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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DE L’ESTONIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de l’Estonie sur la mise en œuvre par ce pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Présentant ce rapport, M. Sten Andreas Ehrlich, Secrétaire général adjoint en charge des politiques du travail et d’emploi au Ministère des affaires sociales de l’Estonie, a fait part des progrès enregistrés par son pays dans les domaines social, économique, éducatif et culturel, à commencer par l’action entreprise en faveur de la réalisation des Objectifs de développement durable. L’Estonie a notamment introduit un congé parental visant à encourager les pères de famille à assumer davantage de responsabilités dans les soins aux enfants, et pris d’autres mesures ayant pour objectif d’aider les familles à concilier vie professionnelle et vie familiale.

M. Ehrlich a ensuite fait part des problèmes que rencontre encore son pays dans le domaine social, citant notamment l’écart de salaire persistant entre hommes et femmes. Le plan d’action adopté par le Gouvernement en 2012 pour réduire cette fracture part du principe que les causes du problème sont multiples, et une recherche est en cours pour déterminer les raisons de l’écart salarial qui ne peuvent encore être expliquées, a-t-il précisé.

L’État soutient d’autre part les cultures minoritaires régionales en fonction de leurs besoins, a ajouté M. Ehrlich. Le défi dans ce domaine consiste à réduire le nombre de personnes privées de citoyenneté vivant en Estonie. À l’heure actuelle, 75 191 personnes sont dans cette situation, soit 5,5% de la population, une proportion en baisse de 0,4% par rapport à 2017, a précisé le chef de la délégation, avant de faire état d’une amélioration de la connaissance de la langue estonienne parmi les populations d’origine non estonienne.

La délégation estonienne était également composée de plusieurs représentants des Ministères estoniens des affaires étrangères, de l’intérieur, des affaires sociales, de la culture ainsi que de l’éducation. Elle a répondu aux questions et observations des experts du Comité qui ont porté, en particulier, sur la situation des personnes de nationalité indéterminée vivant en Estonie, les écarts de salaires entre hommes et femmes, l’efficacité des mesures de « flexisécurité », les dépenses sociales, le salaire minimal, le reclassement des travailleurs affectés par la reconfiguration de l’appareil industriel du pays, la lutte contre la pauvreté, le droit de grève, les questions liées à la retraite, l’âge minimum du mariage, la lutte contre l’alcoolisme, le VIH/sida et la toxicomanie, ou encore la diversité linguistique.

Mme Sandra Liebenberg, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de l’Estonie, a fait observer que le pays était un grand producteur de schistes bitumineux, lesquels entraînent une importante pollution de l’environnement. Elle a donc voulu savoir dans quelle mesure la disposition constitutionnelle relative à la responsabilité de protéger l’environnement (article 53 de la Constitution) était appliquée dans ce contexte.

La rapporteuse a par ailleurs fait observer que le niveau des dépenses sociales en Estonie (14% du PIB) était inférieur à la moyenne européenne (qui était de 28% en 2015). Elle a ajouté que des lacunes subsistaient en Estonie s’agissant de la jouissance, par les deux sexes, des droits défendus par le Pacte dans des conditions d’égalité.

Mme Liebenberg a pris acte des progrès réalisés par l’Estonie pour réduire le nombre de personnes privées de nationalité vivant sur son territoire; elle s’est cependant inquiétée de l’exclusion sociale à laquelle ces personnes sont toujours exposées. Elle a aussi relevé que c’est dans le comté d’Ida Viru, dont la population est majoritairement d’origine russe, que le taux de chômage est le plus élevé en Estonie. La minorité russophone est confrontée à d’autres problèmes dans ce pays, notamment en matière de logement et de droits culturels, a insisté la rapporteuse.

Une autre experte a regretté l’approche répressive qui prévaut en Estonie s’agissant du contrôle de l’utilisation des langues dans la vie publique, dont témoigne l’absence totale de signalisation en russe dans certaines régions. L’experte a voulu savoir comment les autorités comptaient faire de la diversité culturelle un atout et non une menace.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Estonie et les rendra publiques à l'issue de la session, vendredi 8 mars prochain.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Cameroun (E/C.12/CMR/4).


Présentation du rapport

Le Comité était saisi du troisième rapport périodique de l’Estonie (E/C.12/EST/3), ainsi que des réponses du pays à une liste de à une liste de points à traiter préalablement soumise par le Comité.

Présentant ce rapport, M. STEN ANDREAS EHRLICH, Secrétaire général adjoint en charge des politiques du travail et d’emploi au Ministère des affaires sociales de l’Estonie, a fait part des progrès enregistrés par son pays dans les domaines social, économique, éducatif et culturel, à commencer par l’action entreprise en faveur de la réalisation des Objectifs de développement durable.

L’Estonie a adopté de nombreuses mesures visant à réduire les effets nocifs du tabagisme, conformément aux directives de l’Organisation mondiale de la Santé, en particulier par l’augmentation des prix et le contrôle de la publicité, a fait valoir M. Ehrlich. L’Estonie a également pris en faveur de la famille un certain nombre de mesures, parmi lesquelles l’introduction d’un congé parental visant à encourager les pères de famille à assumer davantage de responsabilités dans les soins aux enfants. D’autres mesures ont pour objectif d’aider les familles à concilier vie professionnelle et vie familiale. Les textes de loi en ce sens ont déjà été adoptés par le Parlement estonien et seront appliqués progressivement, d’ici 2022, a fait savoir le chef de la délégation estonienne.

M. Ehrlich a ensuite fait part des problèmes que rencontre encore son pays dans le domaine social, citant notamment l’écart de salaire persistant entre hommes et femmes – écart dont le niveau reste le plus important d’Europe. Le plan d’action adopté par le Gouvernement en 2012 pour réduire cette fracture part du principe que les causes du problème sont multiples, et une recherche est en cours pour déterminer les raisons de l’écart salarial qui ne peuvent encore être expliquées, a-t-il précisé.

M. Ehrlich a par ailleurs indiqué que plusieurs amendements avaient été apportés au Code pénal afin de répondre aux besoins des catégories de population les plus vulnérables. En 2012, est ainsi entré en vigueur un amendement qui reconnaît la responsabilité pénale des auteurs de traite d’êtres humains. En 2015, un autre amendement apporté au Code pénal est venu condamner les agressions contre la personne commises au sein de la famille et en 2017, l’Estonie a ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention de la violence contre les femmes et de la violence domestique.

S’agissant des droits culturels, l’Estonie apporte une grande attention à l’amélioration de l’accès à la culture pour les groupes vulnérables, notamment les personnes handicapées ou malvoyantes. L’État soutient d’autre part les cultures minoritaires régionales en fonction de leurs besoins, a ajouté M. Ehrlich. Le défi dans ce domaine consiste à réduire le nombre de personnes privées de citoyenneté vivant en Estonie. À l’heure actuelle, 75 191 personnes sont dans cette situation, soit 5,5% de la population, une proportion en baisse de 0,4% par rapport à 2017, a précisé le chef de la délégation, avant de faire état d’une amélioration de la connaissance de la langue estonienne parmi les populations d’origine non estonienne.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME SANDRA LIEBENBERG, rapporteuse du Comité pour le rapport de l’Estonie, a insisté sur l’importance que le Comité accorde à l’existence, dans les États parties, d’une voie de recours juridique en cas de violation des droits défendus par le Pacte. L’experte a prié la délégation de donner des exemples concrets de cas dans lesquels des juges estoniens ont invoqué le Pacte à l’appui de leurs décisions. Il s’agit de savoir dans quelle mesure les droits économiques, sociaux et culturels sont effectivement défendus et ne restent pas lettre morte, a insisté Mme Liebenberg.

L’experte a ensuite fait observer que l’Estonie était un important producteur de schistes bitumineux, lesquels entraînent une importante pollution de l’environnement. Elle a donc voulu savoir dans quelle mesure la disposition constitutionnelle relative à la responsabilité de protéger l’environnement (article 53 de la Constitution) était appliquée dans ce contexte.

Mme Liebenberg a par ailleurs regretté que le rapport ne donne pas le détail des dépenses sociales consenties par le Gouvernement estonien. Elle a fait observer que le niveau des dépenses sociales en Estonie (14% du PIB) était inférieur à la moyenne européenne (qui était de 28% en 2015). L’experte a ensuite fait observer que c’est dans le comté d’Ida Viru, dont la population est majoritairement d’origine russe, que le taux de chômage est le plus élevé en Estonie. La minorité russophone est confrontée à d’autres problèmes dans ce pays, notamment en matière de logement et de droits culturels, a insisté la rapporteuse.

Mme Liebenberg a pris acte des progrès réalisés par l’Estonie pour réduire le nombre de personnes privées de nationalité vivant sur son territoire; elle s’est cependant inquiétée de l’exclusion sociale à laquelle ces personnes sont toujours exposées. Elle a voulu savoir si le Gouvernement envisageait d’accéder à la Convention de 1964 sur le statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction de l’apatridie. L’experte a en outre regretté que l’Estonie ne soit pas dotée d’une stratégie d’intégration sociale des réfugiés.

Mme Liebenberg a ajouté que des lacunes subsistaient en Estonie s’agissant de la jouissance, par les deux sexes, des droits défendus par le Pacte dans des conditions d’égalité. Elle s’est interrogée sur les ressources financières et humaines allouées aux organes de l’État chargés de faire respecter l’égalité entre les sexes.

La rapporteuse a ensuite indiqué que le Comité avait reçu deux rapports parallèles établis par des organisations de la société civile estonienne. Elle a voulu savoir quelle avait été l’implication de la société civile dans la préparation du rapport officiel du pays. Une autre question de l’experte a porté sur les projets de l’Estonie en matière de production d’énergie verte.

Mme Liebenberg a par ailleurs regretté le manque de places dans les crèches et ses conséquences sur l’autonomisation des femmes. Elle a demandé des précisions sur le nombre de sans-abri en Estonie et sur l’ampleur du parc de logements sociaux.

Un autre membre du Comité a fait observer que la quasi-totalité des personnes privées de nationalité en Estonie sont russophones. L’État établit une distinction quelque peu artificielle entre ces personnes et les apatrides, a estimé cet expert, avant de faire état de taux de chômage et de pauvreté plus élevés parmi les ressortissants étrangers ou apatrides que parmi les Estoniens, imputant cette situation en partie au défaut de maîtrise de la langue nationale. L’expert a voulu savoir ce que l’État comptait faire pour remédier à cette situation.

Un autre expert a regretté que le Pacte soit, de l’aveu même de la délégation, mal connu en Estonie. Le Comité peut aider l’État partie à combler cette lacune, a souligné l’expert.

Un expert a souligné que le système fiscal estonien à taux unique était probablement « le plus compétitif au monde ». Il s’est interrogé sur le lien entre ce système et le taux de pauvreté en Estonie.

Un expert a demandé à la délégation de dire si le salaire minimal (548 euros en 2019) garantissait un niveau de vie adéquat en Estonie et si des mesures étaient prises pour faire en sorte que les employeurs versent effectivement ce salaire minimal. D’autre part, a ajouté l’expert, il se pose toujours le problème du versement retardé des prestations dues au titre de l’assurance chômage. D’autres questions du même expert ont porté sur l’effet concret des démarches du Gouvernement pour combler l’écart de salaire entre les sexes; sur la fiabilité des statistiques produites par le service d’inspection du travail; et sur la protection de la santé et de la sécurité au travail.

Un expert a estimé que certains aspects de la situation des familles en Estonie laissaient beaucoup à désirer. Il a notamment fait part de son incrédulité face à la possibilité qui est donnée à des mineurs de 14 ans de se marier. L’expert a aussi regretté qu’aucune loi ne vienne interdire la violence domestique, malgré son caractère généralisé. Il a en outre dit craindre que le problème de la toxicomanie en Estonie soit lié à la détérioration de l’environnement familial et a recommandé que ce problème soit traité de manière plus souple qu’il ne l’est à l’heure actuelle. Le même expert a fait part d’autres préoccupations concernant l’ampleur du problème de l’alcoolisme en Estonie, les conditions d’accès aux soins de santé et l’approvisionnement en eau potable.

Un expert a rappelé la position du Comité selon laquelle tous les États parties devraient adopter une loi interdisant explicitement la violence au sein de la famille.

D’autres questions des membres du Comité ont porté sur les thérapies de substitution à base de méthadone et sur la prise en charge médico-sociale des femmes toxicomanes. Un expert a regretté, à ce propos, que la politique officielle criminalise et stigmatise les toxicomanes, en particulier les femmes; il a voulu savoir si les autorités avaient déjà envisagé de dépénaliser la consommation de stupéfiants.

Plusieurs experts ont recommandé que l’Estonie se penche sur la forte incidence des maladies mentales parmi les jeunes de 15 à 19 ans.

Une experte a salué la qualité du système scolaire estonien, dont attestent les résultats des enquêtes PISA. Elle a néanmoins fait observer que, selon certaines sources, le taux de scolarisation a légèrement reculé au niveau du primaire depuis quelques années et que le taux d’abandon scolaire des garçons n’a pas baissé. L’experte a aussi constaté que la profession d’enseignant jouissait de peu d’estime en Estonie; elle a en outre regretté que les stéréotypes sexistes n’aient toujours pas été éliminés des manuels scolaires.

L’obligation d’enseigner 60% des matières scolaires en langue estonienne et 40% dans les langues minoritaires est peut-être à l’origine des difficultés rencontrées par les élèves russophones, a poursuivi la même experte. Elle a regretté l’approche répressive qui prévaut s’agissant du contrôle de l’utilisation des langues dans la vie publique en Estonie, de même que l’absence totale de signalisation en russe dans certaines régions. L’experte a voulu savoir comment les autorités comptaient faire de la diversité culturelle un atout et non une menace.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des experts, la délégation a indiqué que si les dispositions du Pacte ne sont pas souvent mentionnées par les tribunaux, cela ne veut pas dire que les principes défendus par le Pacte sont ignorés; la législation nationale consacre en effet les principes et les articles du Pacte. Selon un sondage réalisé au début du mois, 73% des personnes interrogées estiment que les droits de l’homme sont garantis en Estonie, a fait valoir la délégation.

En cas de violation perçue des droits de l’homme, les citoyens ont tendance à se tourner d’abord vers des moyens de règlement officieux, avant de s’adresser aux services responsables, a ajouté la délégation. Elle a ensuite cité plusieurs décisions rendues par des tribunaux relatives à des demandes d’indemnisation faites par des personnes estimant que leurs droits tel que reconnus par le Pacte n’avaient pas été respectés.

Depuis le milieu des années 1990, a d’autre part indiqué la délégation, les autorités estoniennes ont pour habitude d’envoyer systématiquement pour commentaires aux organisations de la société civile les projets de rapports (dus au titre des instruments internationaux de droits de l'homme).

L’article 53 de la Constitution estonienne, qui demande à chacun de préserver l’environnement et dispose des dédommagements à accorder en cas de dommage causé à l’environnement, a été invoqué à plusieurs reprises devant les tribunaux, a fait savoir la délégation.

La Constitution estonienne défend largement le principe général de non-discrimination, a poursuivi la délégation. Même si la loi n’a pas été modifiée à cette fin, la Constitution reste une base solide pour défendre les personnes contre la discrimination, a-t-elle souligné.

Les ministères concernés sont en train d’envisager la possibilité d’adopter le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, qui instaure une procédure de plainte devant le Comité, a d’autre part indiqué la délégation. Le débat porte essentiellement sur les modalités pratiques de l’adoption du Protocole facultatif, a-t-elle précisé.

S’agissant des dépenses sociales, la délégation a admis qu’elles étaient peu élevées, par comparaison aux autres pays européens. Elle a ajouté qu’un ensemble complexe d’indicateurs était utilisé pour évaluer les dépenses sociales du pays et leur impact.

La délégation a ensuite fait savoir que les autorités estoniennes avaient pris des mesures concrètes pour faciliter l’acquisition de la nationalité estonienne par les personnes de nationalité indéterminée. Des cours gratuits d’estonien ont été mis en place pour les personnes vivant depuis cinq ans dans le pays. En outre, le Ministère de l’intérieur a, il y a peu, adressé une lettre à tous les parents en droit de faire une demande de citoyenneté pour leurs enfants dans le cadre d’une procédure simplifiée. L’Estonie n’a pas encore fixé de date-butoir pour la ratification des instruments internationaux relatifs à l’apatridie, a indiqué la délégation.

À la suite d’un processus de naturalisation entamé en 1992, l’Estonie est passée d’un taux de 30% de personnes de nationalité indéterminée à cette date à seulement 5% à ce jour, a fait valoir la délégation. Elle a indiqué que les personnes de nationalité indéterminée ont le droit de vote au niveau local et peuvent se rendre sans visa en Europe et en Fédération de Russie. L’acquisition de la nationalité estonienne n’est pas automatique et doit faire l’objet d’une demande par la personne concernée, a rappelé la délégation.

Près de 18% des personnes de nationalité indéterminée indiquent vouloir obtenir la nationalité russe, a ensuite précisé la délégation. Elle a souligné que le défaut de maîtrise de la langue estonienne n’est plus le principal facteur expliquant la situation de ces personnes; la délégation a de nouveau mis en avant les efforts des autorités pour enseigner l’estonien.

Deux centres de rétention ont été ouverts à l’intention des migrants, a précisé la délégation en réponse à une question d’un membre du Comité. Ces centres offrent des services sociaux et de santé, y compris une prise en charge psychologique, ainsi que des conseils juridiques et des activités culturelles. Les mineurs migrants non accompagnés sont hébergés dans des structures séparées, a-t-il été précisé. Quant à l’insertion des réfugiés admis en Estonie, elle est couverte par deux stratégies d’intégration sociale plus générales courant jusqu’en 2030.

Le financement du Commissaire à l’égalité est assuré par le budget de l’État et par des financements extérieurs, a indiqué la délégation, avant de préciser que la part publique du financement a augmenté de 45% en 2019 – année où le budget global a atteint 897 000 euros, contre environ 500 000 euros en 2015.

La délégation a donné des précisions sur la stratégie de lutte contre la pauvreté adoptée par les autorités estoniennes et qui repose, notamment, sur la politique fiscale. Il est vrai que cette stratégie, efficace dans l’absolu, a eu pour contrecoup d’augmenter la pauvreté relative, a admis la délégation. Mais les autorités ont pris des mesures ciblées supplémentaires en faveur des enfants et des personnes âgées, a-t-elle fait valoir.

Pour réduire la pauvreté relative, des subventions sont accordées aux personnes âgées isolées, dont on sait qu’elles sont les plus exposées au risque de pauvreté, a par la suite fait valoir la délégation.

L’ancienne région industrielle d’Ida Viru (à l’extrémité est du pays) fait l’objet d’un plan gouvernemental d’action et d’investissement dont les objectifs sont de créer un environnement favorable aux petites et moyennes entreprises et d’améliorer la qualité de vie, a par ailleurs expliqué la délégation. Elle a précisé que le taux de chômage parmi les personnes qui ne parlent pas l’estonien s’y élevait à 7,1%, soit plus que dans le reste du pays mais moins que la moyenne européenne. La délégation a en outre mis en avant le potentiel touristique de la région d’Ida Viru.

Depuis 2017, les autorités octroient des aides et services ciblés aux personnes dont l’emploi est menacé par la politique de fermeture des centrales à charbon, a aussi indiqué la délégation.

S’agissant encore des questions liées à l’emploi, la délégation a fait état d’une baisse régulière du taux de chômage entre 2015 et 2018, pour atteindre l’an dernier 5,4% (avec cependant d’importantes variations selon les secteurs), grâce notamment à des aides ciblées au retour à l’emploi. Il a été précisé que les salaires ont fortement augmenté depuis quelques années, parallèlement à la croissance de l’économie, qui tourne autour de 6% par an. Dans un contexte de reconfiguration de l’appareil industriel du pays – avec, notamment, le recul de l’activité textile dans la région d’Ida Viru –, les autorités ont pris des mesures actives pour l’acquisition de nouvelles compétences par les employés touchés, comme ce fut le cas pour ceux du secteur énergétique.

Le salaire minimal est fixé non pas par le Gouvernement mais par concertation entre les employeurs et les syndicats, a expliqué la délégation. Ce salaire est indexé sur la croissance économique et devrait donc augmenter, a-t-elle indiqué, reconnaissant que le salaire minimal pourrait être plus élevé.

La délégation a ensuite fait observer que, pour l’essentiel, l’écart de salaire entre les hommes et les femmes restait inexpliqué; elle a aussi relevé que les femmes en Estonie ont tendance à avoir des prétentions salariales moindres que celles des hommes. C’est pourquoi le Gouvernement a adopté un plan de développement pour combler l’écart de salaire entre les sexes, avec pour axes d’action l’autonomisation des femmes et la lutte contre les stéréotypes sexistes. Ce plan accorde une grande place à la maîtrise par les femmes des technologies de l’information et des télécommunications. Le nouveau Parlement qui sortira des urnes au printemps prochain se prononcera sur un projet de loi dans ce domaine, a-t-elle ajouté.

Revenant sur les questions liées aux écarts salariaux, la délégation a précisé que plusieurs recherches avaient été menées sur l’ampleur du problème et la perception qu’en a la population. Le Gouvernement lutte contre les stéréotypes sexistes en menant des campagnes de sensibilisation en direction, notamment, de la jeunesse et des employeurs, a ajouté la délégation.

Il a d’autre part été précisé que si les fonctionnaires ne sont pas autorisés à faire grève, la loi les autorise cependant à lancer des « actions collectives », lesquelles ne doivent pas rassembler plus de 49% des employés d’une administration. Les fonctionnaires peuvent aussi se syndiquer et faire appel au médiateur public.

La délégation a ensuite fait savoir que syndicats et employeurs n’ayant pu se mettre d’accord sur la liste des entreprises dont les employés n’ont pas le droit de faire grève, le droit de grève s’exerce normalement dans toutes les entreprises.

La délégation a d’autre part fait observer, à la suite de la remarque d’un expert, que le montant des pensions de retraite n’est pas très élevé mais certainement suffisant, puisque seuls 1,6% des retraités vivent sous le seuil de pauvreté. La délégation a en outre fait savoir que l’âge du départ à la retraite en Estonie serait progressivement ajusté en fonction de l’espérance de vie.

La délégation a par ailleurs expliqué qu’un délai de carence s’appliquait au versement des prestations de l’assurance chômage et que les travailleurs indépendants étaient actuellement soumis à un régime de chômage différencié, que le Gouvernement envisage de réformer.

Mme Liebenberg ayant voulu savoir si les autorités avaient réalisé des études d’impact des mesures de « flexisécurité » destinées à relancer l’emploi, la délégation a indiqué qu’une étude faite en 2013 avait pu montrer que la politique avait eu de bons résultats sur le niveau d’emploi en Estonie, notamment par l’entrée sur le marché de nouveaux groupes de travailleurs. Le marché de l’emploi est plus souple en Estonie que dans d’autres pays, a admis la délégation, relevant toutefois que les assurances sociales garantissent une certaine sécurité.

S’agissant de l’âge minimum du mariage, la délégation a tenu à rappeler qu’il est possible de se marier en Estonie dès 15 ans – et non 14 ans comme l’a laissé entendre un expert –, mais uniquement dans des circonstances particulières et avec l’accord d’un juge; seuls deux cas de ce type se sont présentés ces dernières années, a précisé la délégation.

S’il est vrai que l’Estonie n’a pas adopté de loi contre la violence au sein de la famille, il n’en demeure pas moins que le problème est traité par les nouvelles dispositions du Code pénal de 2015 en vertu desquelles le lien familial ou l’intimité avec la victime sont des facteurs aggravants en cas de violence. La délégation a ajouté que la police n’est saisie que d’environ 60% des faits de violence intrafamiliale.

La lutte contre l’alcoolisme, le VIH/sida et la toxicomanie est une priorité de l’Estonie depuis dix ans, a ensuite fait savoir la délégation, rappelant que la consommation d’alcool dans le pays avait atteint un pic en 2008, avec 40 litres d’alcool pur par habitant et par an, pour retomber ensuite à 10,3 litres en 2018. La stratégie nationale qui a entraîné ces progrès couvrait un ensemble d’activités et a fait l’objet d’un suivi attentif de la part des autorités, en partenariat avec d’autres intervenants.

L’infection par le VIH/sida a elle aussi reculé en Estonie, même si la lutte doit se poursuivre puisque 7770 cas sont encore déclarés. Des experts du Comité s’étant dits préoccupés par la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH/sida, la délégation a indiqué que l’intention du Gouvernement était de poursuivre les mesures déjà prises et de chercher des moyens innovants de résoudre ce problème qui exige une action sur le long terme.

Les toxicomanes qui s’injectent des drogues, les homosexuels, les travailleurs du sexe et les personnes détenues sont toujours les plus concernés, même si on constate que le grand public est de plus en plus touché.

Les autorités ont créé, notamment, des services entièrement gratuits de conseils et d’échange de seringues (dans trente sites); elles offrent aussi des thérapies volontaires de substitution (dans sept sites). Il pourrait s’avérer nécessaire de renforcer les prestations offertes aux femmes toxicomanes et de faciliter l’accès aux services disponibles, a admis la délégation.

Les autorités ciblent délibérément les trafiquants de drogues, a par ailleurs indiqué la délégation, soulignant que la distinction entre consommateurs et trafiquants n’est pas toujours facile à opérer. Selon les substances, la possession de moins de dix doses de drogue peut être traitée comme une simple contravention; au-delà, l’affaire est considérée comme un crime et traduite au pénal.

Les limites au droit de garde parental sont fixées par la loi sur la famille, le retrait de l’enfant étant une solution d’ultime recours, a d’autre part expliqué la délégation. À elle seule, a-t-elle assuré, la toxicomanie ne saurait être considérée comme un critère justifiant le retrait: il doit être démontré que le parent concerné constitue un danger pour l’enfant.

La qualité de l’eau potable en Estonie est systématiquement contrôlée, a assuré la délégation en réponse aux interrogations de plusieurs experts.

La délégation a expliqué que la baisse du taux de scolarisation au niveau du primaire s’expliquait par un changement de méthode statistique et de base de calcul. Tous les enfants vivant en Estonie doivent suivre l’enseignement obligatoire et les autorités locales sont chargées de veiller à ce qu’aucun enfant ne soit déscolarisé, a-t-elle souligné. Selon Eurostat, le taux général de scolarisation a légèrement progressé dans le pays, a-t-elle fait valoir.

Les garçons et les filles ne font pas les mêmes choix en matière d’orientation professionnelle, les premiers étant plus enclins à entrer dans l’enseignement professionnel, où le taux d’abandon est plus élevé, a ajouté la délégation.

Les causes profondes de l’inégalité entre les sexes à l’école sont d’ordre socioculturel, a déclaré la délégation.

L’État estonien a décidé de revaloriser la profession d’enseignant et les salaires y associés, a-t-elle en outre indiqué.

Le socle juridique du traitement des langues minoritaires en Estonie n’a pas subi de modification depuis le précédent rapport, a par ailleurs fait savoir la délégation. L’État organise et finance sur son propre budget trente « écoles du dimanche » qui dispensent des formations en russe, en ukrainien et dans d’autres langues, a-t-elle souligné.

Les municipalités qui souhaitent que les noms de rue soient écrits dans les deux alphabets, latin et cyrillique, doivent en faire la demande, a ajouté la délégation. Quant aux sites web officiels de l’État, ils sont rédigés en estonien, en russe et en anglais, a-t-elle indiqué. La délégation a assuré que le multiculturalisme était très apprécié en Estonie.

La délégation a enfin précisé que la loi sur l’autonomie culturelle s’applique aux groupes nationaux, y compris les Russes. Le groupe russophone se divise en ressortissants russes, ressortissants estoniens et personnes au statut indéterminé, ce qui rend difficile de trouver un interlocuteur.



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CESCR/19/003F