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Ouverture de la 55 ème session du Conseil des droits de l’homme : le Conseil de sécurité a besoin d’une réforme sérieuse, affirme M. Guterres ; les Nations Unies sont devenues le bouc émissaire d’échecs politiques, souligne M. Türk

Compte rendu de séance

 

Le Conseil des droits de l’homme a ouvert, ce matin, les travaux de sa cinquante-cinquième session, qui se tient à Genève jusqu’au 5 avril prochain sous la présidence de M. Omar Zniber – lequel, avant de prononcer sa déclaration d’ouverture, a invité le Conseil à observer une minute de silence à la mémoire de toutes les victimes de violations des droits de l'homme dans le monde.

Durant cette séance d’ouverture de la session, le Conseil a ensuite successivement entendu des déclarations du Président de la 78 ème session de l'Assemblée générale des Nations Unies, M. Dennis Francis ; du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, M. António Guterres ; du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, M. Volker Türk ; ainsi que du Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, M. Ignazio Cassis.

« Le manque d'unité du Conseil [de sécurité] sur l'invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie et sur les opérations militaires d'Israël à Gaza, après les terribles attaques terroristes du Hamas le 7 octobre, a gravement – voire fatalement – sapé son autorité », a mis en garde le Secrétaire général de l’ONU, avant d’estimer que le Conseil avait besoin d’« une réforme sérieuse de sa composition et de ses méthodes de travail ».

Une offensive israélienne totale sur Rafah ne serait pas seulement terrifiante pour plus d'un million de civils palestiniens qui s'y abritent, mais « signerait aussi la fin des programmes d'aide des Nations Unies », a par ailleurs déclaré M. Guterres, avant de réitérer son appel à un cessez-le-feu humanitaire et à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages.

Le Secrétaire général a par ailleurs indiqué avoir lancé, en collaboration avec le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, un programme de protection (Agenda for Protection) dans le cadre duquel les Nations Unies, dans l'ensemble de leurs activités, agiront de concert pour prévenir les violations des droits de l'homme, les identifier et y répondre lorsqu'elles ont lieu.

Faisant ensuite remarquer que « les guerres ne se limitent pas aux champs de bataille », M. Guterres a estimé que « certaines politiques économiques actuelles […] constituent une guerre contre les pauvres, et contre les droits humains ». À cet égard, le Secrétaire général a estimé que l’architecture financière internationale, « obsolète, dysfonctionnelle et injuste », devait être réformée.

M. Francis a pour sa part jugé profondément préoccupant de constater que les droits de l'homme sont gravement et de plus en plus menacés dans le monde entier. En tant que Président de l'Assemblée générale, il a indiqué que son message aujourd'hui était simple et sans équivoque : « Nous ne devons pas laisser tomber les victimes » de violations des droits de l'homme.

Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme a, quant à lui, indiqué qu’il lançait aujourd’hui l’initiative « Droits de l’homme : une voie pour des solutions ». Il a ensuite insisté sur deux préoccupations majeures qui risquent, selon lui, d’entraîner des répercussions pour tous les pays. En premier lieu, les négociations concernant les traités relatifs à la prévention des pandémies, à la cybercriminalité, et à la pollution plastique, ainsi que les discussions mondiales sur la réglementation de l'intelligence artificielle, ne tiennent pas suffisamment compte des obligations en matière de droits de l'homme et des préjudices qui pourraient être causés à ces droits, a regretté le Haut-Commissaire. En second lieu, le Haut-Commissaire s’est dit troublé par les tentatives visant à miner la légitimité et le travail des Nations Unies et d'autres institutions. Les Nations Unies sont devenues la cible de propagande et de manipulations, et le bouc émissaire d’échecs politiques, a mis en garde M. Türk. Il a en outre plaidé pour que soit dépassée « la vision binaire selon laquelle si vous n'êtes pas pour nous et contre nos ennemis, alors vous êtes aussi un ennemi ». À l'intérieur des pays, l'illogisme du « nous contre eux » crée des divisions de plus en plus dangereuses et inflammables, en particulier pendant les périodes préélectorales, nombreuses cette année, a souligné le Haut-Commissaire.

Enfin, le Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, a notamment souligné que selon l’institut suédois Varieties of Democracy Institute , plus de 70% de la population mondiale vit aujourd’hui dans des autocraties. « Ce n’est vraiment pas le monde dont nous rêvons dans cette salle ! Nous avons la responsabilité de stopper cette dynamique négative », a déclaré M. Cassis, avant de rappeler que la moitié de la population mondiale est appelée aux urnes cette année.

 

Le Conseil poursuivait ses travaux ce matin en entamant son débat de haut niveau.

 

Aperçu des déclarations

M. OMAR ZNIBER, Président du Conseil des droits de l’homme, a espéré qu'au cours de cette session, le Conseil s'engagerait de manière constructive pour limiter les impacts des crises auxquelles le monde est confronté et qui affectent de nombreuses victimes dans toutes les régions du monde. Rappelant que les droits de l’homme étaient indivisibles, indissociables et inhérents aux personnes, M. Zniber a tenu à réaffirmer l’importance d’un équilibre égal entre les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels. C’est seulement en préservant ce principe déterminant, a-t-il ajouté, que nous pourrons répondre de la meilleure des manières aux défis auxquels nous faisons face, notamment en ce qui concerne les questions de la sécurité alimentaire, de la sécurité sanitaire, et de la crise climatique – ou de l’environnement de manière plus globale – qui ont des répercussions sur la jouissance et la pérennité des droits de l’homme. De même, l’accès aux nouvelles technologies, et aux progrès permis par l’intelligence artificielle, et l’usage qui en est fait, marqué par le fossé numérique, sont de nature à impacter la jouissance équitable de ces droits par les individus.

M. Zniber a demandé qu’une attention grandissante soit accordée, au niveau du Conseil des droits de l’homme, à ces thématiques qui méritent l’action des membres et de tous les acteurs concernés.

M. Zniber a ensuite invité le Conseil à observer une minute de silence à la mémoire de toutes les victimes de violations des droits de l'homme dans le monde.

M. DENNIS FRANCIS, Président de la 78ème session de l'Assemblée générale des Nations Unies, a déclaré que 75 ans après l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme, il est profondément préoccupant de constater que les droits de l'homme sont gravement et de plus en plus menacés dans le monde entier.

Les conflits et les impacts climatiques ont laissé 300 millions de personnes dans un besoin urgent d'aide humanitaire, dont quelque 114 millions de réfugiés et autres personnes déplacées, a-t-il déploré.

Dans la bande de Gaza, les souffrances des civils innocents ont atteint un point de basculement insupportable – avec plus de 90 % de la population déplacée, au bord de la famine et piégée dans les profondeurs d'une catastrophe de santé publique imminente mais évitable, a-t-il déclaré. Alors que le cycle trop familier de la guerre persiste, ce sont les plus vulnérables qui souffrent le plus ; les otages et leurs familles vivent dans l'angoisse ; les femmes et les enfants sont confrontés à un avenir désespéré et incertain ; et des civils innocents sont injustement pris dans des tirs croisés menaçant leur vie, a souligné le Président de l’Assemblée générale.

La guerre en Ukraine, qui en est à sa troisième année, n'a fait que s'enraciner, sans aucun signe prévisible de cessation à court terme, a également regretté M. Francis.

Haïti a sombré dans l'anarchie, tandis que la violence persistante au Yémen, au Soudan, au Myanmar et ailleurs a aggravé la situation des droits de l'homme, suscitant une préoccupation croissante, a-t-il poursuivi.

Au Sahel, l'impact des conflits et des facteurs de stress environnementaux a entraîné une résurgence de la famine, mettant en péril le droit à l'alimentation et à une nutrition adéquate pour des millions de personnes, a également regretté M. Francis.

Partout dans le monde, les menaces à la démocratie et la montée de l'autoritarisme ont eu un impact sur tous les aspects de la vie, de la liberté d'expression et de mouvement au refus d'éducation pour les filles et à l'accès à une procédure régulière pour de nombreuses autres personnes, s’est en outre inquiété le Président de l’Assemblée générale.

Ces événements « régressifs » ont questionné la profondeur de notre engagement envers les principes mêmes que nous avons juré de défendre il y a 75 ans, à savoir que les droits de l'homme sont universels, indivisibles, et interdépendants, a souligné M. Francis. En tant que Président de l'Assemblée générale, il a indiqué que son message aujourd'hui était simple et sans équivoque : « Nous ne devons pas laisser tomber les victimes » de violations des droits de l'homme.

« Au nom de l'humanité, nous, les Nations Unies, devons utiliser avec véhémence nos plates-formes de commandement pour parler haut et fort afin d’exiger un cessez-le-feu humanitaire immédiat dans la bande de Gaza et l'ouverture de couloirs pour apporter l'aide et les soins dont les 1,5 million de Palestiniens déplacés et sans logement ont un besoin urgent », a déclaré M. Francis. Il a en outre imploré les États donateurs de maintenir leurs contributions au financement essentiel nécessaire pour que l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) puisse s'acquitter des responsabilités qui lui incombent à l'égard des Palestiniens. Même au milieu des défis extraordinaires actuels, l'UNRWA a été et continue d'être une bouée de sauvetage indispensable pour soutenir les Palestiniens, a-t-il insisté.

« Je suis fermement convaincu que les systèmes d'inégalité enracinés ne peuvent être démantelés sans affronter honnêtement les héritages des injustices passées », a poursuivi le Président de l’Assemblée générale, avant de rappeler que le mois prochain, l'Assemblée générale célèbrera la Journée internationale du souvenir des victimes de l'esclavage ainsi que la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, suivies de la troisième session de l'Instance permanente pour les personnes d'ascendance africaine. Il a en outre indiqué que le 17 avril prochain, il convoquerait une réunion commémorative de haut niveau pour marquer le dixième anniversaire de la Conférence mondiale sur les peuples autochtones. La quatrième Conférence internationale sur les petits États insulaires en développement, ainsi que la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur les menaces existentielles posées par la montée du niveau de la mer, fourniront des plates-formes nécessaires pour accroître la sensibilisation aux liens entre crise climatique et droits de l’homme, a ajouté le Président de l’Assemblée générale.

M. Francis a par ailleurs indiqué qu’il allait poursuivre son plaidoyer en faveur de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes et des filles tout au long de sa présidence parce que « la froide réalité est que nous continuons d'assister à des reculs effrayants dans la reconnaissance et le respect des droits des femmes et des filles ». Il s’est réjoui de l'annonce récente qu'une cohorte de femmes diplômées de l'enseignement secondaire en Afghanistan serait « autorisée » à fréquenter une école de médecine, tout en indiquant que de telles mesures fragmentaires sont loin d'atteindre les progrès que toutes les femmes afghanes méritent. Le Président de l’Assemblée générale a ensuite annoncé qu’il lançait à Genève une campagne de formation pour aider à prévenir le harcèlement sexuel et à promouvoir l'égalité des sexes sur le lieu de travail. Il a en outre insisté sur la nécessité de progresser encore dans la promotion des droits des personnes handicapées.

M. Francis a par ailleurs indiqué qu’il continuait d’œuvrer pour renforcer l'engagement de la société civile dans les travaux de l'ONU. « C'est d'autant plus important que nous nous tournons vers l'avenir, vers le Sommet de l'avenir en septembre, lors duquel les dirigeants mondiaux devraient réaffirmer leur engagement commun à retrouver l'unité et la force de notre système multilatéral actuellement assiégé », a-t-il déclaré.

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, a notamment relevé que « lorsque les puissances s'affrontent, les tensions augmentent, l'état de droit et les règles de la guerre sont mis à mal. De l'Ukraine au Soudan en passant par le Myanmar, la République démocratique du Congo et Gaza, les parties au conflit ferment les yeux sur le droit international, les Conventions de Genève et même la Charte des Nations Unies », a-t-il regretté – et ce alors même que le Conseil de sécurité est « souvent dans l'impasse, incapable d'agir sur les questions de paix et de sécurité les plus importantes de notre époque ». « Le manque d'unité du Conseil sur l'invasion de l'Ukraine par la Fédération de Russie et sur les opérations militaires d'Israël à Gaza, après les terribles attaques terroristes du Hamas le 7 octobre, a gravement – voire fatalement – sapé son autorité », a mis en garde le Secrétaire général, qui a estimé que le Conseil avait besoin d’« une réforme sérieuse de sa composition et de ses méthodes de travail ».

« Rien ne peut justifier que le Hamas tue, blesse, torture et enlève délibérément des civils, qu'il ait recours à la violence sexuelle ou qu'il lance des roquettes sans discernement en direction d'Israël ; et rien ne justifie le châtiment collectif du peuple palestinien », a poursuivi le Secrétaire général. « Des dizaines de milliers de civils », dont des femmes et des enfants, ont été tués à Gaza, a-t-il souligné, avant d’ajouter que l'aide humanitaire reste totalement insuffisante. Rafah est au cœur de l'opération d'aide humanitaire, et l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient [UNRWA] est « l'épine dorsale de cet effort », a rappelé le Secrétaire général. Il a insisté sur le fait qu’« une offensive israélienne totale sur la ville ne serait pas seulement terrifiante pour plus d'un million de civils palestiniens qui s'y abritent », mais signerait aussi la fin des programmes d'aide des Nations Unies. M. Guterres a réitéré son appel à un cessez-le-feu humanitaire et à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages.

« Le droit international humanitaire est clair : toutes les parties doivent faire la distinction entre les civils et les combattants à tout moment », a aussi rappelé M. Guterres, précisant qu’étaient interdits – notamment – les attaques contre les civils ou les infrastructures protégées, y compris les écoles et les hôpitaux ; les attaques où la probabilité de décès de civils est disproportionnée par rapport à l'avantage militaire probable; les déplacements forcés ; la prise d'otages ; l'utilisation de civils comme boucliers humains ; les punitions collectives ; et l'utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre.

M. Guterres a ensuite plaidé pour « un nouvel engagement en faveur de tous les droits de l'homme – civil, culturels, économiques, politiques et sociaux – dans la mesure où ils s'appliquent à la paix et à la sécurité, engagement appuyé par des efforts sérieux en matière de mise en œuvre et de responsabilité ». À cet égard, pour aider les États à remplir leurs obligations, le Secrétaire général a dit avoir lancé, en collaboration avec le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, un programme de protection (Agenda for Protection) dans le cadre duquel les Nations Unies, dans l'ensemble de leurs activités, agiront de concert pour prévenir les violations des droits de l'homme, les identifier et y répondre lorsqu'elles ont lieu.

Le Secrétaire général a ajouté que le Sommet de l'avenir, en septembre prochain, serait l’occasion pour tous les gouvernements de s'engager à nouveau à œuvrer pour une paix et une sécurité fondées sur les droits de l'homme ; et que le [programme du] Nouvel Agenda pour la paix, qui sera examiné lors du Sommet, appliquerait le prisme des droits de l'homme à la prévention et à l'élimination de la violence sous toutes ses formes. Ce programme demande, entre autres, que les droits de l'homme soient au cœur de la gouvernance des nouvelles technologies de l'armement, y compris l'intelligence artificielle, et appelle à l'interdiction totale des armes autonomes létales.

Faisant ensuite remarquer que « les guerres ne se limitent pas aux champs de bataille », M. Guterres a estimé que « certaines politiques économiques actuelles […] constituent une guerre contre les pauvres, et contre les droits humains », dans un contexte où, en 2024, « les pays les plus pauvres du monde doivent verser plus de 185 milliards de dollars en service de la dette – soit plus que le total de leurs dépenses publiques en matière de santé, d’éducation et d’infrastructures ».

À cet égard, le Secrétaire général a estimé que l’architecture financière internationale, « obsolète, dysfonctionnelle et injuste », devait être réformée afin de constituer un filet de sécurité efficace pour tous les pays qui en ont besoin. M. Guterres a appelé à l’adoption d’un « Plan de relance des Objectifs de développement durable à la hauteur de 500 milliards de dollars par an, afin que les pays en développement puissent accéder à des financements abordables et à long terme » ; il a également appelé à « un nouveau Bretton Woods, afin de remodeler l’architecture financière mondiale pour qu’elle reflète le monde d’aujourd’hui et non celui d’il y a quatre-vingts ans ».

Le Secrétaire général a par ailleurs déploré que « notre guerre contre la nature [soit] une guerre contre les droits humains de personnes qui comptent parmi les plus vulnérables au monde : les peuples autochtones ; les communautés rurales ; les personnes marginalisées et les plus démunies ». « Les crises qui frappent notre planète – le changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution – portent toutes en elles la même injustice profonde », a insisté M. Guterres : en effet, « ce sont les personnes qui ont le moins contribué à ces crises qui en paient le prix fort et subissent de plein fouet l’aggravation de la faim et de la famine, la dégradation des terres, les déplacements forcés, la contamination des sources d’eau ou les décès prématurés », a-t-il fait observer.

M. Guterres a estimé que la reconnaissance du droit à un environnement propre, sain et durable par le Conseil des droits de l’homme en 2021 et par l’Assemblée générale en 2022 montrait que les temps changent. La justice climatique exige que les pays du G20 montrent la voie dans l’élimination progressive des combustibles fossiles ; la fin des subventions accordées aux combustibles fossiles ; et que les pays développés honorent leurs engagements financiers à l’égard des économies en développement, « en commençant par celui de mobiliser les 100 milliards de dollars par an et de doubler le financement de l’adaptation d’ici à 2025 », a indiqué le Secrétaire général.

Le Conseil « entre en session à un moment où le monde subit des chocs profonds, où les conflits détruisent la vie de millions de civils et creusent des fossés encore plus profonds entre les nations », a fait remarquer M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. « Les massacres commis au Moyen-Orient, en Ukraine, au Soudan, au Myanmar, en Haïti et ailleurs encore sont insupportables », a-t-il ajouté. « Face à des violations aussi atroces, est-il naïf d'exiger de tous les États qu'ils respectent leurs engagements en matière de droits de l'homme ? », a demandé le Haut-Commissaire.

Les États Membres et de nombreux partenaires, a ensuite rappelé le Haut-Commissaire, se sont réunis en décembre 2023 pour commémorer les soixante-quinze ans de la Déclaration universelle des droits de l'homme. À cette occasion, 153 États Membres ont pris [un total de] plus de 770 engagements concrets, allant de la promotion du leadership des femmes et de l'égalité en matière d'emploi à la lutte contre l'extrême pauvreté, en passant par la garantie d'une justice transitionnelle et l'amélioration de l'accès à l'éducation, aux soins de santé et aux protections sociales. M. Türk a dit avoir aujourd'hui le plaisir de lancer l’initiative « Droits de l'homme : une voie pour des solutions », fruit de l’année de commémoration, dans l'espoir qu'elle nourrira le Sommet de l'avenir.

Le Haut-Commissaire a jugé positive l'annonce par le Secrétaire général de l'Engagement des Nations Unies en matière de protection et du Programme pour la protection, qui garantira que l'ensemble des Nations Unies accordent la priorité à la promotion des droits de l'homme dans toutes les circonstances, quelles que soient les difficultés rencontrées.

M. Türk a ensuite insisté sur deux préoccupations majeures qui risquent d’entraîner des répercussions pour tous les pays. En premier lieu, les négociations concernant les traités relatifs à la prévention des pandémies, à la cybercriminalité, et à la pollution plastique, ainsi que les discussions mondiales sur la réglementation de l'intelligence artificielle, ne tiennent pas suffisamment compte des obligations en matière de droits de l'homme et des préjudices qui pourraient être causés à ces droits, a regretté le Haut-Commissaire. En second lieu, le Haut-Commissaire s’est dit troublé par les tentatives visant à miner la légitimité et le travail des Nations Unies et d'autres institutions. Il s'agit notamment, a-t-il précisé, de la désinformation qui vise les organisations humanitaires et les soldats de la paix de l'ONU, ainsi que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Les Nations Unies sont devenues la cible de propagande et de manipulations, et le bouc émissaire d’échecs politiques, a mis en garde M. Türk.

Le Haut-Commissaire a ensuite rappelé que l'ONU était bien équipée pour permettre aux États de résoudre les problèmes mondiaux urgents. Les institutions humanitaires onusiennes aident des centaines de millions de personnes à rester en vie. Quant au Haut-Commissariat, il a pour mission de surveiller les droits de l'homme – car les États ont convenu, a rappelé M. Türk, que les droits et la justice sont la meilleure – et la seule – façon d'avancer.

Le Haut-Commissaire a enfin plaidé pour que soit dépassée « la vision binaire selon laquelle si vous n'êtes pas pour nous et contre nos ennemis, alors vous êtes aussi un ennemi ». À l'intérieur des pays, l'illogisme du « nous contre eux » crée des divisions de plus en plus dangereuses et inflammables, en particulier pendant les périodes préélectorales, nombreuses cette année, a souligné le Haut-Commissaire.

M. IgnaZio Cassis, Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, a souligné qu’il aurait voulu pouvoir accueillir les délégués dans un contexte international plus favorable, alors que la guerre en Ukraine entre dans sa troisième année, que le conflit au Moyen-Orient est dans l’impasse et que la crise actuelle au Soudan a jeté près de huit millions de personnes sur les routes, « pour ne citer que trois parmi plus de 50 conflits ouverts dans le monde ».

M. Cassis a ensuite indiqué que selon l’institut suédois Varieties of Democracy Institute , plus de 70% de la population mondiale vit aujourd’hui dans des autocraties. La démocratie a reculé à son niveau du milieu des années 1980, a-t-il déploré. Il a affirmé qu’en voyant ces chiffres, il ne pouvait s’empêcher de penser à George Orwell et à son ouvrage « 1984 » où l’auteur dépeint un monde dans lequel la guerre est continuelle, les libertés inexistantes, la vérité manipulée et les citoyens surveillés par Big Brother et son régime totalitaire. « Ce n’est vraiment pas le monde dont nous rêvons dans cette salle ! Nous avons la responsabilité de stopper cette dynamique négative », a déclaré M. Cassis, avant d’insister sur la nécessité de « refuser avec courage la dystopie – un monde qui ne soit plus que le reflet de nos angoisses ».

Si les droits de l’homme étaient respectés partout, on ne parlerait pas continuellement de guerre, a poursuivi M. Cassis. « Force est de constater que nous ne sommes de loin pas là où nous l’aurions souhaité il y a 75 ans », a-t-il déclaré. Malgré toutes les lois promulguées, les efforts ne semblent pas avoir réussi à faire triompher la raison sur la violence, a-t-il observé.

Cette année 2024 est un test important pour la démocratie : des élections sont prévues dans plus de 64 pays. La moitié de la population mondiale est appelée aux urnes, a souligné M. Cassis. « En tant que Nations Unies, nous devons garantir la protection de l'espace civique et assurer des élections justes et libres », a-t-il déclaré. Ces conditions sont indispensables pour que le résultat reflète authentiquement la volonté du peuple, a-t-il insisté. Il faut ainsi lutter contre le harcèlement et les attaques ciblées visant à rétrécir cet espace démocratique essentiel, a-t-il plaidé.

Il y a deux mois, le monde a célébré le 75ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, a rappelé M. Cassis, avant de souligner que cette année 2024 marque le 75ème anniversaire des Conventions de Genève. « Si notre Histoire nous rappelle ce que nous avons été capables de faire pour un monde en paix, elle nous montre par les développements les plus récents que rien n’est jamais acquis – ni les droits fondamentaux, ni la paix. Il est urgent d’agir, ensemble.

C’est notre devoir d’humanité ! », a conclu le Chef du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse.

 

 

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