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Le Conseil se penche sur le droit à l’alimentation dans le contexte des changements climatiques et sur l’importance de l’enregistrement des victimes pour la promotion et la protection des droits de l'homme

Compte rendu de séance

 

Ce matin, le Conseil des droits de l’homme a tenu sa réunion-débat annuelle sur les effets néfastes des changements climatiques sur les droits de l’homme – consacrée cette année aux « Effets néfastes des changements climatiques sur la pleine réalisation du droit à l’alimentation pour tous les peuples » –, avant de tenir un dialogue autour du rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’homme consacré à l’importance de l’enregistrement des victimes pour la promotion et la protection des droits de l’homme.

Ouvrant la réunion-débat, M. Volker Türk, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, a regretté que face aux vagues de chaleur qui s'abattent sur l'océan, menaçant la vie marine, la pêche et le corail, face aux mers et aux lacs intérieurs qui se transforment en bols de poussière alors qu’ils ont nourri des générations entières d'agriculteurs, les gouvernements n'agissent pas avec l'urgence et la détermination nécessaires. Le Haut-Commissaire a insisté sur le fait que le droit à l'alimentation était clairement menacé par les changements climatiques. En effet, a-t-il souligné, les phénomènes météorologiques extrêmes, ainsi que les catastrophes soudaines et progressives causées par les changements climatiques anéantissent les récoltes, les troupeaux, les pêcheries et des écosystèmes entiers, et leur répétition empêche les communautés de se reconstruire et de subvenir à leurs besoins.

À l'échelle mondiale, le nombre de catastrophes liées aux inondations et alimentées par le climat a augmenté de 134% entre 2000 et 2023, a indiqué M. Türk.  Plus de 828 millions de personnes souffraient de la faim en 2021, et les changements climatiques devraient exposer jusqu'à 80 millions de personnes supplémentaires au risque de famine d'ici le milieu de ce siècle, a-t-il averti.

La génération actuelle, qui dispose des outils technologiques les plus puissants de l'histoire, a la capacité de changer les choses, a affirmé M. Türk. Il a notamment recommandé de « mettre fin aux subventions insensées » accordées à l'industrie des combustibles fossiles et de commencer à éliminer progressivement ces combustibles.  Il a également recommandé que les tribunaux saisis de litiges liés au climat obligent les entreprises et les gouvernements à rendre des comptes. M. Türk a en outre recommandé de faire de la COP28 « l'événement décisif qui changera la donne » et de transformer les institutions internationales de développement et de financement afin que les pays et les populations les plus touchés aient accès aux financements climatiques.

La réunion-débat a ensuite entendu les contributions de quatre panélistes invités. M. Benyam Dawit Mezmur, membre du Comité des droits de l'enfant, a rappelé que la lutte contre la faim et la malnutrition n’était pas seulement un devoir moral, mais aussi une obligation juridiquement contraignante. Mme Ana María Suárez Franco, de l’organisation FIAN International, a déploré « l'échec du paradigme de la sécurité alimentaire », alors que la COVID-19 et les quelque 110 conflits armés démontrent que les systèmes alimentaires basés sur les chaînes de valeur mondiales sont très fragiles. Pour M. Gian Carlo Cirri, Directeur du Bureau Genève du Programme alimentaire mondial (PAM), les effets des changements climatiques nous obligent à trouver des méthodes pour réduire les impacts des aléas climatiques sur la vie et les moyens de subsistance des personnes les plus vulnérables. Enfin, Mme Pasang Dolma Sherpa, Directrice du Center for Indigenous Peoples' Research and Development, a plaidé pour que les pays acceptent l'approche du droit à l’alimentation fondée sur les droits de l'homme et placent la science et le savoir autochtones sur un pied d'égalité pour assurer la durabilité et faire face aux crises climatiques et à la sécurité alimentaire.

De nombreuses délégations* ont ensuite pris part au débat.

Présentant le rapport sur l’importance de l’enregistrement des victimes Mme Peggy Hicks, Directrice de la Division de l’engagement thématique, des procédures spéciales et du droit au développement au Haut-Commissariat aux droits de l’homme, a souligné que l'enregistrement des victimes est une forme laborieuse, ardue et essentielle de surveillance des droits de l'homme. Il s'agit de collecter et de vérifier systématiquement des informations sur les décès individuels dans des situations complexes de violence et de conflit armé. Il s’agit aussi de redonner une dignité à ceux qui ont été lésés et de protéger ceux qui sont encore en vie.

Ce rapport du Haut-Commissaire montre la valeur profonde du travail mené dans ce domaine depuis 2007, notamment en Afghanistan, en Iraq, en Libye, au Mali, en Somalie, au Soudan du Sud, dans les Territoires palestiniens occupés, en Ukraine ou encore au Yémen, a poursuivi Mme Hicks. En établissant une base de preuves sur l'étendue, l'ampleur et la gravité des dommages civils qui sont infligés, l'enregistrement des victimes éclaire les discussions sur le rétablissement de la paix, la consolidation de la paix et la durabilité de la paix, a-t-elle fait observer.

Nombre de délégations** ont pris part au dialogue avec Mme Hicks.

 

Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil tiendra un dialogue autour du rapport du Secrétaire général concernant les effets néfastes des changements climatiques sur la pleine réalisation du droit à l’alimentation, avant de tenir, à partir de 16 heures, une table ronde sur l’importance de l’acquisition de connaissances dans les domaines du numérique, des médias et de l’information pour la promotion et l’exercice du droit à la liberté d’opinion et d’expression.
 

Réunion-débat annuelle sur les effets néfastes des changements climatiques sur les droits de l’homme, axée sur la pleine réalisation du droit à l’alimentation pour tous les peuples

La réunion-débat a été ouverte par M. ASIM AHMED, Vice-Président du Conseil des droits de l’homme. Il est à noter que le Conseil est saisi pour cette session d’un rapport du Secrétaire général consacré aux effets des changements climatiques sur la pleine réalisation du droit à l’alimentation (A/HRC/53/47, à paraître en français), au sujet duquel un dialogue se tiendra cet après-midi.

Déclaration liminaire

M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a regretté que face aux vagues de chaleur qui s'abattent sur l'océan, menaçant la vie marine, la pêche et le corail, face aux mers et aux lacs intérieurs qui se transforment en bols de poussière alors qu’ils ont nourri des générations entières d'agriculteurs, les gouvernements n'agissent pas avec l'urgence et la détermination nécessaires.

Le Haut-Commissaire a insisté sur le fait que le droit à l'alimentation était clairement menacé par les changements climatiques. En effet, a-t-il souligné, les phénomènes météorologiques extrêmes, ainsi que les catastrophes soudaines et progressives causées par les changements climatiques anéantissent les récoltes, les troupeaux, les pêcheries et des écosystèmes entiers, et leur répétition empêche les communautés de se reconstruire et de subvenir à leurs besoins.

 À l'échelle mondiale, le nombre de catastrophes liées aux inondations et alimentées par le climat a augmenté de 134% entre 2000 et 2023, a indiqué le Haut-Commissaire.  Plus de 828 millions de personnes souffraient de la faim en 2021, et les changements climatiques devraient exposer jusqu'à 80 millions de personnes supplémentaires au risque de famine d'ici le milieu de ce siècle, a-t-il averti.

Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), les phénomènes météorologiques extrêmes liés aux changements climatiques ont déjà porté atteinte à la productivité de tous les secteurs de l'agriculture et de la pêche, avec des conséquences négatives sur la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des populations. À l'heure actuelle, ce sont les petits exploitants agricoles et les populations de l'Afrique subsaharienne, de l'Asie, des petits États insulaires, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud qui souffrent le plus de ces conséquences, a précisé le Rapporteur spécial.

Aucun pays ne sera épargné ; les personnes les plus touchées seront celles qui vivent dans des pays où l'insécurité alimentaire est déjà présente et où les systèmes de protection ne sont pas suffisamment robustes pour faire face aux chocs climatiques, a expliqué le Haut-Commissaire. Il s'agit souvent de pays qui ont peu bénéficié du développement industriel et qui n'ont pratiquement pas contribué aux processus industriels qui tuent notre environnement et violent nos droits, a-t-il fait remarquer.

La génération actuelle, qui dispose des outils technologiques les plus puissants de l'histoire, a la capacité de changer les choses, a affirmé M. Türk. Il a notamment recommandé de « mettre fin aux subventions insensées » accordées à l'industrie des combustibles fossiles et de commencer à éliminer progressivement ces combustibles.  Il a également recommandé que les tribunaux saisis de litiges liés au climat obligent les entreprises et les gouvernements à rendre des comptes. M. Türk a en outre recommandé de faire de la COP28 « l'événement décisif qui changera la donne » et de transformer les institutions internationales de développement et de financement afin que les pays et les populations les plus touchés aient accès aux financements climatiques.

« Remédier aux changements climatiques relève des droits humains et le monde exige que nous agissions sans tarder », a insisté M. Türk.

Une vidéo a ensuite été projetée traitant des effets irréversibles des changements climatiques sur la biodiversité, la disponibilité des ressources halieutiques, la pérennité des sources d’eau potable et, plus généralement, la capacité des paysans à nourrir le monde.

Exposés des panélistes

Il est indéniable que les effets des changements climatiques, y compris la pénurie d'eau et l'insécurité alimentaire, sont supportés de manière disproportionnée par les enfants, a déclaré M. BENYAM DAWIT MEZMUR, membre du Comité des droits de l’enfant.  Des projections récentes suggèrent que les enfants nés en 2020 subiront probablement près de trois fois plus de sécheresses et de mauvaises récoltes que leurs grands-parents, a-t-il indiqué. D'ici 2050, 78 millions de personnes supplémentaires dans le monde, dont plus de la moitié vivant en Afrique,  seront confrontées à la faim chronique, a-t-il ajouté.

On a tendance à présenter la lutte contre la faim et la malnutrition comme un devoir moral ou un choix politique ; or, une telle approche masque l'élément important selon lequel la lutte contre la faim et la malnutrition est également une obligation juridiquement contraignante, comme le stipule l’article 24 de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui consacre l'obligation des États parties de fournir une alimentation adéquate et nutritive, a par ailleurs affirmé l’expert. Dans ce contexte, il s’est félicité que le nombre de pays ayant une loi sur le droit à l'alimentation ait augmenté : près de 30 pays ont en effet constitutionnalisé le droit à l'alimentation, a-t-il précisé.

M. Mezmur a ensuite insisté sur l’importance de disposer de données ventilées pour appréhender la problématique des droits de l'enfant dans le contexte de l'insécurité alimentaire. Il a ajouté que les États ont des obligations de prévention, de protection et de mise à disposition de recours face à la discrimination environnementale directe et indirecte. L'article 26 de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui est axé sur le droit à la sécurité sociale et à l'assurance sociale, et l'article 27 de ce même instrument, relatif au droit à un niveau de vie suffisant, fournissent une base solide pour les mesures de protection sociale qui peuvent aider à prévenir et à traiter l'insécurité alimentaire dans le contexte des changements climatiques, a-t-il indiqué.

Par ailleurs, a plaidé M. Mezmur, le système éducatif devrait informer les enfants au sujet des impacts des changements climatiques sur la sécurité alimentaire et prendre des mesures pour minimiser les risques et relever les défis. En conclusion, l’expert a estimé que tous les projets de loi, politiques et projets, règlements, décisions budgétaires ou autres – ainsi que ceux déjà en vigueur – liés aux changements climatiques nécessitent des évaluations rigoureuses concernant leur impact sur les droits de l'enfant, conformément à l'article 3(1) de la Convention relative aux droits de l’enfant.

MME ANA MARÍA SUÁREZ FRANCO, représentante à Genève de l’organisation FIAN International, a d’abord proposé, sur la base d’une analyse des expériences de transition vers l'agroécologie dans plusieurs régions, dix éléments à intégrer aux politiques publiques, parmi lesquels l’adoption de plans de transition contraignants, dotés des allocations budgétaires nécessaires et incluant, entre autres, des mécanismes de soutien aux populations rurales et aux peuples autochtones ; l’encouragement à la consommation de produits agroécologiques, en particulier dans l'alimentation scolaire ; ou encore la garantie d'accès des petits producteurs agroécologiques aux marchés à des prix équitables et aux contrats d'approvisionnement de l'État.

Mme Suárez Franco a ensuite regretté que, contrairement aux analyses présentées par les rapporteurs spéciaux sur le droit à l'alimentation et sur l'environnement dans leurs rapports sur les systèmes alimentaires, le rapport du Secrétaire général présenté ce jour ne précise pas suffisamment que les systèmes industriels sont responsables de destruction écologique, d’émissions de gaz à effet de serre, de pandémies et d'exploitation, et qu’il ne dise rien de l'échec du paradigme de la sécurité alimentaire. En effet, a-t-elle ajouté, la COVID-19 et les quelque 110 conflits armés en cours, y compris la guerre en Ukraine, ont démontré que les systèmes alimentaires basés sur les chaînes de valeur mondiales sont très fragiles. Il est donc urgent de concevoir des politiques qui renforcent les marchés locaux et régionaux, en particulier les marchés paysans et autochtones, a indiqué l’oratrice.

Mme Suárez Franco a insisté sur le fait que « nous ne devons pas laisser à nos enfants le soin de régler ce problème » et que « les personnes qui doivent agir – qui ont la responsabilité d'agir – sont nos dirigeants, aujourd'hui »

M. GIAN CARLO CIRRI, Directeur du Bureau de Genève du Programme alimentaire mondial (PAM), a souligné que 3,6 milliards de personnes, soit plus de 40 % de la population mondiale, vivent dans des zones très vulnérables aux extrêmes climatiques. Par ailleurs, au cours de la dernière décennie, plus de 80 % de toutes les catastrophes naturelles étaient liées au climat, affectant 1,7 milliard de personnes et coûtant en moyenne plus de 150 milliards de dollars par an, a-t-il précisé. De plus, le nombre d'événements météorologiques extrêmes (sécheresses, inondations et tempêtes) dans les pays en développement a plus que doublé depuis le début des années 1990, a-t-il ajouté. On prédit en outre que d'ici à 2030, le nombre de catastrophes liées au climat devrait augmenter de 30 % pour atteindre environ 560 catastrophes chaque année, soit une moyenne de 1,5 catastrophe par jour.  Rien qu’en juin de cette année, jusqu'à 40,4 millions de personnes dans 51 pays ont été confrontées à de graves urgences alimentaires et étaient sur le point de sombrer dans la famine si elles ne recevaient pas une aide immédiate ; ce nombre était de de 28,6 millions en 2019. En 2022, le PAM et ses partenaires ont atteint 158 millions de personnes, soit le plus grand nombre de personnes assistées en un an au cours des 60 ans d'histoire du PAM.

Selon l'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 80 % des causes d'une récolte céréalière imprévisible dans des régions comme le Sahel sont dues à la variabilité climatique. Cela signifie qu'avec les impacts des changements climatiques déjà apparents dans des contextes déjà fragiles, il nous faut trouver des méthodes pour atténuer les catastrophes et développer des moyens de réduire les impacts des aléas sur la vie et les moyens de subsistance des personnes les plus vulnérables. Investir dans des systèmes d'alerte précoce pour s'assurer que des actions anticipatrices peuvent être prises en temps utile devient de plus en plus crucial, a plaidé le panéliste, déplorant qu’une personne sur trois n'ait toujours pas accès aux systèmes d'alerte précoce. Nous avons besoin de financements diversifiés, flexibles et de qualité, ainsi que de systèmes de financement efficaces capables de faire face aux défis qui s'intensifient, a-t-il conclu, en lançant un appel aux États présents à ce débat.  

MME PASANG DOLMA SHERPA, Directrice exécutive du Center for Indigenous Peoples' Research and Development, a pour sa part souligné que les peuples autochtones, qui représentent 6,2% de la population totale, contribuaient, selon des études, à la sauvegarde de 80% de la biodiversité mondiale.  Elle a en outre rappelé que le rapport du GIEC en 2022 avait mis l'accent sur la reconnaissance des droits des peuples autochtones pour faire face à la crise climatique.

La panéliste a ensuite fait part de l'expérience des peuples autochtones dans les montagnes du Népal, où les changements dans le régime des chutes de neige ont des répercussions sur leur sécurité alimentaire. Ainsi, en raison de la hausse des températures, les communautés des régions montagneuses ne peuvent plus stocker leurs pommes de terre. Les inondations catastrophiques et les glissements de terrain emportent les moulins à eau traditionnels ; dans le même temps, la sécheresse prolongée assèche les sources d’eau potable de certaines communautés. Enfin, sécheresse et absence de chutes de neige en hiver empêchent la culture des pommes de terre et de l'orge, et les communautés ont ainsi peu d'espoir de récolter de quoi nourrir leurs familles, a indiqué la panéliste.   

Ces indicateurs très préoccupants montrent qu’il est temps de passer à l'action et de cesser de faire comme si de rien n’était, a-t-elle déclaré. Elle a demandé aux pays d’accepter l'approche du droit à l’alimentation fondée sur les droits de l'homme ; de respecter et reconnaître les institutions coutumières et les systèmes d'autogouvernance des peuples autochtones afin de protéger leurs connaissances, leurs valeurs et leurs pratiques culturelles ; et de mettre la science et le savoir autochtone sur un pied d'égalité pour assurer la durabilité et faire face aux crises climatiques et à l’insécurité alimentaire.

Aperçu du débat

Les changements climatiques sont l'une des principales causes de la multiplication de phénomènes qui affectent directement et indirectement la jouissance des droits de l'homme, en particulier pour ce qui concerne le droit à l’alimentation et le droit à un environnement propre, sain et durable, a-t-il été souligné à maintes reprises au cours du débat. Les pays les plus touchés par les effets des changements climatiques sont aussi ceux qui y ont le moins contribué : à ce titre, ils doivent être les plus aidés, a-t-il aussi été affirmé.

Pour résoudre les déséquilibres créés par les changements climatiques, la mobilisation de la communauté internationale s’impose, y compris sur le plan des droits de l’homme, tout comme s’impose la construction de systèmes alimentaires durables et capables de faire face aux effets des changements climatiques, a-t-il été affirmé.  D’aucuns ont plaidé pour une transition des mécanismes axés sur le marché vers des solutions agricoles locales impliquant les communautés et « plaçant les gens avant les profits ».

Il a en outre été recommandé de renforcer la participation des groupes vulnérables – notamment les femmes, les jeunes et les peuples autochtones – à la transformation des systèmes alimentaires, afin de promouvoir la pleine réalisation du droit à l'alimentation pour tous et de renforcer la résilience climatique.

Des délégations ont plaidé pour la poursuite de la coopération technique et pour l'augmentation du financement de la lutte contre les changements climatiques et leurs effets, en particulier dans le contexte des efforts pour faire de la sécurité alimentaire un droit pour tous. À cet égard, des expériences de collaboration régionale ou internationale ont été citées, comme celle visant à réduire les importations alimentaires de 25% d'ici 2025 dans la région des Caraïbes, ou encore celles visant à favoriser la gestion et la valorisation durables des ressources naturelles pour promouvoir une agriculture durable adaptée aux changements climatiques et soutenir la sécurité alimentaire.

La question du droit à l'alimentation doit aussi être abordée en tenant compte des conflits armés qui provoquent des pénuries alimentaires et l'inflation et menacent les moyens de survie de populations entières dans le monde, a-t-il également été souligné ;  à cet égard, la guerre d’agression contre l’Ukraine a considérablement aggravé la crise alimentaire au niveau mondial, a fait observer une délégation.

Enfin, un groupe d’États a jugé indispensable, alors que la COP28 approche, de défendre une approche fondée sur les droits de l'homme dans les négociations sur les changements climatiques, de même que de placer les besoins des femmes, des filles, des enfants, des jeunes, des personnes handicapées, des peuples autochtones, des migrants ainsi que des personnes en situation de vulnérabilité au cœur toute action sur le climat.

*Liste des intervenants : Viet Nam, Liban (au nom du Groupe arabe), Trinité-et-Tobago (au nom d’un groupe de pays), Philippines (au nom d’un groupe de pays), Pérou (au nom d’un groupe de pays), République dominicaine (au nom d’un groupe de pays), Belgique (au nom d’un groupe de pays), Maldives (au nom d’un groupe de pays), Lituanie (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Oman (au nom du Conseil de coopération du Golfe), Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), institution nationale de droits de l’homme des Philippines, APG 23, Center for International Environmental Law (CIEL), Costa Rica (au nom d’un groupe de pays), Mali (au nom d’un groupe de pays), Cameroun, Fonds des Nations Unies pour la population, Timor-Leste, Maurice, Oman, Niger, Sénégal, Allemagne, Bénin, Brésil, institution nationale de droits de l’homme d’El Salvador, World Vision International et Centre Europe Tiers-Monde.

Réponses des panélistes

M. MEZMUR a insisté sur le rôle de la coopération internationale dans le financement des mesures d’adaptation aux changements climatiques. Il a recommandé de procéder à des évaluations de l’effet des subventions octroyées à l’industrie agroalimentaire sur la réalisation du droit à l’alimentation. L’intérêt supérieur des enfants doit être au cœur du débat, a plaidé l’expert, estimant que les jeunes devaient aussi avoir le droit d’accéder aux informations pour être en mesure de faire valoir leurs droits. 

MME SUÁREZ FRANCO a mentionné plusieurs principes devant, selon elle, régir la transition climatique, en particulier la participation des plus affectés, y compris les petits producteurs qui nourrissent 70% de la population mondiale. Elle a recommandé d’adopter des mesures de responsabilité claire pour les dommages subis, en appliquant le principe de responsabilité différenciée. Il faut aussi disposer d’éléments scientifiques fiables sur lesquels baser les solutions face aux changements climatiques ; et il faut toujours veiller à préserver la dignité humaine ainsi que la solidarité entre les générations, a en outre recommandé Mme Suárez Franco.

M. CIRRI a constaté qu’un consensus fort semblait exister quant au fait que la crise climatique actuelle est « la crise de notre vie ». Le système humanitaire joue un rôle très important pour face aux crises combinées et traiter les chocs climatiques, a-t-il souligné. Le Programme alimentaire mondial travaille dans des environnements fragiles pour aider les communautés vulnérables à s’adapter aux changements climatiques, a-t-il rappelé. Il faut des solutions mondiales pour remédier aux pertes et dommages liés au climat, a-t-il insisté, avant d’ajouter que le système humanitaire et les acteurs du développement ont besoin de plus de financement.

Enfin, MME PASANG DOLMA a insisté sur le chaos que les changements climatiques entraînent pour les peuples autochtones, et sur la faible résilience de ces derniers à cet égard. Elle a jugé très important, dans ce contexte, de mettre au premier plan l'accès aux droits de l'homme fondamentaux, en particulier en ce qui concerne les droits des peuples autochtones et la défense de leurs connaissances traditionnelles.  Cela est fondamental pour faire face aux impacts des changements climatiques, a-t-elle insisté. 

Dialogue autour du rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’homme concernant les effets de l’enregistrement des victimes sur la promotion et la protection des droits de l’homme

Le Conseil est saisi du rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme concernant les effets de l’enregistrement des victimes sur la promotion et la protection des droits de l’homme (A/HRC/53/48).

Présentation du rapport

Présentant le rapport du Haut-Commissaire, MME PEGGY HICKS, Directrice de la Division de l'engagement thématique, des procédures spéciales et du droit au développement du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, a indiqué que l'enregistrement des victimes est une forme laborieuse, ardue et essentielle de surveillance des droits de l'homme. Il s'agit de collecter et de vérifier systématiquement des informations sur les décès individuels dans des situations complexes de violence et de conflit armé. Il s’agit aussi de redonner une dignité à ceux qui ont été lésés et de protéger ceux qui sont encore en vie. Cela passe par l’établissement des faits, la recherche de la responsabilité. Cela permet aussi de révéler le véritable coût de la crise ou du conflit, y compris à ceux qui sont responsables des violences et à ceux qui les soutiennent, a expliqué Mme Hicks.

Le rapport soumis décrit donc l'impact de l'enregistrement des victimes sur la promotion et la protection des droits de l'homme, a-t-elle poursuivi, soulignant qu’il s’agit du premier rapport sur cette question. Ce rapport montre la valeur profonde du travail mené dans ce domaine depuis 2007, notamment en Afghanistan, en Iraq, en Libye, au Mali, en Somalie, au Soudan du Sud, dans les Territoires palestiniens occupés, en Ukraine ou encore au Yémen. La méthodologie employée est robuste, transparente et accessible à tous les acteurs qui souhaiteraient l'employer dans leur propre travail, a précisé Mme Hicks, ajoutant qu’en établissant une base de preuves sur l'étendue, l'ampleur et la gravité des dommages civils qui sont infligés, l'enregistrement des victimes éclaire les discussions sur le rétablissement de la paix, la consolidation de la paix et la durabilité de la paix.

Le rapport contient un certain nombre de recommandations concrètes adressées aux États, aux institutions nationales des droits de l'homme, aux bureaux chargés des statistiques, aux forces de sécurité internationales, régionales et étatiques ainsi qu’aux groupes armés non étatiques et au Conseil des droits de l'homme. Il y est notamment recommandé que les États veillent à ce que des systèmes et des politiques d'enregistrement des victimes soient mis en place et rendent compte publiquement de toutes les victimes soupçonnées d’avoir résulté des hostilités ou de la violence et de leurs circonstances.

Les États devraient par ailleurs soutenir et faciliter le travail des entités indépendantes d'enregistrement des victimes, notamment en garantissant l'accès sur le terrain et l'accès à l'information, a ajouté Mme Hicks.  Il est également recommandé que les forces de sécurité internationales, régionales et étatiques ainsi que les groupes armés non étatiques établissent les canaux nécessaires pour un engagement régulier avec ceux qui enregistrent les victimes.

Aperçu du dialogue

Nombre de délégations ont insisté sur l’importance de l’enregistrement des victimes, notamment du point de vue de la protection des civils, de la mise en œuvre du droit international, de la prévention, de la responsabilisation, ou encore de la réparation en faveur des victimes. Cela peut servir à l’alerte précoce, à la justice transitionnelle et à la lutte contre la désinformation et cela peut aussi permettre de documenter la mémoire historique, a-t-il été souligné.

Des délégations ont salué le rôle joué par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme dans l’enregistrement des victimes de la guerre en Ukraine.  D’aucuns ont mis en garde contre des processus [d’enregistrement des victimes] qui ne seraient pas impartiaux et qui pourraient être utilisés à des fins politiques. Des pays occidentaux ont mené des actions militaires dans des pays comme l’Iraq ou l’Afghanistan et causé beaucoup de victimes ; pour ces cas-là aussi, l’enregistrement des victimes doit avoir lieu, a-t-il été demandé.

De l’avis d’une délégation, cette question de l’enregistrement des victimes va au-delà du mandat du Conseil des droits de l’homme et la tenue d’un registre des victimes devrait relever d’autres instances telles que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).  

Tout en soutenant le besoin de récolter des données [concernant les victimes], certaines délégations ont insisté sur la nécessité d’appliquer à cette fin une méthodologie exigeante afin de disposer de rapports de haute qualité. Il faut récolter des données fiables et standardisées, ont plaidé des ONG. Des questions ont par ailleurs été posées sur la manière dont ce processus d’enregistrement des victimes peut être systématisé au sein du système des Nations Unies et en particulier du Haut-Commissariat aux droits de l’homme.

Une délégation a voulu connaître les obstacles à l’enregistrement des victimes et a souhaité savoir comment un tel registre (des victimes) peut être utilisé dans le contexte de la migration. 

Il faut œuvrer à développer des normes [applicables en matière d’enregistrement des victimes] et intégrer systématiquement l’enregistrement des victimes dans les mandats existants ou à créer, a-t-il affirmé. Il faut en outre protéger les personnes et organisations qui collectent ces données, a-t-on souligné.

Des appels ont aussi été lancés au Conseil pour qu’il dépêche sur le terrain des équipes chargées d’enregistrer les victimes dans certains conflits.

**Liste des intervenants : Union européenne, Lituanie (au nom d’un groupe de pays), Sierra Leone  (au nom d’un groupe de pays), Luxembourg (au nom du groupe des Amis de la responsabilité de protéger), Liechtenstein, Allemagne, Luxembourg, Arménie, Costa Rica, France, États-Unis, Iraq, Malte, Venezuela, Afrique du Sud, Chine, Suisse, Roumanie, Chypre, Azerbaïdjan, Argentine, Panama, Croatie, Serbie, État de Palestine, Every casulatis Worldwide, Indigenous People of Africa Coordinating Committee, Association MIMAN, Peace Track Initiative, Comité consultatif mondial de la Société des amis, Amnesty International, Center for Global Nonkilling, iuventum e.V., Elizka Relief Foundation, Syrian Center for Media and Freedom of Expression.

Réponses et remarques de conclusion

MME HIGGS a fait observer que, pour l’instant, la collecte des données relatives aux victimes se fait au cas par cas, et parfois dans des conditions de sécurité précaires. Systématiser au sein des Nations Unies l’enregistrement des victimes nécessiterait des ressources financières supplémentaires, pérennes et prévisibles, a-t-elle souligné. En matière d’obstacles, les plus importants sont l’accès aux terrains et la sécurité des personnels, a-t-elle ajouté.

L’enregistrement des victimes est étroitement lié aux droits de l’homme, ce qui justifie que le Conseil des droits de l’homme y contribue, a-t-elle poursuivi. Cela fait également partie du mandat du Haut-Commissariat, a-t-elle insisté.

Pour ce qui est de la méthodologie, le Haut-Commissariat s’appuie sur les méthodes scientifiques et les enseignements tirés, a d’autre part indiqué Mme Hicks, insistant sur le fait que « toute victime compte ».

 

 

 

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HRC23.081F