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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DU VIET NAM

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport du Viet Nam sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant ce rapport, le Colonel Général Quy Vuong Le, Vice-Ministre de la sécurité publique, membre de la Quatorzième Assemblée nationale de la République socialiste du Viet Nam, a indiqué que le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants était consacré par la Constitution vietnamienne, en son article 20, et que ce droit était aussi garanti par de nombreux textes de loi dans les domaines pénal, administratif et civil. En particulier, a-t-il précisé, en 2015, année de l’entrée en vigueur de la Convention dans le pays, l’Assemblée nationale a intégré au Code pénal et au Code de procédure pénale, entre autres lois, de nouvelles dispositions visant à prévenir la torture.

Si le Code pénal de 2015 n’incrimine pas la torture de manière autonome et s’il ne contient pas de définition de la torture, tous les actes de torture n’en sont pas moins considérés comme des crimes relevant du châtiment corporel et de l’obtention d’un témoignage par la contrainte. Ces crimes entraînent des peines allant de six mois de prison à la détention à vie, a indiqué le chef de la délégation vietnamienne. De plus, la Constitution de 2013, la Code de procédure pénale, la loi sur les plaintes de 2011, entre autres, garantissent le droit de chacun de porter plainte auprès d’agences de l’État pour des faits commis par d’autres agences de l’État, a souligné M. Le.

Outre le Vice-Ministre, la délégation vietnamienne était également composée, entre autres, de M. Chi Dung Duong, Représentant permanent du Viet Nam auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des Ministères de la sécurité publique, de la justice, de la défense, des affaires étrangères et de la santé. Elle comportait aussi des membres du parquet, de la Cour suprême et de l’inspection du Gouvernement.

La délégation a répondu aux questions et observations des membres du Comité s’agissant, notamment, de la définition de la torture et des sanctions prévues contre ce crime; de l’irrecevabilité des aveux obtenus sous la torture; de la peine de mort; des garanties procédurales; des conditions de détention et du respect des droits fondamentaux des détenus; ou encore des parquets populaires.

M. Jens Modvig, Président du Comité et corapporteur pour l’examen du rapport du Viet Nam, a souligné que le Comité avait reçu énormément d’informations faisant état d’une prévalence de la torture au Viet Nam. Il a recommandé au pays d’adopter une définition du crime de torture qui soit conforme à l’article premier de la Convention; de veiller à ce que la sanction prévue soit proportionnelle à la gravité de ce crime; et d’amender le Code pénal pour permettre que tous les crimes de torture soient poursuivis et sanctionnés indépendamment du temps écoulé depuis leur commission.

M. Modvig a aussi recommandé au Viet Nam de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, qui prévoit « l’établissement d’un système de visites régulières, effectuées par des organismes internationaux et nationaux indépendants, sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, afin de prévenir la torture ».

Mme Essadia Belmir, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Viet Nam, a cité plusieurs exemples de détention arbitraire, de détention au secret et de répression de la dissidence; de cas de torture pour extorquer des aveux; et de mauvais traitements infligés par des médecins, notamment durant la détention provisoire. L’experte s’est aussi émue des décès, signalés par des organisations non gouvernementales, de plusieurs personnes suite à des brutalités policières.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Viet Nam et les rendra publiques à l'issue de la session, le 7 décembre prochain.


Le Comité se réunira demain matin, à 10 heures, pour entamer l’examen du rapport du Guatemala.


Présentation du rapport

Le Comité est saisi du rapport initial du Viet Nam (CAT/C/VNM/1) portant sur la période 2015-2016.

Présentant ce rapport, le Colonel Général QUY VUONG LE, Vice-Ministre de la sécurité publique, membre de la Quatorzième Assemblée nationale de la République socialiste du Viet Nam, a indiqué que le rapport avait été préparé par plusieurs agences et organismes de l’État, des organisations de masse, des associations professionnelles et des citoyens vietnamiens de tous horizons, et avec l’assistance technique d’experts des Nations Unies et d’autres pays. Il a ensuite insisté sur le fait que le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou dégradants était consacré par la Constitution vietnamienne, en son article 20, et que ce droit était aussi garanti par de nombreux textes de loi dans les domaines pénal, administratif et civil. En particulier, a-t-il précisé, en 2015, année de l’entrée en vigueur de la Convention dans le pays, l’Assemblée nationale a intégré au Code pénal et au Code de procédure pénale, entre autres lois, de nouvelles dispositions visant à prévenir la torture.

Si le Code pénal de 2015 n’incrimine pas la torture de manière autonome et s’il ne contient pas de définition de la torture, tous les actes de torture n’en sont pas moins considérés comme des crimes relevant du châtiment corporel (art. 373 du Code pénal) et de l’obtention d’un témoignage par la contrainte (art. 374). Ces crimes entraînent des peines allant de six mois de prison à la détention à vie, a indiqué le chef de la délégation vietnamienne. Les actes de torture peuvent également être poursuivis du chef d’autres crimes: fait de provoquer la mort de personnes dans l’exercice de fonctions officielles (art. 127), lésions ou atteinte à la santé d’autrui dans l’exercice de fonctions officielles (art. 137) et mauvais traitements infligés à autrui (art. 140), a-t-il ajouté.

D’autre part, a poursuivi le Vice-Ministre de la sécurité publique, la loi portant organisation des agences chargées des enquêtes criminelles codifie quatre groupes de comportements interdits pendant la détention de personnes dans le cadre des enquêtes, et en particulier l’obtention d’aveux sous la contrainte et le recours à la torture sous toutes ses formes. Pour prévenir tout acte de torture par des agents de l’État, le Viet Nam a créé des mécanismes indépendants chargés de contrôler le comportement des fonctionnaires chargés de récolter les témoignages et de gérer les centres de détention. En outre, la législation vietnamienne contient des dispositions solides relativement aux normes d’éthique professionnelle des fonctionnaires: tout manquement à ces exigences peut entraîner la mise à pied du fonctionnaire ou des poursuites pénales à son encontre.

Outre ces mécanismes destinés à prévenir et à sanctionner les actes de torture commis par des représentants de l’autorité publique, a ajouté M. Le, le Viet Nam accorde une grande attention aux droits des victimes de la torture. Le Code de procédure pénale de 2015 traite notamment du droit de témoigner et d’exprimer ses opinions; il détaille en outre les droits des personnes détenues, y compris en cas d’état d’urgence; et il formalise le droit des justiciables à bénéficier d’une assistance judiciaire.

La Constitution de 2013, la Code de procédure pénale, la loi sur les plaintes de 2011, entre autres, garantissent le droit de chacun de porter plainte auprès d’agences de l’État pour des faits commis par d’autres agences de l’État. Les fonctionnaires concernés sont tenus de recevoir ces plaintes et d’y donner suite, a souligné M. Le.

Le rapport initial du Viet Nam mentionne par ailleurs dans ses paragraphes 199 et 200 une liste d’affaires liées au recours à la contrainte pour obtenir un témoignage ou aux châtiments corporels; toutes ces affaires ont fait l’objet d’enquêtes et donné lieu à des jugements et des sanctions, a fait valoir M. Le, insistant sur le fait que le résultat des procédures montrait la sévérité de la loi s’agissant de la sanction des fonctionnaires coupables.

Le Vice-Ministre vietnamien de la sécurité publique a par ailleurs évoqué la coopération de son pays avec des partenaires étrangers aux fins de la prévention et de la répression des actes de torture, notamment par l’échange d’informations et d’expériences dans l’application de la Convention, ainsi que par l’organisation de séminaires et ateliers destinés à renforcer les compétences des fonctionnaires vietnamiens.

M. Le a conclu sa présentation en assurant le Comité de l’engagement de l’État du Viet Nam en faveur de l’application de mesures fermes pour prévenir et sanctionner tout comportement en lien avec la torture.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. JENS MODVIG, Président du Comité et corapporteur pour l’examen du rapport du Viet Nam, a félicité le Viet Nam d’avoir ratifié la Convention et présenté le présent rapport. M. Modvig a souligné qu’il était de la responsabilité du Comité d’identifier les domaines où des problèmes persistent et où le Viet Nam peut faire des progrès. Ce faisant, le Comité veillera à faire des recommandations réalistes et applicables, a-t-il indiqué.

M. Modvig a ensuite relevé qu’il n’y avait pas dans la législation vietnamienne de disposition spécifique définissant la torture. Par ailleurs, les informations fournies aux paragraphes 64 et suivants du rapport montrent que les dispositions relatives à l’exécution des ordres et directives émanant de supérieurs hiérarchiques dans les services de l’État ne sont pas entièrement conformes à la Convention, a fait observer le corapporteur, avant de demander s’il était prévu de modifier ces dispositions dans le sens d’une mise en conformité avec la Convention.

M. Modvig a donc recommandé que le Viet Nam adopte une définition du crime de torture qui soit conforme à l’article premier de la Convention et de veiller à ce que la sanction prévue soit proportionnelle à la gravité de ce crime. M. Modvig a par ailleurs estimé que le rapport ne disait pas clairement ce qu’il en était du délai de prescription s’agissant de la torture: il a recommandé que le Code pénal soit amendé pour permettre que tous les crimes de torture soient poursuivis et sanctionnés indépendamment du temps écoulé depuis leur commission. D’une manière générale, le corapporteur a recommandé que le Code pénal soit amendé de manière à offrir une base d’appui juridique plus simple et plus claire à la poursuite des actes de torture.

M. Modvig a ensuite fait état de plusieurs rapports d’organisations non gouvernementales selon lesquels la situation des droits de l’homme au Viet Nam s’était considérablement détériorée en 2017, année durant laquelle ont été commises sur des personnes en garde à vue des brutalités policières, dont certaines ont entraîné des décès. Au vu de ces informations, a estimé le corapporteur, le fait que les tribunaux aient été saisis, en six ans, de dix cas seulement, montre que de nombreux actes de torture ne sont pas signalés ni poursuivis, contrairement à ce qu’exige la Convention. La raison peut en être que les personnes torturées ne portent pas plainte, soit par crainte de représailles, soit par conviction que leur démarche n’aura aucun effet, a souligné M. Modvig.

Le corapporteur s’est ensuite interrogé sur l’ampleur du recours à la détention préventive au Viet Nam et sur la possibilité de faire recours contre un placement en détention préventive. Le Président a aussi relevé que le Comité était saisi d’informations selon lesquelles des personnes considérées comme représentant une menace pour la sécurité publique ou pour la société peuvent être détenues sans procès et sans bénéficier des garanties procédurales normales, telles que le droit de contacter la famille et de consulter un avocat. De même, a-t-il relevé, il semble qu’il soit possible de détenir des personnes toxicodépendantes dans des centres de réhabilitation pendant quatre ans sans jugement.

Toujours au chapitre des garanties procédurales, l’expert a voulu savoir si les personnes nouvellement détenues au Viet Nam bénéficiaient des droits de consulter un avocat dès les premiers instants de la privation de liberté; d’informer une personne de leur choix de leur arrestation; et de demander et recevoir un examen médical par un praticien indépendant. M. Modvig a demandé si ces droits pouvaient être limités d’une manière ou d’une autre en fonction des crimes dont sont accusés les justiciables.

M. Modvig a en outre insisté sur le fait que les Règles Mandela – qui, selon le Président, constituent désormais les normes minimales au plan international en matière de traitement des personnes privées de liberté – posent le principe selon lequel les prisonniers doivent, aussitôt que possible après leur admission en détention, subir un examen médical confidentiel afin d’identifier leurs besoins de santé ainsi que d’éventuels signes de mauvais traitements ou torture avant l’admission. M. Modvig a insisté sur le fait que la détection de tels signes avant même l’admission était dans l’intérêt de l’institution judiciaire elle-même.

Le corapporteur a salué le fait que l’article 47 du Code pénal vietnamien offre la possibilité d’enregistrer les interrogatoires des détenus et a souhaité savoir si tous les interrogatoires pouvaient être ainsi enregistrés et dans quelle mesure les enregistrements étaient ensuite accessibles aux accusés et à leurs avocats.

M. Modvig a d’autre part souligné que la prévention de la torture ne pouvait se limiter aux garanties données par la loi et qu’elle ne devait pas se borner à rester un « droit théorique ». C’est pourquoi il est d’une importance déterminante pour le Comité de savoir combien de personnes arrêtées bénéficient effectivement des garanties procédurales fondamentales et sont ainsi effectivement protégées contre la torture, a insisté le corapporteur. Comment le Gouvernement fait-il en sorte de veiller à ce que les garanties procédurales figurant dans la loi soient effectivement appliquées ?

M. Modvig a recommandé au Viet Nam de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, qui prévoit « l’établissement d’un système de visites régulières, effectuées par des organismes internationaux et nationaux indépendants, sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, afin de prévenir la torture ».

Le corapporteur a en outre regretté que le Viet Nam ne laisse pas travailler les organisations de la société civile actives dans le domaine des droits de l’homme. Il a posé d’autres questions portant, notamment, sur la surveillance des activités de la police et des prisons; sur la possibilité pour le Viet Nam de créer une institution nationale de droits de l’homme; sur les conditions de détention; et sur le sort des prisonniers d’opinion au Viet Nam.

M. Modvig a par la suite jugé trop faibles les peines de prison prononcées dans les quatre cas de torture signalés au Viet Nam depuis 2015: elles vont de 4 à 6 ans. Il s’est en outre interrogé sur l’indépendance réelle dont jouissent les personnels médicaux des prisons vietnamiennes.

Le Comité a reçu énormément d’informations faisant état d’une prévalence de la torture au Viet Nam, a insisté le corapporteur.

MME ESSADIA BELMIR, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Viet Nam, a regretté que le rapport ne donne pas d’information sur la formation dispensée relativement au Protocole d'Istanbul (manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants), ni sur la méthodologie permettant d’évaluer l’efficacité des programmes de formation sur la Convention et leurs effets sur la diminution des cas de torture. L’experte a insisté sur l’importance de la formation à la détection des séquelles physiques de la torture.

S’agissant d’une affirmation du Viet Nam dans son rapport pour le prochain Examen périodique universel selon laquelle « les droits de l’homme ne sauraient justifier d’immixtion dans les affaires intérieures d’un pays », la corapporteuse a ensuite voulu savoir comment le Viet Nam conciliait cette position avec ses obligations au titre des instruments internationaux de droits de l’homme qu’il a ratifiés.

Mme Belmir a demandé à la délégation de dire quelles étaient les prérogatives respectives du parquet populaire et de la police en matière d’instruction judiciaire. L’experte a relevé qu’une grande majorité des avocats et des juges sont inféodés au Parti communiste et à ses directives, ce qui pose le problème de leur indépendance.

La corapporteuse a en outre regretté que le rapport contienne peu d’éléments concernant la population carcérale et les conditions de détention au Viet NaM. Elle a demandé des précisions sur les mécanismes d’inspection et de surveillance de la conduite des agents de la force publique chargés d’encadrer les personnes placées en détention.

Mme Belmir a ensuite relevé que, selon ce qu’affirme le rapport, le Code de procédure pénale garantit que les procès sont équitables et que les détenus ne sont pas forcés de faire de fausses confessions. Mais, a-t-elle aussitôt ajouté, cette affirmation est contrecarrée par l’ampleur des témoignages et plaintes avancés par des détenus et anciens détenus, portant sur la privation de liberté, le déroulement de la garde à vue, les investigations, les interrogatoires et l’exécution des peines privatives de liberté, et il est même affirmé que la torture et les mauvais traitements sont généralisés.

Mme Belmir a cité plusieurs exemples de détention arbitraire, de détention au secret et de répression de la dissidence (cas traités par le Groupe de travail sur la détention arbitraire); de cas de torture pour extorquer des aveux; et de mauvais traitements infligés par des médecins, notamment durant la détention provisoire. L’experte s’est aussi émue des décès, suite à des brutalités policières, de Nguyen Man Than, Phuc Hung Le, Nguyen Van Duc, Nguyen Huru Tan, Nguyen Cong Nhut, Huang Van Ngai et Din Dang Dinh – cas documentés par l’ONG Human Rights Watch.

Mme Belmir a prié la délégation de commenter des allégations parvenues au Comité selon lesquelles les violences policières graves, et même mortelles, ne seraient pas sérieusement traitées par les autorités du Viet Nam.

La corapporteuse a ensuite demandé l’avis de l’État au sujet des constatations faites par le Groupe de travail sur la détention arbitraire depuis 2011 relativement au Viet Nam.

Mme Belmir s’est par ailleurs inquiétée que les personnes qui attendent l’application de leur peine de mort vivent enchaînées dans leur cellule. En outre, ces personnes ne sont pas informées de la date de leur exécution, laquelle intervient à l’improviste, au petit matin, « à tel point que l’on est plus terrifié par l’attente que par la peur de mourir », a dénoncé l’experte, estimant qu’il s’agissait là d’un traitement inhumain.

Compte tenu des informations faisant état d’un nombre inquiétant d’actes de torture au sein des services de police et des forces de l’ordre du Viet Nam, Mme Belmir a demandé des précisions sur le nombre de plaintes reçues pour de tels actes depuis huit ans et vérifiées par les procureurs, ainsi que sur le nombre de plaintes ayant fait l’objet d’une enquête pénale ou disciplinaire, le nombre de plaintes classées sans suite, le nombre de condamnations prononcées et de sanctions appliquées.

Mme Belmir a en outre regretté que le droit du justiciable de bénéficier des conseils d’un avocat soit soumis à des conditions et obstacles qui en compromettent la jouissance effective.

La corapporteuse s’est ensuite inquiétée de dénonciations faisant état d’expulsions du Viet Nam d’opposants politiques d’abord condamnés à la prison, puis libérés par anticipation et privés ce faisant de leur nationalité; des opposants politiques sont en outre assignés à résidence. Mme Belmir a évoqué d’autres dénonciations relatives à l’isolement cellulaire, sans lumière et sans aucun contact, auquel sont soumis certains détenus.

D’autres questions de l’experte ont porté sur les mesures de rétablissement des victimes de la torture; sur l’attitude des tribunaux face à des aveux obtenus sous la torture; et sur l’usage excessif de la force par la police pour disperser des manifestations.

Une autre experte du Comité a relevé que si le rapport du Viet Nam était très satisfaisant dans sa forme, certains sujets méritent néanmoins d’être approfondis. Elle a déploré le grand nombre de décès en garde à vue de personnes appartenant à des minorités ethniques ou religieuses – notamment des Hmong, un évêque catholique et des pasteurs protestants – avant de regretter que les responsables de ces décès n’aient pas été traduits en justice et que des mesures de protection n’aient pas été prises en faveur des familles concernées.

Un autre expert a insisté sur l’importance de fournir des réparations aux victimes de la torture. Il a prié la délégation de dire combien d’indemnisations, ou d’autres mesures de réparation, avaient été octroyées à des victimes de torture ou de mauvais traitements.

Un autre membre du Comité a regretté que le Viet Nam examine les demandes d’extradition de personnes soupçonnées d’actes de torture sur la base des traités d'extradition que le Viet Nam a signés ou sur la base du principe de réciprocité, et non pas en se fondant sur la Convention. L’expert a voulu savoir si le Viet Nam envisageait de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir des plaintes formulées par des États et des particuliers.

Une experte a rappelé que, comme le stipule l’article 2 de la Convention, « aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu'elle soit, (…) ne peut être invoquée pour justifier la torture ». La même experte a regretté que la délégation ait invoqué « la souveraineté du Viet Nam » pour expliquer le fait que des personnes soient détenues au mépris de leurs droits.

Plusieurs membres du Comité ont fait observer que les personnes appartenant aux minorités linguistiques ou ethniques sont harcelées par la police et représentent une part disproportionnée des personnes détenues au Viet Nam.

Relevant les récentes condamnations de cinq policiers pour actes inhumains, une experte a salué la volonté politique forte du Viet Nam de lutter contre la torture et les mauvais traitements; elle a néanmoins recommandé que le pays améliore les formations portant sur la Convention, qu’il les étende à toutes les personnes chargées de la surveillance des détenus et qu’il en mesure l’efficacité.

Réponses de la délégation

La délégation a admis que la définition de la torture au Viet Nam n’est pas parfaitement conforme à l’article premier de la Convention. Il n’en demeure pas moins que les éléments constitutifs de la torture qui sont énoncés dans la Convention figurent déjà dans le Code pénal vietnamien, a-t-elle ajouté. Le Viet Nam tiendra compte des observations du Comité en vue d’adopter une définition plus conforme, a-t-elle déclaré.

La délégation a par la suite assuré que le pays tiendrait compte des remarques des experts du Comité s’agissant de l’incrimination du crime de torture, y compris sous l’angle des circonstances aggravantes.

En l’état actuel, la législation en vigueur dans le pays interdit d’ores et déjà de tenir compte des aveux obtenus sous la torture, a ajouté la délégation.

Quant aux sanctions prévues pour les actes de torture, elles ont été renforcées, a poursuivi la délégation, précisant que la peine maximale encourue pour de tels actes a été portée à 20 ans d’emprisonnement.

Le Viet Nam a consenti de grands efforts pour que les personnes arrêtées ne soient pas soumises à la torture et des sanctions sont prévues contre les fonctionnaires coupables de torture, a par la suite ajouté la délégation.

Le Gouvernement a en outre déjà adopté des directives pour réduire le recours à la peine de mort, a souligné la délégation, expliquant que cette peine n’était appliquée (par injection mortelle) qu’en cas de crime grave et au terme d’une procédure régulière et équitable. La délégation a jugé infondées les allégations selon lesquelles la première personne exécutée par injection dans le pays (en 2013) aurait souffert plusieurs heures avant de mourir: l’injection proprement dite s’est déroulée en quelques minutes et l’ensemble du processus d’exécution – depuis l’extraction du condamné de sa cellule jusqu’à son décès proprement dit – a duré moins de deux heures, a déclaré la délégation.

La délégation a par ailleurs démenti que les détenus attendant leur exécution vivent enchaînés dans leur cellule.

La délégation a ensuite rappelé que les Règles Mandela avaient un caractère uniquement facultatif; il n’en demeure pas moins que le Viet Nam s’efforcera de rapprocher sa pratique de ces règles, comme il est dit dans le rapport, a-t-elle ajouté.

Pour ce qui est des garanties procédurales, le Code pénal stipule que les personnes arrêtées doivent se voir préciser l’ensemble de leurs droits au moment de l’arrestation. En outre, l’accès à un avocat leur est garanti, de même que le droit de contester l’arrestation devant les tribunaux. Le droit de la personne arrêtée d’informer sa famille est également respecté, a assuré la délégation.

Le Code de procédure pénale définit les droits de toute personne arrêtée, y compris le droit de visite en détention, a par la suite souligné la délégation. La loi garantit en outre à tous les détenus le droit de recevoir un traitement médical en prison ou dans un établissement général et ce, aux frais de l’État. Les statistiques montrent que 96% des maladies déclarées par les détenus sont contractées avant leur placement en détention, a indiqué la délégation. Quasiment tous les cadavres de personnes décédées en détention sont autopsiés, a-t-elle ajouté.

Plus de 13 000 avocats exercent leur activité au Viet Nam et au total, ce sont plus de 600 conseillers qui sont affectés à l’assistance juridique. La loi codifie les activités des avocats au service de leurs clients et selon la législation en vigueur, les prévenus peuvent se défendre eux-mêmes ou avoir recours à un avocat.

Le Viet Nam compte trois centres de réhabilitation et ce sont les tribunaux administratifs qui décident des personnes qui doivent y être envoyées, a d’autre part indiqué la délégation, assurant que les personnes concernées ont accès à l’alimentation, à l’éducation et aux loisirs, de même qu’à l’exercice des droits civiques.

Le travail effectué par les détenus n’est pas assimilable à du travail forcé au sens du droit international, a en outre affirmé la délégation: il est considéré comme une forme de réhabilitation et comme une mesure de réinsertion. De plus, les personnes handicapées détenues peuvent être exemptées de travail. Une part de l’argent gagné en travaillant peut servir à améliorer l’alimentation et les conditions de détention, a ajouté la délégation.

La délégation a assuré que les personnels infirmiers et médicaux travaillant dans les prisons étaient totalement indépendants. Ils sont formés pour reconnaître et, le cas échéant, dénoncer à la justice les traces physiques et psychiques de torture ou de mauvais traitement, a-t-elle précisé, avant d’assurer que tout soupçon de violation des droits des détenus donnait lieu à une enquête.

S’agissant des conditions de détention, la délégation a précisé que chaque détenu disposait de deux mètres carrés pour dormir et a ajouté que les prisons étaient bien ventilées et disposaient de cliniques et de bibliothèques. En outre, aucun texte juridique ne prévoit de mise à l’isolement des détenus, a souligné la délégation, avant d’ajouter qu’il existe néanmoins des cellules et pavillons disciplinaires.

La délégation a insisté sur le fait qu’il n’existait pas de prisonnier de conscience au Viet Nam. Elle a affirmé que les allégations en la matière avaient été proférées par une source non fiable.

Le Viet Nam ne connaît pas le régime d’assignation à résidence, a par ailleurs déclaré la délégation.

Les ministères compétents accordent une grande importance à la formation en général. Le Ministère des affaires étrangères collabore ainsi avec plusieurs pays européens à la formation de 60 000 policiers aux dispositions de la Convention, a indiqué la délégation.

La délégation a expliqué que l’institution des parquets populaires – qui fait rapport à l’Assemblée nationale – avait pour mission de protéger les droits individuels et de veiller à la bonne application de la loi. Ces parquets peuvent entendre les plaintes de détenus contre leurs conditions de détention; leurs attributions sont clairement définies par la loi et distinctes de celles de la police judiciaire, a précisé la délégation.

Plusieurs organes sont chargés de contrôler les prisons, a poursuivi la délégation. Le parquet, en ce qui le concerne, est chargé d’organiser des visites régulières des prisons et plus de 3000 visites d’inspection ont été faites en 2017.

Quatre cas de châtiments corporels et d’extorsion d’aveux par la force ont été dénoncés devant les tribunaux entre 2015 et 2018. La loi oblige l’État à indemniser une personne dont les droits ont été bafoués par un fonctionnaire, a souligné la délégation.

Le droit vietnamien garantit les droits de tous les citoyens, y compris les droits linguistiques des minorités, a d’autre part déclaré la délégation. Les justiciables appartenant à des minorités peuvent suivre la procédure dans leur langue, a-t-elle fait valoir.

Pour donner suite aux recommandations qui lui ont été adressées dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU), le Viet Nam est en train de procéder à des consultations en vue de la création d’une institution nationale de droits de l’homme.

Le Viet Nam a déjà reçu dix rapporteurs spéciaux thématiques du Conseil des droits de l’homme et les demandes de visite d’autres titulaires de mandat sont à l’examen, a d’autre part fait valoir la délégation.

La délégation a qualifié de « subjectives et répétitives » les informations relayées par des membres du Comité selon lesquelles des personnes auraient été battues à mort par la police ou seraient détenues au secret au Viet Nam. La délégation a nié que de tels faits se soient produits.

Revenant en fin de dialogue sur les questions relatives aux droits des détenus, la délégation a souligné que toutes les personnes arrêtées subissent un examen médical avant leur mise en détention. Elle a en outre insisté sur le fait que tous les lieux de détention étaient connus et supervisés par les autorités, ce qui rend impossible la détention au secret. La plupart des détenus dans le couloir de la mort ne sont pas enchaînés, certains pouvant l’être s’ils posent un danger pour autrui ou pour eux-mêmes, a également déclaré la délégation.

Une plainte déposée par un détenu n’est pas examinée par l’autorité pénitentiaire mais par le Ministère de la sécurité publique, a d’autre part précisé la délégation.

Remarques de conclusion

M. LE a assuré que sa délégation avait bien compris les observations et remarques des membres du Comité. Le Viet Nam connaît ses obligations au titre des instruments internationaux et est conscient des progrès qu’il lui reste à faire pour les respecter, a-t-il déclaré.

M. MODVIG a remercié la délégation vietnamienne pour ses réponses et a attiré son attention sur la procédure de suivi des observations finales: le Comité mettra en exergue deux ou trois recommandations très urgentes auxquelles il conviendra pour le Viet Nam d’apporter des réponses dans un délai d’un an, a-t-il expliqué.


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CAT/18/020F