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LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTEND DES DÉCLARATIONS AU SUJET DE L'ENQUÊTE MENÉE PAR LE ROYAUME-UNI SUITE À L'UTILISATION D'UN AGENT CHIMIQUE SUR SON TERRITOIRE

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a tenu, ce matin, une séance plénière au cours de laquelle plusieurs délégations se sont exprimées au sujet des conclusions de l'enquête britannique sur l'utilisation d'un agent chimique innervant à l'encontre de Sergueï Viktorovitch Skripal et de sa fille Ioulia à Salisbury, au Royaume-Uni, et à la délivrance de mandats d'arrêt à l'encontre de deux autres ressortissants russes par la justice britannique.

Ce débat a été ouvert par la Fédération de Russie, qui a regretté que certaines délégations souhaitent entraîner la Conférence dans des polémiques politisées, le Royaume-Uni ayant informé la Conférence, la semaine dernière, des conclusions de son enquête sur les incidents à Salisbury. La Russie déplore dans ce contexte des «visées antirusses». La Fédération de Russie a rappelé qu'une procédure judiciaire à propos des tentatives d'assassinat de ressortissants de la Fédération de Russie au Royaume-Uni avait été lancée en Russie mais que c'était le Royaume-Uni qui refusait tout contact dans le cadre de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques ou des relations bilatérales. Le Royaume-Uni a pour sa part notamment répondu qu'il se basait uniquement sur les faits et les preuves. L'Ukraine, les États-Unis, la France, l'Australie, le Canada, les Pays-Bas, l'Allemagne et la Nouvelle-Zélande ont exprimé leur solidarité avec le Royaume-Uni. La Syrie et la Chine ont également fait des déclarations dans le cadre de ce débat.

La Présidente de la Conférence, Mme Beliz Celasin Rende (Turquie), a par ailleurs souhaité la bienvenue au sein de la Conférence à M. Yann Hwang, le nouveau Représentant permanent de la France auprès des Nations Unies à Genève, qui a fait une déclaration dans laquelle il a notamment rappelé son attachement au multilatéralisme et relevé les discussions encourageantes qui ont été menées dans le cadre des organes subsidiaires de la Conférence, estimant que ces discussions de substance permettent de progresser sur le fond et sont les fruits d'efforts collectifs. C'est pourquoi la France ne perd en aucun cas confiance en la Conférence.

Le Zimbabwe, au nom du Groupe des 21, et la Fédération de Russie ont par ailleurs pris la parole sur la question de l'adoption du rapport annuel de la Conférence, dont les travaux pour 2018 se terminent ce vendredi. La fin de la séance s'est tenue en privé afin de permettre aux délégations de discuter d'amendements proposés au projet de rapport annuel.


La prochaine séance publique de la Conférence du désarmement sera annoncée ultérieurement.


Aperçu des déclarations

M. YANN HWANG, nouveau Représentant permanent de la France auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que la France était partie à tous les instruments de désarmement et de limitation des armements en vigueur. L'attachement au droit international de la France est sans faille, c'est pourquoi elle a toujours œuvré pour le renforcer là où il importait de réguler collectivement les comportements des États dans ce domaine, avec le souci constant de renforcer la paix et la sécurité internationale. Malgré les difficultés rencontrées et les blocages constatés, voire le recul de la norme qui fonde l'architecture de sécurité, le France est convaincue que rien ne remplace la force du multilatéralisme. La France ne se résigne pas à l'érosion du droit et à sa fragilisation. Ce multilatéralisme s'appuie sur des outils qui ont fait leur preuve, qui sont animés par une diplomatie d'expertise et de talents. La Conférence en fait partie et jouit d'une réputation de grand professionnalisme. Même si la Conférence souffre de blocages, certaines difficultés politiques ou historiques peuvent néanmoins et doivent être dépassées. La France a noté les discussions encourageantes qui ont été menées dans le cadre des organes subsidiaires. Ces discussions de substance permettent de progresser sur le fond, et sont le fruit d'efforts collectifs. C'est pourquoi la France ne perd en aucun cas confiance en la Conférence, qui reste le seul instrument multilatéral chargé de la négociation de traités de désarmement à vocation universelle. Elle estime en outre que la règle du consensus est le meilleur moyen de parvenir à l'universalité des traités et à leur mise en œuvre effective. C'est le sens de l'action de la France, qui a présidé la troisième Conférence d'examen du Programme des Nations Unies sur le trafic illicite des armes légères et de petit calibre en juin dernier. Le désarmement ne se décrète pas, il se construit pas à pas, avec des objectifs de stabilité, de manière graduelle et réaliste, a affirmé le nouveau Représentant permanent français.

Le Zimbabwe, au nom du Groupe des 21, a déclaré que le groupe était prêt à apporter tout son soutien à la présidence pour mener à bien son mandat, notamment en ce qui concerne la finalisation et la soumission du rapport annuel de la conférence à l'Assemblée générale des Nations unies, y compris les rapports des organes subsidiaires. Le Groupe des 21 tient à réaffirmer certains principes et règles qui devraient régir les travaux de la Conférence dans le cadre de la préparation du rapport annuel, notamment le respect du règlement intérieur à savoir les principes fondamentaux du respect du Règlement intérieur et du bureau de la présidence. En particulier, tous les États membres de la Conférence doivent participer à ses travaux sur un pied d'égalité. Le Groupe des 21 rappelle aussi l'importance de respecter le du principe de la rotation de la Présidence de la Conférence entre ses différents membres selon l'ordre alphabétique. Par ailleurs le groupe souligne que les rapports de la Conférence sont de nature factuelle et doivent refléter les travaux de la Conférence. La meilleure façon de faire respecter et de respecter la Conférence consiste à respecter son règlement intérieur.

La Fédération de Russie a félicité les membres de la Conférence pour l'adoption imminente de tous les rapports des organes subsidiaires de la Conférence et de son rapport annuel afin de parvenir à un résultat acceptable pour toutes les délégations. Cela prouve que la Conférence est en mesure de travailler et de prendre des décisions sur la base du consensus. D'autres tâches attendent les membres de la Conférence, notamment la soumission du rapport annuel de la Conférence à l'Assemblée générale des Nations Unies.

La Fédération de Russie a regretté que certaines délégations n'aient de cesse de tenter d'entraîner la Conférence dans des polémiques politisées. Lors de la dernière séance, le Royaume-Uni a informé la Conférence sur les conclusions de son enquête sur les incidents à Salisbury. Le ton devant la Conférence était moins dur que la déclaration de la Première ministre britannique à ce propos, a constaté la Fédération de Russie, ce qui n'empêche pas d'y voir des visées antirusses. La Fédération de Russie a souligné que le rapport de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques avait confirmé les conclusions britanniques sur la nature du produit chimique toxique qui avait empoisonné deux citoyens britanniques à Amesbury et que la même substance avait été trouvée dans des échantillons prélevés dans l'affaire Skripal à Salisbury, mais il ne mentionne pas la source de l'agent neurotoxique ni le terme «Novitchok».

Tout ce qui importe pour le Royaume-Uni est de relier à tout prix l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques aux conclusions de ses propres experts en chimie militaire et aux accusations infondées sur l'implication de la Russie dans l'incident. Ni l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, ni le laboratoire de Porton Down n'étaient en mesure d'identifier le pays d'origine de la substance toxique de Salisbury et d'Amesbury, a insisté la Russie. Pour sa part, la Fédération de Russie continuera de s'en tenir aux faits. Le 16 mars 2018, le Comité d'enquête de la Fédération de Russie a lancé une procédure judiciaire concernant les tentatives d'assassinats contre les deux ressortissants de la Fédération de Russie au Royaume-Uni sur la base de son code pénal. Le Gouvernement britannique a reçu une demande de coopération dans le cadre de cette enquête et n'a pour l'heure donné aucune réponse. C'est le Royaume-Uni qui refuse tout contact dans le cadre de l'OIAC ou des relations bilatérales. Il est par ailleurs étrange d'entendre dans la bouche de représentants des services spéciaux britanniques des propos peu sérieux sur la Direction générale des renseignements militaires (GRU) en Russie, qui n'existe plus depuis des années. On peut dès lors tirer des conclusions sur la qualité des autres informations venant des services de renseignement britanniques, a conclu la Fédération de Russie.

Le Royaume-Uni a relevé que, de manière assez caractéristique, la Fédération de Russie, plutôt que de s'appuyer sur les faits et les preuves présentés à tous, préfère jouer à un jeu légaliste et linguistique visant à détourner l'attention de ses actions imprudentes et flagrantes. Le Royaume-Uni se base sur les faits et les preuves. Alors que la Fédération de Russie suggère que le Royaume-Uni ne se préoccupe pas de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques, c'est bien parce qu'il s'en préoccupe que le pays est déterminé à contester l'utilisation des armes chimiques en Syrie ou à Salisbury. Le Royaume-Uni et la grande majorité des États parties à cette convention s'étaient engagés à renforcer la Convention et à mettre fin à l'impunité pour l'utilisation des armes chimiques lors de la Conférence spéciale des États parties qui s'est tenue en juin 2018 à La Haye, a rappelé le Royaume-Uni.

L'Ukraine a exprimé sa solidarité suite aux rapports publiés sur l'utilisation d'armes chimiques sur le territoire britannique. Les conclusions de l'OIAC confirment la politique agressive de la Fédération de Russie visant la souveraineté des États et sapant les relations internationales. L'utilisation d'armes chimiques constitue une violation flagrante du droit international et les responsables de ces actions doivent rendre des comptes. Seule la solidarité internationale peut être une réponse efficace aux provocations de la Fédération de Russie.

Les États-Unis sont solidaires du Royaume-Uni dans ses efforts pour traduire en justice deux agents du renseignement russe pour l'utilisation du Novitchok suite à la tentative d'assassinat contre les Skripal. La responsabilité de la Fédération de Russie dans cette attaque est avérée. La Fédération de Russie a éliminé ses stocks déclarés d'armes chimiques mais n'a pas respecté l'obligation de détruire tous ses stocks d'armes chimiques. Le mépris de la Fédération de Russie à l'égard du droit international doit cesser.

La France a renouvelé l'expression de sa solidarité suite à l'utilisation à deux reprises d'un agent chimique innervant au Royaume-Uni. La France a salué la volonté de transparence du Royaume-Uni et la manière dont il a suivi ce dossier en lien étroit avec l'OIAC. Les faits sont clairs, les conclusions des enquêtes confirment la responsabilité de la Fédération de Russie, sans autres conclusions possibles. Une telle opération n'a pu être lancée qu'à un niveau élevé de l'État russe. La France juge ces évènements très graves. Elle est préoccupée et condamne de tels agissement qui sont inacceptables. La Russie doit s'engager à respecter les dispositions de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques. Il faut par ailleurs doter l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques d'un mécanisme d'enquête pour toute utilisation d'armes chimiques quelle qu'elle soit, a plaidé la France.

La Syrie a dénoncé la campagne britannique contre la Fédération de Russie. Elle a exprimé sa solidarité avec la Fédération de Russie, qui réfute catégoriquement les allégations du Royaume-Uni et qui souhaite une consultation avec les autorités britanniques conformément à l'accord d'assistance mutuelle. La Syrie a, par ailleurs, fait part de ses préoccupations concernant l'insistance des accusations portées contre certains États s'agissant de l'utilisation d'armes chimiques, alors qu'il s'agit d'affirmations non étayés. La Syrie estime qu'il faut continuer à s'opposer à ce type d'accusations graves car elles ne s'appuient pas sur des preuves sérieuses. Il s'agit d'accusations erronées qui ne constituent pas la meilleure voie pour aboutir à la vérité. La politisation des discussions va à l'encontre de toute coopération constructive. La Syrie a toujours suivi la voie diplomatique et continue à le faire. Il faut que cessent les propos diffamatoires à l'encontre d'États souverains, a conclu la Syrie.

La Chine s'oppose fermement à ce que tout État utilise des armes chimiques, quelle qu'en soit la raison. La Chine est favorable à des enquêtes complètes et impartiales sur les allégations d'utilisation de telles armes. Des enquêtes qui doivent permettre de déterminer des faits incontestables pouvant résister à l'épreuve du temps. Le Chine suit avec grand intérêt l'incident de Salisbury et les enquêtes auxquelles il a donné lieu. Les parties concernées n'ont à ce jour pas été en mesure de parvenir à une conclusion à laquelle toutes les parties peuvent se rallier. Il faut garder en tête le principe du respect mutuel dans le cadre d'un dialogue. Il faut éviter toute confrontation et se concentrer sur les questions quant au fond et éviter toute politisation des discussions, a conclu la Chine.

L'Australie a condamné l'utilisation d'armes chimiques sur le territoire du Royaume-Uni. Les résultats de l'enquête menée par le Royaume-Uni confirment la culpabilité de la Fédération de Russie dans l'attaque qui a pris pour cible M. Skripal et sa fille au mépris du droit international. La Russie a par ailleurs fait courir un risque à la population britannique et doit faire la lumière sur l'ensemble de son programme chimique.

Le Canada a fait part de son indignation suite à l'utilisation d'une arme chimique au Royaume-Uni. La Russie doit donner toutes les informations concernant le programme Novitchok.

Les États-Unis ont souligné que la Syrie continuait à réfuter les preuves inconstatables du déploiement d'armes chimiques contre sa propre population. On ne peut contester l'utilisation de ces armes en Syrie, ont souligné les États-Unis, rappelant au passage que la Convention sur l'interdiction des armes chimiques avait été négociée au sein de la Conférence. Le fait qu'un État ait eu recours à de telles armes doit demeurer une préoccupation de la Conférence.

Les Pays-Bas ont condamné l'utilisation d'armes chimiques quelles que soient les circonstances. Le Royaume-Uni fait face à l'utilisation d'une arme chimique sur son territoire. Les Pays-Bas sont choqués par l'utilisation de cet agent innervant qui est responsable du décès d'une personne. Les Pays-Bas ont toute confiance en l'enquête menée par la justice britannique et considère que les auteurs identifiés doivent répondre de leurs actes. Les deux suspects doivent être jugés devant les tribunaux britanniques.

La Syrie a réfuté les accusations américaines. Il s'agit d'accusation unilatérales promues par le Royaume-Uni et ses alliés sans se fonder sur des faits solides. Ces accusations n'ont pas fait l'unanimité dans les enceintes concernées que sont l'OIAC ou le Conseil de sécurité. Ces accusations se fondent sur des enquêtes incomplètes. Par ailleurs, s'il est vrai que la Conférence du désarmement a mené la négociation de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques, le texte de la Convention ne désigne pas la Conférence comme ayant un rôle dans la supervision de la Convention. C'est l'OIAC qui doit superviser la mise en œuvre de la Convention et toute violation concerne le Conseil de sécurité. Les accusations concernant l'utilisation d'armes chimiques sont motivées par la politisation, a estimé la Syrie.

L'Allemagne a ajouté sa voix à celles qui se sont exprimées concernant l'utilisation d'un agent chimique innervant de qualité militaire au Royaume-Uni. La délégation a présenté ses condoléances aux victimes civiles. L'Allemagne exhorte par ailleurs la Russie à faire part de l'étendue de son programme Novitchok. Elle exprime sa pleine confiance dans la justice britannique qui explique que les responsables de cette attaque sont deux personnes du service de renseignement militaire russe.

La Fédération de Russie a regretté le fait que, dans différentes capitales, on ait choisi la solidarité transatlantique et qu'on soit prêt à fermer les yeux sur certaines informations. Certains continuent de manipuler les esprits. La Fédération de Russie a déclaré à plusieurs reprises qu'elle n'avait aucun lien avec ces incidents. Elle a proposé à plusieurs occasions, dans le cadre d'efforts conjoints, de faire la lumière sur ces incidents. Le Royaume-Uni a refusé l'accès des autorités russes à ces deux citoyens russes victimes d'une agression au Royaume-Uni. Ce qui permet de conclure que rien n'étaye les conclusions de Londres et que les accusations sont le produit d'une pure fabrication, a déclaré la Fédération de Russie. Certains acteurs occidentaux préfèrent assouvir leurs ambitions géopolitiques et ne reculent devant rien pour tenter de faire de la Russie l'ennemi commun. Il est nécessaire d'unir les efforts pour lutter contre les menaces véritables et collectives que représente par exemple le terrorisme international.

La Nouvelle-Zélande a dit être convaincue que l'enquête britannique était solide. Cette enquête confirme que les deux suspects sont des officiers du service de renseignement militaire de la Fédération de Russie.

Les États-Unis ont rappelé qu'aujourd'hui marquait le dix-septième anniversaire de l'attaque du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Les États-Unis pleurent la mort de citoyens américains et d'autres pays. Jamais les États-Unis n'oublieront ces victimes. Le pays poursuivra sa lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes et partout où il se manifeste.


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DC/18/043F