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Le Comité des disparitions forcées examine des renseignements complémentaires soumis par le Burkina Faso

Compte rendu de séance

Le Comité des disparitions forcées a examiné hier après-midi et ce matin un rapport contenant des renseignements complémentaires soumis par le Burkina Faso en application de l’article 29 (4) de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées – lequel prévoit que « le Comité peut aussi demander aux États parties des renseignements complémentaires sur la mise en application de la présente Convention ».

L’un des deux corapporteurs désignés par le Comité pour l’examen de ce rapport a précisé que ce dialogue portait sur trois thèmes principaux : les recherches et enquêtes sur les disparitions ; les caractéristiques des disparitions, incluant les disparitions forcées dans l’État partie ; et les réparations, l’accompagnement des victimes et la protection de leurs droits. L’expert a notamment demandé à la délégation de réagir aux allégations reçues par le Comité selon lesquelles la majorité des disparitions dans le cadre du conflit armé et de la lutte contre le terrorisme seraient imputables à l'État.  Il s’est par ailleurs inquiété que n’importe quel citoyen puisse faire partie des Volontaires pour la défense de la patrie et a souhaité savoir comment l’État veillait à ce que ce groupe ne soit pas responsable de violations des droits de l’homme – et notamment de disparitions forcées. 

L’autre corapporteur a quant à lui indiqué que le Comité avait reçu des informations fiables et des allégations concernant le caractère ethnique de la plupart des disparitions involontaires ou forcées. Il est ainsi allégué que la plupart des disparitions visent des personnes de l’ethnie peule, a-t-il précisé. L’expert s’est enquis des mesures prises pour mettre fin aux discriminations et aux violations à l’encontre des Peuls.  Relevant par ailleurs qu’un décret sur le statut particulier des personnels des forces spéciales dispose notamment que ces personnels ne peuvent être poursuivis pour des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions, ce même expert s’est demandé si cette disposition ne constituait pas une forme d’immunité́ totale pour d’éventuels actes constitutifs de disparition forcée que ces forces pourraient commettre dans l’exercice de leurs missions.

Les deux corapporteurs se sont en outre enquis des mesures prises pour rechercher, localiser et libérer les personnes disparues et, en cas de décès, pour localiser et identifier des restes et les restituer aux proches.

Il a par ailleurs été demandé au pays s’il envisageait de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications (plaintes individuelles ou étatiques) en vertu des articles 31 et 32 de la Convention.

Présentant le rapport contenant les renseignements complémentaires de son pays, M. Edasso Rodrigue Bayala, Ministre de la justice et des droits humains, chargé des relations avec les institutions, Garde des sceaux, du Burkina Faso, a notamment souligné que la mise en œuvre des recommandations issues de la présentation du rapport précédent s’est faite dans un contexte particulièrement difficile, avec la recrudescence des attaques terroristes, la crise humanitaire, la crise sanitaire liée à la COVID-19 et l’instabilité politico-institutionnelle.  Néanmoins, a-t-il poursuivi, le Burkina Faso a enregistré des progrès dans la mise en œuvre des recommandations issues de la présentation du rapport initial.  Le Ministre a notamment présenté une série de mesures prises en vue du renforcement du cadre normatif et institutionnel des droits humains pour donner effet aux dispositions de la Convention.  Il a ainsi rappelé que le Code pénal consacre une définition du crime de disparition forcée conforme à celle de la Convention. Il a ajouté que lorsqu’il existe des allégations de disparitions forcées, les autorités d’enquête et de poursuites ouvrent immédiatement une enquête judiciaire pour situer les responsabilités et traduire en justice toutes les personnes impliquées dans l’exécution de ces actes criminels.

De même, a poursuivi M. Bayala, les autorités compétentes prennent des mesures nécessaires pour assurer la protection des plaignants, des victimes et des témoins contre tout mauvais traitement ou toute intimidation, ainsi que pour assurer la réparation des victimes.  Les actions du Gouvernement ont permis le renforcement et la mise en place d’institutions et de structures publiques dont les attributions contribuent à la prévention et à la répression des violations des droits humains, y compris pour ce qui est des disparitions forcées, a assuré le Ministre.

M. Bayala a ensuite rappelé que, depuis 2015, le Burkina Faso fait face à des attaques terroristes à travers tout le pays. Ces terroristes procèdent régulièrement à des enlèvements de civils, de membres des forces armées nationales, des forces de sécurité intérieure et des volontaires pour la défense de la patrie et, même, à des assassinats, a-t-il indiqué.  Aussi, par le décret du 19 avril 2023, le Gouvernement a-t-il instauré la mobilisation générale pour une période de 12 mois, a souligné le chef de délégation, avant de préciser que ce décret permet aux autorités de prendre des mesures exceptionnelles qui s’imposent au nom de la sécurité nationale. 

La délégation burkinabè était également composée, entre autres, de Mme Eliélé Nadine Traore Bazie, Représentante permanente adjointe du Burkina Faso auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants de la Présidence, de la Direction des droits humains, du Comité interministériel des droits humains et du droit international humanitaire, de la Brigade de Volontaires pour la défense de la patrie, de la Direction de la police judiciaire, de la Garde de sécurité pénitentiaire, et du Ministère des affaires étrangères.

Au cours du dialogue, la délégation a souhaité apporter quelques éléments de précision sur certaines terminologies employées, et a notamment souligné qu’à la lumière des critères pertinents définis par le droit international humanitaire, il est exclu de conclure à l'existence d'un conflit armé non international au Burkina Faso. En conséquence, les actions menées sur le terrain par les forces armées nationales et les forces de sécurité intérieure sont des opérations de lutte contre le terrorisme, a-t-elle déclaré.

Lundi prochain, à 15 heures, le Comité engagera un dialogue avec le Honduras au titre de l’article 29(4) de la Convention.

Examen des renseignements complémentaires du Burkina Faso

Le Comité est saisi des Renseignements complémentaires soumis par le Burkina Faso en application de l’article 29 (par. 4) de la Convention. 

Présentation

M. Edasso Rodrigue BAYALA, Ministre de la justice et des droits humains, chargé des relations avec les institutions, Garde des sceaux, du Burkina Faso, a indiqué que la ratification de la Convention par le Burkina Faso en 2009 traduit la volonté du pays de protéger toutes les personnes vivant sur son territoire contre les disparitions forcées et de prendre des mesures appropriées pour prévenir, enquêter et réprimer les infractions de disparitions forcées.

Le chef de la délégation a ajouté que la mise en œuvre des recommandations issues de la présentation du rapport précédent s’est faite dans un contexte particulièrement difficile, avec la recrudescence des attaques terroristes, la crise humanitaire, la crise sanitaire liée à la COVID-19 et l’instabilité politico-institutionnelle.

Néanmoins, a-t-il poursuivi, le Burkina Faso a enregistré des progrès dans la mise en œuvre des recommandations issues de la présentation du rapport initial, à travers, notamment, la réalisation des activités du plan d’action 2019-2022 de mise en œuvre des recommandations issues de l’Examen Périodique Universel et des organes de traités.

Le Ministre a ensuite présenté une série de mesures prises en vue du renforcement du cadre normatif et institutionnel des droits humains pour donner effet aux dispositions de la Convention.  Il a ainsi rappelé que le Code pénal consacre une définition du crime de disparition forcée conforme à celle de la Convention. Il a ajouté que lorsqu’il existe des allégations de disparitions forcées, les autorités d’enquête et de poursuites ouvrent immédiatement une enquête judiciaire pour situer les responsabilités et traduire en justice toutes les personnes impliquées dans l’exécution de ces actes criminels.

De même, a poursuivi M. Bayala, les autorités compétentes – conformément aux dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale – prennent des mesures nécessaires pour assurer la protection des plaignants, des victimes et des témoins contre tout mauvais traitement ou toute intimidation, ainsi que pour assurer la réparation des victimes.

M. Bayala a affirmé que les actions du Gouvernement ont permis le renforcement et la mise en place d’institutions et de structures publiques dont les attributions contribuent à la prévention et à la répression des violations des droits humains, y compris pour ce qui est des disparitions forcées. Il a notamment cité la création d’une Commission nationale des droits humains conforme aux principes de Paris.

Le chef de la délégation a ensuite présenté une série d’« évolutions majeures » enregistrées récemment, citant notamment l’adoption, le 16 février 2023, de la loi portant modification du Code de justice militaire, qui permet la judiciarisation des opérations de sécurisation du territoire à travers le déploiement, aux côtés des forces engagées dans la lutte contre le terrorisme, d’unités prévôtales chargées de constater toute violation des droits humains.

Le Ministre a ensuite rappelé que, depuis 2015, le Burkina Faso fait face à des attaques terroristes à travers tout le pays. Ces terroristes procèdent régulièrement à des enlèvements de civils, de membres des forces armées nationales, des forces de sécurité intérieure et des volontaires pour la défense de la patrie et, même, à des assassinats, a-t-il indiqué.  Dans la perspective d’assurer la sécurisation intégrale du territoire et de garantir la protection des populations et de leurs biens contre la menace et les actions terroristes, le Gouvernement du Burkina Faso a, par décret du 19 avril 2023, instauré la mobilisation générale et la mise en garde, pour une période de 12 mois, a souligné le chef de délégation.  Ce décret permet aux autorités de prendre des mesures exceptionnelles qui s’imposent au nom de la sécurité nationale. Pour ce faire, toute personne de plus 18 ans, apte physiquement, peut être appelée à s’enrôler pour participer à l’effort de lutte contre le terrorisme, a indiqué M. Bayala. 

Lorsque le Gouvernement a connaissance ou est saisi de cas d’allégations de disparitions forcées, les autorités de poursuites compétentes procèdent à l’ouverture systématique d’enquêtes judiciaires administratives et sociales, a souligné M. Bayala. Le Code pénal prévoit également que les autorités compétentes prennent des mesures pour assurer la protection du plaignant et des témoins contre toutes formes de représailles. La victime a droit à une réparation et à une indemnisation équitable et adéquate, y compris pour ce qui est des moyens nécessaires à sa réadaptation la plus complète possible. En cas de décès de la victime résultant d’un acte de disparition forcée, d’un acte de torture ou de pratiques assimilées, les ayants droit de celle-ci ont droit à indemnisation. Nonobstant toutes poursuites pénales, l’État a l’obligation d’accorder réparation aux victimes, a précisé le Ministre.

Le chef de la délégation a également indiqué que la détention secrète est interdite par le Code pénal. En outre, le Burkina Faso offre un cadre juridique spécifique aux défenseurs des droits humains pour leur permettre de mener leurs activités dans de meilleures conditions, a-t-il souligné.

Questions et observations des membres du Comité

M. JUAN PABLO ALBAN ALENCASTRO, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport (contenant les renseignements complémentaires) du Burkina Faso, a rappelé d’emblée que ce dialogue portait sur trois thèmes principaux : les recherches et enquêtes sur les disparitions ; les caractéristiques des disparitions, incluant les disparitions forcées dans l’État partie ; et les réparations, l’accompagnement des victimes et la protection de leurs droits. 

S’agissant des recherches et enquêtes sur les disparitions, l’expert a demandé à la délégation de préciser les données statistiques disponibles sur les disparitions intervenues dans le contexte du conflit armé sur le territoire du Burkina Faso. Il s’est aussi enquis des mesures et actions spécifiques adoptées et mises en œuvre à la suite de la publication des observations finales du Comité pour renforcer et développer une base de données sur les personnes disparues.

M. Alencastro a également demandé à la délégation de réagir aux allégations reçues par le Comité selon lesquelles la majorité des disparitions dans le cadre du conflit armé et de la lutte contre le terrorisme seraient imputables à l'État.

L’expert a par ailleurs souhaité connaître le nombre de cas de disparitions, incluant les disparitions forées, dans lesquels des recherches et enquêtes ont été initiées ; les autorités impliquées dans ces processus, leurs rôles respectifs, et la façon dont elles ont coordonné leurs interventions ; les défis rencontrés par les autorités responsables des recherches et enquêtes ; et les résultats obtenus.

M. Alencastro a ensuite posé de nombreuses questions sur les enquêtes, les institutions qui les mènent et leur déroulement. Il a aussi souhaité connaître les mesures prises pour faire en sorte que la recherche des personnes disparues soit une priorité. 

L’expert a également demandé quelles dispositions budgétaires et autres ont été prises depuis les précédentes observations finales du Comité pour doter les organes d’enquêtes de ressources humaines, matérielles et financières suffisantes afin de leur permettre d'enquêter et de poursuivre de manière adéquate les crimes de disparition forcée et de disparition par des particuliers.

M. Alencastro s’est enquis des mesures prises pour assurer une attention différentielle aux victimes, incluant la famille et les proches des personnes disparues, en fonction de leurs besoins spécifiques, notamment en prenant en compte leur âge, sexe, orientation sexuelle, identité de genre, situation de handicap, état de santé, situation socioculturelle et situation familiale. Il a voulu connaître les mesures prises en faveur de l’assistance aux proches des disparus, en particulier pour les femmes et les enfants, notamment dans des domaines tels que la protection sociale, les questions financières, le droit de la famille et les droits de propriété. 

L’expert a également souhaité savoir quelles politiques de réparation l'État avait appliquées en ce qui concerne les cas de disparition forcée suite aux précédentes observations finales du Comité.

M. Alencastro a en outre demandé quel était le rôle de la Commission nationale des droits de l’homme face à des cas de disparition forcée. 

L’expert s’est par ailleurs enquis des mesures prises par l'État burkinabè pour mettre en place des programmes de protection – en particulier contre toutes représailles – à l’intention des défenseurs des droits de l'homme, en particulier pour les défenseurs et les organisations qui interviennent dans les cas de disparition forcée. Il a souhaité savoir quels types de protection étaient proposés aux acteurs qui travaillent dans les procédures d’enquêtes et de recherches de personnes disparues.

Étant donné le côté « systématique » des disparitions forcées au Burkina Faso, a poursuivi l’expert, l’État envisage-t-il de les qualifier de crimes contre l’humanité ? 

Il a demandé ce qu’il en était de la présence de charniers dans le pays, y compris pour ce qui est de l’identification des corps. 

L’expert s’est aussi inquiété que n’importe quel citoyen puisse faire partie des Volontaires pour la défense de la patrie. Il a souhaité savoir comment l’État veillait à ce que ce groupe ne soit pas responsable de violations des droits de l’homme – et notamment de disparitions forcées.

S’agissant des caractéristiques des disparitions, M. MATARD DIOP, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport (contenant les renseignements complémentaires) du Burkina Faso, a indiqué que le Comité a reçu des informations fiables et des allégations concernant le caractère ethnique de la plupart des disparitions involontaires ou forcées. Il est ainsi allégué que la plupart des disparitions visent des personnes de l’ethnie peule, a-t-il précisé. Il a demandé des informations complètes sur les enquêtes menées concernant ces disparitions et leurs résultats. 

L’expert a également souhaité savoir si les disparitions de victimes appartenant à l'ethnie peule sont concentrées dans une région particulière du pays et comment la délégation expliquait cette surreprésentation des Peuls parmi les personnes disparues. Il s’est en outre enquis des mesures prises pour mettre fin aux discriminations et aux violations à l’encontre des Peuls.

Dans le contexte de lutte contre le terrorisme, l’expert a par ailleurs souhaité connaître le nombre de disparitions de personnes imputable aux forces de sécurité de l'État et notamment aux Volontaires pour la défense de la patrie.

M. Diop a également souhaité connaître les conséquences de l’état d’urgence sur la fréquence des disparitions de personnes.

L’expert a aussi souhaité en savoir davantage sur les mesures prises pour rechercher, localiser et libérer les personnes disparues et, en cas de décès, pour localiser et identifier des restes et les restituer aux proches.

M. Diop a par la suite rappelé que le Comité avait invité le Burkina Faso à envisager de revoir sa législation en vue d’y intégrer des dispositions qui prévoient qu’en cas de disparition forcée, la déclaration de décès de l’absent ou du disparu n’éteint pas l’obligation de recherche faite à l’État partie au titre de la Convention. 

Relevant qu’un article d’un décret sur le statut particulier des personnels des forces spéciales dispose que ces personnels ne peuvent être poursuivis pour des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions, l’expert a par ailleurs demandé à la délégation si cette disposition ne constituait pas une forme d’immunité́ totale pour d’éventuels actes constitutifs de disparition forcée que les forces spéciales pourraient commettre dans l’exercice de leurs missions.

M. Diop a en outre souhaité savoir si le pays envisageait de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications (plaintes individuelles ou étatiques) en vertu des articles 31 et 32 de la Convention.

Enfin, l’expert a demandé à la délégation de fournir au Comité des renseignements sur de possibles cas de disparitions forcées qui auraient été recensés et traités par le Haut Conseil pour la réconciliation et l’unité́ nationale et sur les mesures de réparation proposées.

Réponses de la délégation 

La délégation a souhaité apporter quelques éléments de précision sur certaines terminologies employées, s’agissant notamment de celles de « conflits armés », de « groupes armés » ou d’« acteurs non étatiques ». Il convient de relever que depuis 2015, le Burkina Faso fait face à la montée et à la recrudescence des attaques terroristes, a-t-elle indiqué. À la lumière des critères pertinents définis par le droit international humanitaire, il est exclu de conclure à l'existence d'un conflit armé non international au Burkina Faso, a souligné la délégation. En conséquence, les actions menées sur le terrain par les forces armées nationales et les forces de sécurité intérieure sont des opérations de lutte contre le terrorisme, a-t-elle déclaré. La terminologie de « conflit armé », dans la formulation de certaines questions et de certaines préoccupations des experts, ne convient donc pas au contexte du Burkina Faso – lequel fait plutôt fait face à une crise sécuritaire marquée par des actes de terrorisme constitutifs d'infractions à la loi pénale nationale, a insisté la délégation.

Les terroristes opèrent sur le territoire national, procèdent régulièrement à des enlèvements de civils et de membres des forces de défense et de sécurité, a poursuivi la délégation. Il n'existe pas de statistiques concernant les civils disparus dans le contexte de la lutte contre le terrorisme au Burkina Faso, vu le contexte particulièrement difficile, a-t-elle indiqué. Toutefois, les unités de police judiciaire et les parquets ont reçu des plaintes de proches parents de personnes présumées disparues, a-t-elle ajouté, avant d’assurer que toutes ces plaintes font systématiquement l'objet d'ouvertures d'enquêtes.  A la date d'aujourd'hui, il y a 80 enquêtes qui sont ouvertes dans ce domaine, a précisé la délégation. 

Dans les rangs des forces de défense et de sécurité, notamment dans les rangs des forces armées nationales et des Volontaires pour la défense de la patrie, on enregistre à ce jour 190 cas de disparitions dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, a ensuite fait savoir la délégation. 

Certaines allégations de disparitions forcées sont mises à la charge des forces armées nationales, des forces de sécurité intérieure et des Volontaires pour la défense de la patrie, a relevé la délégation, avant d’indiquer que ces allégations peuvent être essentiellement liées à des opérations de lutte contre le terrorisme et à des questions de sécurité et de sûreté nationale. 

La délégation a précisé que les Volontaires pour la défense de la patrie ne procèdent pas à des arrestations ; si des arrestations doivent avoir lieu, elles sont conduites par les forces de sécurité intérieure, a-t-elle insisté.

La délégation a aussi affirmé que certaines personnes considérées comme disparues par des proches, ont, « dans la réalité », rejoint les rangs des terroristes à l'insu de leurs parents. 

Pour ce qui est des disparitions attribuables aux terroristes, la délégation a cité les enlèvements de civils, de touristes, de travailleurs humanitaires, de responsables et leaders locaux, de membres des communautés locales ou d’agents de l'État. Ces enlèvements sont souvent utilisés par les terroristes comme moyen de pression pour imposer leur volonté et semer la terreur, a indiqué la délégation. Les terroristes commettent des tueries, souvent après avoir enlevé des personnes, a-t-elle souligné, avant de rappeler que ces actes violents font partie de la stratégie utilisée par les terroristes pour semer la terreur et affaiblir la résistance et la résilience des populations locales. La délégation a aussi dénoncé de nombreux cas de recrutements forcés par les terroristes. 

La délégation a souligné que les activités terroristes avaient lieu dans l’ensemble du pays et n’étaient pas cantonnées à une région particulière.

La délégation a ensuite déploré le grand nombre de membres des forces de défense et de sécurité enlevés ou tués par les terroristes au cours des différentes attaques de bases et autres embuscades menées par les terroristes. 

La délégation a souligné que toutes les ressources étaient mobilisées pour récupérer les personnes enlevées ou disparues, ou identifier les corps de personnes décédées retrouvées. Le Gouvernement a renforcé le dispositif pour retrouver les personnes présumées disparues, aux niveaux juridique, institutionnel et opérationnel, notamment par la mise en place de deux groupes de travail, a ajouté la délégation. 

La délégation a ensuite indiqué que ce sont les unités de police judiciaire qui sont responsables des premiers actes d’enquête en cas de disparition forcée, sous la direction des procureurs. Elle a en outre présenté une série de nouvelles structures créées pour lutter contre le terrorisme dans le pays.

Les recherches et les enquêtes sur les disparitions forcées constituent le cheval de bataille des autorités burkinabè, a assuré la délégation.

La délégation a ensuite déclaré que la lutte contre le terrorisme au Burkina Faso n'a pas une dimension ethnique et n’est pas dirigée contre une communauté particulière. Au contraire, a-t-elle souligné, l'ethnie peule est la première victimes des actes terroristes.  Il n’existe par ailleurs pas de mesures spécifiques de protection de ces communautés, a ajouté la délégation ; les mesures de protection prises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sur l'ensemble du territoire concernent toutes les communautés.

La délégation a par la suite insisté sur le fait que la crise sécuritaire marquée par les attaques terroristes représente le principal défi dans la protection et la promotion des droits de l’homme au Burkina Faso. Toute la population vit sous la menace terroriste, a-t-elle souligné. Plusieurs structures interviennent dans la prise en charge des victimes, a indiqué la délégation, avant d’ajouter que différents ministères leur apportent leur soutien, notamment le Ministère de la santé au travers du soutien psychologique ou le Ministère de l’éducation au travers de l’accès des enfants victimes à l’école. 

En 2022, le Gouvernement a élaboré une feuille de route de soutien aux victimes du terrorisme, a poursuivi la délégation, avant de préciser qu’à terme, les autorités souhaitent en faire une stratégie pour prendre en charge ces victimes en leur offrant notamment une aide juridictionnelle. Un soutien est aussi apporté aux familles des personnes présumées disparues, a ajouté la délégation.

La délégation a indiqué que le Code pénal et le Code de procédure pénale prévoient que toutes les personnes victimes de disparition forcée et leurs ayants droit ont droit à une réparation, ainsi que le droit de se porter partie civile. Le régime d’indemnisation des victimes de disparition forcée s’applique aussi aux membres des forces de sécurité, aux agents publics et aux Volontaires pour la défense de la patrie et leurs ayants droit. Les enfants de toutes les personnes décédées suite à une affaire dans laquelle l’intérêt national était en jeu bénéficient de la gratuité des soins de santé, de la prise en charge scolaire et des transports publics. Ils bénéficient aussi d’un soutien psychologique. D’autres mesures sont prises afin de permettre la réintégration des victimes de disparition forcée, notamment via des formations professionnelles gratuites. 

La délégation a indiqué que le Burkina Faso a conscience de la précieuse contribution des organisations de la société civile dans le cadre de la promotion et la protection des droits de l’homme, et notamment dans le cadre de la lutte contre les disparitions forcées. Un mécanisme spécifique de protection des défenseurs des droits de l’homme a été mise en place par la loi, a souligné la délégation, avant de préciser qu’à deux reprises, ce mécanisme de protection a été déclenché en raison de menaces à l’encontre de défenseurs. Il existe en outre une direction du partenariat avec les organisations de la société civile, qui permet notamment à ces organisations d’obtenir certains financements afin de mettre en œuvre leurs activités, a indiqué la délégation. Les organisations de la société civile sont parties prenantes à toutes les actions du Gouvernement dans le domaine des droits de l’homme, et notamment dans le cadre de l’élaboration des rapports dus aux organes onusiens des droits de l’homme, a insisté la délégation.

S’agissant de l’éventuelle qualification de la disparition forcée comme crime contre l’humanité, la délégation a indiqué qu’à ce stade, même si le pays fait face à de nombreuses attaques terroristes, ces actes restent pour l’instant appréhendés comme des « actes ordinaires » réprimés par la loi nationale. Pour faire face à « cette délinquance et cette criminalité », a été mis en place un pôle antiterroriste spécialisé, a en outre fait valoir la délégation. Toutes ces dispositions permettent de lutter efficacement contre le terrorisme au niveau judiciaire, a-t-elle assuré. La législation en vigueur permet d’enquêter sur les actes de terrorisme et de juger les auteurs présumés de tels actes, a-t-elle insisté. C’est pour cette raison que la disparition forcée n’a pas encore été érigée en crime contre l’humanité au Burkina Faso. Si tel était le cas, le Burkina Faso serait en mesure de juger les auteurs car le pays a ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, a souligné la délégation. 

Au Burkina Faso, il existe un grand nombre de mécanismes judicaires et non judiciaires pour lutter contre les disparitions forcées, y compris la Commission nationale des droits de l’homme, a d’autre part indiqué la délégation.  Cette dernière est une institution conforme aux Principes de Paris et qui fait office de mécanisme de prévention de la torture et de mécanisme de protection des défenseurs des droits de l’homme. Ladite Commission a aussi ouvert différents centres d’écoute dans le pays afin de conseiller les victimes de violation pour qu’elles obtiennent réparation de la part de l’État, a fait valoir la délégation. 

En réponse aux craintes exprimées par un membre du Comité s’agissant d’une immunité dont pourraient bénéficier les membres des forces spéciales, la délégation a expliqué qu’il ne s’agissait pas d’une immunité totale, mais qu’il fallait prouver que l’agent de l’État était dans un état de légitime défense pour bénéficier de cette immunité. 

La délégation a ensuite souligné que la Constitution impose à tous les Burkinabè de répondre au devoir patriotique de défendre le pays. Il n’y a pas de différence entre des personnes volontaires qui décident de rejoindre les Volontaires pour la défense de la patrie et les personnes enrôlées dans les forces armées nationales, a-t-elle indiqué. 

Lorsqu’un militaire commet une infraction de droit commun, le tribunal militaire le poursuit dans le cadre du Code pénal et non pas du Code militaire, a précisé la délégation, avant d’ajouter que les magistrats militaires sont appuyés dans le jugement de leur dossier par des magistrats civils. 

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CED.24.003F

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