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LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS EXAMINE LE RAPPORT DE MADAGASCAR

Compte rendu de séance

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de Madagascar sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Présentant ce rapport, Mme Noro Vololona Harimisa, Ministre de la justice de Madagascar, a souligné que le caractère irrégulier de la migration à des fins de travail favorisait la vulnérabilité des travailleurs, proies faciles face à l’exploitation et aux abus. C’est pourquoi, a-t-elle ajouté, l’État malgache s’est engagé à protéger les droits humains, incluant ceux des travailleurs migrants, et à lutter contre la migration irrégulière et l’exploitation, qui sont – a relevé la Ministre – des phénomènes très présents à Madagascar.

Mme Harimisa a ainsi fait savoir qu’un projet de loi nationale régissant la situation des travailleurs migrants était en cours d’élaboration. Elle a expliqué que, pour assurer le contrôle des agences de placement, la suppression de la délivrance de leur agrément restait maintenue. D’autre part, le Gouvernement malagasy a engagé des discussions avec Maurice, le Liban et l’Arabie saoudite en vue de conclure des accords bilatéraux en matière de migration de travail, alors même que la décision de suspendre tout envoi de travailleurs dans les pays à haut risque a été prise en 2013, a indiqué la Ministre.

Mme Harimisa a également souligné que son pays s’était doté, en 2015, d’une Commission nationale indépendante des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris, et que le Gouvernement était en train de réaliser le troisième « recensement général de la population et de l’habitation » pour permettre au pays de satisfaire ses besoins en données statistiques dans tous les domaines, aux fins du suivi et de l’évaluation des programmes de développement.

La délégation malgache était également composée du Secrétaire d’État auprès du Ministère de la défense nationale, chargé de la gendarmerie, ainsi que de plusieurs autres représentants des Ministères des affaires étrangères, de la justice, de la sécurité publique et de la fonction publique.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les experts du Comité s’agissant, notamment, de l’accès des travailleurs migrants à la justice; de la situation des travailleurs migrants à Madagascar et des Malgaches expatriés à l’étranger; de la lutte contre la traite de personnes, le travail forcé et l’exploitation sexuelle; de la suspension générale des agréments accordés aux agences de placement; de la protection des migrants mineurs; de la lutte contre la corruption; ou encore du fonctionnement de la Commission nationale des droits de l’homme.

M. Ahmadou Tall, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de Madagascar et par ailleurs Président du Comité, a constaté que la loi malagasy régissant l’immigration – et notamment ses dispositions relatives à l’autorisation de sortie des migrants, aux professions interdites aux migrants et à certains aspects pénaux de l’immigration – n’était pas conforme à la Convention. Il a en outre regretté que Madagascar ne dispose pas d’une autorité centrale chargée de tous les aspects des migrations.

M. Ahmed Hassan El-Borai, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de Madagascar, a notamment insisté sur l’importance pour Madagascar de disposer de statistiques solides et ventilées, dans un contexte où la jeunesse de la population ainsi que la situation économique du pays laissent présager un fort mouvement d’émigration depuis Madagascar.

Concluant le dialogue, M. Tall a dit ne pas avoir constaté de violations graves des droits des migrants à Madagascar. Il importe néanmoins que les normes législatives malgaches soient portées au niveau des normes internationales en la matière, a-t-il souligné.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de Madagascar et les rendra publiques à l'issue de la session, le mercredi 12 septembre prochain.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité tiendra une réunion avec les États parties.


Présentation du rapport

Le Comité était saisi du rapport initial de Madagascar (CMW/C/MDG/1), établi sur la base d’une liste de points à traiter préparée par le Comité.

Présentant ce rapport, MME NORO VOLOLONA HARIMISA, Ministre de la justice de Madagascar, a d’abord indiqué qu’il avait été préparé par un comité interministériel sous la direction conjointe des Ministères de la justice et des affaires étrangères, selon un processus participatif impliquant les acteurs étatiques et non étatiques.

La Ministre a ensuite souligné que le caractère irrégulier de la migration à des fins de travail favorisait la vulnérabilité des travailleurs, proies faciles face à l’exploitation et aux abus. Fort de ce constat, l’État s’est engagé à protéger les droits humains, incluant ceux des travailleurs migrants, et à lutter contre la migration irrégulière et l’exploitation, qui sont – a relevé la Ministre – des phénomènes très présents à Madagascar.

C’est ainsi que la décision de suspendre tout envoi de travailleurs dans les pays à haut risque a été prise en 2013, alors que la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles a été actée en 2015. Concernant les instruments juridiques internationaux relatifs au travail, Madagascar a ratifié 42 conventions de l’Organisation internationale du Travail, dont 36 sont en vigueur et s’appliquent aussi bien aux nationaux qu’aux étrangers, a fait valoir Mme Harimisa. Le Gouvernement malagasy a, d’autre part, engagé des discussions avec Maurice, le Liban et l’Arabie saoudite en vue de conclure des accords bilatéraux en matière de migration de travail.

Mme Harimisa a en outre fait savoir qu’un projet de loi nationale régissant la situation des travailleurs migrants était actuellement en cours d’élaboration. De plus, le projet de loi portant réforme de la loi de 2008 sur la lutte contre la torture sera finalisé et soumis au Conseil des Ministres, a-t-elle indiqué: cette réforme contribuera au renforcement de la protection de tout individu, y compris les travailleurs, contre les mauvais traitements dans le milieu du travail, a précisé la Ministre. De même le Gouvernement continue-t-il de renforcer les mesures visant à enquêter, à poursuivre et à condamner les auteurs des infractions de traite des personnes, ainsi qu’à prendre en charge les victimes, a souligné Mme Harimisa. Elle a d’autre part fait savoir que, pour assurer le contrôle des agences de placement, la suppression de la délivrance de leur agrément restait maintenue.

Sur le plan politique, a poursuivi la Ministre de la justice malagasy, Madagascar ne cesse de renforcer sa bonne gouvernance et la démocratie, comme l’illustrent la restauration de l’état de droit et l’organisation d’élections régulières, transparentes et crédibles à tous les niveaux – d’où la tenue des élections présidentielles prévues les 7 et 19 novembre prochain.

La Ministre a d’autre part souligné que son pays s’était doté, en 2015, d’une Commission nationale indépendante des droits de l’homme conforme aux Principes de Paris: il s’agit d’une institution quasi juridictionnelle, dotée d’une indépendance fonctionnelle et d’une autonomie budgétaire et composée majoritairement de représentants de la société civile.

La Ministre a fourni d’autres informations sur les mesures prises depuis 2014 par son Gouvernement pour renforcer l’arsenal juridique malagasy, citant notamment l’adoption de lois sur le terrorisme, sur l’abolition de la peine de mort, sur la lutte contre la corruption et sur la coopération judiciaire internationale en matière pénale. Elle a ajouté que le Gouvernement était en train de réaliser le troisième « recensement général de la population et de l’habitation » pour permettre au pays de satisfaire ses besoins en données statistiques dans tous les domaines, aux fins du suivi et de l’évaluation des programmes de développement.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. AHMADOU TALL, Président du Comité et corapporteur pour l’examen du rapport de Madagascar, a déclaré avoir tiré des informations très pertinentes du rapport malagasy, dont l’examen soulève cependant plusieurs questions. Il a voulu savoir combien d’organisations avaient participé à la rédaction du rapport et de quelle manière elles y avaient concrètement contribué.

M. Tall a constaté que la loi malagasy régissant l’immigration – et notamment ses dispositions relatives à l’autorisation de sortie des migrants, aux professions interdites aux migrants et à certains aspects pénaux de l’immigration – n’était pas conforme à la Convention. L’expert s’est en outre enquis des mesures concrètes prises pour que l’accord-cadre passé avec les Comores permette de protéger effectivement les travailleurs migrants des deux pays. Il a aussi prié la délégation de dire si Madagascar entendait ratifier la Convention n°189 de l’Organisation internationale du Travail sur les travailleuses et travailleurs domestiques.

M. Tall s’est ensuite interrogé sur le bilan de l’activité du Comité interministériel chargé du suivi de l’émigration des travailleurs (mentionné au paragraphe 55 du rapport). Il a regretté que Madagascar ne dispose pas d’une autorité centrale chargée de tous les aspects des migrations.

S’agissant de la Commission nationale des droits de l’homme, le corapporteur a prié la délégation de préciser le mandat de cette instance, les moyens humains et financiers dont elle dispose, ainsi que ses principales réalisations. Il s’est également enquis des activités menées à Madagascar pour sensibiliser les fonctionnaires concernés par les migrations, y compris les travailleurs sociaux, aux dispositions de la Convention.

M. Tall s’est ensuite enquis des mesures prises par l’État pour prévenir les actes de discrimination. Dans quelle mesure les migrants ont-ils accès au système de justice malagasy et bénéficient-ils de l’assistance judiciaire gratuite, a-t-il demandé ? Il s’est en outre enquis des recours judiciaires offerts aux travailleurs migrants qui font l’objet d’une mesure d’expulsion et a souhaité savoir si ces recours avaient un effet suspensif (de la décision d’expulsion).

M. Tall a, par la suite, constaté la volonté des autorités malgaches de réviser la loi de 1962 sur la gestion de l’immigration, qui n’est plus compatible avec la Convention, en particulier pour ce qui est de la pénalisation de la situation migratoire en tant que telle. Il a aussi constaté que Madagascar était l’un des pays qui rencontrent le moins de problèmes en matière de migration et s’est étonné, dans ces conditions, du caractère très sévère de la loi malgache dans ce domaine, déplorant en particulier l’absence de recours judiciaire. Il a donc recommandé que la loi organise de tels recours, en veillant à ce que les migrants concernés puissent être informés de leurs droits.

M. Tall a d’autre part fait observer qu’il ne suffisait pas d’inscrire dans la loi le principe de l’égalité des migrants devant la loi: il importe à cet égard que l’État adopte des mesures concrètes – telles que la mise à disposition d’interprètes pendant les procédures judiciaires – pour donner effet à ce principe.

Le corapporteur a ensuite salué la volonté manifeste de Madagascar de lutter contre la traite des êtres humains. Il a cependant relevé l’existence de filières d’immigration illégale à Madagascar, en particulier en provenance de la Chine.

M. Tall a prié la délégation de décrire les mesures concrètes prises pour l’enregistrement de la naissance aussi bien des enfants de migrants installés à Madagascar que des enfants de Malgaches expatriés. Il s’est en outre enquis des conditions d’octroi et de révocation des permis de séjour et de résidence.

M. Tall a par ailleurs rappelé qu’en 2015, à l’occasion de l’examen du rapport de Madagascar, le Comité des droits de l'enfant avait relevé un niveau élevé de corruption dans ce pays, notamment au sein de la police. Le corapporteur s’est donc enquis des mesures prises contre la corruption au sein des forces de sécurité.

Malgré le dispositif législatif dont Madagascar s’est doté contre le travail forcé, le Comité est informé de la persistance de ce problème, notamment sous la forme d’exploitation sexuelle, a en outre fait observer M. Tall.

M. Tall a demandé si Madagascar avait fait des démarches pour éviter que les migrants malgaches à l’étranger ne soient détenus dans les pays hôtes. Il a également voulu savoir dans quelles conditions les migrants étaient détenus à Madagascar. Il s’est en outre enquis des mesures prises pour soutenir les enfants des migrants.

M. Tall a prié la délégation de dire si la nouvelle politique nationale d’emploi et de formation professionnelle tiendrait compte des travailleurs migrants et des Malgaches candidats au départ.

M. AHMED HASSAN EL-BORAI, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de Madagascar, a insisté sur le fait que dialogue de ce jour ne marquait que le début de la collaboration entre le Comité et l’État partie. Il a relevé que la Constitution malagasy place la Convention au-dessus du droit national: la question se pose alors de savoir si la loi sur les migrations de 1962 est effectivement applicable, a-t-il souligné.

Le corapporteur a en outre souligné l’importance pour Madagascar de disposer de statistiques solides et ventilées, dans un contexte où la jeunesse de la population ainsi que la situation économique du pays laissent présager un fort mouvement d’émigration depuis Madagascar.

Attirant l’attention sur l’accord bilatéral en voie de négociation avec l’Arabie saoudite, M. El-Borai a voulu savoir pour quelles raisons Madagascar n’avait pas ratifié la Convention de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, alors que les huit autres conventions fondamentales de l’OIT l’ont été.

Le corapporteur a d’autre part fait observer que le rapport ne précisait pas si les travailleurs qui trouvent du travail grâce à une agence de placement devaient rétribuer ou non cette agence. Selon l’OIT, un tel paiement serait illégal, a-t-il rappelé. Il a en outre prié la délégation de préciser si les travailleurs migrants bénéficient de la sécurité sociale à Madagascar et s’ils ont le droit de se syndiquer dans ce pays.

M. El-Borai a également voulu savoir si les Malgaches expatriés avaient le droit de vote dans leur pays.

Le corapporteur a par la suite rappelé que la Convention prévoit des garanties pour les travailleurs migrants confrontés à la justice de leurs pays d’accueil, s’agissant en particulier de l’accès à des interprètes et du droit de ne pas être assimilés à des détenus de droit commun. Les travailleurs migrants n’étant pas, en tant que tels, des criminels, leur situation ne doit pas relever du droit pénal, a insisté M. El-Borai.

M. Al-Borai a assuré que le Comité était bien conscient de la vulnérabilité de nombreux Malgaches et qu’il en tenait pleinement compte dans son évaluation de la situation dans ce pays.

D’autres membres du Comité ont voulu connaître les raisons qui, au-delà de la dimension économique, pourraient inciter des Malgaches à quitter leur pays. Une experte s’est demandé si la persistance de certaines formes de discrimination et de sexisme à Madagascar pouvait expliquer le départ de migrants malgaches.

La délégation a été priée de dire ce qu’étaient les « travailleurs déplacés » mentionnés au paragraphe 46 du rapport. Des renseignements ont aussi été demandés au sujet des services autres que consulaires offerts aux Malgaches de la diaspora.

Un expert a prié la délégation de dire pour quelles raisons il a été décidé, en 2015, de retirer leur agrément à toutes les agences de placement opérant alors à Madagascar (paragraphe 73).

Plusieurs experts se sont interrogés sur l’effectivité des recours juridiques ouverts aux travailleurs migrants vivant à Madagascar.

Un expert a voulu savoir si Madagascar était prête à reconnaître la compétence du Comité pour recevoir des plaintes individuelles.

Une experte a attiré l’attention de la délégation sur les observations générales élaborées par le Comité portant, en particulier, sur les travailleurs domestiques et sur les droits des enfants dans le contexte de migrations internationales, qui contiennent des indications utiles pour les pays au sujet de la façon d’élaborer des plans d’application de la Convention.

Réponses de la délégation

La délégation a constaté que les questions qui lui ont été posées tendaient à ce que Madagascar améliore sa pratique dans la réalisation de la Convention.

La délégation est convenue que la loi régissant l’immigration n’est pas conforme à la Convention. C’est pourquoi Madagascar a essayé de mettre sa loi en conformité avec cet instrument, a-t-elle souligné.

S’agissant de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme, la délégation a indiqué que cette instance a pour attribution principale la promotion et la protection des droits de l’homme de tous, sans exception, y compris les travailleurs migrants. Cette Commission est indépendante: ses membres ne sont soumis qu’à la loi, aucun organe de l’État ne pouvant leur faire d’injonction s’agissant de l’exécution de leur mandat. Les membres de la Commission ne peuvent être révoqués que pour des motifs graves; ils ne peuvent en outre être poursuivis pour des faits accomplis dans l’exercice de leur mandat. Autre facteur d’indépendance, le budget de la Commission est inscrit dans la loi de finances, a fait valoir la délégation. Le Gouvernement met à la disposition de cette instance des bâtiments et des personnels techniques et administratifs, a-t-elle ajouté.

La Commission a déjà mené des enquêtes sur des violations des droits de l’homme, a en outre souligné la délégation. Le processus d’accréditation de la Commission auprès du Comité international des institutions nationales de droits de l’homme est en cours, a-t-elle indiqué.

Conformément à la loi, l’allocation budgétaire (l’équivalent d’environ 1,18 million de dollars des États-Unis) attribuée à la Commission nationale indépendante des droits de l’homme est inscrite dans la loi de finances. La Commission bénéficie aussi d’aide en nature de la part des partenaires internationaux de Madagascar. Les autorités sont conscientes du fait que le budget de la Commission ne lui permet pas d’accomplir l’ensemble de ses tâches; mais il sera progressivement augmenté, a assuré la délégation.

La participation de la société civile à l’élaboration du rapport s’inscrit dans le cadre du mécanisme national interministériel mis en place pour l’établissement des rapports dus par Madagascar au titre des traités ratifiés par le pays, a par ailleurs expliqué la délégation. Les représentants d’associations de défense des droits des femmes et des enfants, ainsi que des travailleurs sociaux, entre autres, font partie de ce mécanisme. Les organisations de la société civile sont impliquées tant dans la rédaction des rapports que dans leur diffusion.

En 2007, Madagascar a élaboré une loi sur la traite des personnes et le tourisme sexuel, a d’autre part rappelé la délégation. Suite à des objections et sur avis d’experts, le Gouvernement a par la suite élaboré en 2016 une loi plus sévère qui prévoit notamment des sanctions conformes aux normes internationales dans ce domaine. La nouvelle loi antitraite a donné lieu à l’établissement de statistiques et au lancement de programmes de formation et de sensibilisation menés dans des régions cibles. La prise en charge des victimes de la traite des personnes est également assurée aux termes de cette loi de 2016.

La délégation a ensuite souligné que la Constitution de Madagascar consacrait le principe de non-discrimination, tous les individus étant considérés comme égaux devant la loi.

Les travailleurs migrants accèdent gratuitement aux soins de santé et aux soins d’urgence à Madagascar, a d’autre part fait valoir la délégation.

La loi de 2007 sur le mariage consacre la monogamie: les cas de polygamie constatés sont donc illégaux, a par ailleurs indiqué la délégation. Les autorités n’ont pas enregistré d’émigration fondée sur la discrimination sexiste ou la polygamie, a-t-elle ajouté.

L’école nationale de magistrature et l’école formant les gardiens de prison dispensent un enseignement sur le contenu de cet instrument. Gendarmes et policiers suivent, quant à eux, depuis 2017, un module de formation continue sur les droits des travailleurs migrants et de leurs familles, a indiqué la délégation.

Les autorités ont pris des mesures pour informer le public du contenu des instruments internationaux ratifiés par Madagascar et former les fonctionnaires concernés par l’application de leurs dispositions, a par la suite insisté la délégation.

Les travailleurs migrants ont accès à la justice conformément aux dispositions de la loi et des principes qui régissent le droit de chacun d’ester en justice, jusqu’en cassation le cas échéant, a souligné la délégation. Le Code de procédure régit l’effet suspensif des recours pour tous les justiciables, nationaux comme étrangers, a-t-elle ajouté. Elle a en outre fait valoir qu’à ce jour, aucun travailleur migrant à Madagascar ne s’était vu refuser l’accès à la justice. Il est arrivé, en revanche, de voir des entreprises étrangères établies à Madagascar poursuivies devant les tribunaux pour des mauvais traitements à l’encontre de travailleurs malgaches, a fait observer la délégation.

La loi de 1962 prévoit que tout étranger frappé par une décision d’expulsion peut demander à une commission provinciale spéciale de reconsidérer cette décision. Cette décision étant de nature administrative, elle peut faire l’objet d’un recours auprès du Conseil d’État, ce recours ayant un effet suspensif (de la décision d’expulsion). Certaines personnes recherchées par la justice internationale, certaines personnes considérées comme personae non gratae, peuvent faire l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière, qui est distincte de l’expulsion proprement dite, a précisé la délégation. Quant aux personnes convaincues de délits ou de crimes, elles sont toutes traitées sur un pied d’égalité, qu’elles soient malgaches ou étrangères, a ajouté la délégation.

Madagascar ne dispose pas de centres de rétention administrative pour migrants en situation irrégulière, a souligné la délégation.

L’expulsion ou le refoulement de migrants sont considérés comme des mesures de nature administrative, a par la suite précisé la délégation. Vu le manque de centre de rétention à Madagascar, les personnes concernées doivent être retenues, avant leur départ, dans les commissariats de police, a-t-elle expliqué. Le Gouvernement malgache demande aux associations de migrants et aux représentations diplomatiques de l’aider à prendre en charge ces personnes, a-t-elle ajouté.

Les migrants détenus sont placés dans les mêmes lieux de détention que les Malgaches, a par la suite expliqué la délégation. Les représentations consulaires sont informées de la détention des migrants, ces derniers bénéficiant de services d’interprètes. Les officiers de police judiciaire sont tenus d’informer les migrants arrêtés de leur droit de consulter un médecin et un avocat, a précisé la délégation. La permanence juridique d’Antananarivo, mais aussi plusieurs « cliniques juridiques » et plus de vingt bureaux spécialisés prodiguent des conseils juridiques aux justiciables, y compris aux migrants.

La délégation a indiqué que Madagascar tiendrait compte des recommandations des experts s’agissant de la création de voies de recours juridiques pour les migrants. Elle a souligné qu’il était très rare que des migrants soient poursuivis au seul motif de leur statut.

La délégation a indiqué que l’adoption de la Convention avait permis à Madagascar d’accélérer les négociations avec trois États autour d’accords-cadres en matière de migration à des fins de travail. Madagascar est en train de mettre en place le processus de ratification des instruments internationaux sur la migration que le pays n’a pas encore ratifiés, a fait savoir la délégation. Madagascar est en train de ratifier la Convention de l’Organisation internationale du Travail sur les travailleurs domestiques, a-t-elle ajouté.

Les autorités malagasy sont en train d’étudier des moyens de donner le droit de vote aux Malgaches de la diaspora; elles cherchent, plus généralement, de nouveaux moyens de faciliter la participation des émigrés malgaches à la vie politique nationale, a fait savoir la délégation.

Les raisons qui poussent à l’émigration sont de nature essentiellement professionnelle; d’autres motifs d’émigration sont le regroupement familial et les études, a expliqué la délégation.

Durant le dialogue, M. El-Borai a appelé Madagascar à faire preuve de vigilance dans sa négociation d’accords bilatéraux avec le Liban, l’Arabie saoudite et les Comores. M. Tall a fait observer, à ce propos, que le Liban et l’Arabie saoudite n’étaient pas partie à la Convention et que les travailleurs domestiques en Arabie saoudite étaient parfois confrontés à des situations difficiles; le corapporteur a donc voulu savoir si Madagascar avait obtenu des garanties à ce sujet. La délégation a rappelé à ce propos que Madagascar avait suspendu l’émigration de travailleurs malgaches vers certains pays où des problèmes se sont posés.

La délégation a ensuite précisé que le Comité interministériel chargé de veiller à la protection des intérêts des travailleurs émigrés avait obtenu la libération de travailleuses domestiques dans des pays à haut risque et leur rapatriement à Madagascar. L’accord-cadre de collaboration avec les Comores, qui concerne plusieurs secteurs, est en cours de révision, en particulier pour ce qui a trait à la migration. De nombreuses migrantes se rendent au Liban et en Arabie saoudite pour travailler en tant que domestiques; ces deux pays n’étant pas parties à la Convention, les autorités malgaches négocient avec eux des accords-cadres portant sur la résolution des conflits, la sécurité sociale, le transfert de fonds, le rôle des agences de placement, et d’autres aspects encore, a indiqué la délégation.

Les agences de placement n’ont pas le droit de facturer leurs services aux travailleurs placés, a indiqué la délégation.

Un expert ayant voulu connaître la raison ayant présidé à la suppression de l’agrément de toutes les agences de placement en 2015, la délégation a expliqué que cette décision avait été motivée par la volonté de protéger les droits des travailleurs malgaches partis dans des pays à haut risque – des pays où des jeunes femmes malgaches domestiques étaient victimes de mauvais traitements et où certaines étaient même décédées. Le Gouvernement malagasy avait alors décidé de recenser les agences et s’était aperçu que certaines d’entre elles avaient des activités clandestines. Les autorités malgaches sont toujours soucieuses de prévenir les éventuels abus que peut engendrer l’exploitation des candidats à l’émigration par les agences de placement, a insisté la délégation.

Les étrangers salariés ne peuvent occuper un emploi qu’avec l’accord des autorités; Madagascar a créé à cet effet un « guichet unique » regroupant les ministères concernés. Ce guichet reçoit et examine les pièces nécessaires à l’obtention des permis de travail, qu’il établit également, a expliqué la délégation.

Les travailleurs migrants jouissent tous du droit de s’affilier au syndicat de leur choix et du droit de bénéficier de la sécurité sociale au même titre que les Malgaches, a assuré la délégation. Elle a toutefois précisé qu’à l’heure actuelle, 70% au moins de la population malgache n’est pas couverte par la sécurité sociale et reste très vulnérable. La délégation a prié le Comité, à ce propos, de prendre la mesure des progrès réalisés depuis trois ans par les nouvelles autorités en matière de protection des droits des migrants.

La délégation a par ailleurs donné des renseignements sur les conditions de séjour à Madagascar. Tout étranger se rendant à Madagascar pour plus de trois mois doit obtenir un visa d’immigration auprès des ambassades malgaches. La demande de titre de séjour dépend, elle, du Ministère de l’intérieur et doit se faire sur place, à Madagascar; les cartes de séjour sont valables dix ans. En cas de perte, l’intéressé demande un duplicata et reçoit, dans l’attente de ce document, une attestation l’autorisant à rester à Madagascar.

La délégation a précisé que si aucune disposition particulière ne venait protéger les enfants des migrants, ces derniers étaient cependant couverts par la loi de 2007 sur la protection des mineurs vivant à Madagascar. La police nationale a pris des mesures pour faciliter l’établissement de pièces d’identité pour les enfants, a ajouté la délégation.

Toujours s’agissant de la protection des mineurs, il est vrai que des cas d’exploitation de jeunes filles malgaches ont été recensés en Chine, a poursuivi la délégation. Dans ce cadre, les autorités de Madagascar collaborent avec la Chine pour lutter contre les réseaux de passeurs et, avec l’Organisation internationale pour les migrations aux fins du rapatriement des victimes.

La lutte contre le travail forcé et l’exploitation sexuelle est régie par loi de 2014 sur cette question. Le Gouvernement a intensifié, dans ce domaine, les campagnes de sensibilisation du public et a lancé des programmes de renforcement des capacités des intervenants concernés, policiers et avocats, notamment.

Pour ce qui est de la répression de la corruption, Madagascar a adopté en 2004 une loi-cadre qui a permis de traiter treize cas impliquant seize personnes qui ont toutes été condamnées. La loi a été amendée en 2016, portant notamment création de pôles anticorruption. Dix personnes sont actuellement placées sous mandat de dépôt: toutes sont d’anciens responsables administratifs ou politiques de haut niveau. Cela témoigne de la volonté de Madagascar de combattre la corruption, a souligné la délégation.

En outre, une Inspection générale de la police nationale a été créée en 2011, qui a compétence pour recevoir toute plainte contre des mauvais comportements de la part de policiers. Des policiers ont déjà été condamnés, a précisé la délégation. L’Inspection mène aussi un travail de sensibilisation au sein de la police, a-t-elle ajouté.

Le Gouvernement a décidé de se doter d’un mécanisme de collecte statistique centralisé pour la gestion des migrations, a par ailleurs indiqué la délégation, précisant que le Ministère de l’économie serait en charge de ce mécanisme.

L’adoption d’une politique nationale de migration est également en cours, a d’autre part indiqué la délégation.

Il a été précisé que les transferts de fonds par les travailleurs migrants étaient soumis à la loi de 2004 contre le blanchiment d’argent. La grande majorité des travailleurs migrants malgaches envoient de l’argent à leurs familles restées au pays. Une initiative du Gouvernement malagasy tendant à faciliter les transferts de fonds a été lancée en 2018, dans le cadre de la mise en place de la politique nationale de migration, a indiqué la délégation.

La délégation a précisé que la notion de « travailleurs déplacés » englobait d’office les travailleurs migrants.

Remarques de conclusion

M. TALL s’est dit satisfait du dialogue constructif noué avec la délégation malgache, saluant les réponses pertinentes et honnêtes qu’elle a apportées aux questions qui lui étaient posées – des réponses qui témoignent de la volonté de Madagascar de collaborer avec les institutions des Nations Unies. La ratification de la Convention par Madagascar il y a trois ans appelle maintenant à un toilettage de la loi nationale sur les migrations, surtout dans le cadre de la négociation en cours d’accords bilatéraux avec des pays que le Comité lui-même considère comme « à risque », a souligné M. Tall. Madagascar doit veiller à garantir effectivement les droits de ses ressortissants expatriés dans ces pays, a insisté le corapporteur et par ailleurs Président du Comité.

M. Tall a enfin dit ne pas avoir constaté de violations graves des droits des migrants à Madagascar. Il importe néanmoins que les normes législatives malgaches soient portées au niveau des normes internationales en la matière, a-t-il conclu.

M. EL-BORAI a une nouvelle fois dit comprendre les difficultés que rencontre Madagascar; il a cependant fait observer que le système juridique malgache devrait être harmonisé avec les dispositions de la Convention. Le corapporteur a aussi insisté sur l’importance de l’établissement de statistiques fiables: le Comité doit pouvoir déterminer, à partir de faits, si les dispositions de la Convention sont effectivement appliquées, a souligné M. Al-Borai.

MME HARIMISA a remercié les membres du Comité pour leurs recommandations constructives. Elle les a assurés que son Gouvernement renforcerait encore ses efforts pour garantir le respect, la promotion et la protection des droits des migrants et de leurs familles, en tenant pleinement compte des recommandations du Comité. Mme Harimisa a en outre sollicité le soutien des partenaires internationaux pour aider son pays dans ses démarches.


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CMW18/09F