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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DE LA BULGARIE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport de la Bulgarie sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

M. Yuri Sterk, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Bulgarie, a présenté les progrès réalisés par son pays depuis 2011 dans le domaine législatif, dans la gestion des migrations et dans la lutte contre la traite des êtres humains. C’est ainsi que le Conseil des Ministres a décidé en 2013 de créer un mécanisme national des droits de l’homme pour coordonner l’action des autorités publiques chargées de concrétiser les engagements de la Bulgarie dans le domaine des droits de l’homme, alors que le Bureau du Médiateur joue le rôle de mécanisme national de prévention de la torture, au titre du Protocole facultatif à la Convention.

S’agissant des migrants et réfugiés, les autorités bulgares ont dû, face à la pression migratoire sans précédent qui s’exerce sur la Bulgarie, prendre des mesures urgentes depuis 2015 pour augmenter la capacité d’accueil des étrangers en quête de protection internationale, a poursuivi M. Sterk. Des procédures accélérées ont été mises en place pour mieux répondre aux flux migratoires et les requérants d’asile ont droit de recevoir une éducation formelle dès le début de la procédure, a-t-il souligné. Quant aux migrants mineurs, ils sont pris en charge dans des centres de réception et des cours de langue bulgare leur sont dispensés. La Bulgarie est consciente des autres difficultés qu’elle doit affronter, s’agissant notamment des conditions de détention, de la nécessité d’améliorer l’accueil des migrants et de la lutte contre les violences sexistes, a ensuite souligné M. Sterk.

La délégation bulgare était aussi composée de M. Nikolay Prodanov, Vice-Ministre de la justice, de M. Milko Berner, Vice-Ministre de l’intérieur, ainsi que nombreux fonctionnaires des Ministères des affaires étrangères, de l’intérieur et de la justice, de l’Agence d’État pour la protection de l’enfance et de la Direction générale de l’application des peines. Elle a répondu aux questions des experts membres du Comité s’agissant, entre autres, de la définition et de l’interdiction de la torture ; des garanties de procédure ; des visites des lieux de détention ; des violences policières ; des conditions de détention ; des « patrouilles de citoyens » ; de la lutte contre les crimes motivés par la haine et contre les violences sexuelles et sexistes ; ou encore de la lutte contre la traite des êtres humains.

Mme Ana Racu, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la Bulgarie, s’est félicitée de la ratification par ce pays de plusieurs instruments internationaux importants, dont le Protocole facultatif à la Convention. Elle a toutefois regretté que le projet de nouveau code pénal contienne, au sujet de la torture, des dispositions contraires aux normes internationales et aux recommandations des organes de traités. La Bulgarie devrait faire en sorte que la torture soit interdite de manière absolue, intangible et imprescriptible, a recommandé Mme Racu. Elle s’est ensuite inquiétée que l’accès à un avocat ne soit pas garanti en Bulgarie, les justiciables n’ayant pas systématiquement accès à un avocat dans les 24 heures suivant leur mise en détention, tandis que les avocats commis d’office ne jouent pas leur rôle de protection contre les mauvais traitements. La corapporteuse s’est en outre dite particulièrement préoccupée par les violences infligées aux mineurs placés dans les lieux de détention gérés par la police : deux tiers d’entre eux disent avoir été victimes de violence physique pendant leurs interrogatoires, d’insultes voire de menaces de mort. Dans ce contexte, l’experte a regretté que le Ministère de l’intérieur ne réprime pas systématiquement les abus de pouvoir commis par les forces de l’ordre et que les sanctions infligées soient trop clémentes. Il manque en Bulgarie un mécanisme de protection des victimes de violence policière, a insisté Mme Racu.

La corapporteuse a ensuite félicité la Bulgarie pour les mesures qu’elle a prises afin de renforcer la protection des migrants, mais a relevé plusieurs problèmes dans la politique d’asile de ce pays. Tout d’abord, la grande majorité des personnes déposent une demande d’asile depuis des centres de rétention surpeuplés, où elles sont victimes de mauvais traitements. Il semble ensuite que rien ne soit fait pour détecter les migrants ayant besoin d’une protection particulière. Enfin, de nombreux enfants migrants sont détenus avec des adultes, avec les risques que cela comporte en termes de sécurité, a souligné Mme Racu.

M. Kening Zhang, corapporteur pour l’examen du rapport de la Bulgarie, a notamment déploré que les incitations à la haine raciale – surtout contre les Roms, les migrants et les musulmans – diffusées par les médias, et souvent accompagnées d’appels à la violence, ne fassent l’objet d’aucune sanction en Bulgarie. Il a en outre fait état d’un rapport de l’organisation Human Rights Watch dénonçant des violences physiques commises par la police contre 600 migrants.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Bulgarie et les rendra publiques à l'issue de la session, le 6 décembre prochain.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport initial du Timor-Leste (CAT/C/TLS/1).


Présentation du rapport

Le Comité était saisi du sixième rapport de la Bulgarie (CAT/C/BGR/6), préparé sur la base d’une liste de points à traiter transmise par le Comité.

M. YURI STERK, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Bulgarie, a présenté les progrès réalisés par son pays depuis 2011 dans le domaine législatif, dans la gestion des migrations et dans la lutte contre la traite des êtres humains. C’est ainsi que le Conseil des Ministres a décidé en 2013 de créer un mécanisme national des droits de l’homme pour coordonner l’action des autorités publiques chargées de concrétiser les engagements de la Bulgarie dans le domaine des droits de l’homme. Le Bureau du Médiateur a lancé la procédure visant sa ré-accréditation par le Comité international de coordination des institutions nationales de droits de l’homme, a indiqué M. Sterk, avant d’ajouter que le Médiateur joue aussi le rôle de mécanisme national de prévention de la torture, au titre du Protocole facultatif à la Convention. La Bulgarie a reçu deux visites du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), a par ailleurs indiqué le Vice-Ministre des affaires étrangères.

S’agissant des migrants et réfugiés, les autorités bulgares ont dû, face à la pression migratoire sans précédent qui s’exerce sur la Bulgarie, prendre des mesures urgentes depuis 2015 pour augmenter la capacité d’accueil des étrangers en quête de protection internationale, a poursuivi M. Sterk. Des procédures accélérées ont été mises en place pour mieux répondre aux flux migratoires et les requérants d’asile ont droit de recevoir une éducation formelle dès le début de la procédure, a-t-il souligné. Quant aux migrants mineurs, ils sont pris en charge dans des centres de réception par l’Agence nationale pour les réfugiés et par des organisations non gouvernementales ; des cours de langue bulgare leur sont dispensés dans ce cadre. La Bulgarie a reçu un financement de 160 millions d’euros de l’Union européenne pour appliquer ces mesures urgentes, a précisé M. Sterk.

La Bulgarie a fait de grands progrès dans la lutte contre la traite des êtres humains, a en outre fait valoir le Vice-Ministre. Pays d’origine de la traite, elle s’est dotée d’un cadre très complet de lutte contre ce problème ; la Bulgarie a été l’un des premiers pays en Europe à adopter une loi spécifique contre la traite, a-t-il indiqué, avant de souligner que les sanctions prévues en la matière sont alignées sur les normes légales internationales et sont aggravées lorsque les victimes sont des enfants.

La Commission nationale de lutte contre la traite des êtres humains a fait de l’identification des victimes dans les flux migratoires mixtes une de ses priorités, en partenariat avec les Nations Unies et les organisations internationales humanitaires, a ajouté M. Sterk. La Bulgarie attache la plus grande importance à sa collaboration avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et les organisations internationales et régionales actives dans ce domaine. Un mécanisme national de protection des victimes de la traite a été créé en 2016, a également indiqué le Vice-Ministre bulgare des affaires étrangères. Au premier semestre de 2017, a-t-il précisé, quelque 285 cas de traite d’êtres humains ont été instruits et 63 sanctions ont été prononcées, pour 366 victimes identifiées.

La Bulgarie est consciente des autres difficultés qu’elle doit affronter, s’agissant notamment des conditions de détention, de la nécessité d’améliorer l’accueil des migrants et de la lutte contre les violences sexistes, a conclu M. Sterk.


Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME ANA RACU, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de la Bulgarie, s’est félicitée de la ratification par ce pays de plusieurs instruments internationaux importants, dont le Protocole facultatif à la Convention et la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique. En revanche, le Code pénal bulgare ne criminalise pas la torture de manière conforme à la définition donnée par la Convention, a-t-elle relevé. Elle a également regretté que le projet de nouveau code pénal (2013) contienne, au sujet de la torture, des dispositions contraires aux normes internationales et aux recommandations des organes de traités. En particulier, ce projet définit la torture comme un acte commis par n’importe quelle personne, sans mentionner spécifiquement l’individu agissant en tant qu’agent public. La Bulgarie devrait faire en sorte que la torture soit interdite de manière absolue, intangible et imprescriptible, a recommandé Mme Racu.

Mme Racu a ensuite prié la délégation de donner davantage d’informations sur les visites effectuées par le mécanisme national de prévention de la torture dans les lieux de détention gérés par la police. Elle a voulu savoir combien de recommandations du mécanisme ont été adoptées par les autorités. La délégation a été également priée de dire quelles mesures ont été prises pour assurer le financement de ce mécanisme. Mme Racu a en outre observé que le mécanisme de prévention, intégré au Bureau du Médiateur, avait aussi pour mission de contrôler la situation des migrants et demandeurs d’asile en Bulgarie et avait d’ailleurs déjà publié deux rapports sur cette activité ; aussi, l’experte a-t-elle voulu savoir dans quelle mesure le Médiateur est en mesure de contrôler les expulsions de personnes hors de la Bulgarie, compte tenu des restrictions budgétaires signalées dans le rapport.

Pour ce qui est des garanties procédurales, Mme Racu a constaté que la Bulgarie avait fait des progrès en ce qui concerne l’aide juridictionnelle prodiguée aux personnes défavorisées, grâce notamment à une augmentation des budgets à cette fin. La corapporteuse s’est néanmoins inquiétée que l’accès à un avocat ne soit pas garanti en Bulgarie : les justiciables n’ont pas systématiquement accès à un avocat dans les 24 heures suivant leur mise en détention, tandis que les avocats commis d’office ne jouent pas leur rôle de protection contre les mauvais traitements, a-t-elle relevé. Ainsi, dans une enquête, le Comité Helsinki de Bulgarie a constaté que 79% des personnes interrogées n’avaient pas eu accès à un conseil juridique au commencement de la procédure ; la même enquête indique en outre que 56% des personnes détenues – et même 60% lorsqu’il s’agit de Roms – disent avoir été placées en détention pendant toute la durée de la procédure les concernant, a souligné l’experte.

La corapporteuse s’est en outre inquiétée d’informations reçues par le Comité contre la torture indiquant que les règles relatives à la confidentialité des examens médicaux des détenus et la dénonciation des traces de mauvais traitements sont systématiquement ignorées en Bulgarie. Elle a prié la délégation de fournir des statistiques sur l’utilisation de la force par la police et les personnels pénitentiaires bulgares, qui sont régulièrement accusés de brutaliser des détenus. Mme Racu s’est dite particulièrement préoccupée par les violences infligées aux mineurs placés dans les lieux de détention gérés par la police : deux tiers d’entre eux disent avoir été victimes de violence physique pendant leurs interrogatoires, d’insultes voire de menaces de mort. Dans ce contexte, l’experte a regretté que le Ministère de l’intérieur ne réprime pas systématiquement les abus de pouvoir commis par les forces de l’ordre et que les sanctions infligées soient trop clémentes. Il manque en Bulgarie un mécanisme de protection des victimes de violence policière, a observé Mme Racu.

La corapporteuse a ensuite félicité la Bulgarie pour les mesures qu’elle a prises afin de renforcer la protection des migrants, mais a relevé plusieurs problèmes dans la politique d’asile de ce pays. Tout d’abord, la grande majorité des personnes déposent une demande d’asile depuis des centres de rétention surpeuplés, où elles sont victimes de mauvais traitements. Il semble ensuite que rien ne soit fait pour détecter les migrants ayant besoin d’une protection particulière. Enfin, de nombreux enfants migrants sont détenus avec des adultes, avec les risques que cela comporte en termes de sécurité, a souligné Mme Racu.

Mme Racu a prié la délégation de commenter l’affaire Abdullah Buyuk, un ressortissant turc secrètement extradé de Bulgarie vers la Turquie en 2016, en dépit d’un jugement de la Cour d’appel de Sofia selon lequel les accusations portées contre cette personne par le Gouvernement turc étaient motivées par des raisons politiques.

L’experte a par ailleurs relevé que la violence au sein de la famille était mal documentée en Bulgarie. Des enquêtes indiquent cependant que les femmes roms sont particulièrement exposées à ce type de violence. Il semble que les victimes n’aient pas le courage de se plaindre vu le manque de soutien institutionnel et l’impunité des auteurs de cette violence, a insisté Mme Racu. Elle a également déploré que les victimes de la traite des êtres humains ne soient pas assez soutenues par les autorités et que les responsables de ce crime bénéficient souvent de remises de peine.

Mme Racu a voulu savoir à quelle fréquence le mécanisme national de prévention de la torture visitait les lieux de détention gérés par la police, où surviennent la majorité des violations constatées. L’experte a également voulu savoir si la Cour européenne des droits de l’homme avait été saisie de plaintes pour violation des droits de personnes placées en détention administrative. Qu’en est-il en outre du nombre de fonctionnaires condamnés pour des violences à l’encontre d’enfants, a demandé Mme Racu, avant de souligner que la présentation de statistiques permettrait au Comité de se faire une idée du niveau de violence et d’impunité en Bulgarie ?

M. KENING ZHANG, corapporteur pour l’examen du rapport de la Bulgarie, a prié la délégation de dire si les personnels pénitentiaires en Bulgarie étaient formés à appliquer le Manuel des Nations Unies pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul). Existe-t-il une méthode pour évaluer l’impact d’une telle formation, a-t-il demandé ? L’expert a aussi souhaité savoir si la police et les travailleurs médicaux étaient formés pour détecter les victimes de la violence domestique et leur venir en aide.

M. Zhang s’est ensuite enquis de ce qui a été fait pour modifier le régime de la détention au secret dans les prisons bulgares. Il s’est en outre enquis de l’aboutissement des 166 poursuites lancées au sujet de la mort, entre 2000 et 2010, de 238 enfants handicapés en Bulgarie.

Le corapporteur a également fait état d’un rapport du Haut-Commissariat pour les réfugiés indiquant que les conditions de vie dans le centre de rétention de Elhovo sont inacceptables et que ce centre devrait être fermé. Qu’en est-il du projet d’extension à quatre mètres carrés de l’espace dévolu à chaque détenu d’ici à 2019, a-t-il demandé ? L’expert s’est également enquis de ce qui avait été fait pour améliorer l’hygiène dans les établissements pénitentiaires bulgares, en particulier pour ce qui est de la rénovation des toilettes des prisons de Burgas, Varna et Slivan et de la dératisation de nombreux autres lieux de détention. Le corapporteur a relevé que le Comité Helsinki de Bulgarie avait critiqué les coupes opérées dans les personnels pénitentiaires et s’était inquiété de mauvais traitements infligés à des détenus à des fins d’extorsion d’aveux. M. Zhang a regretté que le rapport de la Bulgarie ne fournisse pas d’informations chiffrées concernant les indemnisations octroyées aux personnes victimes de torture ou de mauvais traitements. Il a une fois de plus cité un rapport du Comité Helsinki selon lequel les tribunaux bulgares omettent de déterminer si certaines déclarations de justiciables ont pu avoir été obtenues par la force.

Le corapporteur a ensuite déploré que les incitations à la haine raciale – surtout contre les Roms, les migrants et les musulmans – diffusées par les médias, et souvent accompagnées d’appels à la violence, ne fassent l’objet d’aucune sanction en Bulgarie. Il a en outre fait état d’un rapport de l’organisation Human Rights Watch dénonçant des violences physiques commises par la police contre 600 migrants ; les organisations non gouvernementales en général sont préoccupées de constater que le problème des migrants et des requérants d’asile est uniquement considéré sous l’angle sécuritaire, alors qu’il s’agit de personnes en quête de protection, a insisté M. Zhang.

L’expert s’est d’autre part enquis de l’état d’avancement du plan visant à intégrer les personnes handicapées dans la société et des efforts déployés pour sortir les enfants handicapés des institutions fermées où ils sont placés.

M. Zhang s’est en outre fait l’écho de préoccupations s’agissant de pressions exercées par des politiciens et des élus sur des journalistes en Bulgarie.

M. Zhang a par la suite relevé avec satisfaction que la Bulgarie s’employait depuis au moins 2010 à sortir les enfants handicapés des institutions fermées. Il s’est également dit encouragé par la réduction considérable du nombre de femmes victimes de la traite des êtres humains, mais a néanmoins voulu savoir combien de ces victimes reçoivent des indemnités.

D’autres membres du Comité se sont interrogés sur l’incapacité de la Bulgarie de collecter des statistiques ventilées (par origine ethnique ou religieuse, ou selon d’autres critères) et sur les effets de cette incapacité quant à l’adoption de politiques mieux ciblées.

Plusieurs experts ont dénoncé les agressions et les vols commis par des milices de « chasseurs de migrants » en Bulgarie et se sont interrogés sur l’inaction de l’État face à ces actes. Une experte a souligné qu’il a fallu que le Comité Helsinki dépose plusieurs plaintes avant que les autorités n’interviennent pour interdire aux citoyens de prendre de telles initiatives.

Un autre expert a regretté que les migrants ayant été victimes de torture, qui ont des besoins particuliers en termes de prise en charge et de protection, ne soient pas systématiquement détectés aux frontières. L’expert a par ailleurs rappelé que la détention de migrants et de requérants d’asile doit rester une mesure de dernier recours.

Un expert a rappelé que le Comité avait recommandé précédemment à la Bulgarie de supprimer le régime de détention au secret en tant que sanction administrative infligée aux détenus indisciplinés ; il a donc voulu savoir quelles suites avaient été données à cette recommandation. S’agissant du droit à la santé dans les lieux de privation de liberté, un autre expert a voulu savoir dans quelle mesure les personnels médicaux des prisons étaient indépendants du Ministère de l’intérieur.

Une experte a fait observer que l’état d’urgence tel qu’il est prévu par la Constitution bulgare dépasse sans doute les limites fixées par l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’experte a en outre regretté part que les détenus en Bulgarie rencontrent des obstacles pour accéder à la justice.

Une experte a voulu savoir si les membres des « patrouilles de citoyens » ayant agressé des tiers avaient été sanctionnés.

M. JENS MODVIG, Président du Comité, a souligné le rôle des médecins dans la détection des signes de mauvais traitements ou de torture et a voulu savoir combien de dénonciations de tels cas les médecins avaient transmises au parquet.

Réponses de la délégation

La délégation a relevé que de nombreuses informations à la disposition du Comité proviennent d’organisations non gouvernementales bulgares ou internationales ainsi que des institutions créées par la Bulgarie pour lutter contre la torture et protéger les droits de l’homme. Cela confirme la transparence de la Bulgarie et sa volonté de s’attaquer aux problèmes réels qu’elle rencontre encore dans ces domaines, a souligné la délégation.

La Bulgarie a engagé une réforme prioritaire du Code pénal qui devrait aboutir à la fin de 2018 : ce nouveau texte fera de la torture un crime passible de sanctions pénales, a indiqué la délégation, avant de préciser que la décision de faire de la torture un crime distinct à part entière n’est pas allée sans mal. La définition de la torture qui figure dans la loi bulgare depuis 2013 est globalement conforme aux définitions données par les instruments internationaux, a ajouté la délégation. Les critiques formulées à cet égard par les organisations non gouvernementales sont prises en compte par les autorités, a-t-elle assuré.

En 2017, le mécanisme national de prévention de la torture visite aussi les lieux où sont retenus les migrants, a poursuivi la délégation ; il formule à cette occasion des recommandations qui sont appliquées par les administrations concernées, a-t-elle indiqué. Pour cette année, son budget est d’environ 1,5 million d’euros, a-t-elle précisé, avant d’annoncer que ce mécanisme avait lancé les démarches pour être accrédité de nouveau avec le statut « A » de conformité aux Principes de Paris.

Le Médiateur, qui assume les fonctions de mécanisme de prévention de la torture, a effectué 12 visites de lieux de détention en 2016 et 33 en 2017, a ensuite précisé la délégation. Les moyens affectés au Médiateur seront augmentés quand cette institution bénéficiera du statut « A » de conformité aux Principes de Paris, a-t-elle indiqué.

Le recours à la force, et en particulier aux armes à feu, par la police est subordonné aux règlements en vigueur en la matière, lesquels fixent des conditions très restrictives en termes de proportionnalité et d’impact sur les droits des citoyens, a ensuite fait valoir la délégation. Les autorités ont mis en place une procédure pour enregistrer les plaintes pour violences policières, a ajouté la délégation. Toutes les plaintes alléguant d’actes de torture sont adressées directement au procureur, a en outre souligné la délégation. En 2016, le nombre d’incidents signalés par des citoyens a fortement baissé pour atteindre 168 affaires, tous actes confondus.

L’extorsion d’aveux par des moyens non autorisés est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement, a ensuite indiqué la délégation, avant de rappeler qu’en Bulgarie, l’accusation et le jugement ne peuvent être fondés exclusivement sur les témoignages et les aveux.

Le règlement sur la garde à vue interdit explicitement tout acte de torture et de mauvais traitements, a également fait valoir la délégation.

Pour ce qui est des garanties de procédure, toute personne détenue doit être informée de ses droits dans une langue qu’elle comprend et a le droit de contacter sa famille – ou son consulat, pour les ressortissants étrangers –, a poursuivi la délégation. Les autorités diffusent un mémento des droits des détenus et ce document est disponible dans plusieurs langues, a-t-elle précisé. En outre, chaque commissariat de police affiche une liste bien visible d’avocats de garde.

Toute personne détenue bénéficie de soins médicaux en cas de besoin, a également indiqué la délégation, avant de souligner qu’une visite médicale est obligatoire en cas de prolongement de la détention. Les dossiers médicaux sont totalement confidentiels. Une fois par an, chaque détenu subit un examen médical approfondi, y compris le dépistage de maladies telles que le VIH/sida. Les blessures traumatiques sont consignées dans des registres ouverts dans chaque établissement de détention, a ajouté la délégation. La Bulgarie estime aller dans le bon sens s’agissant de l’accès des détenus aux soins de santé, malgré les difficultés qui subsistent, a-t-elle affirmé.

L’aide juridictionnelle et l’accès des victimes à la justice sont supervisés par le Ministère de la justice. En 2016 et 2017, la loi a été amendée de manière à élargir le cercle des bénéficiaires de l’aide juridictionnelle et à supprimer la plupart des formalités administratives y afférentes pour les justiciables. La gratuité de cette aide est assurée aux personnes qui témoignent ne pas disposer de ressources suffisantes.

En 2016 et 2017, des formations ont été organisées à l’intention de 54 magistrats afin de les familiariser aux problèmes liés à la violence domestique ou intrafamiliale, a d’autre part indiqué la délégation. Une formation en ligne à la lutte contre la violence à l’égard des mineurs a profité à 28 autres magistrats. Toutes ces formations sont basées sur les normes internationales telles que l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus et d’autres documents adoptés au plan régional, a fait valoir la délégation.

Dans la même période 2016-2017, quelque 3000 policiers ont suivi des formations continues dans les domaines des droits de l’homme, des droits des justiciables, de la tolérance et de la non-discrimination à l’encontre des groupes vulnérables, par exemple.

Une réforme de la justice a été lancée en 2015, a ensuite rappelé la délégation. Aux termes de cette réforme, les membres du Conseil supérieur de la magistrature sont désormais élus au suffrage universel. La réforme a également instauré un renforcement des compétences des juges et leur contrôle par deux collèges indépendants.

Par ailleurs, les autorités judiciaires ont ouvert des salles adaptées à l’audition des mineurs, qu’ils soient témoins ou en conflit avec la loi, a indiqué la délégation.

Les autorités bulgares savent qu’elles doivent adapter leur système de justice pour mineurs aux normes internationales en la matière, a par la suite indiqué la délégation. Un projet de loi a été élaboré pour modifier en conséquence le Code pénal et le Code de procédure pénale, en vue notamment de mettre l’accent sur le renoncement aux mesures pénales, au profit de mesures éducatives et de réinsertion.

Les châtiments, non seulement corporels mais aussi psychologiques, sont interdits en Bulgarie, a aussi indiqué la délégation. La Bulgarie a adhéré aux traités internationaux prohibant les pires formes de travail des enfants, a-t-elle ajouté.

La direction générale des prisons travaille d’arrache-pied pour améliorer les conditions de détention, a par ailleurs assuré la délégation. Ces conditions ont d’ailleurs considérablement évolué depuis quelques années. C’est ainsi que les lieux de détention souterrains ont tous été fermés, à l’exception d’un seul, qui sera bientôt remplacé par un nouvel établissement beaucoup plus grand. D’autre part, ni les mineurs, ni les réfugiés, ni les migrants ne peuvent être détenus à l’isolement, a indiqué la délégation ; cette sanction, qui ne peut dépasser 14 jours, est réservée à des détenus violents ou ayant commis des délits relatifs au trafic de stupéfiants ou aux armes à feu, a-t-elle précisé.

Les détenus bénéficient de conditions d’hygiène correctes, a également assuré la délégation, avant de préciser que les prisons de Sofia n’étaient pas surpeuplées et que les autorités avaient procédé ces dernières années à la rénovation de prisons et à l’ouverture de nouveaux établissements, avec l’aide de la Norvège.

La délégation a par la suite expliqué que toute blessure ou lésion subie en prison est systématiquement consignée, moyennant le consentement du détenu qui en est victime. Le parquet est saisi de tous les cas de violence commise sur un détenu par un gardien ou par un autre détenu. Des statistiques trimestrielles sur la violence en prison sont établies par le Ministère de la justice.

La direction de la police des frontières et le ministère public sont informés de tout acte de violence sur des migrants. Trois cas de violence policière sur des migrants ont été dénoncés en 2015, 16 en 2016 : deux policiers ont été sanctionnés pour ces faits. Aucun manquement n’a été signalé depuis le début de 2017, a indiqué la délégation.

Les centres d’accueil temporaire de migrants abritaient 16 000 étrangers en 2016, dépassant alors la capacité d’accueil de 10% à 20%, a poursuivi la délégation, avant de préciser que la baisse des flux migratoires avait par la suite permis d’améliorer la situation. Les centres d’accueil ont été rénovés récemment, a également fait valoir la délégation.

L’intérêt supérieur de l’enfant est la règle pour le traitement des migrants mineurs non accompagnés, a en outre souligné la délégation. Leur prise en charge est assurée par l’État avec l’aide d’organisations non gouvernementales et des institutions spécialisées des Nations Unies – que la délégation a remerciées.

Les autorités doivent accuser réception des demandes d’asile en Bulgarie dans les trois jours ; les autorités compétentes disposent alors de deux mois pour se prononcer sur le fond de la demande. Les migrants sont dûment informés de leurs droits et peuvent bénéficier d’une aide juridictionnelle. Les autorités collaborent dans ce domaine avec le Comité Helsinki, a précisé la délégation.

La Bulgarie respecte strictement le principe de non-refoulement, a également assuré la délégation. Tous les étrangers ont la possibilité de demander la protection de la Bulgarie et de déposer à cette fin une demande d’asile. S’agissant du cas particulier de M. Buyuk – qui a été mentionné par un expert –, la délégation a déclaré que la procédure suivie a été identique à celle qui s’applique à tout étranger en la matière. Sa demande d’asile ayant été jugée irrecevable, M. Buyuk aurait pu demander à la Bulgarie une autre protection que l’asile politique ; mais informé de ses droits, M. Buyuk a fait d’autres choix et a dû subir ensuite la procédure judiciaire normale, a expliqué la délégation.

S’agissant des « patrouilles de citoyens », la délégation a fait observer que les autorités bulgares ont condamné publiquement toutes les initiatives privées de contrôle des frontières ou des rues. Des mesures ont été prises non seulement pour faire cesser ce genre d’activités, mais aussi pour les prévenir, a-t-elle assuré.

Les autorités sont conscientes de la vulnérabilité des Roms face à la traite des êtres humains, a ensuite déclaré la délégation. Les autorités ont donc lancé, avec des organisations non gouvernementales spécialisées et des représentants roms, des campagnes de sensibilisation qui s’appuient sur une cartographie des risques. Cinq centres ont été ouverts pour l’accueil et la réinsertion sociale des victimes de la traite, a ajouté la délégation. Les enfants pris en charge dans ce contexte sont scolarisés, a-t-elle précisé, avant d’indiquer que 70% des femmes aidées collaborent avec les autorités pour trouver les coupables.

Les victimes de crimes bénéficient de mesures de réparation financière conformes aux directives de l’Union européenne, a en outre indiqué la délégation bulgare ; elles ont également accès à des organisations qui leur apportent gratuitement un soutien psychologique et matériel.

Dans sa lutte contre le terrorisme, la Bulgarie respecte pleinement ses obligations en matière de respect de la vie privée, comme l’y engagent les règlements européens, a d’autre part assuré la délégation.

Toutes les institutions spécialisées fermées accueillant des enfants handicapés ont été remplacées par 144 structures communautaires où les conditions de vie ressemblent à un milieu familial, a d’autre fait valoir la délégation. Ce mouvement s’inscrit dans le cadre d’une démarche généralisée de désinstitutionalisation de toutes les personnes souffrant d’un handicap mental, a-t-elle précisé.

La lutte contre la violence sexuelle et sexiste est une priorité en Bulgarie, a déclaré la délégation, soulignant que le pays avait ratifié les traités internationaux pertinents en la matière et envisageait d’élargir le cercle des personnes bénéficiant de la protection prévue par ces traités. La Bulgarie envisage également de créer des services spécialisés dans le soutien aux victimes de ce type de violences. Quant au Code pénal, il a été amendé pour sanctionner les mutilations génitales féminines, entre autres violences contre les femmes, a ajouté la délégation. Le Bulgarie envisage par ailleurs d’ériger en infraction pénale l’incitation à la haine contre les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, a-t-elle indiqué.

Les crimes motivés par la haine font l’objet d’enquêtes diligentes en Bulgarie, a assuré la délégation. En 2013, 651 crimes de haine ont été dénoncés ; 300 personnes ont été poursuivies en justice et 239 condamnées ; en 2014, 617 crimes de haine ont été dénoncés, donnant lieu à 117 condamnations ; en 2015 enfin, 704 crimes de haine ont été dénoncés, donnant lieu à 135 condamnations. En 2015-2016, un atelier de formation a été organisé à l’intention des procureurs au sujet des crimes de haine. Rien n’est épargné pour poursuivre les auteurs de tels actes, a insisté la délégation.

La délégation a fait savoir qu’elle transmettrait ultérieurement des renseignements sur les mineurs détenus dans des commissariats, sur les indemnités versées aux victimes de violence et sur les sanctions prises contre les « chasseurs de migrants ». Le Président du Comité, M. Modvig, a demandé à la délégation bulgare de fournir aussi des données aussi précises que possible concernant les blessures sur les détenus signalées aux procureurs.



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CAT/17/28F