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LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE AUDITIONNE LA SOCIÉTÉ CIVILE SUR LA SITUATION EN RÉPUBLIQUE DE CORÉE ET EN NORVÈGE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a auditionné, ce matin, des représentants de la société civile au sujet de la mise en œuvre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale par la République de Corée et la Norvège, deux des trois pays dont les rapports seront examinés cette semaine (le troisième étant l’Albanie).

S’agissant de la République de Corée, les organisations non gouvernementales ont dénoncé l’exclusion des minorités ethniques et la discrimination institutionnelle qui s’exerce contre tous les étrangers dans ce pays, et plus particulièrement la discrimination contre les travailleurs migrants. Ont également été dénoncées les violences contre les migrants illégaux et, plus généralement, la xénophobie vis-à-vis des migrants. Une préoccupation a aussi été exprimée face à la généralisation en République de Corée de messages appelant à la discrimination raciale et à la haine contre les migrants et les demandeurs d’asile.

Concernant la Norvège, ont également été dénoncés les discours de politiciens appelant à la haine raciale et la résurgence d’un parti raciste et homophobe. L’attention a par ailleurs été attirée sur la situation des Kvènes et des Samis, eu égard en particulier à la préservation de leurs modes de vie traditionnels et au principe de consultation préalable. A également été évoquée la situation des Roms.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la République de Corée (CERD/C/KOR/17-19), qu'il achèvera demain matin.


Audition de la société civile

S’agissant de la République de Corée

Les représentants d’une coalition de 47 organisations non gouvernementales ont dénoncé l’exclusion des minorités ethniques en République de Corée. Plus de deux millions d’immigrés, originaires d’Asie essentiellement, vivent en République de Corée où ils sont victimes de manifestations de haine raciale et xénophobe au nom d’une prétendue homogénéité nationale, ont-ils souligné. Ils ont déploré la criminalisation des étrangers, le manque de cadre juridique pour lutter contre cette discrimination ainsi que l’inaction des autorités.

D’autres représentants de la coalition ont également dénoncé la discrimination institutionnelle qui s’exerce au détriment de tous les étrangers en République de Corée, ainsi que la violence – y compris policière – contre les migrants illégaux. L’accent a en outre été mis sur le statut très précaire et la marginalisation des enfants de « migrants au statut non reconnu », nés en République de Corée mais non enregistrés à l’état civil.

Une ONG de la coalition a relevé qu’en 2017, sur 17 000 demandes d’asile, seules cent ont été acceptées ; en outre, trente-sept fonctionnaires seulement avaient la charge de traiter toutes ces demandes. Toute la procédure semble être conçue pour décourager le dépôt de demandes d’asile, a déploré l’ONG. Les requérants n’ont aucun moyen de s’intégrer dans la société coréenne, a-t-elle ajouté. Une autre ONG a critiqué les modalités pratiques de l’examen des demandes d’asile.

Une ONG membre de la coalition a dénoncé l’attitude du Gouvernement qui, selon elle, encourage une attitude xénophobe vis-à-vis des migrants. L’ONG a cité à ce propos les messages diffusés par les autorités suite à l’arrivée de réfugiés en provenance du Yémen.

Les ONG ont également fait état d’une discrimination particulière contre les travailleurs migrants, qui dépendent complètement de leurs employeurs et n’ont pas le droit d’en changer. Les migrants travaillant comme pêcheurs sont soumis à des horaires très astreignants et payés moins que le salaire minimum légal, a-t-il en outre été relevé.

Quant aux travailleuses migrantes, très nombreuses, elles sont mal payées et facilement congédiables, a regretté une ONG. Faute de moyens de recours, de nombreuses migrantes victimes de violences, y compris sexuelles, ne peuvent pas se défendre et obtenir réparation. Un certain nombre de femmes thaïlandaises, en particulier, sont exploitées à des fins sexuelles. La loi ne définissant pas le crime de traite des êtres humains, il est très difficile de détecter les cas et de protéger les victimes, a-t-il été souligné.

Par ailleurs, la plupart des migrants n’ont pas droit à la sécurité sociale, à laquelle ils contribuent pourtant, et 40% des migrants ne sont pas couverts par l’assurance maladie nationale, ont aussi relevé les ONG. D’autres formes de discrimination ont été dénoncées dans le domaine de l’acquisition de la nationalité coréenne.

L’Association du barreau coréen a regretté qu’un migrant puisse être placé en détention sans procès et – s’il n’est pas possible de le renvoyer dans son pays – pour une durée indéterminée. En outre, la loi ne prévoit pas d’aide juridictionnelle pour les étrangers placés en détention, a regretté l’Association. Elle a mis en garde contre la généralisation en République de Corée de messages appelant à la discrimination raciale et à la haine contre les migrants et les demandeurs d’asile, y compris à travers la diffusion de fausses informations par les moyens de communication modernes.

Dans le cadre du dialogue qui a suivi ces présentations, des membres du Comité ont relevé que le rapport de la République de Corée manquait de statistiques s’agissant, en particulier, du nombre de personnes apatrides, de la violence domestique et des délits racistes. Un expert s’est interrogé sur le rôle des médias sociaux dans la discrimination à l’égard des migrants. Un autre expert a dit craindre que l’octroi du « visa de travail humanitaire » ne facilite la traite des êtres humains, voire favorise la prostitution des femme thaïlandaises en République de Corée.

D’autres questions des experts ont porté sur l’aide juridictionnelle offerte aux migrants détenus, la détention d’enfants migrants, la définition de la « discrimination indirecte » et la participation des organisations non gouvernementales à l’établissement du rapport de la République de Corée.

Les organisations non gouvernementales ont indiqué que le Gouvernement ne collectait pas de statistiques sur la violence sexiste parmi les populations migrantes. De nombreuses Thaïlandaises travaillant dans l’industrie du sexe, mais sans visa de travail, sont très exposées à la violence et n’osent pas défendre leurs droits en justice, ont-elles ajouté. La définition de la traite des êtres humains doit être mise en conformité avec le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme) et une vraie loi contre la traite doit être adoptée, ont demandé les ONG. Le « visa de travail humanitaire » confère à son titulaire un statut relativement précaire, a-t-il également été souligné.

Le nombre exact d’enfants apatrides vivant en République de Corée n’est pas connu, a pour sa part fait observer une ONG, estimant toutefois que le Gouvernement devait certainement disposer d’une statistique précise à ce sujet. Les organisations non gouvernementales estiment pour leur part que dix mille enfants sont concernés, a-t-il été indiqué.

Les ONG ont par ailleurs souligné que la loi coréenne ne définissait pas la discrimination indirecte.

S’agissant de la Norvège

Une coalition d’organisations non gouvernementales a salué la stratégie lancée par le Gouvernement norvégien contre l’incitation à la haine raciale. La coalition a cependant regretté qu’une seule ligne de la stratégie soit consacrée aux discours de politiciens incitant à la polarisation et aux discours de haine envers les étrangers ; les messages sur Facebook d’une ancienne ministre de l’immigration ont été cités à ce propos. Les médias indépendants n’ont pas besoin de rendre compte de leurs publications devant l’autorité de surveillance, a également regretté la coalition. Elle s’est dite très préoccupée par la résurgence d’un parti raciste et homophobe en Norvège.

Le sous-signalement des discours de haine, qui est un problème en Norvège, s’explique par le manque de définition juridique du discours de haine et par le manque de moyens de recours juridiques (contre de tels discours).

La coalition a en revanche salué le fait que les policiers norvégiens reçoivent une formation contre le profilage racial et a recommandé que le plan d’action contre la discrimination raciale contienne des indicateurs permettant de mesurer les progrès réalisés dans ce domaine.

Les « arrestations spontanées » de migrants (9000 en 2016) semblent répondre à une volonté des autorités d’expulser davantage de personnes, a par ailleurs estimé la coalition.

La coalition a d’autre part recommandé que le Gouvernement s’attaque davantage au problème de la discrimination raciale au travail et à l’école. Elle a attiré l’attention sur les difficultés que rencontrent les femmes migrantes pour intégrer le monde du travail.

A par ailleurs été recommandé le versement d’indemnisations pour les Roms victimes des politiques discriminatoires du Gouvernement avant et après la Deuxième Guerre mondiale. Une ONG a condamné la discrimination exercée contre les Roms par les fonctionnaires des administrations publiques. Une autre ONG a plaidé pour la préservation des modes de vie et de production alimentaire des Kvènes, ainsi que pour leurs droits linguistiques et en matière d’éducation.

La coalition a aussi fait état de discriminations dans l’accès des migrants LGBTI aux soins de santé, du fait de leur statut non permanent.

Des recommandations des organisations non gouvernementales ont en outre porté sur la lutte contre la violence domestique et sur le renforcement de la participation des minorités aux processus décisionnels les concernant.

Un représentant du Parlement des Samis a fait part de sa préoccupation face aux risques que les projets industriels et de production énergétique et agroalimentaire font peser sur le mode de vie traditionnel des Samis, lequel est notamment basé sur la pêche au saumon et l’élevage des rennes. Les recommandations faites par le Comité dans ce domaine n’ont pas été suivies d’effet, a-t-il été déploré. Les Samis ne sont pas consultés lors des prises de décisions les concernant ; toutefois, le Parlement sami et le Gouvernement norvégien ont préparé un projet de loi qui pourrait améliorer la participation des Samis en clarifiant les règles de la consultation et de l’obtention de leur consentement éclairé.

Un représentant du Conseil des Samis a dénoncé le manque de progrès s’agissant de la situation des droits de l’homme des Samis en Norvège. En particulier, les droits fonciers des Samis n’ont pas été définis au-delà de la région du Finnmark, tandis que le droit de pêche au saumon des Samis dans les rivières norvégiennes a été révoqué. Cela témoigne d’un manque volonté politique de la part du Gouvernement norvégien, a estimé le représentant. La Norvège doit consulter les Samis de bonne foi s’agissant des décisions qui les concernent, a-t-il insisté.

Dans le cadre du dialogue qui a suivi ces interventions, une experte du Comité a relevé que la nouvelle loi sur l’intégration repose sur l’intégration dans le marché du travail, ce qui rend indispensable d’éliminer la discrimination contre les migrants sur le marché du travail. L’experte a par ailleurs voulu savoir si les tribunaux norvégiens avaient été saisis de plaintes déposées par des Samis pour des violations de leur droit à la propriété sur leurs terres et ressources.

Une autre experte a voulu savoir si des sanctions avaient été prises contre le parti d’inspiration nazie dont les discours appellent à la haine contre les étrangers. D’autres questions des experts ont porté sur les modalités de consultation des Samis.

Les organisations de la société civile ont alors repris la parole pour souligner que la discrimination au travail était très structurée en Norvège, les migrants étant toujours cantonnés à des postes subalternes. Des recherches montrent que si le processus de recrutement est en cause, le traitement réservé aux migrants sur le lieu de travail est aussi critiquable, ont insisté les ONG, avant de regretter de ne pas disposer de statistiques sur le problème de la discrimination au travail.

La police norvégienne a été saisie d’une plainte contre le « Mouvement de résistance nordique », lequel n’est pas un parti mais une organisation néonazie, a fait savoir une ONG, avant d’ajouter que la justice ne s’est pas encore prononcée dans cette affaire.


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CERD18/027F