Aller au contenu principal

Le Conseil des droits de l’homme débat de l’état d’avancement de la lutte contre le racisme et la discrimination, vingt ans après l’adoption de la Déclaration de Durban

Compte rendu de séance

 

La Déclaration et le Programme d’action de Durban reconnaissent que les formes passées et contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance qui y est associée continuent de persécuter les Africains et les personnes d’ascendance africaine, les Asiatiques et les personnes d’ascendance asiatique ainsi que les peuples autochtones. C’est ce qu’a rappelé cet après-midi devant le Conseil des droits de l’homme la Haute-Commissaire aux droit de l'homme, Mme Michelle Bachelet.

« La reconnaissance des actions passées est le premier pas vers l'adoption de mesures concrètes en vue d'une justice réparatrice », a souligné le Président de la 75ème Assemblée générale, M. Volkan Bozkir. Le Secrétaire général de l’ONU, M. Antonio Guterres, a pour sa part souligné que c’est un défi que de s’attaquer aux causes profondes enracinées dans des siècles de colonialisme et d’esclavage.

La pandémie de COVID-19 a encore mis en évidence la forte dimension sociale et économique du racisme et de la discrimination, a ajouté M. Guterres. Alors que nous nous efforçons de nous remettre de la pandémie et de construire un monde meilleur, il est temps de forger un nouveau contrat social basé sur l'inclusion et la durabilité, a-t-il indiqué.

Ces remarques ont été faites dans le cadre de la réunion annuelle de haut niveau qu’a tenue cet après-midi le Conseil sur la prise en compte systématique des droits de l’homme dans ses travaux et qui porte cette année sur « l’état d’avancement de la lutte contre le racisme et la discrimination vingt ans après l’adoption de la Déclaration et du Plan d’action de Durban, et les effets négatifs que la pandémie de COVID-19 a eus à cet égard ».

Plusieurs panélistes ont fait des exposés durant cette réunion : Mme Phumzile Mlambo-Ngcuka, Directrice exécutive d'ONU Femmes ; le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ; et Mme Gabriela Ramos, Directrice générale adjointe pour les sciences sociales et humaines à l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).

Sont également intervenus : Mme Christine Löw, Directrice du bureau de liaison d’ONU Femmes à Genève ; Mme Angela Melo, Directrice des politiques et programmes pour le secteur des sciences humaines et sociales à l’UNESCO ; et M. Altaf Musani, Directeur des interventions lors de situations d’urgence sanitaire à l’OMS.

Pendant le débat, auquel ont participé de nombreux intervenants*, il a été relevé que vingt ans après l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban (DPAD), beaucoup reste à faire, les personnes d’ascendance africaine et celles appartenant à des minorités ethniques ou religieuses continuant de faire les frais du racisme et de la discrimination raciale. Pire, la pandémie de COVID-19 a mis à mal les efforts déployés depuis des années, a observé un groupe de pays. A l’instar du Président de la 75ème Assemblée générale, de nombreux intervenants durant ce débat ont invité les États Membres à assurer la distribution égale et équitable des vaccins pour tous au sein des pays et entre eux.

 

Demain matin, à partir de 9 heures, le Conseil tiendra sa réunion-débat biennale de haut niveau sur la question de la peine de mort. Il poursuivra ensuite, à partir de 11 heures, le débat de haut niveau entamé aujourd’hui.


Réunion annuelle de haut niveau sur la prise en compte systématique des droits de l’homme

Déclarations liminaires

MME NAZHAT SHAMEEM KHAN, Présidente du Conseil des droits de l’homme , a ouvert la réunion de haut niveau en rappelant qu’elle porte cette année sur « l’état d’avancement de la lutte contre le racisme et la discrimination vingt ans après l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, et les effets négatifs que la pandémie de coronavirus (COVID-19) a eus à cet égard ».

M. VOLKAN BOZKIR, Président de la 75ème Assemblée générale des Nations Unies , a relevé que la pandémie de COVID-19 avait mis à nu les vulnérabilités préexistantes auxquelles sont confrontés les groupes les plus marginalisés et les plus défavorisés. Même dans les pays les plus riches, les minorités ethniques, religieuses et raciales obtiennent de moins bons résultats de santé que le reste de la société. Les femmes et les filles s'en sortent encore plus mal que leurs homologues masculins. C'est pourquoi le Président de l’Assemblée générale a invité les États Membres à assurer la distribution égale et équitable des vaccins pour tous au sein des pays et entre eux. Il a regretté à ce propos que la couverture de santé universelle n'ait pas encore été réalisée et que 100 millions de personnes aient été poussées dans l'extrême pauvreté en raison des coûts de la santé.

M. Bokzir a aussi regretté que, vingt ans après la Déclaration de Durban, la discrimination soit malheureusement encore bien ancrée dans la société. Il a recommandé d’écouter et d’apprendre de nos expériences respectives, et de reconnaître que les privilèges sont le résultat d'injustices passées qui ont créé les inégalités actuelles. « La reconnaissance des actions passées est le premier pas vers l'adoption de mesures concrètes en vue d'une justice réparatrice », a insisté le Président de la 75ème Assemblée générale.

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général des Nations Unies, a salué la tenue de cette discussion sur la lutte contre le racisme et la discrimination deux décennies après l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban. Les causes profondes du racisme érodent les institutions, les structures sociales et la vie quotidienne, a-t-il insisté. Il faut faire beaucoup plus pour lutter contre ce fléau. Le racisme et la discrimination sont le rejet de tout ce que nous défendons, a déclaré le Secrétaire général, soulignant que c’est un défi que de s’attaquer aux causes profondes enracinées dans des siècles de colonialisme et d’esclavage.

Nous voyons aussi des dimensions racistes ou discriminatoires dans l’antisémitisme grandissant, la haine contre les musulmans ou la violence contre les minorités chrétiennes et d’autres formes d'intolérance et de xénophobie dans le monde, a poursuivi M. Guterres. La pandémie de COVID-19 a encore mis en évidence la forte dimension sociale et économique du racisme et de la discrimination, a-t-il souligné. Alors que nous nous efforçons de nous remettre de la pandémie et de construire un monde meilleur, il est temps de forger un nouveau contrat social basé sur l'inclusion et la durabilité, a indiqué le Secrétaire général.

Alors que les sociétés deviennent de plus en plus multiethniques, multireligieuses et multiculturelles, le monde a besoin d'investissements plus importants dans l'inclusion et la cohésion, pour tirer parti des avantages de la diversité plutôt que de la percevoir comme une menace. Tous les groupes doivent veiller à ce que leur identité individuelle soit respectée, tout en se sentant appartenir en tant que membres valorisés de la société dans son ensemble. Faire progresser l'égalité pour tous signifie également la transparence, l'égalité d'accès aux services et une participation significative, y compris pour les personnes isolées et marginalisées, a insisté le Secrétaire général.

Le Programme de développement durable à l'horizon 2030 est notre feuille de route pour promouvoir la justice et la dignité pour tous et lutter contre le racisme dans toutes ses manifestations. Ensemble, nous pouvons transformer les systèmes et les institutions et construire un monde plus inclusif, égalitaire et durable, a conclu M. Guterres.

MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire aux droit de l'homme, a rappelé que la Déclaration et le Programme d’action de Durban reconnaissent que les formes passées et contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et d’intolérance qui y est associée continuent de persécuter les Africains et les personnes d’ascendance africaine, les Asiatiques et les personnes d’ascendance asiatique et les peuples autochtones. Ces textes détaillent les actions que les États devraient entreprendre en collaboration, entre autres, avec les parlements, les institutions nationales et la société civile ; ils détaillent aussi les stratégies de coopération internationale renforcée et d'intégration, qui impliquent tous les membres de la famille des Nations Unies.

Nous sommes appelés à agir, a poursuivi Mme Bachelet. Il est temps de revitaliser nos actions. Nous pouvons commencer par faire preuve de leadership, parler et manifester notre engagement en faveur de l'égalité et de la non-discrimination. Mais il doit également y avoir une action beaucoup plus concertée. La mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban ne peut être réalisée que grâce aux efforts conjoints que nous déployons tous - les Nations Unies, les États, les institutions nationales des droits de l'homme, la société civile, les entreprises et autres, a conclu Mme Bachelet.

Exposés des panélistes

MME PHUMZILE MLAMBO-NGCUKA, Directrice exécutive d'ONU Femmes, a regretté que, vingt ans après la Conférence de Durban, on assiste encore à la répression des hommes et femmes de couleur dans certains pays, parallèlement à un rétrécissement de l'espace démocratique qui a eu une incidence sur la liberté et sur le progrès des femmes de couleur. La pandémie a aggravé cette situation, les femmes de couleur et les femmes en général étant touchées de manière disproportionnée : elles sont notamment plus nombreuses à avoir perdu leur emploi, a constaté Mme Mlambo-Ngcuka.

La Directrice exécutive a souligné que « reconstruire en mieux », dans le contexte actuel, signifie « reconstruire en vert » et de manière équitable, en s'assurant de ne laisser personne de côté et de construire en tenant compte de l'égalité des sexes. Elle a plaidé pour que les mesures de relance n’aggravent pas la discrimination à l'encontre de celles et ceux qui ont désespérément besoin de ressources, et pour que davantage de femmes de couleur participent aux prises de décisions.

M. TEDROS ADHANOM GHEBREYESUS, Directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a indiqué que, pour aider les pays à atteindre les objectifs de développement durable liés à la santé, l’OMS avait mis l'accent sur les déterminants sociaux de la santé tout au long de la vie et sur la collecte de données ventilées pour identifier les inégalités et les injustices en matière de santé. D’autre part, en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), l'OMS a mené une consultation afin d'identifier les principales interventions contre la discrimination raciale et ethnique systémique dans les plans de relance après la COVID-19. Enfin, l'OMS travaille dans le cadre du réseau des Nations Unies sur la discrimination raciale et la protection des minorités pour faire progresser l'équité en matière de santé.

L'OMS reste fermement engagée à garantir un accès équitable aux traitements et aux vaccins, a par ailleurs indiqué le Directeur général de l’OMS. « Les vaccins contribueront à mettre fin à cette pandémie. Mais il n'existe pas de vaccin contre la pauvreté, la faim ou l'inégalité », a-t-il ajouté. Les dix-sept objectifs de développement durable ne seront atteints qu'en renouvelant notre engagement en faveur des droits de l'homme, a-t-il conclu.

MME GABRIELA RAMOS, Directrice générale adjointe pour les sciences sociales et humaines de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), a souligné qu’il fallait étudier comment le racisme et la discrimination aggravent d'autres désavantages et inégalités, liés par exemple à la pauvreté et au genre. Les personnes d'ascendance africaine, les groupes ethniques victimes de discrimination, les peuples autochtones, les migrants, les apatrides et les réfugiés sont non seulement confrontés aux pires problèmes de santé, mais sont plus susceptibles de perdre leur emploi ou une partie de leurs revenus, a-t-elle fait observer.

Les données montrent à quel point le racisme et la discrimination structurels et systémiques amplifient les effets de la crise actuelle, a poursuivi Mme Ramos. Plus de 86% des populations autochtones dans le monde travaillent dans l'économie informelle où elles n'ont souvent pas accès à une protection sociale ni à des services de santé de qualité, et elles sont susceptibles de supporter le plus gros des pertes d'emplois. Plus des trois quarts des personnes déplacées et touchées par un conflit ont perdu des revenus au cours de la pandémie. Les femmes afro-descendantes aux États-Unis sont davantage susceptibles de voir leur carrière rétrograder ou de quitter le marché du travail en raison de la COVID-19, ce qui démontre l'intersection entre la discrimination raciale et la discrimination sexuelle. Il y a toujours une femme quand on parle de discrimination, a insisté Mme Ramos.

Pour être efficace, il faut comprendre les racines profondes des problèmes, afin de les résoudre, a souligné la Directrice générale adjointe. Le monde peut et doit préserver la mémoire des atrocités passées et des injustices historiques telles que l'Holocauste, l'esclavage et le colonialisme ; ce n'est pas seulement un devoir envers le passé, mais aussi un outil pratique pour éclairer et guider le monde aujourd'hui, a-t-elle rappelé. C'est l'un des objectifs des initiatives de l’UNESCO relatives à l'histoire générale de l'Afrique et au projet de Route de l'esclave.

Aperçu du débat

La plupart des délégations intervenues au cours du débat ont fait le même constat : vingt ans après l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, le racisme et la discrimination raciale continuent de « mettre à mal la dignité humaine ». Plusieurs délégations ont néanmoins relevé les efforts déployés depuis l’adoption de ces textes.

L’attention a été attirée sur l’importance des mécanismes de suivi de Durban. La plupart des délégations ont toutefois estimé que beaucoup restait encore à faire dans le domaine de la lutte contre le racisme et la discrimination et contre les formes d’intolérance qui en résultent.

Les personnes d’ascendance africaine et celles appartenant à des minorités ethniques ou religieuses continuent de subir de manière disproportionnée les conséquences de ces phénomènes, a-t-il été souligné. De nombreuses délégations ont déploré la résurgence des crimes haineux et des discours de haine partout dans le monde. Pire, la pandémie de COVID-19 a mis à mal les efforts déployés depuis des années, a observé un groupe de pays. La pandémie continue de causer des ravages et il est de plus en plus clair que les inégalités sous-jacentes sont exacerbées, ont dénoncé plusieurs délégations. Plusieurs intervenants ont plaidé pour un accès égal aux vaccins contre la COVID-19.

Certains se sont interrogés sur le rôle que peuvent jouer les technologies numériques dans le combat contre le racisme et la discrimination raciale.

Il faut réaffirmer l’importance de la Déclaration et du Programme d’action de Durban et les intégrer totalement dans les activités des États et de l’ONU, a-t-il été déclaré. Mais il faut aussi réfléchir « en toute honnêteté » et de « manière critique » aux éléments qui empêchent d’avancer dans cette lutte, a-t-on ajouté. Il ne suffit plus de supposer que les lois progressistes ont des effets bénéfiques, ont souligné certains ; l’heure est venue d’agir, a tranché un intervenant.

Des organisations non gouvernementales ont exhorté les Etats à proposer des mécanismes de réparation pour les victimes de discrimination ou de racisme.

*Intervenants : M. Moussa Faki Mahamat, Président de la Commission de l’Union africaine ; M. Augusto Santos Silva, Ministre des affaires étrangères du Portugal ; Mme Yvonne Dausab, Ministre de la justice de la Namibie ; M. Téte Antonio, Ministre des affaires étrangères de l’Angola ; M. Alvyn Botes, Vice-Ministre des relations internationales et de la coopération de l’Afrique du Sud ; Finlande (au nom d’un groupe de pays) ; Bahamas (au nom du CARICOM) ; Cameroun (au nom du groupe des Etats africains) ; Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique) ; Union européenne ; Brésil (au nom de la Communauté des pays de langue portugaise) ; Azerbaïdjan (au nom des pays non alignés) ; Qatar ; Equateur ; Fédération de Russie ; Philippines ; Togo ; Indonésie ; Sénégal ; Arménie ; Maroc ; Iraq ; Belgique ; Venezuela ; Népal ; Commission nationale des droits de l’homme de l’Indonésie ; Franciscans international ; Institut du Caire pour les études sur les droits de l’homme; Association internationale des juristes démocrates; Action Canada pour la population et le développement ; et Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies.

Réponses et remarques de conclusion

MME CHRISTINE LÖW, Directrice du bureau de liaison d’ONU Femmes à Genève, a relevé que la COVID-19 entraînait de multiples formes de discrimination, qui appellent des solutions intersectionnelles, dans tous les domaines. La couleur de la peau d’une personne peut déterminer son risque de décéder du coronavirus, a-t-elle fait observer. ONU Femmes est cependant encouragée par les nombreuses mesures prises par les États contre la discrimination et le racisme dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.

M. ALTAF MUSANI, Directeur des interventions lors de situations d’urgence sanitaire à l’OMS , a insisté pour que toutes les parties concernées collaborent afin de garantir la disponibilité des vaccins contre la COVID-19. L’OMS et ses partenaires suivront de près le déploiement des campagnes de vaccination, afin qu’elles atteignent toutes les populations, a-t-il indiqué.

MME ANGELA MELO,Directrice des politiques et programmes pour le secteur des sciences humaines et sociales à l’UNESCO , a constaté un fort engagement et un élan favorable parmi les États. Le racisme systémique structurel est un fléau mondial, aux causes profondes duquel il faut s’attaquer, a-t-elle souligné. La pandémie de COVID-19 a mis au jour des inégalités sous-jacentes qui touchent en particulier les femmes, a-t-elle ajouté. Il convient à cet égard de s’attaquer d’abord aux pratiques institutionnelles qui perpétuent les inégalités de chances, a-t-elle indiqué. Il est également indispensable d’améliorer les régimes juridiques pour permettre la réalisation des objectifs de développement durable.

 


HRC21.009F