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LE COMITÉ DES DISPARITIONS FORCÉES EXAMINE LE RAPPORT DU PORTUGAL

Compte rendu de séance

Le Comité des disparitions forcées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Portugal sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Présentant le rapport, M. José Luis Lopes da Mota, juge à la Cour suprême de justice du Portugal, a souligné que le système juridique portugais est solidement enraciné dans la protection de la dignité humaine et rejette complètement toute pratique de disparition forcée. Contre les excès du passé, la Constitution de 1976 et la législation adoptée par la suite encadrent strictement l’action de l’État, a-t-il ajouté. En particulier, les activités de la police et de l’armée sont encadrées par des critères stricts de respect de l’ordre constitutionnel et des droits fondamentaux, en particulier pour ce qui a trait au recours à la force et aux conditions sous lesquelles une personne peut être privée de liberté, a précisé M. Lopes da Mota. Ces activités sont dûment contrôlées par des institutions indépendantes, a-t-il insisté.

La première garantie contre la disparition forcée résulte de la consécration par la Constitution des droits que cette pratique affecte, à savoir le droit à l’intégrité physique et morale, le droit à la protection contre la torture et les traitements inhumains, ainsi que les droits à la liberté, à la sécurité, à l’identité personnelle, au développement de la personnalité et à la protection contre toute forme de discrimination, a ensuite expliqué M. Lopes da Mota. Il a ajouté que la législation portugaise érige la disparition forcée de personnes en crime contre l’humanité lorsqu’une telle action est « commise dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque », adoptant ainsi les termes figurant dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Le juge de la Cour suprême a, d’autre part, assuré que le Portugal n’extradait pas de personnes vers des pays où elles risqueraient la peine de mort ou la réclusion à perpétuité, le Portugal ayant lui-même abrogé ces peines. Pour conclure, il a souligné que le Portugal n’avait plus été confronté au problème de la disparition forcée depuis 1974, année de sa transition vers un régime démocratique.

La délégation portugaise était également composée, entre autres, de Mme Ana Luisa Nunes Barata, Chargée d’affaires par intérim à la Mission permanente du Portugal auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de nombreux représentants des Ministères portugais des affaires étrangères, de la défense, de l’intérieur et de la justice.

La délégation a répondu aux questions des membres du Comité s'agissant, en particulier, de la place de la Convention dans l’ordre juridique interne; des mesures prises pour donner effet aux dispositions de cet instrument, notamment au regard du manque d’incrimination spécifique de la disparition forcée en tant que crime autonome au Portugal; de la non-exécution d’un ordre illicite; des questions d’asile et d’extradition; des questions de formation; ou encore de la recherche de personnes disparues.

M. Horacio Ravenna, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Portugal, a fait observer que la définition que la législation portugaise donne de la disparition forcée faisait référence, comme le Statut de Rome, aux crimes contre l’humanité, c’est à dire aux seuls crimes qui sont des crimes de masse et systématiques, alors que la Convention, elle, établit une obligation pour l’État partie de promulguer une loi faisant de la disparition forcée un crime autonome, isolé et non systématique. M. Ravenna a par ailleurs recommandé que le Code militaire interdise expressément d’invoquer le devoir d’obéissance pour justifier l’application d’un ordre manifestement illégal.

M. Emmanuel Decaux, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Portugal, a salué la ponctualité exemplaire du Portugal dans la remise du rapport dû au titre de la Convention et s’est réjoui que le pays ait reconnu la compétence du Comité de recevoir des plaintes émanant tant de particuliers que d’États (en vertu, respectivement, des articles 31 et 32 de la Convention). L’expert a ensuite souligné que les diverses infractions [pouvant être constitutives du crime de disparition forcée] prévues dans le Code pénal portugais ne sont pas la même chose que d’avoir une définition distincte et spécifique de la disparition forcée comme crime autonome. Le corapporteur a par ailleurs relevé que la loi portugaise ne mentionne pas l’élément très important que sont les circonstances atténuantes ou aggravantes, figurant dans la Convention.

M. Decaux a par ailleurs recommandé que la formation aux droits de l’homme dispensée aux magistrats, policiers et gardiens de prison porte aussi sur les dispositions spécifiques de la Convention, et que cette formation soit étendue aux militaires.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Portugal, qu'il rendra publiques à l'issue de la session, le 16 novembre prochain.


Le Comité tiendra après-demain, à partir de 10 heures, un dialogue de suivi avec le Mexique.


Présentation du rapport

Le Comité est saisi du rapport initial du Portugal (CED/C/PRT/1), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter soumise par le Comité.

Présentant ce rapport, M. JOSÉ LUIS LOPES DA MOTA, juge à la Cour suprême de justice du Portugal, a indiqué qu’il avait été préparé par la Commission nationale des droits de l’homme, organe interministériel créé en 2010, conformément à un engagement pris par le pays lors du premier cycle de l’Examen périodique universel, pour donner suite aux obligations du Portugal en vertu du droit international relatif aux droits de l'homme. Il a ajouté que le Portugal accorde la plus grande importance à la participation de la société civile au processus d’élaboration d’un système de promotion et de protection des droits de l’homme, raison pour laquelle les organisations non gouvernementales (ONG) sont invitées à participer aux travaux de ladite Commission.

M. Lopes da Mota a ensuite souligné que l’engagement du Portugal en faveur de l’éradication de la disparition forcée était bien antérieur à la ratification de la Convention par le pays, laquelle est intervenue en 2014. En effet, le système juridique portugais est solidement enraciné dans la protection de la dignité humaine et rejette complètement toute pratique de disparition forcée, a-t-il fait valoir. Contre les excès du passé, la Constitution de 1976 et la législation adoptée par la suite encadrent strictement l’action de l’État, a-t-il poursuivi. En particulier, les activités de la police et de l’armée sont encadrées par des critères stricts de respect de l’ordre constitutionnel et des droits fondamentaux, en particulier pour ce qui a trait au recours à la force et aux conditions sous lesquelles une personne peut être privée de liberté, a précisé M. Lopes da Mota. Ces activités sont dûment contrôlées par des institutions indépendantes, a-t-il insisté, avant d’ajouter que les juges, les policiers et les gardiens de prison étaient obligés de suivre des formations continues dans le domaine des droits de l’homme.

La première garantie contre la disparition forcée résulte de la consécration par la Constitution des droits que cette pratique affecte, à savoir le droit à l’intégrité physique et morale, le droit à la protection contre la torture et les traitements inhumains, ainsi que les droits à la liberté, à la sécurité, à l’identité personnelle, au développement de la personnalité et à la protection contre toute forme de discrimination, a ensuite expliqué M. Lopes da Mota. En outre, a-t-il fait valoir, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées a force obligatoire pour l’État portugais et s’applique dans le système juridique du pays en prévalant sur les dispositions de la législation interne.

M. Lopes da Mota a ajouté que la législation portugaise érige la disparition forcée de personnes en crime contre l’humanité lorsqu’une telle action est « commise dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque », adoptant ainsi les termes figurant dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. La disparition forcée est reconnue comme un crime donnant lieu à l’ouverture d’une enquête d’office et n’étant soumis à aucune prescription.

La loi portugaise prévoit en outre que la disparition forcée fait l’objet d’une sanction aggravée si elle est commise par des agents de l’État, a ajouté M. Lopes da Mota.

Le juge de la Cour suprême a, d’autre part, assuré que le Portugal n’extradait pas de personnes vers des pays où elles risqueraient la peine de mort ou la réclusion à perpétuité, le Portugal ayant lui-même abrogé ces peines.

M. Lopes da Mota a ensuite fait savoir que le statut de la victime adopté en 2015 accordait une attention particulière aux victimes les plus vulnérables, le but étant de leur accorder des dédommagements tout en évitant la répétition des préjudices subis. Pour conclure, il a souligné que le Portugal n’avait plus été confronté au problème de la disparition forcée depuis 1974, année de sa transition vers un régime démocratique.

Questions et observations des membres du Comité

M. HORACIO RAVENNA, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Portugal, s’est déclaré satisfait des réponses données par le Portugal dans son rapport et dans les réponses à la liste des points à traiter. Cependant, a-t-il ajouté, quelques questions méritent d’être éclaircies.

S’agissant tout d’abord de la définition de la disparition forcée, M. Ravenna a observé que la loi portugaise en donnait une définition conforme à celle du Statut de Rome; or, à la différence de l’article 2 de la Convention, qui établit la responsabilité exclusive des agents de l’État pour ce qui concerne l’acte de disparition forcée (« on entend par « disparition forcée » l'arrestation, la détention, l'enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l'État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l'autorisation, l'appui ou l'acquiescement de l'État »), la définition du Statut de Rome renvoie également dans ce contexte à la responsabilité des organisations politiques (l’alinéa i du paragraphe 2 de l’article 7 du Statut stipule que « par disparitions forcées de personnes, on entend les cas où des personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées par un État ou une organisation politique ou avec l'autorisation, l'appui ou l'assentiment de cet État ou de cette organisation »). Le Comité estime à cet égard que cette mention (des organisations politiques) entraîne un risque de confusion s’agissant du rôle (et donc de l’éventuelle responsabilité) des agents de l’État dans la disparition forcée, a indiqué le corapporteur.

En second lieu, M. Ravenna a affirmé que la définition que la législation portugaise donne de la disparition forcée faisait référence, comme le Statut de Rome, aux crimes contre l’humanité, c’est à dire aux seuls crimes qui sont des crimes de masse et systématiques. Or, la Convention, elle, établit une obligation pour l’État partie de promulguer une loi faisant de la disparition forcée un crime autonome, isolé et non systématique, a rappelé le corapporteur. Il a fait remarquer à ce propos qu’un État démocratique n’est pas à l’abri de disparitions forcées découlant d’excès de la part de secteurs autoritaires pouvant exister au sein même du système. « C’est pourquoi le Comité estime qu’il conviendrait d’envisager d’inclure la responsabilité pour des cas individuels », a dit M. Ravenna.

S’agissant d’autre part de la responsabilité du supérieur hiérarchique, il semble qu’il y ait, dans le rapport, une confusion quant aux circonstances dans lesquelles un subordonné peut être excusé de ne pas respecter un ordre illégal. Au cours du débat, M. Ravenna a recommandé à ce sujet que le Code militaire interdise expressément d’invoquer le devoir d’obéissance pour justifier l’application d’un ordre manifestement illégal.

Renvoyant au paragraphe 27 du rapport – qui affirme que «les dispositions de la Convention prévalent sur la législation ordinaire mais sont subordonnées hiérarchiquement à la Constitution» et qu’«elles ne sont pas directement applicables, dans la mesure où elles ne peuvent pas être mises en pratique en tant que telles et doivent être précisées par des lois ordinaires» –, le corapporteur s’est inquiété que les conventions (internationales ratifiées par le pays) soient contraignantes pour le Portugal uniquement sous réserve qu’elles respectent la Constitution et a estimé qu’affirmer ce qui est dit dans ce paragraphe du rapport en l’absence d’une législation spécifique (incriminant la disparition forcée en tant que crime autonome) constitue sans doute une lacune juridique qui rendrait difficile l’application directe de la Convention.

M. Ravenna a aussi voulu savoir si le Portugal tenait compte du fait que, la disparition forcée étant un délit continu, son délai de prescription ne court qu’à partir du moment où le délit est terminé. Enfin, l’expert a rappelé que la Convention donnait de la victime une définition très large, plus ample que celle du droit positif général.

Le corapporteur a par la suite voulu savoir s’il existait une restriction à la divulgation d’informations au sujet de la situation d’un détenu, conformément à l’article 20 de la Convention. Il a en outre prié la délégation de décrire la collaboration du Portugal avec le Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe. M. Ravenna a posé d’autres questions sur la place de l’anthropologie judiciaire au Portugal et sur le contenu de la base de données des personnes disparues.

M. EMMANUEL DECAUX, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Portugal, a salué la ponctualité exemplaire du Portugal dans la remise du rapport dû au titre de la Convention et s’est réjoui que le pays ait reconnu la compétence du Comité de recevoir des plaintes émanant tant de particuliers que d’États (en vertu, respectivement, des articles 31 et 32 de la Convention).

L’expert a ensuite demandé des précisions sur la composition de la Commission nationale des droits de l’homme – relevant que le Médiateur y avait un statut d’observateur – et s’est enquis de la manière dont cette instance consultait les organisations non gouvernementales.

M. Decaux a ensuite prié la délégation de dire si la Convention s’appliquait aussi dans les régions autonomes de Madère et des Açores, au profit des migrants éventuellement.

Faisant lui aussi référence au paragraphe 27 du rapport, le corapporteur a également relevé que, selon le rapport, la Convention s’applique directement, sauf pour les clauses relevant du droit pénal. Il a lui aussi indiqué ne pas comprendre comment la Convention pourrait être appliquée directement sans loi de transposition.

S’agissant de la question essentielle de la définition de la disparition forcée, M. Decaux a ensuite fait observer que le Portugal était « sous l’ombre portée de la définition du Statut de Rome, sans définition autonome, ce qui ne permet pas une lecture systémique de la Convention (…) ». Il a voulu savoir si le Portugal pourrait envisager d’élargir, comme le prévoit l’article 3 de la Convention, la définition de la disparition forcée à des actes commis par des acteurs non étatiques.

M. Decaux a souligné que les diverses infractions [pouvant être constitutives du crime de disparition forcée] prévues dans le Code pénal portugais ne sont pas la même chose que d’avoir une définition distincte et spécifique de la disparition forcée comme crime autonome, dont découle notamment l’incrimination de la complicité et de la participation (à cet acte), qui sont expressément mentionnées par la Convention.

Le corapporteur a par ailleurs relevé que la loi portugaise ne mentionne pas l’élément très important que sont les circonstances atténuantes ou aggravantes, figurant dans la Convention.

Au cours du dialogue qui s’est noué avec la délégation portugaise, M. Decaux s’est dit satisfait des réponses franches de la délégation. Il a cependant constaté que la complexité du système portugais (relativement à la question de la disparition forcée) rendait difficile d’en saisir l’ensemble et a fait valoir que la Convention apportait un élément nouveau sur le terrain de la prévention en consacrant le droit de ne pas être victime de disparition forcée et en faisant de ce crime un délit autonome, au-delà des nombreux comportements qu’il recouvre.

M. Decaux a par la suite recommandé que la formation aux droits de l’homme dispensée aux magistrats, policiers et gardiens de prison porte aussi sur les dispositions spécifiques de la Convention, et que cette formation soit étendue aux militaires.

D’autres questions de M. Decaux ont porté sur l’extradition et la coopération judiciaire; sur la nature du mécanisme portugais de prévention de la torture; sur les sanctions prises en cas de manquement à l'obligation d'enregistrement de toute privation de liberté; et sur les garanties de non-répétition.

Renvoyant au paragraphe 36 du rapport (qui indique qu’«au regard de la loi portugaise, tout agent de l’État qui exécute des ordres illicites sera dégagé de toute responsabilité s’il a initialement demandé ou exigé qu’ils lui soient transmis par écrit, indiquant expressément qu’il les juge contraires au droit»), plusieurs membres du Comité ont relevé que le subordonné est théoriquement dégagé de toute responsabilité s’il a initialement demandé ou exigé que lui soit transmis par écrit un ordre dont il n’est pas sûr de la licéité: cette démarche, a-t-il été constaté, revient en réalité à inverser le fardeau de la preuve. Un expert a fait observer, à cet égard, que l’on ne peut exiger d’un sergent qu’il demande à son général de justifier son ordre.

D’autres questions ont porté sur les conditions d’extradition par le Portugal de personnes convaincues, respectivement, de disparition forcée systématique et de disparition forcée individuelle.

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué que le Médiateur est invité permanent de la Commission nationale des droits de l’homme, avec laquelle il coopère de manière intense et fructueuse. Tout représentant de la société civile peut demander à figurer sur les listes de diffusion de la Commission et rester ainsi informé de ses travaux, a-t-elle ajouté. La Commission a été déçue que la société civile n’ait pas présenté de rapport alternatif au Comité, a fait savoir la délégation, avant de préciser que la Commission avait organisé, en mai dernier, une réunion publique au sujet du rapport.

Les moyens financiers à la disposition du Médiateur ne sont pas toujours suffisants, a par la suite reconnu la délégation. Cela étant, même pendant la période de grande austérité budgétaire, ses fonctions fondamentales n’ont jamais été remises en cause, a-t-elle fait valoir.

L’application de la Convention aux Açores et à Madère ne pose aucun problème car l’autonomie de ces régions ne porte pas sur les questions de justice et de police, qui dépendent du Gouvernement central, a expliqué la délégation.

Les personnes complices d’une disparition forcée sont sanctionnées par le Code pénal, en tenant compte d’éventuelles circonstances atténuantes ou aggravantes, a-t-il été précisé.

Le crime de disparition forcée est considéré comme imprescriptible, a poursuivi la délégation. En cas de séquestration ou d’enlèvement, les dispositions pertinentes du Code pénal s’appliquent, a-t-elle précisé. La disparition forcée étant un crime continu, le délai de prescription court à partir du moment où la personne disparue est retrouvée, c’est-à-dire à partir du moment où le crime cesse, a expliqué la délégation.

S’agissant de la place de la Convention dans l’ordre juridique interne, la délégation a expliqué que les traités internationaux sont subordonnés à la Constitution portugaise et deviennent partie intégrante du droit interne; en outre, la Convention a une valeur supérieure au droit interne, mais inférieure à la Constitution.

Un citoyen peut fonder une plainte sur une violation supposée d’un article de la Convention; en cas de doute, l’interprétation de la Constitution portugaise se fait à la lumière de la Déclaration universelle des droits de l’homme, a ajouté la délégation.
Le Portugal a dû modifier sa Constitution après avoir adopté le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, afin d’aménager les dispositions relatives à l’imprescriptibilité de certains crimes. De même, le Portugal a déjà adopté plusieurs dispositions légales pour donner effet à la Convention, notamment s’agissant de la formation des policiers chargés des enquêtes, a indiqué la délégation.

Certaines dispositions de la Convention sont directement invocables au Portugal, mais pas celles ayant trait à l’incrimination, a précisé la délégation (comme le souligne le rapport, « le droit pénal doit définir et caractériser les infractions pénales et les peines à appliquer »). D’où la question: faut-il ériger la disparition forcée en crime indépendant lorsqu’il ne s’agit pas d’un crime contre l’humanité? Le Portugal a conclu que cela n’était pas nécessaire puisque les différents éléments du crime de disparition forcée énoncés à l’article 2 de la Convention font déjà partie du Code pénal, a indiqué la délégation.

Au regard de la loi portugaise, tout agent de l’État qui exécute des ordres illicites sera dégagé de toute responsabilité s’il a initialement demandé ou exigé qu’ils lui soient transmis par écrit, indiquant expressément qu’il les juge contraires au droit. Si, dans l’attente de la réponse du supérieur hiérarchique à la plainte ou à la demande de confirmation de l’ordre par écrit, le retard d’exécution peut nuire à l’intérêt public, le subordonné devra immédiatement le signaler par écrit à son supérieur hiérarchique, puis exécuter l’ordre sans en être tenu pour responsable. Faute de quoi, s’il exécute l’ordre sans suivre la procédure, il sera rendu responsable des actions accomplies.

Ne sont pas concernés par ce schéma les ordres qui, objectivement, constituent un crime et dont le non-respect par le subordonné n’entraînera pas de sanction pour lui, a ajouté la délégation. S’agissant de la disparition forcée, qui est un crime, le subordonné ne pourra pas invoquer un ordre reçu et devra rendre compte de ses actes. Le règlement sur la responsabilité s’applique aux militaires comme aux policiers, a-t-il été précisé.

La délégation a ensuite expliqué que la compétence de la justice militaire portugaise était limitée à des faits relevant strictement de la sphère militaire, tout autre crime commis par un militaire étant jugé par une juridiction ordinaire. Les tribunaux n’ont pas eu à connaître de crimes graves commis par des militaires depuis plusieurs années, a précisé la délégation, avant de rappeler que les cours martiales ne peuvent être créées qu’en temps de guerre.

C’est en fonction des garanties juridiques qu’il obtient – et non à partir de simples garanties politiques sans fondement juridique – que le Portugal décide, au cas par cas, de l’extradition ou non de justiciables vers des pays tiers, a par ailleurs indiqué la délégation, avant d’ajouter que le Portugal ne coopère pas avec les États où la peine de mort ou une peine à durée indéterminée (perpétuité) sont possibles.

L’extradition doit répondre à plusieurs conditions; en particulier, le crime à l’origine de la demande d’extradition doit être incriminé dans les deux pays concernés, a ensuite précisé la délégation. En cas de demande d’extradition pour disparition forcée, la procédure est instruite en deux temps: une phase administrative, où l’on vérifie que les faits qui font l’objet de la demande d’extradition sont aussi incriminés au Portugal, par exemple sous l’angle de la séquestration; puis une phase judiciaire, pour vérifier si les conditions légales de l’extradition sont réunies.

S’agissant de la compétence des tribunaux portugais, la délégation a expliqué que le Code pénal s’applique à des faits commis hors du territoire national lorsque l’auteur ou la victime (de la disparition forcée) est de nationalité portugaise.
La délégation a ensuite indiqué que des équipes d’anthropologie judiciaire peuvent être créées, si nécessaire en coopération avec des pays étrangers, pour des missions de recherche de personnes disparues.

Le Portugal a adopté une politique ouverte en matière d’immigration et d’asile, par ailleurs souligné la délégation. La demande d’asile ou de protection internationale est étudiée par les autorités compétentes, après quoi l’octroi ou non du statut par le Gouvernement est préavisé par le Service des étrangers et des frontières. En cas d’avis négatif, les personnes concernées peuvent déposer un recours ayant un effet suspensif (de la décision). En 2019, le Portugal envisage d’accueillir plus de mille personnes en provenance de Turquie et d’Égypte, a précisé la délégation.

La délégation a par la suite précisé que si, après examen, tous les critères permettant l’octroi de l’asile sont réunis, les autorités peuvent accorder l’asile ou au moins la protection internationale; en cas de refus de sa demande, le requérant ne sera pas renvoyé vers le pays d’origine s’il risque d’y subir des traitements inhumains ou dégradants, a en outre souligné la délégation.

Le Comité pour la prévention de la torture (CPT) du Conseil de l’Europe effectue des visites régulières au Portugal, la dernière en date remontant à 2016, a indiqué la délégation, ajoutant que le Ministère des affaires étrangères sert de point de contact avec ledit Comité. Chaque visite est préparée par la Commission nationale des droits de l’homme en collaboration avec tous les ministères concernés, a souligné la délégation. Munis de laissez-passer, les membres du Comité peuvent se rendre librement et sans préavis non seulement dans les prisons mais aussi dans les hôpitaux et d’autres lieux; ils ont aussi accès aux registres d’écrou.

Quant au mécanisme de prévention de la torture, il fait rapport devant le Parlement et est lui aussi habilité à effectuer des visites.

La formation des magistrats est assurée par le Centre d’études judiciaires – établi sur le modèle français de l’École nationale de la magistrature – où les juges suivent, entre autres, des formations initiales et continues à la protection des droits de l’homme, portant aussi sur la Convention. La formation continue et obligatoire des agents de la police judiciaire aborde les droits de l’homme et les conventions pertinentes. Les formations sont assurées par des formateurs compétents, en coopération parfois avec des universités et avec les services du Médiateur, a précisé la délégation. Le Portugal a organisé une formation à la disparition forcée à l’intention de fonctionnaires d’autres pays lusophones, a-t-elle ajouté. Les militaires, a-t-elle poursuivi, reçoivent des formations sur les droits de l’homme, le droit des conflits et la coopération avec les populations civiles. L’Institut universitaire militaire et l’École d’état-major dispensent une formation spécifique à la disparition forcée aux personnels envoyés en mission à l’étranger, en sus des formations générales aux droits de l’homme et au droit humanitaire.

La loi prévoit l’octroi de prestations de réparation et de compensation aux victimes de crimes violents. Les autorités peuvent aussi proposer des mesures de protection aux victimes et aux témoins, a en outre fait valoir la délégation portugaise.

Une experte du Comité ayant posé des questions sur la recherche des personnes disparues, la délégation a indiqué que la compétence d’enquête appartenait au ministère public et a précisé qu’en cas de disparition forcée, l’enquête sur le terrain serait menée par la police judiciaire. Dans ses enquêtes sur les disparitions, la police peut solliciter la collaboration du public.

La police judiciaire dispose d’une base de données des personnes disparues, que la disparition soit forcée ou non, a indiqué la délégation. Cette base inclut des données nécessaires à l’identification des cadavres, notamment des données dentaires. Une autre base médico-légale contient les données ADN des personnes fichées: la police judiciaire peut consulter ce fichier à des fins d’identification.

Les membres de la famille mais aussi les proches et d’autres personnes témoignant d’un intérêt légitime sont informés du lieu de détention d’une personne et de son transfert éventuel. Une personne détenue a toujours le droit de contacter son avocat et sa famille, non seulement au moment de l’arrestation mais aussi tout au long de la détention, a indiqué la délégation.

Le régime de protection des données personnelles au Portugal est celui de l’Union européenne, a souligné la délégation. Il vise à encadrer l’échange d’informations en protégeant strictement les données sensibles liées à la vie privée.
Tout fonctionnaire responsable d’entrave à une procédure judiciaire commettrait un crime punissable aux plans pénal ou disciplinaire, a d’autre part souligné la délégation.

Remarques de conclusion

M. RAVENNA a dit avoir constaté avec plaisir la volonté du Portugal de répondre à toutes les questions qui lui étaient adressées. L’incorporation dans la loi portugaise de la disparition forcée en tant que crime autonome est un sujet qui reste ouvert, a-t-il souligné.

M. DECAUX a lui aussi fait part de sa satisfaction que ce dialogue se soit déroulé dans un excellent climat. Il a constaté que le Portugal avait ratifié tous les instruments internationaux de droits de l’homme sauf – malheureusement, et comme les autres pays de l’Union européenne – la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Le cadre général du droit portugais est très protecteur des victimes, a souligné M. Decaux, avant d’insister sur l’importance pour les États de disposer de cadres juridiques solides pour être en mesure de faire face à des situations inattendues.

M. LOPES DA MOTA a insisté pour sa part sur les efforts de son pays pour incriminer tous les actes recensés par la Convention et pour donner toute la visibilité voulue à cet instrument. Le Portugal est attaché à assumer ses responsabilités au titre de la Convention et à lutter contre la disparition forcée, a-t-il assuré. Il s’est dit convaincu que les recommandations des experts refléteraient le dialogue constructif entre sa délégation et le Comité.

MME SUELA JANINA, Présidente du Comité, a salué la coopération avec le Comité dont le Portugal a fait preuve tout au long du processus d’examen de ce rapport initial.


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CED18.09F