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LE COMITÉ DISCUTE DE SA RECOMMANDATION GÉNÉRALE SUR LA VIOLENCE SEXISTE À L’ÉGARD DES FEMMES

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a présenté cet après-midi, avant d’en débattre, sa recommandation générale n°35, adoptée en juillet dernier, qui porte sur la violence sexiste à l'égard des femmes et met à jour la recommandation générale n°19 vingt-cinq ans après son adoption en 1992. La discussion sur cette nouvelle recommandation générale était animée par Mme Kate Gilmore, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, qui a présenté les panélistes en soulignant que les violences sexistes étaient l’une des formes de violence les plus graves.

Mme Ayse Feride Acar, experte du Comité ayant présidé le Groupe de travail chargé de la recommandation générale n°35, a expliqué que plus de 100 organisations de la société civile, des représentantes de groupes de femmes, ainsi que des universitaires avaient fait part de leurs remarques sur le projet de recommandation générale adopté en juillet dernier. Cette recommandation reprend l’ensemble des obligations des États parties afin de mettre fin aux violences à l’encontre des femmes et de répondre aux besoins spécifiques des victimes.

Mme Hina Jilani, juriste et défenseuse des droits des femmes, a pour sa part fait valoir que cette recommandation allait aider à renforcer les droits des victimes ; elle constitue un instrument indispensable faisant office de jurisprudence dans le domaine des droits des femmes. Mme Jilani s’est dite impressionnée par le ton de cette recommandation. Ce n’est pas la religion, ni la culture qui sont à la base des discriminations ou des violences à l’égard des femmes mais bien le besoin de pouvoir.

Mme Shilan Shah-Davis, professeure de droit à l’University of the West of England de Bristol, a expliqué avoir travaillé sur la question de la perception des conflits et a fait observer que les femmes, par exemple, se battent dans le cadre de conflits au quotidien; le conflit est l’un des facteurs qui exacerbent les violences à l’égard des femmes, a-t-elle souligné.

M. Anthony Keedi, conseiller technique sur les masculinités à l’ABAAD Resource Center for Gender Equality, a expliqué que les garçons et les filles intègrent dès le plus jeune âge des comportements patriarcaux. Les enfants prennent très tôt l’habitude de rejeter la faute sur les victimes de la violence, une attitude qui favorise l’impunité, a-t-il regretté. Pour cet expert, la manière la plus efficace de lutter contre la violence est la prévention. « Si, depuis le plus jeune âge, les enfants sont éduqués aux droits de l’homme, à la lutte contre les discriminations, à la santé génésique et sexuelle, le patriarcat n’aura plus l’occasion de se perpétuer », a-t-il affirmé.

Mme Carmen Barroso, Coprésidente du groupe d’experts indépendants pour la responsabilisation de l’initiative Toutes les femmes, tous les enfants des Nations Unies, a souligné que cette recommandation générale était un outil bienvenu pour la lutte contre l’impunité, un outil qui permettra de modifier cette situation préjudiciable pour les femmes et la société dans son ensemble.

Mme Jane Connors, Défenseure des droits des victimes pour les Nations Unies, a - par vidéoconférence - expliqué que les violences sexistes sont souvent acceptées ; il ne s’agit pas d’une préoccupation sociétale et les auteurs bénéficient généralement d’une impunité, a-t-elle insisté.

Quant à Mme Dubravka Šimonoviæ, Rapporteuse spéciale chargée de la question de la violence contre les femmes, ses causes et conséquences, elle a mis en relief des tendances positives concernant la lutte contre la violence sexiste. Ainsi, de plus en plus d’hommes s’expriment contre les violences à l’encontre des femmes et on constate aussi une attention plus importante de la part des médias et des réseaux sociaux, comme en témoigne la campagne « #MeToo », a-t-elle précisé. Malheureusement, au plan national, les lois ne sont pas toujours complètes et n’établissent pas de liens suffisants avec le code pénal, tandis que manquent les mécanismes d’application des lois, a-t-elle toutefois regretté.

Au cours du débat qui a suivi ces présentations, plusieurs pays et organisations ou institutions ont exprimé leur soutien aux travaux du Comité et à la recommandation générale n°35 tout en présentant les mesures qu’ils ont prises de leur côté pour lutter contre les violences sexistes à l’encontre des femmes.

Le Comité doit clore les travaux de sa 68ème session vendredi prochain, 17 novembre.

Aperçu du débat

MME DALIA LEINARTE, Présidente du Comité, a rappelé que c’est au cours de sa 67ème session, en juillet dernier, que le Comité avait adopté sa recommandation générale n°35 sur la violence sexiste à l’égard des femmes qui constitue une mise à jour de sa recommandation générale n°19 de 1992 et représente un jalon historique en considérant la violence contre les femmes comme une forme de discrimination fondée sur le sexe, utilisée pour subordonner et opprimer les femmes. La présente discussion vise à voir comment ce nouvel instrument pourrait être utilisé pour accélérer la prévention et l’éradication de la violence sexiste contre les femmes.

MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l’homme et modératrice du débat, a souligné que les violences sexistes sont une des plus graves formes de violence. Elle a souligné que les Nations Unies ne devraient pas à avoir à communiquer à leur personnel sur le fait qu’il ne doit pas y avoir de violences à l’encontre des femmes. Mme Gilmore a souligné le travail remarquable du Comité avant de présenter les différents panélistes.

MME AYSE FERIDE ACAR, Présidente du Groupe du travail sur la recommandation générale n°35, a rappelé que la recommandation générale n° 19, sur la violence à l’égard des femmes, datant de 1992, avait été à l’origine de toutes les lois visant la lutte contre les violences à l’encontre des femmes. Le Comité y relevait notamment que « la violence fondée sur le sexe [est] la violence exercée contre une femme parce qu’elle est une femme », compromettant « la jouissance des droits individuels et des libertés fondamentales par les femmes ». Si la violence à l’égard des femmes est devenue une infraction spécifique et si ses victimes sont désormais reconnues, a constaté Mme Acar, il n’en demeure pas moins que les violences à l’encontre des femmes restent impunies de nombreux pays.

La « recommandation générale n° 35 sur la violence sexiste à l’égard des femmes, portant actualisation de la recommandation générale n° 19 », adoptée en juillet 2017, tient compte des progrès réalisés depuis 1992, a précisé Mme Acar, notamment l’adoption de la Convention européenne contre la violence à l’égard des femmes (Convention d'Istanbul) et du Protocole à la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique.

Mme Acar a indiqué que la recommandation générale précisait les obligations des États parties pour mettre fin aux violences à l’encontre des femmes et répondre aux besoins spécifiques des victimes. La recommandation générale souligne notamment que la violence sexiste, fruit d’une construction sociale, peut survenir tout au long du cycle de vie et dans tous les milieux. Le texte désigne les causes sous-jacentes des violences sexistes, notamment les stéréotypes discriminatoires. Il relève que, dans certaines circonstances, ces violences peuvent être considérées comme une forme de torture ou de traitement inhumain.

La recommandation générale souligne également que la définition du crime sexuel doit être fondée sur l’absence de consentement plutôt que sur la notion de menace de la part de l’agresseur. La recommandation demande aux États d’abroger toute loi discriminatoire à l’encontre des femmes, par exemple les lois relatives au concept de virginité ou aux crimes dits d’honneur, a aussi relevé Mme Acar.

Pour MME HINA JILANI, juriste et défenseuse des droits des femmes, « ce n’est pas la religion ni la culture qui sont à la base des discriminations et des violences à l’encontre des femmes, mais c’est la soif de pouvoir ». Mme Jilani a souligné les progrès réalisés depuis 35 ans dans la lutte contre les violences envers les femmes, tout en relevant que de nombreux problèmes subsistent en raison de certains comportements persistants. Mme Jilani a demandé aux gouvernements de ne pas négliger le problème des violences à l’encontre des jeunes filles, notamment les mariages précoces. Pour changer les comportements, a recommandé Mme Jilani, il faut donner des exemples clairs des effets négatifs de telles pratiques sur la santé des enfants.

MME SHILAN SHAH-DAVIS, professeure de droit à l’University of the West of England de Bristol, a fait remarquer que la recommandation générale insistait avec raison sur le fait que les femmes sont en proie à des conflits au quotidien, qui n’ont pas le même impact que les violences que l’on rencontre dans les situations de conflit armé, mais qui sont l’un des facteurs qui exacerbent les violences à l’égard des femmes. Ce n’est que depuis peu que la violence à l’encontre des femmes bénéficie de l’attention des instances internationales, a aussi relevé Mme Shah-Davis.

M. ANTHONY KEEDI, conseiller technique sur les masculinités à l’ABAAD – Resource Center for Gender Equality, a expliqué que les garçons et les filles intègrent dès le plus jeune âge des comportements patriarcaux. Les enfants prennent très tôt l’habitude de rejeter la faute sur les victimes de la violence, une attitude qui favorise l’impunité, a regretté M. Keedi. Pour cet expert, la manière la plus efficace de lutter contre la violence est la prévention. « Si, depuis le plus jeune âge, les enfants sont éduqués aux droits de l’homme, à la lutte contre les discriminations, à la santé génésique et sexuelle, le patriarcat n’aura plus l’occasion de se perpétuer », a relevé M. Keedi.

MME CARMEN BARROSO, Coprésidente du groupe d’experts indépendants pour la responsabilisation de l’initiative Toutes les femmes, tous les enfants des Nations Unies, a souligné que la recommandation générale n° 35 était un outil bienvenu dans la lutte contre l’impunité des auteurs de violences sexistes. Mme Barroso a insisté elle aussi sur l’importance de dispenser une éducation qui permette aux enfants de comprendre leur sexualité. Les adolescents sont au cœur du deuxième rapport du Panel indépendant, a expliqué à ce propos Mme Barroso. Elle regretté que les mécanismes existants pour lutter contre les violences ne prennent pas suffisamment en compte les spécificités des adolescentes, même si la situation est train de changer, a observé l’experte. Elle a ajouté que les conséquences de la violence sont particulièrement graves pour les adolescentes, car elles se répercutent tout au long de la vie et entretiennent le cycle de la pauvreté.

MME JANE CONNORS, Défenseure des droits des victimes pour les Nations Unies, par vidéoconférence, a regretté que les violences sexistes soient acceptées de manière tacite et qu’il ne s’agisse pas encore d’une préoccupation sociétale, ce qui explique que leurs auteurs bénéficient généralement d’une impunité. Les victimes, qui pensent souvent avoir subi des violences « normales », ont peur de porter plainte faute de confiance dans le système juridique ou parce qu’elles ne sont pas suffisamment alphabétisées. Mme Connors a salué le fait que la recommandation générale aborde ces problèmes de manière très concrète, et qu’elle rappelle aux États qu’ils doivent rendre compte de leurs actes et de leurs omissions.

D’une manière générale, a souligné Mme Connors, il faut trouver des moyens d’empêcher les violences et, en cas de violence, s’efforcer de protéger l’intégrité des victimes. Le Comité doit jouer un rôle moteur pour recueillir les meilleures pratiques dans ce domaine.

MME DUBRAVKA ŠIMONOVIÆ, Rapporteuse spéciale chargée de la question de la violence contre les femmes, ses causes et conséquences, a mis en relief des tendances positives concernant la lutte contre la violence sexiste. Ainsi, de plus en plus d’hommes s’expriment contre les violences à l’encontre des femmes. On constate aussi une attention plus importante de la part des médias et des réseaux sociaux, comme en témoigne la campagne « #MeToo ». Si l’on assiste partout à travers le monde à un renforcement de la législation pour lutter contre les violences à l’encontre des femmes, au plan national, malheureusement, les lois ne sont pas toujours complètes et n’établissent pas de liens suffisants avec le code pénal, tandis que manquent les mécanismes d’application des lois, a regretté la Rapporteuse spéciale.

Le Mexique s’est félicité de la recommandation générale n°35 qui vise à atteindre l’objectif d’éliminer les violences à l’encontre des femmes, violences qui constituent l’une des discriminations les plus graves à l’égard des femmes et qui restent inacceptables quelles que soient les circonstances. Il est important que l’approche suivie par cette recommandation soit fondée sur une vision très large de la violence. L’examen du rapport du Mexique devant le Comité a souligné l’importance qu’il y a de disposer de données statistiques dans le domaine des violences à l’encontre des femmes pour mettre en œuvre des mesures cohérentes dans la lutte contre ce phénomène. Une des recommandations finales adressée au pays par le Comité était de développer une masculinité positive au sein du couple et dans le domaine scolaire; cette recommandation a été transmise aux autorités et se trouve aujourd’hui en phase de mise en œuvre dans le pays.

Israël s’est félicité du travail du Comité pour définir la violence à l’encontre des femmes comme une violence sexiste. Pour éradiquer ce fléau, il faut adopter une approche multiforme. Le Comité a montré son leadership dans la prise en compte de cette problématique, s’est réjoui la délégation israélienne. En Israël, il y a un débat concernant les violences sexistes sur le lieu de travail. Israël envisage par ailleurs la ratification de la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe.

Le Royaume-Uni a expliqué que les violences sexistes restent un phénomène dangereux pour la société. La présente recommandation générale du Comité fournit un nouvel outil pour lutter contre ce type de discrimination, a souligné la délégation britannique, avant de demander comment utiliser ce nouvel outil. Au Royaume-Uni, des mesures ont été prises pour soutenir davantage les victimes, a-t-elle ajouté. En outre, la législation contre le mariage forcé ou encore contre le harcèlement a été renforcée.

La France a partagé le triste constat de l’érosion du cadre légal des droits des femmes au nom de la culture ou de la religion. La France s’est réjouie que les femmes victimes de violences aient été placées au cœur de cette recommandation générale et qu’elles soient appelées à prendre une place active dans la lutte contre ces violences. La France salue les mesures positives prises par de nombreux pays pour prendre en charge les femmes victimes de violence.

MME SARAH McMAINS, militante universitaire, s’est enquise des bonnes approches en matière d’application de cette recommandation générale n°35 et a évoqué les problématiques du viol marital et des mariages d’enfants.

Le Népal a expliqué qu’il s’était engagé à mettre en œuvre une législation contre le mariage des enfants à l’horizon 2020.

L’Organisation internationale de droit du développement a demandé comment le Comité entendait renforcer ses liens avec la société civile.

Le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a souligné que l’adoption de la recommandation générale n°35 tombe à point nommé puisque le FNUAP a adopté son plan stratégique qui contient des points très novateurs concernant la lutte contre la violence et ses effets néfastes.

L’Autriche s’est félicitée du processus participatif qui a abouti à l’adoption de la présente recommandation générale. Elle s’est ensuite enquise de la manière dont pourrait être améliorée la coopération internationale dans le domaine de la lutte contre les violences sexistes.

Le Conseil de l’Europe a souhaité mettre en exergue l’importance d’un travail conjoint entre le Comité, le Conseil de l’Europe et toutes les associations afin d’œuvrer de concert contre les violences à l’encontre des femmes.

Women’s Regional Network for India, Pakistan and Afghanistan a demandé comment la recommandation générale n°35 prenait en compte les violences à l’encontre des femmes déplacées internes.

International Lesbian, Gay, Trans and Intersex Association a quant à elle souligné que les personnes LGBTI devaient être considérées comme des victimes spécifiques de violences. L’organisation s’est félicitée des références à la communauté LGBTI figurant dans la recommandation générale, tout en soulignant qu’il fallait recueillir davantage de données concernant cette communauté.



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CEDAW/17/44F