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LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS TIENT UNE RÉUNION INFORMELLE AVEC LES ÉTATS

Compte rendu de séance
L’accent est mis sur la nécessité de promouvoir la ratification de la Convention

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a tenu, cet après-midi, une réunion informelle avec les États.

Au cours de cette réunion, M. Ahmadou Tall, Président du Comité, a déclaré que la crise migratoire actuelle soulignait l’importance de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles en tant que cadre juridique pur garantir les droits des migrants dans les pays d’origine, de transit et de destination. Alors que la Convention n’a reçu que 52 ratifications à ce jour sans qu’aucun grand pays de destination (des migrations) ne l’ait encore ratifié, il a appelé les États à poursuivre leurs efforts en vue de la ratification de cet instrument, surtout dans le contexte de l’adoption du pacte mondial sur les migrations – qui doit être adopté à la fin de cette année et qui sera un document de référence pour le Comité.

Plusieurs autres membres du Comité sont ensuite intervenus, notamment pour présenter le plan de travail dont s’est doté le Comité à sa 28e session afin d’augmenter le nombre de ratifications de la Convention.

Il a en outre été souligné que l’une des questions les plus importantes actuellement était celle de la situation des enfants pris dans les flux migratoires internationaux, notamment au regard de leurs besoins de protection. C’est pourquoi la prochaine observation générale du Comité portera sur « le droit à la liberté et à la protection contre la détention arbitraire des migrants » et insistera en particulier sur le fait que la détention des migrants ne doit être qu’une mesure de dernier recours et sur l’interdiction de la détention des enfants migrants.

Les Philippines et le Mexique ont pris part au dialogue, insistant, respectivement, sur l’importance de la ratification la plus large possible de la Convention et sur le fait que le processus d’adoption du pacte mondial sur les migrations marquait le triomphe du multilatéralisme dans un contexte où aucun pays ne peut prétendre résoudre à lui seul les problèmes posés par les migrations.

Le Président a annoncé, en début de séance, que M. Alvaro Botero Navarro avait été élu ce jour en tant que Rapporteur du Comité, en remplacement de feue Khadidja Landel, décédée avant le début de la session.

Le Comité doit clore les travaux de sa vingt-neuvième session mercredi prochain, 12 septembre, en rendant publiques ses observations finales sur les deux états parties dont il a examiné les rapports durant cette session, à savoir le Mozambique et Madagascar.

Aperçu des déclarations

Dans une déclaration liminaire, M. AHMADOU TALL, Président du Comité, a déclaré que la migration internationale faisait partie des problèmes de droits de l’homme de notre époque. Il y a actuellement 258 millions de migrants dans le monde, dont environ la moitié sont des femmes et environ 20% sont en situation irrégulière, a souligné M. Tall, ajoutant que trente millions sont en outre des enfants, dont la majorité résident dans les pays les moins avancés et les pays en voie de développement, selon les estimations de 2015. « La migration est une réalité quotidienne et nous devons l’accepter », a poursuivi le Président, insistant sur la nécessité de veiller à ce que les migrants et leurs familles jouissent pleinement de leurs droits humains lors de leurs voyages, dans les écoles et sur les lieux de travail.

Or, les droits des migrants sont régulièrement bafoués et ce, d’autant plus lorsqu’ils sont en situation irrégulière, a regretté M. Tall. Non seulement la protection de leurs droits les plus élémentaires leur est refusée – qu’il s’agisse du respect des garanties de procédure, de l’accès aux services médicaux ou de l’éducation de leurs enfants –, mais ils rencontrent en plus des problèmes de sécurité personnelle, a déploré M. Tall. En outre, dans certaines situations, les migrants risquent d’être victimes de la traite des êtres humains, a-t-il ajouté.

Les migrants sont indispensables pour répondre aux besoins du marché du travail, a rappelé M. Tall. Il n’en demeure pas moins qu’ils se déplacent pour un certain nombre de raisons et ces raisons tiennent tant à des facteurs qui les poussent à partir (de leur pays) qu’à des facteurs qui les attirent (vers un pays tiers). La migration n’est pas uniquement due à des facteurs économiques, a souligné le Président du Comité; elle est aussi due à la pauvreté et au manque de développement humains, aux inégalités de genre, à la discrimination, aux conflits et à la violence, à l’instabilité politique, aux tensions sociopolitiques et aux changements climatiques, entre autres.

La crise migratoire actuelle souligne l’importance de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles en tant que cadre juridique pour garantir les droits de tous les travailleurs migrants et de leurs familles dans les pays d’origine, de transit et de destination. La Convention définit la meilleure stratégie pour prévenir les abus et résoudre les problèmes auxquels les travailleurs sont confrontés, a insisté le Président. Pourtant, a regretté M. Tall, très peu de ratifications – 52 à ce jour – ont été apportées à ce texte essentiel, ce qui constitue le score le plus bas de tous les traités relatifs aux droits de l’homme. En particulier, aucun grand pays de destination (des migrations) n’a ratifié l’instrument, a fait observer M. Tall. Le Comité appelle les quinze États signataires qui ne l’ont pas encore fait à ratifier le plus rapidement possible la Convention, a rappelé M. Tall, avant d’insister sur la priorité absolue que constitue cette ratification.

M. Tall a ajouté que le Comité considère le pacte mondial sur les migrations comme constituant un pas dans la bonne direction, un point de départ pour améliorer la gouvernance mondiale en se fondant en premier lieu sur les migrants et leurs droits humains. Le Comité se félicite en particulier des dispositions du pacte qui font de la détention pour des faits de migration une mesure de dernier recours et qui posent la nécessité de mettre fin à la détention des enfants dans le contexte de la migration.

Le Président du Comité a ensuite indiqué que les rapports initiaux de quatorze États parties au moins n’avaient toujours pas été reçus par le Comité. Pour faire face à cette situation, le Comité s’appuie sur une procédure simplifiée de présentation des rapports, a rappelé M. Tall. Il a en outre fait savoir qu’il avait participé, en juin 2018, à New York, à la Réunion annuelle des présidents des organes de traités des Nations Unies pour renforcer les synergies entre les comités et harmoniser leurs méthodes de travail.

MME JASMINKA DZUMHUR, Vice-Présidente du Comité, a insisté sur l’importance d’une approche globale de la promotion des droits de l’homme dans le contexte des migrations, en s’appuyant sur l’intensification de l’action en faveur de la ratification universelle de la Convention, compte tenu du fait que les pays membres de l’Union européenne, notamment, n’ont pas adhéré à cet instrument. Il convient de découvrir aussi de nouveaux moyens de coopérer avec la société civile et les médias pour sensibiliser les opinions publiques, a-t-elle ajouté. Enfin, la Vice-Présidente a souligné la nécessité d’assurer à tous les migrants, indépendamment de leur statut, la pleine jouissance de leurs droits. Elle a attiré l’attention des États sur les observations générales du Comité s’agissant des droits des enfants dans le contexte des migrations.

MME MARIA LANDAZURI DE MORA, Vice-Présidente du Comité, a déclaré que le Comité se félicitait de la coopération avec les États membres et était également reconnaissant de la coopération avec les organisations de la société civile et les institutions nationales de droits de l’homme pour veiller à la bonne application de la Convention. Elle a également insisté sur la coopération du Comité avec les autres organes de traités, en particulier le Comité des droits de l’enfant, ainsi qu’avec ONU-Femmes.

La Vice-Présidente a ensuite présenté le plan de travail dont s’est doté le Comité à sa 28e session en vue d’accroître le nombre de ratifications de la Convention; de faire connaître cet instrument et les observations générales du Comité auprès de tous les acteurs concernés par la migration; et d’élaborer une observation générale conjointe sur la liberté et la prévention de la détention arbitraire des migrants. Elle a en outre jugé extrêmement important de prendre résolument parti en faveur des droits des travailleurs migrants et de leurs familles, qui doivent être défendus aujourd’hui plus que jamais.

M. CAN ÜNVER, Vice-Président du Comité, a fait observer que les nouveaux schémas migratoires obligeaient les États à s’impliquer davantage dans les processus de gestion des migrations. À cet égard, le processus d’adoption d’un pacte mondial sur des migrations sûres, ordonnées et régulières pourrait améliorer la coopération mondiale et renforcer l’action en vue d’une solution basée sur les droits aux problèmes qui se posent en matière de migration internationale, a-t-il affirmé. M. Ünver a relevé que le pacte est basé sur les instruments fondamentaux des Nations Unies, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme ainsi que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles. Le processus d’élaboration de l’avant-projet de pacte a vu la participation de toutes les parties concernées, qui ont pu exposer de manière approfondie leurs points de vue sur le contenu du pacte, a-t-il fait observer. Le document final devrait contenir des options permettant aux États d’aider les migrants à réaliser leurs droits économiques et sociaux; des mesures pour favoriser les migrations régulières; et des politiques pour répondre aux préoccupations de sécurité légitimes des États face à la migration irrégulière. M. Ünver a souligné que le caractère non obligatoire du pacte n’enlève rien à son importance capitale en matière de dialogue et de coopération internationale dans le domaine de la migration.

M. ALVARO BOTERO NAVARRO, Rapporteur du Comité et coordonnateur de la rédaction de l’observation générale relative au droit à la liberté et à la protection contre la détention arbitraire des migrants, a fait observer que l’une des questions les plus importantes était celle de la situation des enfants pris dans les flux migratoires internationaux, notamment au regard de leurs besoins de protection. Les observations générales n°3 et n°4 du Comité ont donc pour objet de montrer aux États comment tenir compte des besoins spécifiques des enfants migrants à toutes les étapes de leur parcours migratoire; elles insistent notamment sur l’importance de bien comprendre quels sont les droits fondamentaux de l’enfant – y compris son intérêt supérieur et le droit qu’il a d’être entendu dans toutes les décisions le concernant.

Compte tenu de l’ampleur des mouvements migratoires, le Comité est très préoccupé par le fait que les États recourent systématiquement à la « détention migratoire » pour dissuader les migrants en situation irrégulière de se rendre sur leurs territoires, a poursuivi M. Botero Navarro. La prochaine observation générale du Comité portera donc sur « le droit à la liberté et à la protection contre la détention arbitraire des migrants »; elle insistera en particulier sur le fait que la détention des migrants ne doit être qu’une mesure de dernier recours, ainsi que sur l’interdiction de la détention des enfants migrants et sur le fait que la situation irrégulière des migrants ne doit pas être considérée comme un délit pénal mais relever du domaine administratif. M. Botero Navarro a aussi condamné les mesures dissuasives consistant à séparer de force les familles de migrants.

Dans le cadre du débat qui a suivi ces interventions, les Philippines ont souligné l’importance de la ratification la plus large possible de la Convention. Elles ont également estimé que les migrations avaient été un aspect trop longtemps négligé de la mondialisation et que la Convention était l’instrument adapté pour veiller au respect des droits fondamentaux des personnes concernées. Les Philippines ont enfin salué le rôle de l’Organisation internationale pour les migrations et ont dit placer de grands espoirs dans le pacte sur les migrations.

Le Mexique a estimé que le processus en cours d’adoption de ce pacte marquait le triomphe du multilatéralisme, dans un contexte où aucun pays ne peut prétendre résoudre à lui seul les problèmes posés par les migrations.

À la suite de ces interventions, M. TALL a rendu hommage à l’action constante des Philippines en faveur de la protection des droits des travailleurs migrants.

MME LANDAZURI DE MORA a insisté sur l’importance pour les États de prendre conscience des nombreuses étapes qui restent à franchir d’ici à l’application effective du pacte, et des moyens qu’il faudra dégager à cette fin. Elle a relevé que les politiques destinées aux femmes et aux filles migrantes seront un aspect essentiel du pacte, de même que celles concernant les enfants.

M. AZAD TAGHI-ZADA, membre du Comité, a mis en évidence le trait le plus original de la Convention, par rapport aux huit autres instruments des droits de l’homme des Nations Unies, à savoir qu’elle fait obligation aux États membres de protéger non seulement leurs ressortissants, mais aussi ceux des autres États. Malheureusement, certains États rechignent à assumer leurs obligations envers les travailleurs migrants, a regretté l’expert. Il a demandé aux pays qui adhèrent à la Convention de collecter et de diffuser les informations sur les problèmes que rencontrent leurs ressortissants quand ils se rendent dans les pays de destination.

M. ABDELHAMID EL JAMRI, membre du Comité, a regretté que la Convention ne soit pas mentionnée dans le dernier projet de pacte mondial. Il a souligné que le Comité avait de nombreuses contributions importantes à faire et a insisté aussi sur l’importance de la conférence de Marrakech (décembre 2018) qui doit voir l’adoption du pacte sur les migrations.

M. MARCO NUÑEZ-MELGAR MAGUIÑA, membre du Comité, a fait observer que les migrations à des fins de travail représentaient encore 80% des flux migratoires. L’expert a regretté que l’on perde de vue, dans ce contexte, les avantages à moyen et long termes de ces flux, qui dynamisent l’emploi et apportent des avantages à tous les pays concernés. Il a demandé aux États d’assumer leurs engagements envers les immigrants. Aucun pays n’échappe au phénomène de transnationalisation du travail, a insisté l’expert, appelant tous les États à assumer leurs responsabilités partagées pour y faire face. Le Comité est d’avis que les migrations doivent être abordées sous l’angle de leur apport économique et de leurs avantages pour les pays, a rappelé l’expert.

L’Uruguay a jugé essentiel, dans le contexte actuel, d’augmenter le nombre des ratifications de la Convention. Le pays a en outre espéré que le pacte sur les migrations pourrait être adopté rapidement.

Remarques de conclusion

En conclusion, M. ÜNVER a estimé que le pacte mondial changerait beaucoup de choses et rendrait le travail du Comité encore plus important.

MME DZUMHUR a constaté que le pacte mondial dépassait les travaux du Comité. Le consensus global qui semble se dessiner autour de ce pacte devra être suivi d’une action en matière de prévention, pour s’attaquer aux causes profondes des migrations, ainsi que d’une action en faveur de son application effective. La prévention des violations des droits de l’homme est un élément clé de la gestion des migrations, a insisté l’experte.

MME LANDAZURI DE MORA a attiré l’attention des délégations sur l’importance pour les États de continuer de collaborer avec le Comité.

M. OREST NOWOSAD, Chef de la Section des groupes cibles à la Division des traités du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, s’est félicité du renforcement de la coopération entre les organes de traités des Nations Unies. Il a aussi estimé que le débat du jour faisait partie des « meilleures pratiques » dont il faut encourager l’adoption.

M. TALL a conclu la séance en soulignant que la question de la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles était un enjeu majeur. Il a prié les États de continuer leurs efforts en vue de la ratification de cet instrument, surtout dans le contexte de l’adoption du pacte mondial sur les migrations, qui sera un document de référence pour le Comité.


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