PAM pillé, alors que l’aide entre au compte-gouttes

Le chaos engendré par des mois de blocus humanitaire s’est une nouvelle fois manifesté dans la nuit de jeudi à vendredi, lorsqu’un convoi du Programme alimentaire mondial (PAM) a été pris d’assaut par une foule affamée dans le sud de la bande de Gaza. Composé de quinze camions à destination de boulangeries soutenues par l’agence onusienne, les denrées transportées ont été pillées avant d’atteindre sa destination.
« La faim, le désespoir et l’incertitude autour de l’acheminement de la prochaine aide alimentaire créent une situation de plus en plus instable », a alerté vendredi le PAM dans un communiqué.
À en croire le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, cet incident n’a rien de surprenant. « Toute l’aide autorisée jusqu’à présent ne représente qu’une goutte d'eau face au torrent de secours nécessaire », a-t-il dit lors d’une conférence de presse au siège de l’organisation, à New York.
Malgré la levée partielle, lundi, du blocus humanitaire total imposé par Israël à l’enclave palestinienne depuis le 2 mars, les livraisons d’aide ont en effet repris au compte-gouttes, alors même que la totalité des habitants de Gaza sont en situation de détresse alimentaire.
Seulement 115 camions récupérés
Face aux journalistes, M. Guterres a déploré aussi bien les quantités d’aide insuffisantes autorisées par Israël que les obstacles logistiques auxquels sont soumis les travailleurs humanitaires sur le terrain. « Des quotas stricts sont imposés sur les biens que nous distribuons, accompagnés de retards de procédures inutiles », a-t-il dit.
Au total, cette semaine, près de 400 camions ont été autorisés à entrer à Gaza par le point de passage de Kerem Shalom, dans le sud d’Israël, mais seules les cargaisons de 115 camions ont pu être récupérées. « Et rien n’est parvenu au nord de l’enclave, toujours assiégé », a précisé le Secrétaire général.
Quant aux autres produits de base dont les Gazaouis ont cruellement besoin, comme le carburant, les abris, le gaz de cuisson et les équipements de purification de l’eau, ils sont toujours interdits d’entrée dans l’enclave.
Face à « une population désespérée après des mois de blocus et un approvisionnement dramatiquement insuffisant », auquel s’ajoute le manque de protection des convois humanitaires, M. Guterres a estimé que le risque d’incidents sécuritaires et de pillages « demeure élevé ».
Quelques boulangeries face au risque de famine
Grâce à l’arrivée de farine via Kerem Shalom, plusieurs boulangeries appuyées par le PAM ont néanmoins timidement repris leur production, après plus de deux mois d’interruption. Ces points de distribution permettent notamment aux cuisines communautaires de proposer à nouveau du pain frais aux résidents.
Mais insiste le PAM : ces signes de reprise ne sauraient masquer l’ampleur de la crise. « Deux millions de personnes sont menacées de faim extrême et de famine si aucune mesure n’est prise immédiatement », avertit l’agence, qui demande aux autorités israéliennes de faciliter un accès plus rapide, massif et mieux sécurisé à l’enclave, comme cela avait été possible durant le cessez-le-feu de janvier.
Surtout, les agents humanitaires veulent pouvoir livrer l’aide directement aux familles afin d’éviter une famine généralisée. António Guterres a abondé en ce sens : « La vie de notre personnel est en danger si nous ne sommes pas autorisés à distribuer directement des colis alimentaires et de la farine de blé aux personnes en détresse ».
Selon le PAM, plus de 140.000 tonnes de nourriture – suffisamment pour nourrir l’ensemble de la population pendant deux mois – sont prêtes à être acheminées dès que les conditions le permettront. « De quoi remplir près de 9.000 camions », a précisé le Secrétaire général.
Un système de santé détruit
Sur le plan sanitaire, la situation ne cesse de se détériorer. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a rapporté que quatre grands hôpitaux – Kamal Adwan, Indonesia, Hamad et l’hôpital européen de Gaza – ont été contraints de suspendre leurs services en raison de leur proximité avec les combats ou d’ordres d’évacuation. Depuis octobre 2023, 697 attaques contre le système de santé ont été recensées, et 94 % des hôpitaux sont endommagés ou détruits.
« Aujourd’hui, 80 % du territoire de Gaza est soit désigné comme zone militarisée par Israël, soit déclaré zone d’évacuation », a précisé António Guterres. « Autrement dit, les quatre cinquièmes du territoire sont interdits d’accès pour les habitants de Gaza ».
Des 36 hôpitaux que comptait la bande de Gaza avant le conflit, seuls 19 restent partiellement fonctionnels. La majorité n’assure plus que des soins d’urgence, dans des conditions que le personnel qualifie d’« impossibles », confronté à un manque criant de médicaments, de carburant, de personnel et à un afflux incessant de blessés.
Plan d'aide en 5 points
Face à la situation actuelle, le Secrétaire général a indiqué que l'ONU et ses partenaires disposaient d'un « plan détaillé » en cinq étapes, soutenu par les États membres de l'organisation.
- Assurer l'acheminement de l'aide à Gaza
- Inspecter et scanner l'aide aux points de passage
- Transporter l'aide des points de passage aux installations humanitaires
- Préparer l'aide pour sa distribution ultérieure
- Et acheminer l'aide aux personnes dans le besoin
« Faisons les choses correctement »
Réaffirmant l’attachement des Nations unies aux principes humanitaires fondamentaux – humanité, impartialité, neutralité, indépendance – M. Guterres a répété que l’ONU ne participerait à aucun dispositif ne respectant pas le droit international. Il a aussi plaidé pour la mise en œuvre urgente d’un cessez-le-feu permanent, la libération de tous les otages et un accès humanitaire sans restriction.
Un mécanisme d’acheminement de l’aide, opérationnel et soutenu par plusieurs États membres, est prêt, a-t-il assuré : inspection, transfert, distribution. Tout est en place. « Nous avons le personnel, les réseaux de distribution, les systèmes et les relations communautaires pour agir », a-t-il déclaré, avant de conclure : « Ceci est mon appel pour une aide vitale en faveur du peuple de Gaza, éprouvé depuis si longtemps : faisons les choses correctement. Et faisons-les sans tarder ».