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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA BULGARIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par la Bulgarie sur les mesures prises par le pays pour appliquer les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant ce rapport, M. Yuri Sterk, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Bulgarie, a d’abord fait savoir que son pays avait, depuis l’examen de son précédent rapport par le Comité en 2011, apporté des améliorations importantes au système juridique national. En 2013, a-t-il indiqué, le Conseil des Ministres a créé un mécanisme national pour coordonner l’action des pouvoirs publics chargés de donner effet aux obligations internationales de la Bulgarie dans le domaine des droits de l’homme. D’autre part, le Gouvernement bulgare a décidé, en 2014, de s’acquitter en une seule fois des compensations dont les organes conventionnels des Nations Unies avaient recommandé le paiement, de manière à solder toutes les communications (plaintes) dont ces organes étaient saisis s’agissant de la Bulgarie.

Le Vice-Ministre a rappelé les priorités qui avaient été celles de la Bulgarie lorsqu’elle présidait le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, en 2015 et 2016 : protection des droits des enfants, protection des médias contre les influences extérieures et respect des droits des migrants et réfugiés, notamment. En outre, la Bulgarie a, dans le cadre de sa présidence tournante du Conseil de l’Union européenne au premier semestre de 2018, axé ses initiatives sur l’égalité entre les sexes, la lutte contre les stéréotypes visant les minorités et l’intégration des enfants handicapés, entre autres thèmes.

M. Sterk a mis en valeur le fait que la Bulgarie venait d’être été élue pour la première fois au Conseil des droits de l’homme avec le soutien de 180 membres de l’Assemblée générale des Nations Unies. Le Vice-Ministre a vu dans cette élection une reconnaissance de l’engagement et des efforts de son pays pour appliquer de la manière la plus efficace possible les normes internationales de protection des droits de l’homme.

La délégation bulgare était également composée, entre autres, de M. Milko Berner, Vice-Ministre de l’intérieur ; de Mme Deyana Kostadinova, Représentante permanente de la Bulgarie auprès des Nations Unies à Genève ; ainsi que de plusieurs représentants des Ministères de la justice, des affaires étrangères et de l’intérieur. Elle comprenait également le chef de la prison de Pleven, des membres des services du Premier Ministre et une représentante du Conseil national de coopération sur les questions ethniques et d’intégration.

La délégation a répondu aux questions et observations des membres du Comité portant notamment sur la lutte contre les discriminations, y compris au motif de l’orientation sexuelle ; la situation des Roms ; la situation des personnes handicapées ; le processus de désinstitutionnalisation ; l’égalité entre les sexes ; la lutte contre la traite de personnes et contre les violences faites aux femmes ; les questions relatives aux migrations ; la formation des policiers ; les garanties procédurales ; le projet de réforme du système de justice pour mineurs ; le meurtre de Viktoria Marinova ; la lutte contre la corruption ; et la liberté des médias.

Durant le dialogue, une experte a regretté que le Procureur général de la Bulgarie ait annoncé publiquement, avant même que l’enquête n’ait commencé, que le meurtre de la journaliste Viktoria Marinova était sans rapport avec son travail sur la corruption en Bulgarie. La même experte a relevé que de nombreux cas de corruption à haut niveau sont dénoncés en Bulgarie mais ne font jamais l’objet de sanctions. Une experte a relevé que les journalistes en Bulgarie sont régulièrement victimes de chantage, de menaces et de voies de fait, et que, selon Reporters Sans Frontières, les tribunaux n’ont jamais éclairci aucun de ces cas. Une autre experte a fait observer que des politiciens et journalistes avaient été mis sur écoute de manière totalement illégale. A en outre été dénoncé le manque d’indépendance du système judiciaire bulgare, en particulier de la Cour constitutionnelle, vis-à-vis des autres branches du gouvernement.

Un expert a déclaré que les crimes motivés par les préjugés contre les Roms, les membres de communautés religieuses, les personnes LGBTI, les migrants et les demandeurs d’asile restent un sujet de grave préoccupation, d’autant que leur nombre ne cesse de croître. Ces actes ne font pas souvent l’objet d’enquêtes, ni de poursuites adéquates, a regretté l’expert. Il a aussi dénoncé les discours de haine qui ont explosé en Bulgarie à partir de 2013 dans les médias et sur Internet, au détriment des étrangers, des juifs et des Roms, notamment. La marginalisation des Roms et l’intolérance à leur égard sont devenues les problèmes les plus aigus pour ce qui est de la situation des droits de l’homme en Bulgarie, a affirmé l’expert.

L’attention de la délégation a par ailleurs été attirée sur le fait qu’il restait encore beaucoup à faire en Bulgarie pour éliminer la violence physique et psychologique envers les femmes.

Le Comité adoptera ultérieurement, en privé, ses observations finales sur le rapport de la Bulgarie et les rendra publiques à l'issue de la session, le 2 novembre prochain.

Lors de sa prochaine séance publique, vendredi prochain, 19 octobre, à 10 heures, le Comité poursuivra l’examen de son projet d’observation générale sur le droit à la vie.



Examen du rapport

Le Comité est saisi du quatrième rapport périodique de la Bulgarie (CCPR/C/BGR/4), établi sur la base d’une liste de points à traiter soumise par le Comité.

Présentant ce rapport, M. YURI STERK, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Bulgarie, a d’abord fait savoir que son pays avait, depuis l’examen de son précédent rapport par le Comité en 2011, apporté des améliorations importantes au système juridique national. En 2013, a-t-il indiqué, le Conseil des Ministres a créé un mécanisme national pour coordonner l’action des pouvoirs publics chargés de donner effet aux obligations internationales de la Bulgarie dans le domaine des droits de l’homme. Ce mécanisme, qui peut notamment faire des recommandations s’agissant de la ratification de nouveaux instruments, est composé non seulement de membres du Gouvernement mais aussi de représentants d’organisations non gouvernementales et d’institutions indépendantes, a précisé M. Sterk.

D’autre part, a poursuivi le Vice-Ministre des affaires étrangères, le Gouvernement bulgare a décidé, en 2014, de s’acquitter en une seule fois des compensations dont les organes conventionnels des Nations Unies avaient recommandé le paiement, de manière à solder toutes les communications (plaintes) dont ces organes étaient saisis s’agissant de la Bulgarie.

M. Sterk a d’autre part rappelé que le Bureau du Médiateur bulgare avait été accrédité en 2011 au titre du statut B des Principes de Paris ; après que des améliorations eurent été apportées à cette institution, les démarches ont été lancées en 2017 en vue d’obtenir son accréditation au titre du statut A, a-t-il indiqué.

Le Vice-Ministre a ensuite rappelé les priorités qui avaient été celles de la Bulgarie lorsqu’elle présidait le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, en 2015 et 2016 : protection des droits des enfants, protection des médias contre les influences extérieures et respect des droits des migrants et réfugiés, notamment. En outre, la Bulgarie a, dans le cadre de sa présidence tournante du Conseil de l’Union européenne au premier semestre de 2018, axé ses initiatives sur l’égalité entre les sexes, la lutte contre les stéréotypes visant les minorités et l’intégration des enfants handicapés, entre autres thèmes.

M. Sterk a par ailleurs précisé que le rapport que présente aujourd’hui son pays devant le Comité avait été préparé de manière transparente, avec la participation des autorités et institutions pertinentes, y compris des organisations non gouvernementales.

Enfin, le Vice-Ministre a informé les membres du Comité des mesures prises par la Bulgarie depuis le dépôt du rapport, en 2016, s’agissant en particulier de l’amendement apporté à la loi sur les organisations à but non lucratif ; de la modification du Code de procédure pénale en vue de raccourcir les délais des procédures judiciaires ; et de la réforme de la prise en charge des enfants, laquelle a permis de réduire de 90% le nombre des enfants placés dans des institutions spécialisées, qui est passé de 7587 enfants placés en 2010 à 713 en juin 2018. Dans ce dernier domaine, l’objectif des autorités est maintenant de fermer toutes les institutions d’ici 2025.

Pour conclure, M. Sterk a mis en valeur le fait que la Bulgarie venait d’être été élue pour la première fois au Conseil des droits de l’homme avec le soutien de 180 membres de l’Assemblée générale des Nations Unies. Le Vice-Ministre a vu dans cette élection une reconnaissance de l’engagement et des efforts de son pays pour appliquer de la manière la plus efficace possible les normes internationales de protection des droits de l’homme, y compris celles qui sont inscrites dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Une experte a relevé avec satisfaction que la Bulgarie avait ratifié les deux Protocoles facultatifs se rapportant au Pacte et avait donné partiellement effet aux recommandations antérieures du Comité s’agissant de l’encadrement de l’usage de la force par la police. La même experte a ensuite demandé des explications sur les mécanismes utilisés par la Bulgarie pour élaborer les rapports qu’elle doit soumettre aux organes de traités et pour assurer le suivi des recommandations faites par ces organes ; elle a recommandé que la Bulgarie dialogue davantage avec les organisations de la société civile dans ce contexte.

L’experte s’est par ailleurs enquise des mesures prises pour assurer l’intégration des personnes LGBTI et de celles vivant avec le VIH dans le marché de l’emploi. Quelle suite a-t-elle été donnée aux recommandations du Médiateur visant à ce que les autorités bulgares érigent en infraction pénale les discours appelant publiquement à la haine contre les personnes ayant certaines orientations sexuelles ? D’autres questions de cette experte ont porté sur l’accès des personnes homosexuelles aux techniques de procréation assistée ; sur la procédure de changement de sexe en Bulgarie ; sur la discrimination dans le domaine de la santé dont sont encore victimes les personnes vivant avec le VIH ; et sur la sensibilisation du public aux droits des personnes LGBTI. La même experte a aussi fait part de ses préoccupations s’agissant de la ségrégation dont sont victimes à l’école les enfants handicapés et des restrictions apportées aux droits civiques des adultes handicapés.

Une autre experte a demandé des informations sur les recours ouverts aux citoyens bulgares en cas de violation des droits défendus par le Pacte. Elle a voulu savoir si les avocats bénéficiaient, au même titre que les magistrats, d’une formation au contenu du Pacte. L’experte s’est en outre enquise de la procédure de nomination des membres de l’institution nationale de droits de l’homme. Elle a également prié la délégation de décrire le mécanisme d’indemnisation des personnes dans le contexte des plaintes individuelles. Elle a en outre rappelé la demande d’information du Comité au sujet de la démolition d’une maison appartenant à une famille rom.

Une experte a fait observer que la loi bulgare de lutte contre le terrorisme permet aux autorités de restreindre de manière excessive les libertés publiques, notamment pour ce qui est du droit de manifester. Elle a voulu savoir si des jeunes de moins de 18 ans recrutés par des mouvements terroristes avaient déjà été poursuivis au titre de cette loi. L’experte a ensuite relevé certaines lacunes au niveau des garanties procédurales – notamment le fait que la présence d’un avocat ne soit pas systématique – et a souligné que ces lacunes entraînent un risque élevé de violences policières dans les commissariats. Elle a aussi demandé à la délégation de dire comment la Bulgarie comptait améliorer les conditions d’hygiène dans les prisons.

Un expert a déclaré que les crimes motivés par les préjugés contre les Roms, les membres de communautés religieuses, les personnes LGBTI, les migrants et les demandeurs d’asile restent un sujet de grave préoccupation, d’autant que leur nombre ne cesse de croître. Ces actes ne font pas souvent l’objet d’enquêtes, ni de poursuites adéquates, a regretté l’expert. Il a aussi dénoncé les discours de haine qui ont explosé en Bulgarie à partir de 2013 dans les médias et sur Internet, au détriment des étrangers, des juifs et des Roms, notamment. La marginalisation des Roms et l’intolérance à leur égard sont devenues les problèmes les plus aigus pour ce qui est de la situation des droits de l’homme en Bulgarie, a insisté l’expert. Il a ensuite relevé la mise en place d’un programme destiné à renforcer les capacités des membres de la police à détecter les crimes inspirés par la haine et a voulu savoir si le Gouvernement bulgare envisageait d’augmenter le taux d’enquête sur les crimes motivés par la haine, de condamner tous ces crimes et de faire savoir publiquement qu’ils ne peuvent être tolérés. Comment le Gouvernement entend-il sanctionner les discours anti-Roms prononcés par des politiciens bulgares ?

Le même expert a déploré la sous-représentation des femmes, en particulier des femmes roms, dans les postes décisionnels. Il a aussi souligné l’accroissement inquiétant de l’écart de revenus entre les femmes et les hommes. La traite à des fins d’exploitation sexuelle est la première forme de traite des êtres humains en Bulgarie, a poursuivi l’expert, avant de faire observer que le nombre de procédures pénales engagées face à de tels faits a diminué entre 2013 et 2016 et que les taux de condamnation, lorsque procédure il y a, semblent faibles et non dissuasifs.

Un autre expert a constaté qu’il restait encore beaucoup à faire en Bulgarie pour éliminer la violence physique et mentale envers les femmes et pour remédier au problème de la sous-déclaration de ces violences. Le même expert a voulu savoir comment les autorités comptaient remédier au problème des tribunaux qui sanctionnent rarement les auteurs de violences domestiques. Il s’est en outre enquis des sommes versées ces dernières années aux victimes à titre de dédommagement.

Plusieurs experts ont regretté que la Bulgarie n’ait toujours pas ratifié la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.

Une experte a fait part de sa préoccupation face au manque de formation des policiers affectés à la garde de la frontière avec la Turquie, dont témoigne par exemple la mort par hypothermie de deux migrants iraquiens après qu’ils eurent été battus par des policiers bulgares à cette frontière. L’experte a par ailleurs déploré que les personnes qui ont besoin d’une protection internationale ne puissent pas exercer leur droit de demander une telle protection à la Bulgarie. Elle a regretté que les migrants afghans soient particulièrement ciblés par les autorités bulgares. L’experte a rappelé que la détention de migrants, quand elle est nécessaire, doit être la plus brève possible. Elle a par ailleurs demandé à la délégation bulgare de décrire les mesures prises pour protéger les migrants mineurs non accompagnés.

La même experte a relevé que les journalistes en Bulgarie sont régulièrement victimes de chantage, de menaces et de voies de fait, et que, selon Reporters Sans Frontières, les tribunaux n’ont jamais éclairci aucun de ces cas. La délégation a été priée de dire ce que le Gouvernement faisait pour remédier à l’influence exercée par le pouvoir politique sur les médias, dans un contexte de forte concentration des médias favorisée par le manque de clarté concernant leur financement. Une autre experte a fait observer que des politiciens et journalistes avaient été mis sur écoute de manière totalement illégale. Elle a voulu savoir si les autorités avaient l’intention d’interdire à l’avenir l’enregistrement illégal de conversations téléphoniques.

Une experte a regretté que le Procureur général de la Bulgarie ait annoncé publiquement, avant même que l’enquête n’ait commencé, que le meurtre de la journaliste Viktoria Marinova était sans rapport avec son travail sur la corruption en Bulgarie. La délégation a été priée de dire ce que la Bulgarie compte faire pour assurer la sécurité des journalistes qui enquêtent sur la corruption.

La même experte a relevé que de nombreux cas de corruption à haut niveau sont dénoncés en Bulgarie mais ne font jamais l’objet de sanctions. Elle a fait observer que 36% seulement des institutions publiques ont rempli l’obligation légale consistant à publier les déclarations d’intérêts de leurs employés. L’experte a aussi regretté qu’il n’existe aucun mécanisme pour démettre de ses fonctions le Procureur général, même en cas de faute grave de sa part.

Un expert a prié la délégation de dire si le Gouvernement était disposé à créer un dispositif indépendant d’inspection ou de surveillance des établissements de santé mentale. Il s’est interrogé sur les mesures prises pour prévenir les mauvais traitements dans les établissements psychiatriques ; en effet, il semblerait que dans ces derniers, des traitements médicamenteux et des moyens de contrainte chimique soient appliqués de force.

Un autre expert a fait observer que le mode de nomination des magistrats en Bulgarie n’était pas conforme aux normes européennes en la matière. Il s’est dit préoccupé par le manque d’indépendance du système judiciaire bulgare, en particulier de la Cour constitutionnelle, vis-à-vis des autres branches du gouvernement.

Un expert a déploré que 3800 enfants handicapés - dont un tiers sont âgés de moins de trois ans - vivent toujours séparés de leur famille.

Compte tenu de la diversité linguistique de la Bulgarie, il a été recommandé aux autorités bulgares de revenir sur l’obligation de tenir les campagnes électorales en langue bulgare uniquement.

Plusieurs experts ont regretté les restrictions apportées à la liberté d’expression et à la liberté de culte des minorités religieuses en Bulgarie. Ont en outre été déplorées les mesures prises par les autorités pour assurer un monopole de fait à l’église orthodoxe bulgare.

Réponses de la délégation

Un mécanisme national créé en 2013 a reçu pour mission de coordonner, sous la supervision du Ministère des affaires étrangères, le suivi des recommandations reçues par la Bulgarie, a indiqué la délégation. Les organisations non gouvernementales sont systématiquement associées aux travaux de ce mécanisme, qui se réunit au moins deux fois par an, a-t-elle précisé. Ce mécanisme surveille la situation des droits de l’homme, au sens large du terme, en Bulgarie, a-t-elle ajouté.

Un autre mécanisme a été créé pour verser les indemnisations auxquelles ont droit les plaignants qui ont eu gain de cause devant les organes chargés de faire appliquer les traités auxquels la Bulgarie est partie. Cependant, aucune nouvelle demande d’indemnisation n’a été examinée depuis 2014, a indiqué la délégation.

Les magistrats bulgares sont très bien informés des dispositions des traités qui obligent la Bulgarie, y compris pour ce qui est du Pacte ou de la Convention européenne des droits de l’homme, et ils reçoivent des formations continues dans différents domaines, a fait valoir la délégation.

Pour ce qui est de la place du Pacte dans l’ordre juridique interne, la délégation a indiqué que la Constitution bulgare prévoit que les traités ratifiés par le pays doivent voir leurs dispositions transposées dans le droit interne.

La délégation a ensuite assuré que les autorités avaient adopté des lois et politiques pour lutter contre la discrimination fondée, notamment, sur l’identité de genre ou l’orientation sexuelle, parmi dix-neuf motifs (de discrimination) prohibés par la loi. De même, les stéréotypes visant toute minorité sont-ils réprimés et sanctionnés par la loi. Entre 2011 et 2015, la loi a été amendée à plusieurs reprises pour renforcer la responsabilité de l’État contre plusieurs formes de discrimination directe et indirecte, a fait valoir la délégation. Si le genre (de la victime) n’est pas considéré par le Code pénal comme une circonstance aggravante de la commission d’un crime, le juge a toujours la possibilité d’évaluer la pertinence de ce critère pour son jugement, a-t-elle ajouté.

S’agissant des suites données à la communication Naidenova contre Bulgarie, examinée par le Comité en 2012 (NDLR : plainte visant à empêcher l’expulsion et la démolition de logements de membres d’une communauté rom), la délégation a précisé que les autorités bulgares appliquaient en l’espèce les recommandations du Médiateur bulgare (Ombudsman), à savoir que les personnes concernées ne devront pas être expulsées de leurs logements – sur l’emplacement desquels doivent être construits des logements sociaux – avant qu’un logement alternatif ne leur soit trouvé.

La délégation a par la suite indiqué que les autorités avaient créé des mécanismes pour renforcer la consultation et la coopération entre les acteurs concernés par la stratégie nationale d’intégration des Roms en Bulgarie. Plusieurs forums ont été organisés dans les régions et en ligne. Les autorités sont désormais plus au fait non seulement des besoins des Roms, mais aussi des compétences que cette communauté renferme en son sein, a affirmé la délégation.

La Bulgarie gère avec l’Union européenne un projet visant à améliorer l’accès des Roms à la justice, aux services de santé et à l’emploi, a ensuite indiqué la délégation. Des mesures spécifiques sont prises en faveur des jeunes femmes roms, a-t-elle ajouté. En outre, toutes les parties prenantes travaillent de concert à la prévention du décrochage scolaire parmi les jeunes Roms, a souligné la délégation.

La délégation a par ailleurs assuré que la Bulgarie appliquait plusieurs mesures contre la stigmatisation qui frappe les personnes vivant avec le VIH/sida. Les autorités ont aussi pris des mesures sanitaires pour éviter une nouvelle propagation de la maladie, a-t-elle ajouté.

En cas de violation des droits du Pacte, des recours auprès du Médiateur sont possibles, outre la saisie des tribunaux. Institution indépendante, le Médiateur protège en particulier les droits des citoyens les plus vulnérables, y compris leurs droits économiques, sociaux et culturels, a précisé la délégation.

La délégation a d’autre part fait valoir que la Bulgarie participait à plusieurs projets internationaux de formation des policiers dans le domaine des droits de l’homme. Plus de 200 agents ont ainsi déjà suivi la formation axée sur « l’action policière non discriminatoire ». La formation a été conçue et est dispensée en collaboration avec le Comité Helsinki de Bulgarie, qui est une organisation non gouvernementale, a précisé la délégation.

Le Ministère de l’intérieur a édicté un code de comportement policier qui rappelle notamment les droits des personnes détenues dans les locaux dépendant du Ministère, a poursuivi la délégation. Depuis 2017, a-t-elle ajouté, la tendance est à l’augmentation des plaintes de citoyens devant les instances chargées de veiller au respect de la déontologie par la police; cependant le taux de violations dénoncées par rapport au nombre de détenus reste faible (0,5%), a-t-elle souligné.

Le Ministère de la justice procède à une évaluation en profondeur de la conformité de la loi bulgare avec la Convention contre la torture, a d’autre part indiqué la délégation. Le Ministère s’attelle en particulier à la rédaction d’une définition de ce crime qui soit conforme au droit international et un nouveau Code pénal sera ensuite rédigé qui intègrera cette définition, a-t-elle précisé.

S’agissant des garanties procédurales, la délégation a souligné que toute arrestation donne lieu à la signature, par la personne arrêtée, d’une déclaration par laquelle cette personne reconnaît avoir été informée de l’intégralité de ses droits. La délégation a en outre expliqué comment un justiciable peut engager un recours contre son arrestation ou sa mise en examen.

Interpellée sur la question des écoutes téléphoniques, la délégation a indiqué que si les services de renseignement sont autorisés à utiliser des moyens techniques pour recueillir des preuves, les poursuites et les verdicts ne peuvent toutefois pas se fonder exclusivement sur les éléments récoltés par ces moyens. La loi protège aussi les citoyens contre les utilisations délictueuses des moyens de renseignement.

La loi contre le terrorisme est conforme aux principes du droit interne bulgare ainsi qu’aux normes internationales en la matière, a par ailleurs assuré la délégation. Quant au Code pénal, il a été amendé récemment pour donner une définition plus précise de ce phénomène et de ses éléments constitutifs, sur la base de recommandations faites par l’Union européenne et des organes de traités des Nations Unies.

La délégation a précisé que la Bulgarie compte 22 prisons dont certaines sont réservées aux personnes condamnées à de longues peines. Les autorités prévoient d’ouvrir une nouvelle prison à Sofia, ainsi qu’un centre de formation pour le personnel pénitentiaire. Quant à la loi sur la gestion du milieu carcéral, elle a été amendée pour la dernière fois en 2017 et prévoit notamment que les détenus peuvent saisir les tribunaux s’ils estiment que leurs conditions de détention sont contraires à la loi, a souligné la délégation.

La délégation a en outre indiqué qu’un projet de loi portant révision du système de justice pour mineurs était en cours d’examen. L’objectif des autorités est la réinsertion des mineurs en conflit avec la loi, ce qui constitue une rupture avec le système répressif en vigueur jusqu’ici, a-t-elle expliqué. Il est prévu d’ouvrir des centres où les jeunes délinquants recevront une formation et bénéficieront d’une prise en charge psychosociale, a-t-elle précisé.

Quant à la désinstitutionalisation des enfants, la délégation a souligné que la Bulgarie avait pris des engagements fermes dans ce domaine devant le Conseil des droits de l’homme. Plus de cent institutions ont fermé ces dernières années. Des investissements importants sont consacrés actuellement à la formation de personnels et au soutien aux enfants handicapés, les autorités misant avant tout sur la prise en charge par la famille.

Entre 2010 et 2014, ont été recensés 238 décès d’enfants placés en institution. Vingt-deux inspections ont été réalisées ; elles n’ont constaté aucun traitement inhumain, a ajouté la délégation.

La Bulgarie a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées en 2012, a indiqué la délégation. La législation pertinente est en train d’être revue, avec l’aide d’organisations non gouvernementales, afin d’y intégrer les dispositions de cet instrument, a-t-elle précisé. Le but des autorités est d’améliorer les conditions de vie et l’intégration sociale des personnes handicapées, a ajouté la délégation. Elle a indiqué qu’un nouveau projet de loi devrait donc être examiné par le Conseil des Ministres dans quelques jours et a fait observer que les recommandations du Comité pourraient être prises en compte dans le cadre de ce processus. La délégation a ensuite précisé que le nouveau projet de loi portant révision de la loi sur les personnes handicapées considérait la capacité juridique des personnes handicapées comme un outil d’insertion, le rôle des tuteurs étant donc révisé ; le but est de faire en sorte que les personnes handicapées aient la possibilité d’opérer leurs propres choix et de veiller à ce qu’aucune décision les concernant ne soit prise sans leur consentement.

Pour ce qui est de l’égalité entre les hommes et les femmes, la délégation a indiqué que la Bulgarie s’était dotée en 2016 d’une nouvelle loi portant création d’institutions destinées à donner effet à la stratégie du Gouvernement en la matière. Cette stratégie fera l’objet d’évaluations annuelles en coopération avec l’institut national de la statistique. D’après l’agence européenne de statistiques Eurostat, l’écart salarial entre hommes et femmes atteignait en Bulgarie 14% en 2016, soit moins que la moyenne européenne (qui est d’environ 16%). La délégation a aussi fait valoir que le taux de chômage des femmes était inférieur à celui des hommes et que les femmes bulgares étaient très présentes dans le marché du travail et dans la fonction publique.

La délégation a par ailleurs rappelé que la Bulgarie s’est dotée d’une loi complète contre la traite des êtres humains. Cette loi est axée sur la sensibilisation du public, sur le respect des droits des victimes et sur la poursuite en justice des responsables de ce crime. Cent quatre plaintes ont ainsi été traitées en 2017, dont 19 concernaient des cas d’exploitation sexuelle. Les premières victimes de la traite sont les femmes et les jeunes filles, a rappelé la délégation.

Les tribunaux bulgares ayant jugé que la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) était contraire à la Constitution, les autorités sont en train de préparer une révision de la loi pour y renforcer les mesures de protection contre la violence sexiste et la violence familiale. La définition de la notion de « lésions corporelles » sera élargie, tandis que les menaces et les actes de violence psychique systématique seront criminalisés. Les violences domestiques seront poursuivies d’office et, dans ce contexte, la charge de la preuve ne reposera plus sur les victimes, a également fait valoir la délégation. D’autre part, le Gouvernement finance les activités d’organisations non gouvernementales qui travaillent dans le domaine de la sensibilisation au problème des violences familiales, a-t-elle ajouté. Enfin, des mesures de soutien sont prises en faveur des victimes de violence familiale et la prise en charge des auteurs des violences familiales n’est pas négligée non plus, a fait savoir la délégation. En 2017, a-t-elle ensuite précisé, 1253 ordonnances de protection ont été rendues ; en outre, un total de 24 centres de crise, dont six pour mineurs, sont désormais ouverts en Bulgarie et une ligne d’appel d’urgence gratuite existe depuis vingt ans.

Pour ce qui est des questions relatives aux migrations, la délégation a affirmé que le Gouvernement bulgare n’avait pas connaissance du refoulement, par des gardes frontière bulgares, de personnes à la frontière turque. Des groupes de migrants ont été en effet identifiés, mais sur le sol turc : ils ont été détenus en Turquie même. La délégation a rappelé que les gardes frontière bulgares sont formés dans le cadre du programme européen FRONTEX.

Les conditions de vie dans les centres pour réfugiés se sont considérablement améliorées depuis quelques années, a ensuite assuré la délégation. Tous les migrants peuvent déposer une demande d’asile, aux postes frontière, dans les centres d’accueil ou par le biais d’organisations non gouvernementales ; et tous les requérants d’asile peuvent recevoir une aide juridique gratuite, a expliqué la délégation. Elle a dit ne pas avoir connaissance d’une quelconque discrimination envers les migrants en provenance de tel ou tel pays.

L’intérêt supérieur de l’enfant est systématiquement pris en compte dans la prise en charge des migrants mineurs, a d’autre part assuré la délégation. Les mineurs non accompagnés sont placés dans le centre sécurisé de Vania ; ils ont pleinement accès au système d’éducation bulgare et suivent des cours intensifs de langue. La délégation a indiqué qu’elle fournirait ultérieurement par écrit des informations sur la détention des migrants clandestins ou illégaux.

Répondant aux questions posées par une experte sur les manifestations qui ont eu lieu près du Parlement, à Sofia, en 2013, la délégation a indiqué que ces événements avaient fait l’objet d’enquêtes approfondies : il apparaît que la force nécessaire a été déployée pour remédier aux troubles à l’ordre constatés, sans que l’on puisse parler (dans ce contexte) de répression de masse.

La délégation a par ailleurs déclaré que le meurtre de Viktoria Marinova avait entraîné la réaction appropriée des autorités compétentes. Les informations disponibles montrent que le meurtre a été commis de manière spontanée, pour des motifs sexuels ; rien à ce stade ne laisse penser que le meurtrier visait une journaliste. Le Procureur général a assuré que toutes les pistes étaient explorées à ce stade ; toute la lumière sur ce meurtre sera faite, a assuré la délégation. Elle a relevé que l’indignation du public face à cette affaire obligeait le Gouvernement à réaliser une enquête diligente.

Quant au parlementaire qui a menacé un journaliste, il a dû démissionner, a ajouté la délégation.

Les autorités « gardent un œil attentif » sur les activités de la nouvelle commission contre la corruption, a déclaré la délégation.

Des efforts considérables ont été faits pour apporter des garanties supplémentaires en matière de liberté des médias, a en outre indiqué la délégation. La loi a été amendée en 2016 afin, notamment, d’obliger tous les médias à déclarer au Gouvernement qui sont leurs propriétaires, alors que d’autres dispositions visent à limiter la concentration des médias.

Le cadre juridique bulgare garantit l’égalité de droits entre toutes les croyances religieuses, a dit la délégation, avant de faire observer que moins de 6% des cas de discrimination dénoncés aux tribunaux ont un motif religieux. La discrimination fondée sur la religion est passible d’une amende ou d’une peine de prison. Les médias électroniques ont une approche équilibrée des thématiques intéressant les minorités religieuses, a ajouté la délégation. Quant aux autorités, elles gardent un œil attentif sur les violences contre des lieux de culte, violences qui sont cependant assez rares, a indiqué la délégation.

La délégation a assuré que toutes les minorités du pays jouent un rôle dans la vie politique nationale. Les droits électoraux des citoyens bulgares sont garantis par la Constitution, indépendamment de leur origine ethnique. La Constitution prévoit également que la communication des partis politiques pendant les campagnes électorales doit se faire en langue bulgare, a rappelé la délégation ; mais cela n’interdit en rien aux débats de se tenir dans des langues minoritaires, a-t-elle souligné.


Remarques de conclusion

M. STERK a assuré que l’engagement de son pays envers le respect du Pacte ne faiblissait pas et qu’il lirait avec beaucoup d’intérêt les commentaires et recommandations que formulera le Comité à l’intention de la Bulgarie.

M. MAURO POLITI, Vice-Président du Comité, a dit apprécier l’esprit de coopération dont a fait preuve la délégation bulgare, qui permet au Comité d’avoir une idée plus claire de la situation qui prévaut en Bulgarie, qu’il s’agisse des réussites du pays ou des axes de progrès qui restent à explorer.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CCPR18/033F