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COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DE L’ALLEMAGNE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, aujourd'hui, le rapport périodique présenté par l'Allemagne sur les mesures qu'elle a prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Présentant le rapport, M. Björn Böhning, Secrétaire d'État auprès du Ministère du travail et des affaires sociales, a dit d'emblée la préoccupation du gouvernement allemand face à la remise en cause croissante du multilatéralisme et de ses institutions. Pour sa part, l'Allemagne est fermement attachée au système multilatéral. Elle estime en outre que le respect des droits de l'homme, y compris des droits économiques, sociaux et culturels pour tous, n'est pas négociable, c'est la responsabilité de chaque État. Mais il n'y a pas toujours des solutions rapides et faciles et l'on est parfois confronté à des difficultés pratiques, comme a pu le constater l'Allemagne en 2015 et 2016 lorsqu'elle a accueilli un grand nombre de réfugiés. Pour sa part, l'Allemagne est déterminée à défendre les réalisations des Nations Unies et du système des droits de l'homme et elle estime essentiel, en particulier en cette période de montée du populisme et du nationalisme, de renforcer les Nations Unies. L'Allemagne participe à la promotion des droits économiques, sociaux et culturels sur le plan international et elle a fait des droits de l'homme le principe directeur de sa coopération internationale. Au plan national, l'Allemagne veille à mettre en œuvre tous les droits, et M. Böhning a cité plusieurs mesures prises par le nouveau gouvernement de coalition, notamment s'agissant de la construction de logements sociaux, de l'augmentation du personnel hospitalier, de la lutte contre la pauvreté.

L'importante délégation allemande était également composée d'une douzaine de fonctionnaires du Ministère du travail et des affaires sociales, de représentants des Ministères des affaires étrangères, de la famille, de la santé et de l'intérieur, ainsi que de la Conférence fédérale des ministres de l'éducation et de la culture des Länder, de représentants de deux Länder et d'un membre de l'Association des villes d'Allemagne. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant notamment de la part importante des emplois précaires en Allemagne; de l'insuffisance de logements sociaux; de la lutte contre la pauvreté; de l'intégration des réfugiés; du bilan de la réunification allemande; des engagements de Berlin face au changement climatique.

La délégation a en particulier mis en avant les mesures prises pour intégrer au mieux les étrangers ayant afflué dans le pays ces dernières années, reconnaissant notamment que cette intégration pourrait prendre jusqu'à une génération. Elle a admis des différences de développement entre les régions allemandes, en particulier entre l'Est et l'Ouest. Interrogée sur l'interdiction du droit de grève des fonctionnaires, la délégation a assuré que le secteur public était défendu par des syndicats combattifs. Elle a aussi mis en avant les mesures prises en matière de lutte contre la pauvreté, tout en reconnaissant l'insuffisance de logements sociaux et le non-respect par certaines entreprises du salaire minimum en vigueur depuis peu. Interrogée sur la réglementation des ventes d'armes, la délégation a affirmé qu'elles faisaient l'objet d'un contrôle rigoureux afin de s'assurer qu'elles ne soient pas destinées à des zones de conflit. En réponse à des questions sur la situation des personnes transsexuelles, la délégation a fait valoir que la Cour constitutionnelle fédérale avait reconnu un «troisième genre», mais a reconnu que la législation était déjà ancienne et devait être amendée.

Le groupe d'experts du Comité pour l'examen du rapport était présidé par M. Chandrashekhar Dasgupta. Parmi les thèmes abordés, les membres du Comité se sont étonnés de la réticence apparente de l'Allemagne à ratifier le Protocole facultatif, un expert s'interrogeant même sur l'engagement du pays envers le Pacte. Si la flexibilisation du marché du travail instaurée il y a une quinzaine d'années a pu avoir un effet positif sur les chiffres du chômage, le coût social de l'importante progression du travail précaire dans le pays a été souligné. A aussi été abordée la question de l'application insuffisante des mesures visant à assurer le respect des droits de l'homme dans le cadre des activités des entreprises allemandes à l'étranger.

Les observations finales du Comité sur le rapport de l'Allemagne seront rendues publiques peu après la fin de la session, qui se termine le 12 octobre prochain.


Le Comité procèdera, demain matin à partir de 10 heures, à un examen du rapport initial du Mali (E/C.12/MLI/1), dont le Gouvernement a indiqué qu'il ne serait pas en mesure de dépêcher une délégation à Genève pour le présenter.


Présentation du rapport de l'Allemagne

Le Comité est saisi du rapport de l'Allemagne (E/C.12/DEU/6) et de ses réponses à une liste de points à traiter (E/C.12/DEU/Q/6/Add.1) que lui a adressée le Comité (E/C.12/DEU/Q/6).

M. BJÖRN BÖHNING, Secrétaire d'État au ministère fédéral du travail et des affaires sociales de l'Allemagne, a rappelé que le dernier examen avait eu lieu en 2011. Beaucoup a changé depuis «et pas toujours pour le mieux», a-t-il ajouté. Il a regretté en particulier la remise en cause du multilatéralisme et de ses institutions, ce qui préoccupe grandement le gouvernement allemand. Il semble que les valeurs des Nations Unies ne soient plus une évidence: le dialogue d'égal à égal, la recherche commune de solutions et la protection des droits inaliénables, tout ce qui permet une coexistence pacifique avec des règles claires. Le Secrétaire d'État a réaffirmé l'attachement du gouvernement allemand au système multilatéral. Le respect des droits de l'homme, y compris des droits économiques, sociaux et culturels pour tous, n'est pas négociable, c'est la responsabilité de chaque État.

M. Böhning a toutefois ajouté qu'il n'y avait pas toujours des solutions rapides et faciles et l'on est parfois confronté à des difficultés pratiques, comme a pu le constater l'Allemagne en 2015 et 2016 lorsqu'elle a accueilli un grand nombre de réfugiés. Il reste que les droits de l'homme doivent rester le critère déterminant et l'objectif des gouvernements. Pour sa part, l'Allemagne est déterminée à défendre les réalisations des Nations Unies et du système des droits de l'homme. Il est essentiel pour elle, en particulier en cette période de montée du populisme et du nationalisme, de renforcer les Nations Unies.

L'Allemagne participe à la promotion des droits économiques, sociaux et culturels sur le plan international et elle a fait des droits de l'homme le principe directeur de sa coopération internationale.

Au plan national, l'Allemagne veille à mettre en œuvre tous les droits, de concert avec les parties prenantes concernées, à commencer par les organisations de la société civile. Elles ont été consultées en préparation de ce dialogue. M. Böhning a déclaré que, sur le plan juridique, l'Allemagne n'a pas de divergences avec le Comité, même si son interprétation du Pacte peut être éventuellement différente de la sienne. Ainsi, le Secrétaire d'État a reconnu que l'on peut s'interroger sur la question de savoir si l'interdiction du droit de grève pour les fonctionnaires allemands est conforme au Pacte.

M. Böhning a cité un certain nombre de mesures prises par le nouveau Gouvernement de coalition. Le marché du logement étant extrêmement tendu, il a été décidé en mai de consacrer deux milliards d'euros en 2020-2021 aux logements sociaux. Dans le domaine de la santé, il a été décidé de créer 13 000 nouveaux postes dans les hôpitaux. Le Gouvernement a aussi pour priorité d'assurer de meilleures conditions de travail au personnel soignant. En ce qui concerne la lutte contre la pauvreté, l'accord de coalition prévoit d'accroître les allocations aux foyers dans le besoin.

Le Ministre a conclu son intervention en affirmant que si sa délégation devait avoir des désaccords avec les membres du Comité, l'échange qui en résulterait ne pourrait en être que plus fructueux et positif.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. Chandrashekhar Dasgupta, président du groupe d'experts du Comité chargé de l'examen du rapport de l'Allemagne, a déclaré que les membres du Comité sont troublés par le passage du rapport concernant la tolérance accordée aux communautés religieuses en matière de traitement spécifique pouvant s'apparenter à une forme de discrimination, ce qui constituerait une violation du Pacte.

Les experts sont aussi surpris par le faible engagement de l'Allemagne en matière de réduction des émissions des gaz à effet de serre, alors qu'elle a signé l'Accord de Paris, plus ambitieux que la politique environnementale allemande. Le pays prévoit-il ou non de respecter cet Accord ?

Dans le domaine agricole, les s'interrogent sur la politique de l'Allemagne envers les pays ayant un déficit alimentaire, notamment en ce qui concerne l'évaluation et le suivi des effets de la politique agricole commune (PAC) de l'Union européenne sur les pays à faible revenu, en particulier dans la perspective de la renégociation à venir de la PAC.

Les membres du Comité s'interrogent sur l'exigence européenne selon laquelle les médicaments génériques doivent être testés comme s'il s'agissait de produits nouveaux, alors même que leur composition est rigoureusement identique aux médicaments originaux. Cette disposition a notamment pour effet de renchérir inutilement les médicaments génériques.

Un membre du Comité s'est interrogé sur l'engagement de l'Allemagne à respecter le Pacte, à la lumière de sa réticence à ratifier le Protocole facultatif prévoyant une procédure de plainte. Il a par ailleurs demandé à la délégation de brosser le tableau de l'intégration des étrangers naturalisés allemands.

Un autre expert a demandé quelle était la position de l'Allemagne s'agissant du respect par les entreprises des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, ce qui peut, par ailleurs, créer une distorsion de concurrence avec celles qui les appliquent. Il s'est aussi enquis des exportations d'armes par l'Allemagne alors que celle-ci a signé le Traité sur le commerce des armes. Quelles leçons l'Allemagne tire-t-elle des erreurs des gouvernements passés qui ont autorisé des exportations d'armes vers des pays en conflit ?

Si l'Allemagne a accompli des progrès significatifs dans la reconnaissance des personnes transsexuelles, sa législation apparaît aujourd'hui dépassée, utilisant des termes tels que «troubles de l'identité sexuelle». A-t-elle l'intention de modifier son cadre législatif dans ce domaine? Une experte a posé plusieurs questions sur la façon dont sont traitées les personnes intersexuées, en souhaitant notamment savoir selon quelles modalités était prise la décision d'effectuer une intervention chirurgicale sur nourrisson.

Une experte a souligné par ailleurs que très peu de femmes siégeaient aux conseils d'administration des grandes sociétés. Elle a aussi voulu savoir si la délégation était satisfaite de la façon dont les médias présentent les femmes. Par ailleurs, l'Allemagne a-t-elle l'intention de combler l'écart salarial entre hommes et femmes, évalué à 10%.

Une question a aussi été posée sur le rôle de l'Allemagne au sein du Fonds monétaire international dont elle est l'un des principaux contributeurs.

Un expert a demandé à la délégation de faire le point sur la persistance de différences entre les parties occidentale et orientale de l'Allemagne, s'agissant de la survivance de préjugés envers les citoyens de l'ex-République démocratique allemande de la part de leurs compatriotes de l'Ouest.

Pour remédier au déficit de travailleurs qualifiés – chiffré à 1,2 million d'emplois non pourvus – l'Allemagne a pris des mesures visant à favoriser l'embauche de travailleurs étrangers. Toutefois, ceux-ci ne peuvent bénéficier des avantages sociaux dont peuvent se prévaloir les Allemands et les travailleurs immigrés présents depuis au moins cinq ans, ce qui est susceptible de constituer un traitement discriminatoire.

La délégation a été interrogée sur ce qui justifiait que le montant des prestations sociales soit différent pour les demandeurs d'asile par rapport aux autres étrangers. Des inquiétudes se sont exprimées du fait que des personnes séjournant illégalement sur le territoire et sollicitant des soins de santé puissent être dénoncés aux autorités, avec le risque élevé d'être expulsées, ainsi que le reconnaît l'État partie lui-même, «avec une franchise déconcertante dans ses réponses écrites», a noté un expert.

Les experts ont aussi relevé la progression du travail précaire dans le pays, avec l'augmentation des emplois à temps partiel ou des contrats à court terme, par exemple. Si cette politique mise en place il y a une quinzaine d'années a eu un effet positif sur les chiffres du chômage, son coût social est élevé. Un expert a demandé quels étaient les possibilités pour un chômeur de refuser un travail qui l'obligerait à changer de région.

Une question a été posée sur le taux de syndicalisation dans le pays et les experts ont voulu savoir si les fonctionnaires, du fait qu'ils n'ont pas le droit de grève, ont une autre possibilité de faire valoir leurs revendications.

Un expert a abordé la question du regroupement familial désormais limité à un millier de familles migrantes par mois. Comment, sur quels critères détermine-t-on qui peut en bénéficier ?

Les membres du Comité ont constaté la longue période d'attente pour obtenir un logement social, tout en prenant note de la volonté affichée d'en améliorer l'accès. Malgré tout, les dépenses en faveur des logements sociaux semblent avoir beaucoup diminué, passant de dix milliards à près de deux milliards d'euros ces dix dernières années, une régression surprenante dans un pays riche comme l'Allemagne.

En ce qui concerne la population vivant dans la pauvreté, l'attention s'est portée sur le fait qu'un écolier sur quatre prenait le chemin de l'école le matin sans déjeuner. Le Gouvernement entend-il adopter des mesures pour généraliser la possibilité de prendre le petit-déjeuner à l'école?

Alors que le salaire minimum est fixé à 8,50 euros de l'heure, il apparaît dans une annexe du rapport qu'un nombre non négligeable d'entreprises ne respectent pas ce seuil, s'est étonné un expert.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité, la délégation allemande a notamment fait valoir que l'accord de coalition avait confirmé l'intention de l'Allemagne de ratifier le Protocole facultatif sur l'examen par le Comité de plaintes contre les États parties. Le problème qu'a rencontré l'Allemagne ces dernières années ne tient pas tant au Pacte lui-même qu'à l'interprétation qu'en fait le Comité. La ratification dépend aussi du résultat de la consultation indispensable et préalable des Länder (États fédérés). Le Gouvernement espère pouvoir adopter une position claire et coordonnée dans un proche avenir. S'il est important pour l'Allemagne de franchir un pas de plus en direction de la ratification, son aboutissement apparaît prématuré tant qu'un consensus n'aura pas été atteint à ce sujet dans le pays.

L'Allemagne n'atteint pas ses objectifs en matière d'aide au développement, a reconnu la délégation, qui a indiqué ne pas être ne mesure de de dire si ceux-ci seront atteints à l'avenir, cet objectif dépendant du budget en cours d'élaboration et de la croissance économique du pays.

S'agissant de questions posées par les membres du Comité sur la législation interdisant la discrimination et les dispositions sur le statut des églises en Allemagne, la délégation a précisé que les communautés religieuses ne jouissent pas d'une liberté totale d'interprétation. Elles sont naturellement tenues de respecter la Constitution et les droits de l'homme. Toutefois, la jurisprudence a permis de trouver un équilibre qui permet aux églises d'imposer à leurs salariés un certain nombre d'exigences particulières. Cela a effectivement soulevé une controverse et la saisine de la Cour européenne des droits de l'homme s'agissant de deux affaires. Il reviendra aux tribunaux allemands de faire appliquer les décisions de la Cour européenne.

La délégation a reconnu que l'Allemagne n'atteindra probablement pas les objectifs fixés à l'horizon 2020 en matière de lutte contre le changement climatique. Elle reste toutefois engagée par sa signature de l'Accord de Paris. Elle a décidé d'augmenter les budgets consacrés à cette fin dont le montant a été fixé à 750 millions d'euros, dont 65 millions ont déjà été engagés. Elle prévoit notamment d'en finir à terme avec l'exploitation du lignite, tout en veillant aux conséquences sociales de cette décision.

Le Gouvernement est convaincu que la question de l'intégration des réfugiés est fondamentale dans la mesure où il est clair qu'un grand nombre d'étrangers ne rentreront pas chez eux. Les réfugiés reçoivent des cours d'allemand à hauteur de 600 heures; ils sont en outre informés de la législation les concernant. Des mesures d'inclusion, qui peuvent être différentes d'un Land à l'autre, sont mises en place dans les centres d'accueil. Le Gouvernement a adopté une stratégie d'intégration visant à fournir des services adaptés à chaque individu. Des formations professionnelles d'une durée de deux ans sont proposées, y compris à ceux qui ont l'intention de rentrer dans leur pays. Il est clair qu'il faut de nombreuses années pour assurer l'intégration et que cela prendra peut-être une génération.

Pour ce qui a trait aux limitations concernant les prestations sociales, les citoyens européens bénéficient, sous réserve de certaines conditions, des mêmes droits que les Allemands en la matière. Ils ont accès dans tous les cas aux soins de santé d'urgence. Pour ce qui concerne les migrants, des mesures compensatoires substantielles ont été prises en leur faveur.

S'agissant de la mise en œuvre du plan d'action national sur les entreprises et des droits de l'homme, la délégation a indiqué que la moitié des sociétés de plus de 500 salariés devront avoir mis en application, d'ici 2020, un devoir de diligence en matière de droits fondamentaux. Un bilan sera alors tiré et si cet objectif volontaire n'a pas été atteint, des mesures législatives contraignantes seront prises. Un pays comme la France a d'ores et déjà promulgué une loi sur le devoir de diligence des entreprises et les droits de l'homme, a rappelé la délégation.

Les licences d'exportation d'armes ne sont accordées que lorsque l'administration s'est assurée de leur destination finale. Il y a eu 89 cas de refus l'an dernier pour un montant total plus de 14 milliard d'euros. L'Allemagne, avec la Suisse, est l'un des rares pays à agir de même.

S'agissant des questions des experts en ce qui concerne la situation des personnes transsexuelles, la délégation a fait valoir que la Cour constitutionnelle fédérale avait reconnu un «troisième genre». Il est exact toutefois que la législation est ancienne et qu'elle doit être amendée. Le mariage entre personnes de même sexe est d'ores et déjà légal en Allemagne. En ce qui concerne par ailleurs la question posée sur les opérations infligées aux individus intersexués à la naissance, il est possible de ne pas indiquer le genre d'un enfant lorsqu'un bébé naît avec des caractères sexuels indéterminés.

En réponse à des questions sur la situation des personnes intersexuées, la délégation a indiqué que l'État ne disposait pas de données sur les interventions chirurgicales pratiquées, soulignant que, par le passé, de telles interventions avaient lieu à la demande des parents. Il a toutefois été clairement et publiquement établi que des interventions à la naissance ne sauraient intervenir qu'en cas de danger pour la vie de l'enfant.

Bien que l'éducation soit du ressort des Länder, l'adoption récente d'un amendement constitutionnel permettra au Gouvernement fédéral de verser des subventions au bénéfice de ce secteur. Cela permettra sans nul doute d'améliorer l'effort du pays en faveur de l'instruction des enfants.

En matière d'égalité des sexes, des mesures ont été prises contre les stéréotypes sexistes et les discriminations sexuelles au travail, notamment avec la création d'un bureau fédéral chargé de cette question. Des mesures supplémentaires devront être prises, a reconnu la délégation. Elle a toutefois fait valoir que des quotas avaient été fixés s'agissant de la présence de femmes dans les conseils d'administration. Quant à la représentation des femmes dans les médias, elle est du ressort des États fédérés et des mécanismes locaux existent pour combattre le sexisme dans les médias. La représentation des femmes comme objets sexuels suscite des débats croissants dans le pays, a ajouté la délégation.

Le bilan de la réunification de l'Allemagne, événement incontestablement positif qui a fait de deux États une seule nation, doit être dressé dans un prochain rapport au Gouvernement. Toutefois, l'unification n'est pas entièrement achevée, notamment sur le plan des infrastructures et du sous-développement de la partie orientale de l'Allemagne. Si certaines régions ont fortement progressé, notamment autour de Dresde, ce n'est pas le cas partout. L'Allemagne orientale connaît aussi un retard s'agissant de ses équipements et structures de santé. Il faut toutefois avoir à l'esprit que des régions occidentales sont aussi concernées par des problèmes de développement, notamment celles qui dépendaient fortement de l'extraction du charbon. Le développement des régions connaissant un retard économique est, par conséquent, un sujet qui concerne toute la fédération, à l'Est comme à l'Ouest.

Pour ce qui concerne les emplois précaires, la délégation a souligné que quelque sept millions de salariés bénéficient d'aides sociales. En outre, certains de ces emplois constituent des passerelles vers des contrats plus stables, a souligné la délégation. Le salaire minimum est fixé par une commission indépendante qui est chargée d'en réévaluer le montant tous les cinq ans. La délégation a dit qu'un débat devrait avoir lieu dans l'avenir sur les bas salaires, même si beaucoup a été fait depuis quatre ans. Il y a environ deux millions de travailleurs dans le pays qui ne bénéficient pas du système de protection sociale. Pour y remédier, il est prévu d'instaurer une obligation de souscrire une assurance privée. Le Gouvernement a aussi l'intention de lutter contre le phénomène des faux travailleurs indépendants qui sont, en fait, employés par des plateformes numériques. La possibilité d'enchaîner indéfiniment le nombre de contrats à durée déterminée va être réduit.

Le taux d'occupation des femmes en Allemagne est de 77%, une part que le Gouvernement entend augmenter, notamment en incitant à diminuer les emplois à temps partiel au profit des temps pleins. Les premiers ont en effet un impact sur le niveau des pensions d'un grand nombre de femmes ayant interrompu leur carrière pour élever leurs enfants ou ayant opté pour travailler à mi-temps.

En réponse à d'autres questions, la délégation a confirmé que les syndicats connaissaient en effet une baisse du nombre de leurs adhérents. Le Gouvernement entend promouvoir l'élargissement de la couverture des conventions collectives afin de permettre une réévaluation des salaires.

Si les fonctionnaires n'ont pas le droit de grève, ils jouissent d'autres droits, notamment celui de se syndiquer. Avant d'adopter une loi affectant la fonction publique, les syndicats de fonctionnaires doivent être consultés, ceux-ci se montrant extrêmement actifs à cet égard, a assuré la délégation.

Le regroupement familial, qui concerne un millier de personnes par mois, peut aussi s'appliquer aux situations d'urgence. Le Gouvernement considère que ce chiffre est tout à fait conforme au respect des droits fondamentaux, d'autant qu'il faut aussi tenir compte des capacités limitées par nature de loger les nouveaux arrivants et de traiter les demandes dans les ambassades allemandes.

La lutte contre la pauvreté des enfants est une priorité du nouveau gouvernement. Près de 600 000 enfants bénéficient d'allocations au titre de l'aide à l'éducation sur un total de près de 1,7 million d'écoliers. Les allocations familiales seront revalorisées. Répondant aux questions sur l'alimentation des enfants, la délégation a affirmé que le problème n'était pas tant l'absence de repas qu'un déséquilibre diététique. Si l'État et les Länder considèrent que ce sont les parents qui sont les premiers responsables d'une bonne alimentation, on veille néanmoins à ce que les cantines des établissements scolaires et des crèches répondent du mieux possible aux déficiences.

S'agissant de l'insuffisance de logements sociaux, la délégation a souligné que l'on ne pouvait augmenter la construction de logements de manière exponentielle, d'autant que les parcelles disponibles dans les villes sont limitées. Elle a aussi rappelé qu'au début des années 2000, les prévisions faisaient état d'une contraction de la demande de logements. Il apparaissait ainsi à l'époque qu'il serait suffisant d'entretenir ou de rénover les logements existants. Dans les faits, les zones urbaines ont continué de s'étendre, à la suite d'afflux internes à l'Allemagne et en provenance de l'étranger. La baisse du budget s'explique enfin par la privatisation d'une partie du secteur du logement social, ainsi que par la délégation des compétences aux Länder en matière de logement social.

Une étude a révélé que 750 000 travailleurs recevaient des traitements rémunérés au-dessous du salaire minimum l'an dernier. Mais la délégation a souligné que le salaire minimum en Allemagne était de création récente, un bilan de l'application de la législation étant prévu d'ici deux ans. La délégation a assuré que le Gouvernement était déterminé à agir contre les entreprises ne respectant pas la loi. Elle a souligné que les salariés eux-mêmes pouvaient porter plainte, tout en reconnaissant la complexité de la démarche, s'agissant notamment des travailleurs domestiques qui entretiennent une relation étroite avec leur employeur. Par ailleurs, des mesures sont prises contre le travail au noir, la délégation reconnaissant l'existence d'un secteur informel sans être en mesure d'en chiffrer l'importance.

Enfin, la délégation a répondu brièvement à diverses autres questions posées par les membres du Comité. Elle a ainsi indiqué que personne n'était contraint de changer de région à la suite d'un refus d'une proposition d'emploi par les agences publiques de placement. Quant aux personnes sans titre de séjour en quête de soins, elles peuvent consulter un médecin si elles ne veulent pas risquer une dénonciation en se rendant dans un établissement hospitalier. Face à la pénurie de personnels de santé, le Gouvernement ne pense pas que la solution réside dans le recrutement à l'étranger, en contribuant à priver de ressources humaines des pays qui en ont le plus besoin. L'une des avenues envisagées, consisterait à réduire le nombre important de temps partiels. En réponse à une question sur la scolarisation des enfants handicapés, la délégation a indiqué que plus de 100 000 d'entre eux fréquentent des établissements publics. Toutefois, un certain nombre de parents préfèrent que leur enfant aille dans des écoles spécialisées.

Conclusions

MME SABINE BAUN, Directrice de la politique sociale et de l'emploi international au Ministère du travail et des affaires sociales de l'Allemagne, a souligné l'importance du Pacte pour son pays. Cette journée a permis à la délégation de beaucoup apprendre. La tâche à accomplir est d'autant plus constante que de nouveaux défis apparaissent sans cesse, a-t-elle relevé. L'Allemagne s'efforce de mettre en œuvre de la meilleure manière les dispositions du Pacte. Elle a redit que la ratification du Protocole facultatif bénéficiait du soutien des autorités gouvernementales. Le soutien politique à la ratification existe même si elle ne sera ni automatique, ni aisée. Mme Baun a enfin précisé que son pays fournirait un rapport de suivi sur la mise en œuvre des recommandations du Comité.

M. DASGUPTA a relevé que l'Allemagne s'était fixé des normes très strictes en matière de droits de l'homme, ce qui implique pour le Comité de procéder à un examen d'autant plus rigoureux. MME MARIA VIRGÍNIA BRÁS GOMES, Présidente du Comité, a pour sa part souligné que des différences d'interprétation ne sauraient être un obstacle à la ratification du Protocole facultatif.


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CESCR18.13F