Fil d'Ariane

À Genève, le chef de l’OMS exhorte les États à adopter un accord « historique » sur les pandémies

Lundi, à l’ouverture de la réunion annuelle des États membres de l’OMS, le directeur général de l’agence, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a appelé ces derniers à adopter l’accord international sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies.
« Chaque Assemblée mondiale de la santé est importante, mais celle de cette année l’est tout particulièrement », a-t-il déclaré, solennel, devant les délégations réunies au siège de l’OMS, dans la ville suisse. « Il s’agit véritablement d’un moment historique », a-t-il insisté.
Finalisé le 16 avril par consensus, le texte vise à garantir un accès équitable aux solutions de santé – vaccins, médicaments, tests – en cas de crise sanitaire mondiale, et à renforcer la surveillance épidémiologique grâce à une approche dite « une seule santé », intégrant les dimensions humaine, animale et environnementale.
« Même en pleine crise et face à une opposition importante, vous avez travaillé sans relâche, vous n’avez jamais abandonné. Et vous êtes finalement parvenus à un consensus le matin du 16 avril, après une nuit de négociations intenses », a salué le Dr Tedros, rendant hommage à la ténacité des délégations.
Le défi du partage des pathogènes
L’accord ne sera pleinement effectif qu’après ratification par 60 pays. D’ici là, des négociations cruciales devront se poursuivre jusqu’en mai 2026, notamment sur le mécanisme d’« accès aux pathogènes et de partage des avantages » (PABS), qui prévoit une meilleure coopération scientifique en cas de découverte d’un agent pathogène à potentiel pandémique.
Mais cet élan multilatéral coïncide avec une réalité bien plus amère : celle d’une OMS fragilisée, confrontée à une sévère crise budgétaire. Le budget présenté pour les deux prochaines années est en recul de 22 % par rapport aux prévisions initiales – une contraction largement imputée aux coupes décidées par les États-Unis et d'autres pays donateurs. À ce jour, seuls 60 % de l’enveloppe ont été couverts, laissant un déficit de 1,7 milliard de dollars.
« Nous savons que dans le contexte actuel, la mobilisation de cette somme sera un défi. Mais nous ne sommes pas naïfs », a reconnu le directeur général. Avant de rappeler : « Un budget annuel de 2,1 milliards de dollars pour une organisation présente dans 150 pays, ce n’est pas ambitieux. C’est extrêmement modeste ».
Coupes budgétaires
Pour illustrer son propos, le chef de l’OMS n’a pas hésité à recourir à des comparaisons percutantes : « Deux milliards de dollars, c’est l’équivalent des dépenses militaires mondiales toutes les huit heures. Deux milliards, c’est le prix d’un bombardier furtif conçu pour tuer. Et 2,1 milliards, c’est un quart de ce que l’industrie du tabac dépense chaque année pour promouvoir un produit qui tue ».
Derrière ces chiffres, ce sont des vies humaines qui sont en jeu. Dans de nombreux pays, les réductions budgétaires se traduisent déjà par des conséquences tangibles : fermetures d’établissements de santé, licenciements de personnels soignants, explosion des dépenses de santé à la charge des ménages.
« De nombreux ministres m’ont dit que les réductions soudaines et importantes de l’aide bilatérale provoquaient de graves perturbations dans leurs pays et mettaient en péril la santé de millions de personnes », a alerté le Dr Tedros.
Une crise annoncée
Pour l’OMS, le risque est désormais de voir sa capacité d’intervention réduite à un moment où les menaces sanitaires s’accumulent : poliomyélite, Ebola, rougeole, mais aussi flambées de maladies chroniques ou transmises par les animaux. Et ce, alors même que les pays les plus vulnérables sont ceux qui ont le plus besoin d’un appui technique et logistique.
« Bien que la situation actuelle soit difficile, elle ne devrait surprendre aucun d’entre nous. C’est une situation qui se prépare depuis de nombreuses années et que nous avons vue venir », a conclu le chef de l'OMS.
Jusqu’au 27 mai, l’Assemblée mondiale de la santé examinera environ 75 points à son ordre du jour. Plus de 40 résolutions et décisions sont attendues, dont certaines pourraient redéfinir les priorités de la gouvernance sanitaire mondiale pour la décennie à venir. Mais le véritable test reste celui de la volonté politique. Le monde a-t-il tiré les leçons du COVID-19 ? Ou faudra-t-il une nouvelle catastrophe pour réveiller les consciences ?