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Le Comité des droits des personnes handicapées se penche sur le rapport de suivi de son enquête concernant le Royaume-Uni : l’impact des politiques sociales sur les personnes handicapées est au cœur du débat

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits des personnes handicapées s’est penché aujourd’hui sur le rapport de suivi soumis par le Royaume-Uni comme suite à l’enquête menée par le Comité concernant ce pays au titre de l’article 6 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

En 2017, le Comité a publié un rapport après avoir mené une enquête sur « l’impact cumulé de la législation, des politiques et des mesures adoptées par le Royaume-Uni en matière de régimes de sécurité sociale et de travail et d’emploi » depuis 2010. Trois articles de la Convention étaient au cœur de cette enquête : la jouissance du droit de vivre de manière indépendante et d’être inclus dans la société (article 19), le droit à un niveau de vie suffisant et à la protection sociale (art. 28) et le droit au travail et à l’emploi (art. 27).

Le rapport du Comité contenait onze recommandations, auxquelles le Gouvernement du Royaume-Uni a apporté des réponses dans un rapport de suivi remis au Comité en 2021-2022 ( CRPD/C/GBR/FIR/1/Add.1 et CRPD/C/GBR/FIR/1/Add.2 ). Le dialogue de ce jour avec le Royaume-Uni a porté sur ces réponses.

En août 2023, le Comité avait déjà dialogué avec des représentants de mécanismes indépendants de suivi au Royaume-Uni au sujet de l’application des mêmes recommandations.

En vertu de l’article 6 du Protocole facultatif, une enquête peut être ouverte si le Comité « est informé, par des renseignements crédibles, qu'un État Partie porte gravement ou systématiquement atteinte aux droits énoncés dans la Convention ».

Présentant le rapport de suivi de son pays, Mme Alexandra Gowlland, Directrice adjointe de l’Unité du handicap au Bureau du Cabinet du Royaume-Uni, a exposé cet après-midi l’action menée depuis 2022 par son Gouvernement, ainsi que par les autorités du pays de Galles, de l’Écosse et de l’Irlande du Nord, pour donner effet à la Convention et aux recommandations figurant dans le rapport d’enquête du Comité.

Mme Gowlland a d’abord mentionné le fait que le Gouvernement avait promulgué une loi sur la langue des signes, qui fait de cette langue une langue officielle sur tout le territoire, ainsi qu’une loi sur le syndrome de Dawn, qui régit l’accès des personnes concernées aux soins de santé et à l’assistance dont elles ont besoin pour vivre plus longtemps au sein de leur communauté.

La priorité du Gouvernement est actuellement de poursuivre l’intégration des personnes handicapées dans le marché de l’emploi, a ajouté Mme Gowlland, avant de faire état de résultats prometteurs dans ce domaine. Elle a mentionné d’autres initiatives du Gouvernement relatives à la répression des crimes de haine contre les personnes handicapées, au soutien aux enfants handicapés et à leurs familles, ou encore à l’accès des personnes handicapées au système de justice.

Mme Laverne Jacobs, corapporteuse du Comité pour le rapport d’enquête sur le Royaume-Uni, a rappelé que le Comité avait recommandé que le Royaume-Uni assure le respect du droit des personnes handicapées à la protection sociale et à la protection contre la pauvreté. Or, le Comité est informé que les politiques sociales, en particulier la faiblesse du montant des allocations, ont un effet délétère sur les personnes handicapées, dont un nombre disproportionné vit dans la pauvreté, a regretté l’experte, avant de faire observer que de nombreuses personnes handicapées se sont suicidées après s’être vu refuser des allocations.

Mme Rosemary Kayess, également corapporteuse du Comité pour le rapport d’enquête sur le Royaume-Uni, a pour sa part fait état d’un manque de services de prise en charge des personnes handicapées au niveau communautaire. Elle a en outre fait remarquer que de nombreuses personnes handicapées au Royaume-Uni vivaient dans des conditions précaires ou insalubres, et a estimé que les politiques relatives à l’emploi ne tenaient pas suffisamment compte de la situation et des préoccupations des personnes handicapées.

Outre Mme Gowlland, la délégation britannique était également composée, entre autres, de plusieurs représentants du Foreign Office, du Département des soins de santé et des services sociaux du Royaume-Uni, ainsi que des autorités de l’Écosse, de l’Irlande du Nord et du pays de Galles.

Pendant le dialogue noué cet après-midi avec les membres du Comité, la délégation a notamment précisé que les services sociaux veillaient à ce que les personnes ayant un handicap grave n’aient pas à subir d’évaluation inutilement pénible. Elle a par ailleurs insisté sur le fait que l’État appliquait une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme, ce qui signifie, notamment, que les fonctionnaires de l’État doivent tenir compte des obstacles auxquels ces personnes sont confrontées et réfléchir aux conséquences qu’ont pour elles l’application des politiques publiques.

 

Le Comité mettra un terme à la présente session lors d’une séance publique qui se tiendra vendredi prochain, à 17 heures.

 

Aperçu du débat

Dialogue avec l’État partie

MME ALEXANDRA GOWLLAND, Directrice adjointe de l’Unité du handicap au Bureau du Cabinet (Cabinet Office) du Royaume-Uni, a présenté l’action menée depuis 2022 – date de remise du rapport de suivi – par son Gouvernement et par les autorités du pays de Galles, de l’Écosse et de l’Irlande du Nord, pour donner effet à la Convention de même qu’aux recommandations figurant dans le rapport d’enquête du Comité.

Mme Gowlland a d’abord mentionné le fait que le Gouvernement avait promulgué une loi sur la langue des signes, qui fait de cette langue une langue officielle sur tout le territoire, ainsi qu’une loi sur le syndrome de Dawn, qui régit l’accès des personnes concernées aux soins de santé et à l’assistance dont elles ont besoin pour vivre plus longtemps au sein de leur communauté.

Mme Gowlland a ensuite fait savoir que son Gouvernement avait adopté en 2021 une stratégie générale pour améliorer la vie des personnes handicapées dans toutes les sphères de la vie, y compris en matière de logement, d’inclusion et d’accès à la justice. Une évaluation de cette stratégie à long terme a été faite en 2023, suivie de l’élaboration d’un plan d’action à court et moyen termes en vue de créer une société qui fonctionne pour tous et de faire en sorte que la voix des personnes handicapées soit entendue. La version finale de ce plan a été élaborée avec la contribution des personnes handicapées, a précisé Mme Gowlland.

Le Gouvernement insiste en parallèle sur une meilleure compréhension du contenu de la Convention au Royaume-Uni, ainsi que sur de meilleures sensibilisation et formation des personnes chargées de prendre soin des personnes handicapées, a ajouté la Directrice adjointe. D’autres mesures répondant aux préoccupations des personnes handicapées sont prises dans des domaines tels que l’emploi et le bien-être social, a ajouté Mme Gowlland. La priorité du Gouvernement est actuellement de poursuivre l’intégration des personnes handicapées dans le marché de l’emploi, a-t-elle précisé, avant de faire état de résultats prometteurs dans ce domaine.

Mme Gowlland a mentionné d’autres initiatives du Gouvernement relatives à la répression des crimes de haine contre les personnes handicapées, au soutien aux enfants handicapés et à leurs familles, ou encore à l’accès des personnes handicapées au système de justice.

S’agissant des autorités décentralisées, d’autres membres de la délégation ont indiqué que l’Écosse avait introduit en 2021 une allocation pour enfant handicapé et, en 2022, une allocation pour adulte handicapé, remplaçant les allocations du Gouvernement britannique. Le Gouvernement a aussi annoncé, récemment, un investissement de neuf millions de livres pour ouvrir l' Independent Living Fund à de nouveaux bénéficiaires en 2024-2025, afin de soutenir les personnes handicapées ayant les besoins les plus complexes.

Il a ensuite été précisé que le Gouvernement du pays de Galles, pour sa part, s’était engagé à intégrer le modèle social du handicap dans toutes ses activités, de même qu’à incorporer la Convention dans la législation galloise ; le groupe d'experts qui a été chargé de cette tâche devrait produire un rapport présentant ses recommandations dans le courant de l'année.

Quant à l’Irlande du Nord, son exécutif a, entre autres mesures, introduit des programmes d'atténuation en réponse aux réformes de l'aide sociale qui pourraient nuire aux personnes handicapées : il s'agit notamment d'une aide financière pour les personnes dont les prestations sont réduites ou supprimées à la suite de l'introduction de l'allocation personnalisée d'autonomie (Personal Independence Payment).

MME ROSEMARY KAYESS, corapporteuse du Comité pour le rapport d’enquête sur le Royaume-Uni, a salué la présence à ce dialogue de représentants d’organisations de personnes handicapées. Elle a affirmé que l’on constatait dans le pays un recul, depuis 2017, dans la situation des personnes handicapées, avec en particulier des coupes claires dans les prestations qui leur sont versées. Le Comité cherche donc à comprendre si et comment le Royaume-Uni respecte son obligation de protection des personnes handicapées.

Mme Kayess a ainsi voulu savoir comment les autorités de Westminster et des autorités décentralisées respectaient l’obligation de consulter les personnes handicapées et leurs organisations représentatives dans les prises de décision les concernant.

Mme Kayess a ensuite fait état d’un manque de services de prise en charge des personnes handicapées au niveau communautaire. Elle a également fait état du recours à des traitements obligatoires dans certains centres psychiatriques. Elle a en outre fait remarquer que de nombreuses personnes handicapées au Royaume-Uni vivaient dans des conditions précaires ou insalubres. La corapporteuse a d’autre part estimé que les politiques relatives à l’emploi ne tenaient pas suffisamment compte de la situation et des préoccupations des personnes handicapées.

La Convention prévoit des obligations transversales en matière de lutte contre les préjugés envers les personnes handicapées, a poursuivi Mme Kayess : elle a regretté à ce propos que les politiques sociales au Royaume-Uni partent du principe que les personnes handicapées cherchent à frauder les assurances, ce qui contribue à propager des discours hostiles à leur encontre.

Il semble, par ailleurs, que les fonctionnaires chargés d’expédier les affaires courantes pendant la période de vacance à la tête de l’exécutif de l’Irlande du Nord aient pris des mesures qui ont nui aux intérêts des personnes handicapées, a en outre regretté Mme Kayess, avant de s’enquérir de ce qui a été fait pour remédier à ce problème.

MME LAVERNE JACOBS, corapporteuse du Comité pour le rapport d’enquête sur le Royaume-Uni, a fait état d’une grande différence entre les exigences de la Convention, d’une part, et la réalité vécue par les personnes handicapées au Royaume-Uni, de l’autre. Elle a fait état d’un manque de transparence dans l’administration, qui empêche les personnes handicapées d’accéder aux prestations auxquelles elles ont droit.

S’agissant du rapport et de ses recommandations, Mme Jacobs a rappelé que le Comité avait recommandé au Royaume-Uni d’assurer le respect du droit des personnes handicapées à la protection sociale et à la protection contre la pauvreté. Or, le Comité est informé que les politiques sociales, en particulier la faiblesse du montant des allocations, ont un effet délétère sur les personnes handicapées, dont un nombre disproportionné vit dans la pauvreté, a regretté l’experte. Des personnes handicapées se sont suicidées – 600 en trois ans selon certaines sources – après s’être vu refuser des allocations, a insisté l’experte. Elle a demandé des explications sur le processus d’octroi des allocations, s’agissant en particulier de la méthode d’évaluation du handicap.

S’agissant du droit des personnes handicapées de vivre de manière indépendante, l’experte a demandé ce qui était fait pour les aider à opérer des choix concernant leur mode de vie et pour leur donner les moyens de s’épanouir pleinement, au-delà de la seule réponse aux besoins immédiats de la vie.

Enfin, l’experte a relevé que les réfugiés et demandeurs d’asile handicapés au Royaume-Uni ne bénéficiaient pas d’un soutien suffisant pour vivre de manière autonome au sein de la communauté.

D’autres experts membres du Comité se sont interrogés sur les raisons de la crise de financement que traversent actuellement les services nationaux de santé (NHS), ainsi que sur les intentions du Gouvernement, et les ressources qu’il dégage, en faveur de la désinstitutionnalisation des personnes handicapées et de leur vie autonome.

Un expert a regretté la réduction des services d’appui et de soins au niveau local, estimant que cela nuisait à la protection des personnes handicapées.

En réponse à ces interventions des membres du Comité, la délégation britannique a d’abord indiqué que le Royaume-Uni avait adopté des lois protégeant les personnes handicapées contre tout harcèlement et toute forme de discrimination.

D’autre part, l’État applique une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme, ce qui signifie, notamment, que les fonctionnaires de l’État doivent tenir compte des obstacles auxquels ces personnes sont confrontées et réfléchir aux conséquences qu’ont pour elles l’application des politiques publiques, a ajouté la délégation.

La délégation a aussi insisté sur les mesures prises en faveur du droit des personnes handicapées à un logement abordable et a précisé que les allocations pour personnes handicapées étaient indexées sur le coût de la vie. La délégation a en outre mis en avant le succès enregistré par le Royaume-Uni dans l’accès des personnes handicapées au marché de l’emploi.

Il a par ailleurs été précisé que les services sociaux veillaient à ce que les personnes ayant un handicap grave n’aient pas à subir d’évaluation inutilement pénible. D’autre part, des mesures sont prises pour que les données de santé et les données sociales relatives aux personnes handicapées soient traitées par des agents humains et non par un système automatisé, a ajouté la délégation. De plus, ont été mis au point des programmes de soutien aux personnes atteintes d’un trouble du spectre de l’autisme, ainsi que des programmes d’aide à l’intégration communautaire de personnes handicapées.

Le Gouvernement va par ailleurs mener une enquête sur les activités dans les centres de santé mentale, pour s’assurer que ces espaces soient sûrs pour tous leurs usagers, a indiqué la délégation. La prochaine loi sur la santé mentale prévoit, entre autres mesures, une meilleure consultation des personnes concernées par l’accès aux services dans ce domaine.

S’agissant des autorités décentralisées, ont notamment été mentionnés de nouveaux investissements en faveur du logement autonome des personnes handicapées, le versement d’allocations plus importantes, des mesures en faveur de l’égalité en matière de transports ou encore des mesures ponctuelles de soutien aux personnes handicapées vivant dans des conditions difficiles.

Enfin, il a été précisé que l’Unité du handicap au Bureau du Cabinet était chargée de superviser l’application de la Convention dans l’ensemble du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

Dans des remarques de conclusion, MME JACOBS a encouragé le Royaume-Uni à remédier aux problèmes qui ont été soulevés aujourd’hui en se fondant sur l’approche du handicap axée sur les droits de l’homme qui est défendue par la Convention.

 

 

 

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