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LE CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME ENTAME SA JOURNÉE ANNUELLE DE DISCUSSION SUR LES DROITS HUMAINS DES FEMMES

Compte rendu de séance
Il se penche sur l’impact de la violence à l'égard des défenseures des droits de l'homme et des organisations de femmes dans les espaces numériques

Le Conseil des droits de l'homme a entamé, en fin d’après-midi, sa journée annuelle de discussion sur les droits humains des femmes en tenant une table ronde consacrée à l’impact de la violence à l'égard des défenseures des droits de l'homme et des organisations de femmes dans les espaces numériques.

Ouvrant cette discussion, le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, M. Zeid Ra’ad Al Hussein, a souligné que ces nouvelles formes de violence que sont le harcèlement, l’intimidation et la diffamation en ligne sont malheureusement fréquentes, souvent terrifiantes et avec des répercussions dans le monde réel. Il a rendu hommage au travail de la Rapporteuse spéciale sur la violence à l'égard des femmes, Mme Dubravka Šimonović, qui a animé la table ronde et a souligné que les femmes qui défendent les droits de l'homme, qui sont impliquées en politique, qui sont des militantes de causes sociales ou des journalistes sont particulièrement visées par les violences en ligne, a fortiori si, en raison de leur race, de leur religion ou de leur orientation sexuelle, ces femmes sont perçues comme menaçant les normes de suprématie masculine et de groupes raciaux ou religieux dominants.

A l’instar de bon nombre des intervenants* qui ont pris part à la table ronde, le Haut-Commissaire a rappelé que les États et les entreprises impliquées doivent faire bien davantage pour prévenir ces formes de violence numérique et faire en sorte que leurs auteurs soient traduits en justice. Il a conseillé de se fonder sur le droit international des droits de l'homme, seul à même de fournir la base de normes universellement acceptées.

Trois panélistes ont fait des exposés: Mme Seyi Akiwowo, Fondatrice et directrice de Glitch !UK, qui s’est attachée à déconstruire cinq mythes qui banalisent la violence en ligne; Mme Nighat Dad, Directrice exécutive de Digital Rights Foundation, qui s’est interrogée sur ce qui doit être fait à l’heure de traduire le militantisme hors ligne sur des espaces en ligne; et M. Matt Mitchell, Directeur de la sécurité et de la vie privée numériques au Tactical Technology Collective, qui a notamment attiré l’attention sur le rôle important que sont appelées à jouer les nouvelles entreprises du secteur technologique face à ces problématiques, car elles peuvent très facilement, en apportant des modifications très simples à leurs plates-formes, éviter les pires abus commis sur Internet, a-t-il souligné.

Au cours du débat, l'accent a été mis sur l’obligation qui incombe aux États de prévenir la violence à l’égard des femmes et des filles, notamment en ligne. L’établissement de normes communes, la poursuite des coupables, la sensibilisation et l’équilibre entre vie privée et liberté d’expression ont été évoquées à maintes reprises.


Demain matin, à partir de 10 heures, le Conseil poursuivra ses travaux en achevant sa journée annuelle de discussion sur les droits humains des femmes par une seconde table ronde thématique consacrée à la promotion des droits humains des femmes dans le domaine économique par le biais des technologies de l’information et de la communication (TIC).


Journée annuelle de discussion sur les droits humains des femmes

Table ronde 1: L’impact de la violence à l’égard des défenseures des droits de l'homme et des organisations de femmes dans les espaces numériques

Déclarations liminaires

M. ZEID RA’AD AL HUSSEIN, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a ouvert la discussion en rappelant qu’Internet, à ses débuts, semblait porter la promesse d’une nouvelle liberté pour des millions de personnes. Mais, malgré les énormes avantages de cette connectivité en termes d’information, d’éducation ou d’expression, les médias numériques ont également ouvert la porte à de nouvelles formes d’oppression et de violence. Aussi, cette table ronde sera-t-elle consacrée à tous les types de violence et d’oppression en ligne visant les femmes qui défendent les droits humains et les militantes, a-t-il indiqué.

Ces nouvelles formes de harcèlement, d’intimidation et de diffamation sont malheureusement fréquentes, souvent terrifiantes et ont des répercussions dans le monde réel, a poursuivi le Haut-Commissaire, évoquant les menaces de mort et de violence sexuelle. La nature transnationale d’Internet permet à de larges groupes d’individus hostiles de se mobiliser rapidement et de façon anonyme et rend extrêmement difficile de faire retirer les contenus faux ou violents, a-t-il souligné. À cet égard, M. Zeid a rendu hommage au travail de la Rapporteuse spéciale sur la violence à l'égard des femmes, qui montre que sont particulièrement visées les femmes qui défendent les droits de l'homme, qui sont impliquées en politique, qui sont des militantes de causes sociales ou des journalistes. Cette probabilité d’être agressées est encore plus élevée si, en raison de leur race, de leur religion ou de leur orientation sexuelle, ces femmes sont perçues comme menaçant les normes de suprématie masculine et de groupes raciaux ou religieux dominants, a fait observer le Haut-Commissaire.

Plusieurs rapporteurs du Conseil des droits de l'homme ont été victimes de menaces en ligne, a ensuite fait remarquer M. Zeid, avant de citer l’exemple de l’envoi d’une vidéo montrant une décapitation et d’autres exemples de menaces et de violences réelles à l’égard de militantes et de personnalités publiques au Mexique, au Viet Nam, en Inde, en Italie, au Canada, en Iraq ou encore en Suède. Le but de ces attaques sadiques est de faire taire les femmes, a expliqué M. Zeid, ajoutant que les campagnes de diffamation en ligne visent à détruire leur crédibilité de militantes et à réduire leur accès à l’espace public – un espace dans lequel elles pourraient mobiliser et faire une différence. Les répercussions de ces violences peuvent être graves et mettre en danger la santé physique ou mentale des victimes, a rappelé le Haut-Commissaire. Les dommages à leur vie privée, à leur liberté d’expression et à leur pleine participation aux affaires économiques, sociales, culturelles et politiques sont évidents, a-t-il insisté. En outre, ces effets sont amplifiés par la quasi-impunité dont jouissent les auteurs.

Si cette tendance continue, plutôt que d’autonomiser les femmes, les espaces numériques risquent de renforcer la discrimination et la violence fondées sur le genre, créant des situations dans lesquelles les femmes et les filles ne se sentent plus en sécurité, ni dans le monde réel ni dans le monde virtuel, s’est inquiété le Haut-Commissaire. Les États et les entreprises impliquées doivent faire bien davantage pour que les auteurs des violences soient traduits en justice et pour prévenir ces formes de violence numérique. Jusqu’à présent, des sites comme Twitter et Facebook ont essayé de réguler cette violence contre les femmes par des normes qu’ils ont établies, qui sont insuffisamment appliquées et rarement rendues publiques, a fait observer M. Zeid, avant de se dire convaincu que seul le droit international des droits de l'homme peut fournir la base de normes universellement acceptées dans ce domaine.

En tant qu’animatrice de cette table ronde, la Rapporteuse spéciale sur la violence à l’égard des femmes, ses causes et ses conséquences, MME DUBRAVKA ŠIMONOVIĆ, a rappelé que son mandat avait été établi en 1994 et envoyé le message selon lequel la violence contre les femmes est un crime. Elle a insisté sur l’importance d’appréhender la violence en ligne contre les femmes sous l’angle des droits de l'homme. Il existe des traités et mécanismes de droits de l'homme qui sont dynamiques et qui sont aptes à fournir des orientations dans l’espace numérique. Les droits de l'homme protégés hors ligne doivent être protégés en ligne, a insisté la Rapporteuse spéciale.

Exposés des panélistes

MME SEYI AKIWOWO, Fondatrice et Directrice de Glitch!UK, a expliqué qu’il fallait démystifier cinq mythes qui banalisent la violence en ligne. Le premier serait que la violence en ligne n’existe pas. Or, la violence existe belle et bien, a expliqué Mme Akiwowo, indiquant que son compte Twitter avait été envahi d’insultes racistes ou misogynes et qu’elle avait craint pour sa sécurité. Neuf millions de femmes et de filles ont vécu une situation de violences en ligne en Europe, a-t-elle insisté, faisant observer que les femmes de couleurs reçoivent dix fois plus d’insultes que les autres.

Le deuxième mythe est que lutter contre la violence en ligne restreindrait les droits individuels comme la liberté d’expression, a poursuivi la panéliste, avant d’expliquer que la violence en ligne oblige les femmes à quitter le débat public et les pousse à pratiquer l’autocensure. Envoyer des insultes ou des photos intimes d’une personne, par exemple, est une ligne rouge à ne pas dépasser.

Le troisième mythe est que la violence en ligne n’aurait pas d’impact nocif, alors que la violence a un impact préjudiciable sur les victimes, a ajouté Mme Akiwowo. Cette violence est notamment un obstacle à la liberté et à la participation politique des femmes, a-t-elle souligné.

Le quatrième mythe est qu’il n’y aurait pas de solution face à la violence en ligne. Au contraire, a affirmé Mme Akiwowo, il faut que chacun prenne l’engagement de lutter ensemble contre les intimidations à l’encontre des femmes dans l’espace numérique. Tous les États doivent joindre leurs efforts pour lutter contre toutes les violences faites au femmes. Il peut y avoir des échanges de bonnes pratiques dans ce domaine, a insisté la panéliste.

Enfin, le cinquième mythe est que la citoyenneté ne pourrait pas être étendue à l’espace numérique. Or, de l’avis de Mme Akiwowo, la formation à la citoyenneté numérique doit être centrale dans le système éducatif. Il faut proposer cette formation afin que les jeunes comprennent les formes de violences en ligne, a-t-elle indiqué.

Exclure les femmes de l’espace public n’est pas nouveau, a conclu Mme Akiwowo, les discriminations à l’encontre des femmes en ligne sont la prolongation de cette réalité, une réalité vécue par des millions de femmes de par le monde, a-t-elle souligné.

MME NIGHAT DAD, Directrice exécutive de Digital Rights Foundation, a décrit des stratégies utilisées par les défenseures des droits des femmes pour obtenir une protection et apporter une réponse efficace face à la violence dans les espaces numériques. Elle a rappelé que dans les années 1980, sous l’une des dictatures qui ont dominé son pays, le mouvement féministe était très fort, organisant des marches qui exposaient les femmes aux gaz lacrymogènes et à la détention. Nous nous préparons au pire lorsque nous marchons dans des manifestations; nous écrivons des numéros importants sur nos bras, ceux d’un téléphone, sans données ni autres informations clefs, a-t-elle confié. Mais que faire à l’heure de traduire le militantisme hors ligne sur des espaces en ligne en étant exposé au même type de violence, a-t-elle interrogé, avant d’évoquer une étude récente publiée par Amnesty International sur les attaques malveillantes contre les défenseures des droits des femmes pakistanaises, dont elle-même a été victime à maintes reprises ?

Ces attaques ne sont jamais isolées; elles arrivent en vrac: harcèlement en ligne, intrusion dans la vie privée, menaces physiques et « doxxing » (technique qui consiste à collecter des informations privées sur une personne pour ensuite les publier sur Internet), a poursuivi Mme Dad. Ces attaques ont toujours des visées très personnelles: dénigrement du corps, menaces d’assassinat ou de viol, harcèlement, etc... Toutes ces agressions forcent parfois la personne visée à l’autocensure, voire à cesser toute utilisation Internet dans l’espoir de préserver son intégrité physique. « On essaie de se blinder, bien que cela s’avère insuffisant tant les attaques personnelles vous affectent dans votre for intérieur », a expliqué la panéliste.

Au chapitre des tactiques de riposte contre ces attaques, les défenseures des droits de l’homme organisent des ateliers pour apprendre à contrer le harcèlement en ligne, a indiqué Mme Dad. Elle a en outre mis l’accent sur l’importance de la mise sur pied de mécanismes de dénonciation et a souligné que la Fondation qu’elle dirige, ainsi que d’autres organisations, aident les femmes concernées à supprimer les contenus nuisibles sur les médias sociaux.

M. MATT MITCHELL, Directeur de la sécurité et de la vie privée numériques au Tactical Technology Collective, a fait observer que les personnes marginalisées directement touchées sont en général capables de régler leurs propres problèmes mieux que quiconque. Mais, pour cela, il faut qu’elles aient à leur disposition des ressources, des informations, un soutien et des moyens financiers adéquats, a-t-il ajouté. M. Mitchell a précisé que le collectif qu’il dirige a lancé, pour cela, une initiative qui durera trois ou quatre ans: intitulée « Gender Tech Institute », elle s’accompagne d’une plate-forme sur Internet. Cette initiative a pour objet d’aider les femmes à échanger des expériences pour mieux préserver leur sécurité et leur bien-être dans un monde où les entreprises de technologie profitent de notre attention et de nos données – mais où, simultanément, les institutions gouvernementales n’apportent pas la protection, ni les remèdes nécessaires, a expliqué M. Mitchell.

Le panéliste a fait observer que les défenseures des droits de l’homme comptent parmi les groupes les plus ciblés en ligne. Or, a-t-il souligné, la technologie et les espaces en ligne nous donnent en réalité la possibilité de ne pas répéter la misogynie, ni le sexisme du monde réel. « Les personnes qui s’identifient comme des hommes ou des garçons doivent prendre la responsabilité de refuser la violence, de la dénoncer et de ne jamais y prendre part », a insisté M. Mitchell.

M. Mitchell a ensuite expliqué que des logiciels destinés à la surveillance des personnes (« stalkerware ») étaient utilisés pour cibler explicitement les défenseures des droits de l’homme. Il a souligné que les nouvelles entreprises du secteur technologique avaient un rôle important à jouer dans ce contexte, car elles peuvent très facilement, en apportant des modifications très simples à leurs plates-formes, éviter les pires abus commis sur Internet.

Aperçu du débat

L’Australie a noté que les pires abus numériques visent surtout les femmes ayant une grande visibilité ou considérées comme féministes. Le pays a indiqué avoir pris des mesures pour protéger les femmes de ces abus et faire en sorte que les coupables soient poursuivis. L’Estonie, au nom d’un groupe de pays nordiques et baltes, a attiré l’attention sur le problème de la régression de la gouvernance démocratique au niveau mondial. Les États ont l’obligation de prévenir la violence à l’égard des femmes et des filles, notamment en ligne, a rappelé le pays, avant de plaider pour l’établissement de normes communes en la matière et de demander aux panélistes comment y parvenir.

Le Togo, au nom du Groupe africain, a réitéré son engagement à combattre ces violences, que ce soit en ligne ou dans le monde réel, tout en notant qu’il s’agissait d’un phénomène relativement récent en Afrique. Les Émirats arabes unis, au nom de la Ligue des États arabes, ont souligné qu’ils considèrent que les droits de la femme sont très importants, tout comme l’égalité entre hommes et femmes. Les pays de la Ligue des États arabes se sont dotés de législations qui protègent les femmes, y compris dans le monde numérique, a ajouté la délégation émirienne.

Le Brésil, au nom de la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), a rappelé que la CPLP avait déclaré 2018 comme année exempte de violence à l’égard des femmes. Il s’est félicité qu’une perspective de genre dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 ait aussi été adoptée à l’initiative de la CPLP.

L’Union européenne a rappelé son engagement en faveur de l’égalité entre hommes et femmes, ainsi que son engagement en faveur de la lutte contre la violence faite aux femmes et aux filles. L’Union estime que les États sont responsables de rendre le cyberespace sûr pour les femmes. Elle a demandé aux panélistes comment mesurer les impacts de la violence en ligne et quelles mesures prendre pour lutter contre ce phénomène. Le Liechtenstein a estimé qu’il fallait redoubler d’efforts pour lutter contre cette violence et l’impunité qui l’accompagne.

Le Canada a souligné que les défenseures des droits des femmes et les organisations féminines se servent d’Internet comme principal outil de promotion des droits de l’homme et que leur engagement est vital pour la promotion et la protection de ces droits. La Canada a ensuite condamné toutes les formes de violence, y compris celle infligée à l’aide de la technologie et a annoncé qu’il soumettrait un projet de résolution sur la prévention et la réponse à apporter face à cette violence dans les contextes numériques.

L’Espagne a rendu hommage au courage des défenseures des droits de l’homme. Tout en se disant conscient des avantages offerts par Internet, le pays a souligné que ces femmes sont doublement exposées: en tant que femmes et en tant que militantes. L’Espagne a indiqué œuvrer à la réglementation des délits liés aux agressions dans l’espace numérique. L’Irlande a elle aussi mis l’accent sur la double discrimination dont sont victimes ces femmes et fait valoir le rôle fondamental de la société civile dans ce contexte. Comment les États peuvent-ils faire plus pour protéger les femmes dans l’espace numérique, a demandé le pays?

ONU-Femmes a déclaré que la violence en ligne, y compris les propos sexistes et insultants, les menaces et le harcèlement, visent à museler les voix des femmes. Les entreprises intermédiaires ont aussi une responsabilité et doivent introduire des règles et normes d’utilisation respectueuses des femmes, a souligné l’Entité.

La République populaire de Chine a réclamé un système de protection intégré sur Internet, en particulier à l’intention des femmes et des enfants. Le Gouvernement chinois s’efforce de créer un espace propice pour les femmes sur Internet. Les États doivent œuvrer de conserve pour trouver une définition claire, négociée et agréée de l’expression « défenseurs des droits de l’homme » - des personnes auxquelles il ne faut pas octroyer un statut spécial, a ajouté la délégation chinoise.

La Grèce a indiqué que, pour faire face aux agressions misogynes en ligne, elle avait créé un groupe de travail chargé d’éliminer la violence sexiste sur Internet et de créer un espace public sûr, où les femmes et les filles puissent s’épanouir. Le Danemark a recommandé d’intégrer aux programmes scolaires des enseignements sur la manière de se comporter en ligne de manière non sexiste. Ces enseignements devraient être élaborés avec la participation des jeunes, a ajouté le pays.

L’Allemagne a relevé que les défenseurs des droits de l’homme, notamment les femmes, continuent d’être victimes de harcèlement, malgré le fait que la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme fête cette année son vingtième anniversaire. L’Allemagne souhaite accélérer les efforts pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles dans le contexte numérique. Il faut, dans ce contexte, créer un réseau contre ces violences, qui doit notamment permettre un échange de bonnes pratiques, a proposé le pays. Le Lesotho a souligné que l’Internet est un canal important du militantisme, les ordinateurs et les téléphones étant utilisés pour créer des réseaux et pour partager des informations. Cependant, Internet est aussi devenu un champ de bataille contre les femmes. Les femmes doivent donc bénéficier d’un soutien, aux niveaux national et international, pour éliminer la violence qui leur est faite. Les agressions contre les défenseures des droits humains sont une atteinte à la démocratie, a insisté le Lesotho. Le Pakistan a condamné tous les actes d’intimidation contre les défenseurs des droits de l’homme, surtout les femmes, en ligne ou hors ligne. Les femmes sont notamment victimes de diffusion de photos intimes ou de vidéos de viol, a fait observer la délégation pakistanaise. Il faut un cadre légal pour lutter contre ces violences à l’encontre des femmes, qui sapent leurs droits, a-t-elle insisté.

L’Argentine a expliqué que les femmes défenseures des droits de l’homme sont victimes de violences car elles contestent la répartition des rôles traditionnels au sein de la société. La loi argentine sur l’audiovisuel incorpore une perspective de genre, a ajouté le pays.

Le Venezuela considère que la protection des droits humains des femmes et de leurs organisations est de la plus haute importance. Le pays a assuré avoir mis en place un cadre institutionnel et juridique qui protège au mieux les femmes. Le Soudan a déclaré que si l’essor des technologies modernes a favorisé l’accès des femmes à leurs droits, il a aussi fait surgir de nombreux défis concernant les violences à leur encontre, comme les menaces de viols ou la publication de photos ou de documents non consentis. Le Soudan a pour sa part adopté une loi pénale contre la mauvaise utilisation d’Internet et la violence en ligne.

L’Iraq a indiqué avoir adopté de nombreuses politiques visant à garantir les droits de la femme, notamment en termes d’accès à Internet. De nombreux crimes évoqués par le Haut-Commissaire ont été perpétrés par Daech: viols, mutilations, violence et abus utilisés comme armes de guerre. Ces crimes doivent être élucidés et leurs auteurs punis, a souligné la délégation iraquienne, avant d’appeler à davantage d’efforts pour protéger les droits de la femme, d’autant qu’elle est le principal socle de la famille.

La France a estimé que les sociétés n’en sont qu’au début de l’ère numérique et de l’appréhension de tous les défis qu’elle pose – des défis auxquels les femmes qui se battent pour les droits des femmes, et pour les droits de tous, sont trop souvent confrontées en première ligne en tant que victimes. Certaines défenseuses des droits font le choix de quitter les espaces sociaux, ce qui revient aussi pour elles à se priver d’un moyen de communication efficace et utile. La France a indiqué qu’un projet de loi qui vise à renforcer la lutte contre les violences sexistes et sexuelles avait été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale: il prévoit d’élargir la notion de harcèlement en ligne pour que soient réprimés les cas où une personne est victime d’une attaque coordonnée de plusieurs internautes, même lorsque chacun de ces internautes n’a pas agi de façon répétée. La répression des infractions de harcèlement doit pouvoir s’appliquer à ces « raids numériques », a insisté la délégation française, notant que la question de la modération des contenus en ligne reste également un défi.

Les Pays-Bas ont rappelé que cette année marquait le vingtième anniversaire de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme. Internet comporte des risques importants pour les femmes qui défendent ces droits et la communauté internationale ne saurait ni permettre, ni accepter de telles attaques, a souligné la délégation néerlandaise, avant de s’enquérir auprès des panélistes de la manière dont les États et les entreprises pourraient collaborer pour mieux protéger les femmes dans ce contexte.

La Serbie a mis l’accent sur l’impact imprévisible de la violence dans le cyberespace et a proposé de concevoir des politiques qui reconnaissent que cette forme de violence existe, de former la police à la question de la violence sexuelle sur Internet et de mener des campagnes d’information sur les services auxquels les femmes pourraient recourir.

La Commission australienne des droits de l’homme a déclaré que les plates-formes en ligne étaient un outil puissant au service de l’autonomisation des femmes, comme en a témoigné le mouvement #MeToo contre le harcèlement sexuel. Il n’en demeure pas moins qu’en Australie, les réseaux sociaux sont utilisés pour harceler et menacer les femmes qui défendent leurs droits. La Commission a donc salué les efforts du Gouvernement australien pour remédier à cette forme de violence contre les femmes. La Commission a ajouté qu’elle continuerait de collaborer avec les autorités et d’autres parties concernées pour faire en sorte que les femmes qui défendent les droits de l’homme soient en mesure de participer pleinement au débat public.

La Commission des droits de l’homme du Royaume-Uni a fait observer que les femmes politiques étaient elles aussi victimes de nombreuses attaques et agressions en ligne. Elle a recommandé au Gouvernement du Royaume-Uni de mener une enquête pour déterminer, notamment, l’ampleur du problème de la violence contre les femmes en ligne.

Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont également pris la parole. Plan International, Inc au nom également de la Défense des enfants – international; Foundation ECPAT International (End Child Prostitution, Child Pornography and Trafficking in Children for Sexual Purposes) et de la Fédération internationale Terre des hommes a demandé aux États membres d’adopter une approche préventive, en organisant des campagnes de formation au niveau communautaire pour favoriser un changement social et comportemental face à la violence sexiste en ligne. Les solutions envisagées ne doivent pas freiner l’accès des femmes aux ressources en ligne, mais bien s’attaquer aux causes profondes du problème, a souligné l’ONG.

Le Service international pour les droits de l'homme au nom de plusieurs organisations non gouvernementales1 s’est dit très préoccupé par le harcèlement de défenseures des droits de l’homme sur Internet. Elle a cité les cas de Mme Amal Fathy, accusée par les autorités égyptiennes d’« incitation au renversement du Gouvernement » pour avoir exposé dans les médias sociaux des cas de violence sexuelle; de Mme Pham Doan Trang, blogueuse dissidente au Viet Nam, dont on pense qu’elle a été enlevée par des policiers au début du mois; et de Mme Tamara « Plaqueta » de Anda, blogueuse mexicaine victime de menaces sexistes sur Internet après avoir partagé son expérience de victime de harcèlement dans la rue. L’ONG a remercié les panélistes d’avoir mis en avant la responsabilité des États pour ce qui est de créer des environnements en ligne propices et de traduire en justice les responsables des violences contre les femmes.

Espace Afrique International a regretté que trop peu d’États se soient dotés d’instruments juridiques de protection des défenseurs des droits de l’homme. La mise en place de mesures concrètes à cet égard serait un premier pas dans l’amélioration des conditions de travail des femmes luttant pour les droits de l’homme. L’ONG a cependant félicité la Côte d’Ivoire, le Mali et le Burkina Faso pour avoir intégré dans leur système juridique des dispositions protégeant les défenseurs des droits de l’homme et a invité tous les États à suivre cette voie.

Action Canada pour la population et le développement au nom également de Youth Coalition for Sexual and Reproductive Rights (YCSRR) a souligné que la grande majorité des grandes entreprises technologiques sont gérées par des hommes qui ont intérêt à préserver le statu quo. L’ONG a demandé aux panélistes de préciser ce que les États peuvent faire pour obliger les entreprises privées à rendre des comptes s’agissant de leur complicité avec les auteurs de violence en ligne.

Réponses et conclusions des panélistes

M. MITCHELL a estimé que l’éducation est fondamentale, car plus on parle, plus on fait comprendre aux jeunes les bons comportements à avoir. Des initiatives pour atteindre le grand public sont également en passe d’être mises en place et l’accent est mis sur un modèle offrant des solutions et un soutien en ligne en cas de menaces ou d’abus, a-t-il ajouté. Il a recommandé de prendre « très au sérieux » la problématique de la sécurité sur Internet et de lutter contre les criminels en s’appuyant sur les plates-formes et sur le système judiciaire. Concernant la pratique du « doxxing », il a conseillé de recourir aux mesures juridiques que les entreprises intermédiaires mettent à disposition des utilisateurs.

MME AKIWOWO a évoqué la problématique de la diversité dans le contexte des technologies en faisant observer que les entreprises concernées n’avaient pas forcément pris en compte le fait que l’espace numérique allait être utilisé par des populations très diverses. Lorsqu’on parle de la violence sexuelle en ligne, les femmes sont touchées la plupart du temps en tant que victimes, a-t-elle par ailleurs rappelé. Il faut que tous – États, entreprises, société civile et utilisateurs – luttent contre la violence en ligne, a-t-elle souligné.

MME DAD a indiqué avoir créé une ligne téléphonique il y a deux ans et avoir été saisie de plus de 2000 cas (de violence en ligne) alors que les autorités publiques, la police et les organisations non gouvernementales ont du mal à s’attaquer à ce problème.

MME ŠIMONOVIĆ a conclu la table ronde en rappelant qu’il faut appliquer les valeurs universelles de protection des droits de l’homme concernant l’anonymat des femmes. Elle a appelé à la vigilance pour assurer l’équilibre entre droit de vivre sans violence et liberté d’expression. Plusieurs rapporteurs spéciaux traitent, entre autres, de questions en rapport avec certains aspects de l’impact des technologies de l’information et de la communication, a-t-elle en outre souligné.


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1Déclaration conjointe: Service international pour les droits de l'homme; Amnesty International; Forum asiatiqupour les droits de l'homme et le développement; Association pour la communication progressive; Association pour la participation des femmes au développement; Front Line, The International Foundation for the Protection of Human Rights Defenders et Organisation mondiale contre la torture – OMCT.

*Délégations ayant participé au débat: Australie; Estonie (au nom d'un groupe de pays); Togo (au nom du Groupe africain); Émirats arabes unis (au nom de la Ligue des États arabes); Brésil (au nom de la Communauté des pays de langue portugaise); Union européenne; Liechtenstein (au nom d'un groupe de pays); Canada; Espagne; ONU-Femmes; Irlande; Chine; Grèce; Danemark; Allemagne; Soudan; Argentine; Lesotho; Pakistan; Venezuela; Irak; France; Pays-Bas; Serbie; Commission australienne des droits de l’homme; Commission des droits de l’homme du Royaume-Uni; Plan International, Inc (au nom également de la Défense des enfants – international; Foundation ECPAT International (End Child Prostitution, Child Pornography and Trafficking in Children for Sexual Purposes) et de la Fédération internationale Terre des hommes); Service international pour les droits de l'homme (au nom de plusieurs organisations non gouvernementales1); Espace Afrique International et Action Canada pour la population et le développement (au nom également de Youth Coalition for Sexual and Reproductive Rights YCSRR).


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