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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE AUDITIONNE LA SOCIÉTÉ CIVILE SUR L’APPLICATION DE LA CONVENTION EN SERBIE ET EN ALGÉRIE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a auditionné, ce matin, les organisations de la société civile, avec lesquelles les experts ont eu un dialogue concernant la mise en œuvre de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale dans deux des trois pays dont les rapports doivent être examinés cette semaine, à savoir la Serbie et l’Algérie.

En ce qui concerne la Serbie, le dialogue a essentiellement porté sur la situation des Roms, en particulier pour ce qui est des expulsions qui les frappent et de leur accès à l’éducation, ainsi que sur la politique à l’égard des migrants, eu égard notamment aux problématiques de l’apatridie et du principe de non-refoulement.
S'agissant de l’Algérie, la discussion a essentiellement porté sur la situation des migrants et sur celle de la communauté amazighe. A également été évoquée la problématique de la liberté de circulation pour les réfugiés des camps de Tindouf.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Serbie, qu'il achèvera demain matin. Les autres rapports devant être examinés durant cette première semaine de session sont ceux de l’Algérie et de la Jordanie.

Audition de la société civile

S'agissant de la Serbie


Lawyers’ Committee for Human Rights, s’exprimant par vidéoconférence, a souligné que les expulsions de Roms étaient une problématique très importante en Serbie ; aucune de ces expulsions n’a été réalisée en conformité avec le droit international des droits de l’homme, a-t-il souligné. Ces expulsions se font sans consultation des communautés concernées et les Roms sont alors réinstallés dans des zones de ségrégation où ils n’ont pas accès aux services de base. La nouvelle loi sur le logement constitue certes un pas en avant, mais subsistent néanmoins de nombreuses lacunes, comme l’absence de garanties que les expulsions se fassent en dernier recours seulement et uniquement après la tenue de consultations dignes de ce nom. Dans le contexte de ces expulsions, aucun logement alternatif n’est proposé, a insisté l’ONG ; elle a réfuté l’affirmation contenue dans le rapport de la Serbie selon laquelle ces expulsions n’aboutiraient jamais à rendre des familles sans abri.

Praxis Serbia, s’exprimant également par vidéoconférence, a souligné que l’accès à l’éducation était un problème pour les enfants roms, qui font face à de nombreuses discriminations dans ce domaine. L’ONG a dénoncé la ségrégation scolaire et a plaidé pour une amélioration de l’enregistrement des données permettant de mieux savoir ce qui en est de la scolarisation de tous les élèves. Les préjugés contre les Roms persistent ; ils sont considérés comme n’étant pas dévoués en tant que parents, a insisté l’ONG. Les autorités serbes doivent en outre s’attaquer davantage aux crimes de haine dans le pays, a-t-elle ajouté. Le Comité doit par ailleurs encourager les autorités serbes à amender le droit de la famille afin d’empêcher tout mariage précoce, notamment en mettant la définition de l’enfant en conformité avec le droit international. L’ONG a d’autre part attiré l’attention sur les problèmes qui se posent en Serbie en matière d’apatridie.

Belgrade Centre for Human Rights, s’exprimant par vidéoconférence, a dénoncé les expulsions collectives de Serbie, affirmant que le pays avait bafoué à maintes reprises le principe de non-refoulement, alors que plusieurs centaines de personnes ont notamment été expulsées vers l’ex-République yougoslave de Macédoine. L’interdiction d’entrer sur le territoire serbe équivaut à une expulsion collective lorsque les demandes ne sont pas examinées individuellement, a rappelé l’ONG, appelant le Gouvernement serbe à modifier sa pratique en la matière. Les personnes expulsées ne doivent pas encourir de risque de torture ou de mauvais traitements dans les pays vers lesquels elles sont renvoyées, a-t-elle également rappelé.

Le Gouvernement serbe n’a pas de politique claire en matière de migrations, a insisté l’ONG, dénonçant l’accès limité aux services de base, notamment à l’éducation, pour les personnes concernées ; les écoles et les enseignants ne sont pas équipés pour accueillir les enfants migrants. Les écoles serbes doivent prendre en compte les besoins des enfants migrants et réfugiés et permettre leur intégration, a souligné l’ONG. Les autorités serbes ne dispensent pas de formations en langue serbe et ne permettent pas aux migrants de s’intégrer sur le marché du travail, a-t-elle déploré. L’accès à la nationalité serbe pose aussi problème, a ajouté l’ONG ; toutes les personnes qui se voient accorder le statut de réfugié obtiennent seulement un permis temporaire, alors que pour avoir accès à la nationalité, il faut disposer d’un permis de séjour définitif.

Dans le cadre du dialogue qui a suivi ces présentations, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Serbie, M. Yeung Sik Yuen Yeung Kam John, a souhaité en savoir davantage sur les situations d’apatridie en Serbie. Il a demandé ce qu’il en était des pays tiers prétendument sûrs invoqués par l’État pour justifier des expulsions collectives. Un autre expert a demandé des précisions concernant le droit des minorités nationales d’accès à l’éducation dans leur langue maternelle. Un expert a souhaité savoir quelles étaient les dernières informations concernant les actes racistes dans le pays.

Les représentants de la société civile ont indiqué que les détentions de migrants peuvent être prolongées de 6 mois automatiquement s’ils n’ont pas de papiers d’identité. Une ONG a indiqué qu’une liste de plus d’une centaine de pays jugés sûrs (aux fins du renvoi de migrants) a été établie par le Gouvernement serbe ; ainsi, si un migrant arrive de ces pays, il ne sera pas possible pour lui d’obtenir le statut de réfugié en Serbie. La plupart des migrants qui arrivent en Serbie sont rapatriés vers les pays limitrophes, notamment vers l’ex-République yougoslave de Macédoine ou la Hongrie, de manière informelle, a indiqué l’ONG.

Une ONG a souligné qu’il était difficile pour les Roms d’avoir accès à l’éducation dans leur langue maternelle ; seules des matières secondaires peuvent être enseignées dans leur langue. Par ailleurs, il n’y a pas assez d’enseignants suffisamment formés pour permettre l’enseignement dans les langues minoritaires en Serbie, a-t-elle ajouté. Cette même ONG a souligné que la population serbe avait une réaction relativement positive par rapport aux flux de migrants ; il n’y a pas eu de réactions racistes, notamment parce que les Serbes considèrent que les migrants ne sont pas censés rester en Serbie et qu’il s’agit juste pour eux d’un pays de transit.

S'agissant de l’Algérie

Le Forum international pour la justice et les droits humains a affirmé que les autorités algériennes avaient expulsé des migrants au seul motif qu’ils étaient noirs et alors même qu’ils avaient des papiers; l’État algérien n’engage aucune poursuite judiciaire à l’encontre des personnes qui incitent à la haine à leur encontre. Le droit à la libre circulation est bafoué dans les camps de Tindouf, a par ailleurs déclaré l’ONG. D’autre part, les enfants amazighs sont victimes de discriminations, notamment en termes d’accès à l’éducation, a-t-elle ajouté.

Le Congrès mondial amazigh a souligné que si l’Algérie a bien ratifié la Déclaration sur les droits des personnes autochtones, la situation sur le terrain est bien éloignée de ce qu’énonce ce texte. La Kabylie a toujours résisté à l’assimilation imposée par le Gouvernement algérien et paie le prix fort pour cette résistance, a ajouté le Congrès, précisant que des blogueurs sont en prison pour des motifs fallacieux et que les militants des droits de l’homme sont empêchés de recevoir un passeport. Les entreprises qui veulent s’établir en Kabylie n’obtiennent pas les autorisations requises, a insisté le Congrès. Les militants qui dénoncent les agissements des forces de sécurité sont poursuivis, des dizaines d’entre eux ayant été arrêtés. Les violations des droits de l’homme en Algérie se poursuivent et du fait de la répression exercée par l’État algérien, beaucoup de militants sont obligés de s’exiler.

Dans le cadre du dialogue qui a suivi ces présentations, M. Melhem Khalaf, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport de l’Algérie, a relevé que l’Algérie avait fait des efforts pour reconnaître la langue amazighe comme langue officielle par le biais d’un amendement constitutionnel. Il a souhaité connaître les conséquences de cette avancée du point de vue de l’utilisation de la langue dans les domaines de l’éducation et de la justice, notamment. Le rapporteur a également souhaité savoir si la création d’une ONG en Algérie était soumise à une autorisation préalable de l’État.

Une autre experte a souhaité en savoir davantage au sujet de l’enseignement de la langue amazighe dans les écoles. Elle a également souhaité savoir si les Amazighs étaient propriétaires de leurs terres. Un expert s’est enquis des mesures prises pour mettre en œuvre la législation contre la traite.

Les représentants de la société civile ont notamment indiqué que la langue amazighe reste inférieure à l’arabe car seul l’arabe est reconnu dans les faits comme langue officielle de l’État. Il a en outre été souligné que la zone de Tindouf était militarisée et qu’il y avait là, à Tindouf, un bureau militaire qui fournit les documents de voyage. Un réfugié établi à Tindouf n’a pas le droit de se déplacer dans le pays, sauf s’il reçoit l’autorisation du bureau militaire après une longue procédure, a-t-il été expliqué. Une ONG a indiqué que les titres de propriété des Amazighs n’étaient pas reconnus par les autorités algériennes ; il y a de nombreux cas de spoliation de terres amazighes et les personnes qui portent plainte contre cette politique de spoliation sont systématiquement mises en prison.

Les représentants de la société civile ont ensuite souligné que les migrants étaient victimes de nombreuses discriminations en Algérie. Une ONG a souligné que lorsqu’une association souhaite se faire enregistrer comme ONG en Algérie, les autorités procèdent à une enquête approfondie concernant tous les membres de cette association.



Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel


CERD/17/30F