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LE COMITÉ DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS TIENT UNE TABLE RONDE CONJOINTE SUR LES DROITS DES ENFANTS DANS LE CONTEXTE DES MIGRATIONS

Compte rendu de séance

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et le Comité des droits de l’enfant ont tenu cet après-midi, au Palais des Nations, une table ronde conjointe marquant le lancement de deux observations générales qu’ils ont conjointement adoptées l’an dernier sur les droits des enfants dans le contexte des migrations internationales.

Dans ses remarques liminaires, M. Amadou Tall, Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, a expliqué que les deux observations générales conjointes – à savoir l’observation générale conjointe sur les principes généraux relatifs aux droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales et l’observation générale conjointe sur les obligations des États en matière de droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales dans les pays d’origine, de transit, de destination et de retour – se complètent l’une et l’autre. M. Tall a expliqué qu’il y avait eu un très grand enthousiasme et intérêt pour ces observations générales conjointes. L’actuelle crise de la migration à travers le monde met en lumière l’importance fondamentale de la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, comme un cadre juridique pour les droits de tous les travailleurs migrants, a-il-expliqué.

Le modérateur du débat, M. Orest Nowosad, Chef de la Section des groupes cibles de la Division des traités du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a expliqué que ces deux observations générales conjointes étaient très importantes et a souligné que la migration est la question de notre ère. Les migrants sont mis au banc de la société, a-t-il dénoncé. Il y a environ trente millions d’enfants migrants dans le monde et beaucoup sont obligés de se déplacer ; le nombre d’enfants en déplacement a augmenté considérablement ces dernières années, a-t-il souligné, avant d’ajouter que les migrants font face à une extrême pauvreté. La migration n’est pas seulement due à des facteurs économiques, mais est aussi causée par les inégalités, la violence, les tensions, l’insécurité ou encore les changements climatiques, entre autres.

Plusieurs panélistes ont été invités à s’exprimer au cours de cette table ronde. M. Benyam Dawit Mezmur, membre du Comité des droits de l’enfant ; M. Pablo Cierani, ancien Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ; M. Laurent Chapuis, Conseiller régional sur la migration au Bureau régional de l’UNICEF pour l’Europe et l’Asie centrale ; Mme Kristina Touzenis, Cheffe de l’Unité du droit des migrations internationales à l’Organisation internationale pour les migrations ; Mme Anne Dussart, Directrice des opérations à Caritas-International Belgique ; et Mme Pinar Aksu, de la Campagne « to End Child Immigration Detention Advocate ».

M. Mezmur est notamment revenu sur le processus qui a abouti à l’adoption de ces deux observations générales conjointes, en mettant l’accent sur l’importance de la participation des enfants. M. Cierani a souligné qu’elles soient réellement utiles, il fallait que les conventions soient interprétées et utilisées comme des instruments vivants. M. Chapuis a, pour sa part, exposé le travail du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) dans le domaine de la protection des enfants migrants. Quant à Mme Touzenis, elle a souligné que les observations générales doivent permettre d’adopter des mesures concrètes de protection des enfants migrants. Mme Dussart s’est quant à elle réjouie de l’adoption de ces deux observations générales, tout en soulignant que la notion du retour des enfants dans leur famille ou le retour des enfants qui n’ont pas de famille n’étaient pas assez étudiés. Mme Akus a enfin expliqué son parcours de migrante.

Les Philippines, l’ONG Save the Children, un représentant du Haut-Commissariat des droits de l’homme, ainsi que plusieurs membres du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille ont participé au débat qui a suivi ces présentations.


Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants se réunira à huis clos jusqu'à la clôture de sa session, dans l'après-midi de vendredi prochain, 20 avril.


Aperçu des déclarations

M. AHMADOU TALL, Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, a expliqué que les deux observations générales conjointes (l’observation générale conjointe n°3 sur les principes généraux relatifs aux droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales et l’observation générale conjointe n°4 sur les obligations des États en matière de droits de l’homme des enfants dans le contexte des migrations internationales dans les pays d’origine, de transit, de destination et de retour) se complètent l’une et l’autre. L’adoption de ces deux observations générales conjointes en septembre et octobre 2017 par les deux Comités fait suite à un vaste processus de consultations ayant impliqué de nombreux intervenants dans le monde entier. M. Tall a expliqué qu’il y avait eu un très grand enthousiasme et intérêt pour ces observations générales conjointes. L’actuelle crise de la migration à travers le monde met en lumière l’importance fondamentale de la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, comme un cadre juridique pour les droits de tous les travailleurs migrants – un cadre qui définit la meilleure stratégie pour prévenir les abus et relever les défis auxquels les migrants sont confrontés, a-t-il expliqué. Soulignant que la Convention est aujourd’hui plus pertinente que jamais, le Président du Comité a regretté que seuls 51 pays aient ratifié ce traité et qu’aucun grand État de destination ne l’ait fait. La Convention expose en détail comment les droits humains internationaux doivent être appliqués aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille, a-t-il rappelé.

M. Tall a regretté l’échec dramatique en termes de protection qui a affecté un grand nombre d’enfants migrants dans le monde entier. Dans la Déclaration de New York, les États membres ont reconnu une responsabilité partagée afin de protéger les droits humains de tous les migrants et ont également reconnu la vulnérabilité particulière des enfants migrants, a rappelé M. Tall, avant d’insister sur la nécessité d’intensifier la ratification et la mise en œuvre de la Convention. Le Président du Comité a par ailleurs expliqué qu’il n’y avait pas de politisation dans les observations générales, lesquelles renvoient à des normes qui sont universellement applicables. Il appartient aux États de s’investir dans ces observations générales et aux ONG d’engager le plaidoyer nécessaire pour leur mise en œuvre, a-t-il conclu.

M. OREST NOWOSAD, Chef de la Section des groupes cibles de la Division des traités du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a expliqué que ces deux observations générales conjointes étaient très importantes et a souligné que la migration est la question de notre ère. Les migrants sont mis au banc de la société, a-t-il dénoncé. Il y a environ trente millions d’enfants migrants dans le monde et beaucoup sont obligés de se déplacer ; le nombre d’enfants en déplacement a augmenté considérablement ces dernières années, a-t-il poursuivi, avant de souligner que les migrants font face à une extrême pauvreté. La migration n’est pas seulement due à des facteurs économiques, mais est aussi causée par les inégalités, la violence, les tensions, l’insécurité ou encore les changements climatiques, entre autres. Les abus et violations des droits de l'homme jouent un rôle fondamental dans la décision de migrer ou non. La migration des enfants demeure une réalité quotidienne et leur situation est une source de grave préoccupation, compte tenu de leur vulnérabilité face aux abus, a expliqué M. Nowosad. Des enfants sont vendus et achetés sur des marchés modernes d’esclavage et sont obligés de vendre leur corps pour pouvoir payer les trafiquants, a-t-il dénoncé.

Les enfants migrants sont avant tout des enfants et les migrants sont avant tout des êtres humains titulaires de droits de l’homme, a rappelé M. Nowosad. Il a regretté que les grands États de destination n’aient pas eu la volonté politique, ni la dignité de reconnaître les droits des migrants et des enfants migrants. Les deux observations générales dont il est ici question présentent des lignes directrices importantes pour les enfants, a-t-il conclu, rappelant en outre que la Convention relative aux droits de l’enfant, quasi universellement ratifiée, prévoit la protection de tous les enfants, sans exception.

M. BENYAM DAWIT MEZMUR, Membre du Comité des droits de l’enfant, a expliqué que le processus ayant permis d’aboutir à l’adoption des deux observations générales conjointes avait commencé très tôt. Dès 2006, le Comité des droits de l’enfant avait souligné l’importance d’étudier la thématique des droits de l’homme dans le contexte des migrations, a-t-il rappelé. La décision des deux Comités d’agir conjointement avait été prise en juin 2015, a-t-il ajouté. De nombreuses consultations ont alors eu lieu partout dans le monde, les questions qui sont abordées étant en effet d’actualité partout dans le monde, a poursuivi M. Mezmur. Le processus a aussi permis d’entendre les enfants eux-mêmes. Toutes les questions soulevées dans les observations générales ont été étudiées de manière détaillée et minutieuse, a-t-il insisté.

Le principal objectif de ces deux observations générales conjointes est de donner une interprétation qui fasse autorité s’agissant des dispositions figurant dans les deux Conventions et intéressant les enfants migrants. Elles s’efforcent d’expliquer dans le détail quelles sont les obligations des États en la matière. L’interprétation des dispositions de chaque instrument en tenant compte du contexte actuel vise à assurer que les Conventions soient encore utiles aujourd’hui, a souligné l’expert. Ces observations générales conjointes ne constitueront bien entendu pas le dernier mot sur ces questions, a-t-il assuré.

M. PABLO CERIANI, ancien Vice-Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, a souligné que pour être utiles, il fallait que les Conventions soient interprétées et utilisées comme des instruments vivants. Les deux observations générales dont il est ici questions actualisent les dispositions des deux Conventions concernées, dans le contexte actuel des enfants et des migrations. Les droits des personnes migrantes, y compris des enfants migrants, sont inclus dans tous les traités des droits de l’homme, a-t-il souligné. Il a insisté sur le principe selon lequel il convient d’éviter toute privation de liberté des enfants. Il faut en outre toujours chercher à déterminer quel est l’intérêt supérieur de l’enfant. Les observations générales insistent en outre sur l’obligation de protéger les droits des parents. Le retour n’est que l’une des solutions possibles, qui doit se fonder sur l’intérêt supérieur de l’enfant, a insisté M. Ceriani.

Il faut analyser les politiques existantes au niveau national en matière de protection des enfants migrants à la lumière des observations générales et, le cas échéant, réformer ces politiques, a poursuivi M. Ceriani. Les observations générales constituent également un outil important pour ce qui est de la réponse à apporter aux problèmes liés à la xénophobie, notamment. Il existe des solutions globales et pratiques dans le domaine de la migration, a insisté M. Ceriani, avant d’encourager les États à échanger les bonnes pratiques sur toutes les façons de réagir face aux enfants en situation de déplacement.

M. LAURENT CHAPUIS, Conseiller régional sur la migration au Bureau régional du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) pour l’Europe et l’Asie centrale, a souligné que les deux observations générales fournissent à ceux qui travaillent avec les États et aux organisations de la société civile des éléments essentiels pour répondre aux besoins des enfants dans le contexte des migrations. Il a expliqué que l’UNICEF souhaitait que dans tous les pays, soit mis en place ou renforcé un système de protection des enfants. L’UNICEF, sur le terrain, fait en sorte que les enfants non accompagnés fassent l’objet d’une protection, dont ils ont besoin, notamment par la recherche de familles d’accueil. Lorsqu’il n’y a pas de données solides concernant les enfants non accompagnés et leur prise en charge, il est difficile de mobiliser les ressources et l’appui politique nécessaires pour renforcer ces systèmes nationaux de protection, a fait observer M. Chapuis.

L’UNICEF insiste pour qu’il soit mis fin à la détention des enfants migrants, laquelle n’est jamais conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant, a poursuivi M. Chapuis. Il a souligné qu’une autre priorité de l’UNICEF était l’enregistrement des naissances, quel que soit le statut de migration, et le droit au regroupement familial. Dans ce contexte, il faut élargir la notion de famille, a-t-il précisé. L’accès à l’école est également essentiel, si l’on veut lutter contre les violations des droits de l'homme des enfants migrants. M. Chapuis a par ailleurs insisté sur la nécessité de mettre fin à la criminalisation de l’acte qui consiste à venir en aide à des migrants.

M. KRISTINA TOUZENIS, Cheffe de l’Unité du droit des migrations internationales à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a expliqué que les observations générales peuvent fournir des lignes d’orientation concernant les normes. Il faut trouver des solutions concrètes tournées vers l’avenir, a-t-elle plaidé ; les observations générales arrivent à point nommé dans ce domaine. Les enfants migrants sont avant tout des enfants, a ensuite rappelé Mme Touzenis.

Le droit doit devenir pratique, ce que permettent précisément les observations générales, a poursuivi Mme Touzenis. Il est possible, grâce à elles, de combler les vides laissant place à des interprétations, a-t-elle souligné. Le droit à l’éducation, comme le droit à la justice, par exemple, sont pertinents pour tous. Les deux observations générales dont il est ici question doivent permettre l’adoption d’un pacte mondial sur les migrations qui soit pratique et fondé sur le droit international et les droits de l’homme.

MME ANNE DUSSART, Directrice des opérations à Caritas-International Belgique, a rappelé que des migrants, à la recherche d’une vie meilleure, sont arrivés morts en Belgique dans le train d’atterrissage d’un avion. Elle a insisté sur la nécessité de protéger les droits des enfants migrants. Ce qui n’est pas encore assez présent dans les observations générales, a-t-elle regretté, c’est l’appréhension des notions de retour des enfants dans leur famille ou de retour des enfants qui n’ont pas de famille. Il faut trouver une bonne solution pour ceux qui ont dû rentrer, a-t-elle souligné. Les enfants doivent pouvoir connaître leurs droits, a-t-elle ajouté. Caritas-International tente d’être la voix des enfants qu’on n’entend pas, a-t-elle indiqué. Il est important que les professionnels concernés et les travailleurs sociaux donnent des bonnes informations aux personnes migrantes, a ajouté Mme Dussart. Elle a plaidé pour une régularisation des enfants nés dans un pays hôte.

MME PINAR AKSU, de la Campagne « to End Child Immigration Detention Advocate », a expliqué avoir été détenue durant deux mois dans deux centres de détention au Royaume-Uni. Il s’agissait d’anciennes prisons qui sont devenues des centres de détention pour migrants. Au Royaume-Uni, le délai de détention des migrants n’est pas défini, a-t-elle affirmé. Mme Aksu a ajouté avoir été considérée comme une criminelle une fois qu’elle était détenue et a indiqué que grâce au soutien de la population locale, d’amis de l’école et des voisins, elle avait pu être libérée. Elle a plaidé pour la mise en œuvre d’alternatives à la détention qui permettent d’accueillir les migrants dans de bonnes conditions. Il n’est pas juste de placer en détention une personne qui recherche la sécurité dans un pays tiers et aucun enfant ne doit être détenu dans ce contexte, a-t-elle insisté, déplorant que partout dans le monde, y compris dans l’Union européenne, il y ait toujours de tels placements en détention. Les gens ne vont pas cesser de se déplacer en raison des conflits, a expliqué Mme Aksu, avant de plaider pour une coopération internationale dans ce domaine.

Il faut éviter que le futur pacte mondial sur les migrations ne résulte que de statistiques ou de rapports, a ajouté Mme Akus, avant de dénoncer le manque de volonté politique pour ce qui est d’apporter une aide aux enfants migrants et de déplorer que certains dirigeants politiques ne les protègent pas au nom de leurs seuls intérêts politiques.

Suite à ces interventions, les Philippines ont souligné que les deux observations générales conjointes tombaient à point nommé alors que le futur pacte mondial sur les migrations est en train d’être négocié. Les migrants ont les mêmes droits humains que les autres individus, mais les États établissent toujours une distinction entre les migrants en situation régulière et les migrants en situation irrégulière ; or, il ne devrait pas y avoir de distinction en la matière, a souligné la délégation philippine. Il est déplorable qu’il y ait si peu d’États qui soient présents à cette table ronde de présentation des deux observations générales conjointes, a-t-elle ajouté.

Save the children a expliqué que ces deux observations générales conjointes constituaient un outil essentiel pour la protection des droits des enfants en situation de migration. L’ONG s’est réjouie qu’y soit fait référence au principe de non-discrimination et qu’y soient rassemblée toutes les normes en un même document. Ces observations générales et les deux futurs pactes mondiaux doivent permettre une prise en compte opérationnelle de l’intérêt supérieur de l’enfant, a souligné l’ONG.

Plusieurs membres des deux Comités se sont exprimés. Une experte a déploré que dans la pratique, l’intérêt supérieur de l’enfant ne soit pas vérifié à travers le monde lorsqu’il est question des enfants migrants. La question des droits des enfants en situation de migration requiert d’avantage d’attention pratique et de solutions concrètes, a-t-il été souligné.


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