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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS ENTEND LA SOCIÉTÉ CIVILE SUR LA MISE EN ŒUVRE DU PACTE AU KAZAKHSTAN

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a entendu ce matin des représentants de la société civile qui ont présenté des exposés sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels au Kazakhstan, dont le rapport sera examiné cette semaine.

Les représentants des organisations non gouvernementales présentes ont attiré l'attention sur la question de l'octroi obligatoire du droit de résidence, ou « propiska », une pratique héritée de la période soviétique. En dépendent en particulier la scolarisation des enfants ou le versement de prestations sociales. Or, nombreux sont ceux, en particulier les travailleurs migrants ou les locataires précaires, qui ne disposent pas de ce document et se trouvent même parfois dans la quasi impossibilité de l'obtenir. Des questions relatives aux inégalités dont souffrent les femmes dans le monde du travail ont aussi été abordées, ainsi que la question des discriminations en fonction de l'orientation sexuelle. Par ailleurs, la toxicomanie demeure un fléau dans le pays, des organisations déplorant la priorité donnée à la répression et un accès insuffisant aux protocoles de substitution des stupéfiants. S'agissant des droits de l'enfant, les ONG ont aussi abordé la précarité de l'accès à l'éducation dans les zones rurales, où perdure le travail des enfants, dans les champs de coton notamment.


Lors de sa prochaine réunion publique, demain après-midi, le Comité entamera l'examen du rapport de Maurice (E/C.12/MUS/5 et annexe) qu'il achèvera mercredi matin. Le rapport du Kazakhstan sera examiné mercredi après-midi et jeudi matin.


Audition d'organisations de la société civile s'agissant du Kazakhstan

L'ONG kazakhe Paperlab a souligné les difficultés de tous ordres auxquelles étaient confrontées les personnes ne résidant pas dans leur lieu de résidence officiellement enregistré. Les migrants urbains, les jeunes, les familles nombreuses, les réfugiés et déplacés, entre autres, sont particulièrement affectées par la réglementation, celle-ci ayant été encore renforcée. Des solutions alternatives à l'enregistrement des citoyens doivent être proposées par les autorités. Les prestations sociales ne devraient pas être liées à la résidence, a-t-elle ajouté.

L'Union des centres de crise, une organisation regroupant des centres de crise dans plusieurs districts du Kazakhstan, a axé son exposé sur le respect des droits des femmes et des enfants, dénonçant en particulier une discrimination cachée, notamment en matière d'accès à la terre. Elle a aussi appelé de ses vœux la mise en place d'un minimum vital conforme aux critères de l'Organisation internationale du travail. Par ailleurs, il faudrait porter à 16 ans l'âge du consentement libre et éclairé s'agissant des traitements médicaux, actuellement fixé à 18 ans.

La fondation Aman Saulyk a souligné la nécessité de faciliter l'accès des jeunes aux centres de santé mentale. Quant aux services de réadaptation des toxicomanes, des questions se posent quant aux limitations du programme de substitution aux opiacés.

Le Kazakhstan Children Fund a relevé que le pays n'avait pas encore ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Sa représentante a dénoncé les inégalités s'agissant de l'accès à une éducation de qualité. Cela concerne notamment les personnes toujours titulaires de documents d'identité soviétiques et dont la situation légale quant à leur nationalité n'a toujours pas été actualisée. Par ailleurs, le soutien matériel dans le domaine de l'éducation est insuffisant, en particulier dans les campagnes. De nombreuses écoles ont besoin de rénovation et de modernisation. La représentante a aussi dénoncé le manque de ressources dont dispose le Médiateur pour les droits de l'enfant.

Le Fonds de développement du Parlement kazakh pour le développement a constaté que, 13 ans après sa ratification du Pacte, le Kazakhstan n'avait toujours pas adhéré à son Protocole facultatif. Les autorités, les forces de l'ordre, les tribunaux ne considèrent toujours pas les recommandations du Comité comme contraignantes. Si le Pacte était parfois invoqué devant les juges, cela demeurait purement formel, les décisions de justice ne s'en inspirant pas. L'organisation a aussi mentionné la crise du logement qui sévit dans le pays, affirmant que les aides gouvernementales étaient inopérantes. Elle a ajouté que le nombre d'expulsions avait beaucoup augmenté ces dernières années. Elle a dénoncé le fait que de nombreux logements construits dans la capitale, Astana, ne respectaient pas la législation, notamment s'agissant des mesures de protection contre l'incendie. Des expulsions forcées ont lieu en hiver ou durant la nuit, au mépris de la loi.

L'Association eurasienne pour la réduction des dommages a axé son exposé sur la toxicomanie, le Comité ayant par le passé recommandé au Kazakhstan la mise en place d'un programme de substitution aux opiacés. Or, moins d'un pour cent des personnes concernées bénéficient d'un tel programme en dépit du fait que cette approche soit considérée comme efficace par l'Organisation mondiale de la santé. L'ONG demande au Comité d'apporter son soutien à ce programme ainsi qu'à ceux qui portent sur la prévention du VIH/sida.

L'Union des Kazakhs touchés par le VIH/sida a dénoncé la pénalisation de l'utilisation de drogue pour usage personnel, ce qui nuit à la prévention du VIH/sida. Plus de la moitié des transmissions s'explique par l'usage de matériel non stérile. Un accent trop important est mis sur la répression au détriment de la santé, surtout pour les groupes marginaux. Le Comité devrait recommander la dépénalisation de l'usage de stupéfiants, estime cette même organisation.

Feminita – Initiative féministe du Kazakhstan a dénoncé la répression à l'encontre des homosexuels au Kazakhstan. Le viol, par exemple, n'est défini et réprimé que s'il est pratiqué « de manière naturelle ». Cela implique que les relations sexuelles ne sont pas considérées sur le même plan selon qu'elles sont homosexuelles ou hétérosexuelles. Dans le respect du Pacte, la législation doit être abrogée du fait de son caractère discriminatoire, estime l'ONG. Les crimes haineux commis en fonction de l'orientation sexuelle doivent être poursuivis. Les lesbiennes s'affirmant comme telles sont confrontées à des attitudes empreintes de préjugés de la part du corps médical lorsqu'elles consultent un médecin, a encore dénoncé cette ONG.

ADC Memorial, qui s'est félicitée de la réduction du nombre de professions interdites aux femmes kazakhes, a néanmoins relevé qu'un grand nombre de métiers leur restaient toujours inaccessibles, dans les transports routiers et ferroviaires en particulier. Par ailleurs, l'écart salarial demeure important, les revenus des femmes atteignant seulement 67% de ceux des hommes. L'ONG a abordé par ailleurs les restrictions auxquels sont confrontés les enfants de migrants en matière d'éducation, étant souvent placés d'autorité dans des centres spécialisés pour mineurs.

En réponse aux questions des membres du Comité, s'agissant notamment de la prise en compte de l'avis des organisations de la société civile par les autorités et d'éventuelles restrictions à leur activité, une ONG a souligné que le rapport officiel du Kazakhstan avait fait l'objet d'une consultation tardive. Elle a déploré l'absence d'interlocuteurs compétents du côté des pouvoirs publics, dans le domaine du logement par exemple.

S'agissant de l'enregistrement discriminatoire des organisations de la société civile, une autre ONG a fait état des difficultés auxquelles elle était confrontée, à l'instar d'autres associations, homosexuelles masculines notamment.

Pour ce qui concerne les restrictions au droit syndical évoquées par un expert, cette ONG a expliqué que la Fédération syndicale kazakhe était la continuatrice du syndicat unique soviétique. Les employeurs ont, de fait, plus de droits que les syndicats, ce qui peut affecter un certain nombre de droits, y compris dans des domaines aussi réglementés que le congé maternité. La représentante a aussi mentionné des atteintes au droit à la retraite, s'agissant en particulier des travailleurs indépendants.

Des précisions ayant été demandées sur les conditions d'enregistrement du lieu de résidence et sur l'ampleur du problème posé du fait d'une forte mobilité intérieure, une ONG a expliqué que les règles en la matière étaient extrêmement strictes, ce qui explique le nombre important de personnes en situation irrégulière. En outre, de nombreux logements ne disposent pas d'adresse légale, ce qui concernerait le quart des habitations d'Astana par exemple. Parmi les remèdes envisageables, la représentante a mentionné la possibilité de s'enregistrer en ligne, comme cela se pratique dans les pays baltes.

Une autre ONG a mis en cause les difficultés financières liées aux prêts à l'accession à la propriété, s'agissant notamment des contrats libellés en dollars, la monnaie locale s'étant fortement dépréciée ces dernières années.

La liste des professions interdites aux femmes constitue un héritage de la période soviétique, a expliqué une ONG. Officiellement, elle vise à protéger la fonction procréative. Dans les faits, elle contribue à cantonner la femme au foyer, celle-ci étant vue avant tout comme mère de famille. Cette liste a été abolie en Ukraine et elle est en cours d'évaluation en Russie, a ajouté la représentante.

Dans les zones rurales, l'accès à l'éducation peut poser des problèmes en raison du plus grand nombre de familles nombreuses et du fait que les enfants travaillent couramment dans les champs de coton pendant la période des récoltes – ce qui implique pour les enseignants d'effectuer un programme accéléré de rattrapage, l'année scolaire étant de fait écourtée. Les infrastructures scolaires sont déficientes, a ajouté l'ONG. Les prérogatives du Médiateur pour les droits de l'enfant doivent être renforcées, a-t-elle recommandé.

S'agissant de l'importante incidence de la toxicomanie, une ONG a déploré le fait que les autorités avaient la répression pour priorité au détriment de la prévention et des soins. On estime que 120 000 personnes sont concernées et que seulement moins de 300 toxicomanes bénéficient du programme de substitution aux opiacés par la méthadone. Un expert ayant demandé comment on expliquait une telle prévalence de la toxicomanie, une ONG a répondu que les causes en étaient diverses, la pauvreté notamment.

En conclusion, une ONG a demandé au Comité d'inciter le Kazakhstan à intégrer dans sa législation les dispositions des instruments internationaux qu'il a ratifiés. Elle a ajouté que cela devait aussi se concrétiser par l'élaboration de plans d'action nationaux.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

ESC19.006F