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LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA JORDANIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l’homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par la Jordanie sur les mesures qu’elle a prises pour appliquer le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant ce rapport, Mme Saja Majali, Représentante permanente de la Jordanie auprès des Nations Unies à Genève, a insisté sur l’attachement de la Jordanie aux droits de l’homme dans tous les domaines. Le Roi a permis de grands changements dans le pays, qui ont eu des retombées importantes en matière de droits de l’homme non seulement en Jordanie mais aussi dans la région, a-t-elle souligné. Aucun pays n’a connu de chocs externes aussi importants, sans parler du flux de réfugiés qui en découle, a poursuivi la Représentante permanente. En dépit de toutes ces difficultés, la Jordanie œuvre au bien-être de ses citoyens et le pays va de l’avant par le biais de profondes réformes sociales, a-t-elle fait valoir.

La Constitution jordanienne garantit la protection des droits de l’homme pour tous les citoyens et la Jordanie a pris des mesures importantes pour mieux faire respecter les dispositions du Pacte sur le terrain, a poursuivi Mme Majali. Une loi limitant les compétences des tribunaux militaires a été promulguée, qui prévoit que les civils ne peuvent plus être jugés que devant des tribunaux civils. D’autre part, les procédures ont été renforcées pour assurer la tenue de procès équitables, a poursuivi la Représentante permanente, avant de faire état de la nouvelle loi sur les violences domestiques. Des amendements ont en outre été apportés à la loi sur le mariage, a-t-elle ajouté.

La Jordanie reçoit énormément de migrants, dont la majorité sont des Syriens, ce qui a d’importantes répercussions dans tous les domaines et notamment dans l’offre de services, a ensuite souligné Mme Majali. La Jordanie en appelle à la communauté internationale pour l’aider à remplir ses obligations humanitaires, a-t-elle ajouté. La Jordanie n’a plus de place, mais le pays continue malgré tout d’apporter toute l’aide possible aux migrants, a-t-elle indiqué. Le retour de tout réfugié syrien est un retour volontaire ou alors il est dû à des raisons sécuritaires, a par la suite tenu à souligner la délégation jordanienne dirigée par Mme Majali.

Au cours du dialogue qui s’est noué entre la délégation jordanienne et les membres du Comité, une experte a relevé les avancées législatives réalisées par la Jordanie depuis l’examen de son précédent rapport. S’agissant de la peine de mort, elle a toutefois regretté que des individus soient encore exécutés en Jordanie.

Un autre membre du Comité a salué les efforts consentis par la Jordanie pour protéger les droits des migrants et notamment des travailleurs domestiques, mais s’est inquiété que des travailleurs expatriés puissent être privés de liberté et expulsés du pays s’ils ne se présentent pas régulièrement sur leur lieu de travail. L’expert s’est ensuite enquis de la situation des migrants qui se retrouvent dans la région du « Berm », située à la frontière entre la Syrie et la Jordanie, et d’une manière plus générale, de la situation dans les camps de réfugiés. La Jordanie a renvoyé un grand nombre de réfugiés syriens au cours de ces dernières années, entraînant de très nombreux décès et assassinats lors de leur retour en Syrie; il s’agit là d’une violation du principe de non-refoulement, s’est pour sa part inquiété un expert.

Une experte a félicité la Jordanie pour avoir abrogé la possibilité pour les auteurs de viol de se marier avec leur victime afin d’échapper à la justice. De nombreuses difficultés subsistent concernant la protection des femmes contre les violences intrafamiliales, notamment en raison du manque de personnel formé sur cette question, a par ailleurs regretté cette experte; le personnel tente dans la plupart des cas de favoriser la réconciliation entre les époux plutôt que de faire appliquer la loi, a-t-elle relevé. Elle s’est inquiétée de la pratique consistant à placer en détention des femmes qui pourraient être victimes de crimes d’honneur ou de violences. Une experte a déploré que devant les tribunaux de la charia, la voix des hommes prévale sur celle des femmes.

Outre Mme Majali, la délégation jordanienne était également composée, entre autres, de représentants du Ministère des affaires étrangères et des expatriés, du Ministère du développement social, du Ministère de la justice, du Ministère de l’intérieur, et de la Commission nationale jordanienne de la femme.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées en ce qui concerne notamment les réfugiés, syriens et palestiniens; les travailleurs migrants ; le statut personnel et les tribunaux de la charia ; les violences familiales, la représentation et la participation des femmes, l’avortement, le mariage et les témoignages en justice ; la peine de mort ; l’aide juridictionnelle ; l’apostasie ; la législation antiterroriste ; les tribunaux spéciaux ; ou encore le droit de réunion.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport la Jordanie et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit s’achever le 10 novembre prochain.

Le Comité entamera ce lundi, à 15 heures, l’examen du rapport de Maurice.

Présentation du rapport de la Jordanie

Le Comité était saisi du cinquième rapport périodique de la Jordanie (CCPR/C/JOR/5), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter que lui avait transmise le Comité.

MME SAJA MAJALI, Représentante permanente de la Jordanie auprès des Nations Unies à Genève, a insisté sur l’attachement de la Jordanie aux droits de l’homme dans tous les domaines et a salué la présence des organisations non gouvernementales. La Jordanie accorde une grande importance à la promotion et à la protection des droits de l’homme, a-t-elle insisté. Le Roi a permis de grands changements dans le pays, qui ont eu des retombées importantes en matière de droits de l’homme non seulement en Jordanie mais aussi dans la région, a-t-elle ajouté.

De nombreuses transformations ont eu lieu dans le pays et dans la région depuis l’examen du quatrième rapport périodique de la Jordanie, a poursuivi la Représentante permanente. Aucun pays n’a connu de chocs externes aussi importants, sans parler du flux de réfugiés qui en découle, a-t-elle souligné. En dépit de toutes ces difficultés, la Jordanie œuvre au bien-être de ses citoyens et le pays va de l’avant par le biais de profondes réformes sociales. Le pays continuera à œuvrer pour le développement économique et social, a assuré Mme Majali.

La Jordanie a toujours été attachée à la mise en œuvre de ses obligations internationales, a déclaré la Représentante permanente. La Constitution jordanienne garantit la protection des droits de l’homme pour tous les citoyens et la Jordanie a pris des mesures importantes pour mieux faire respecter les dispositions du Pacte sur le terrain, a-t-elle indiqué. Les institutions ont été renforcées et des amendements législatifs ont été adoptés dans ce sens qui ont permis d’aboutir à une meilleure répartition des pouvoirs et à l’instauration d’institutions plus démocratiques. Une loi limitant les compétences des tribunaux militaires a été promulguée, a en outre fait observer Mme Majali ; elle prévoit que les civils ne peuvent plus être jugés que devant des tribunaux civils. La commission électorale joue quant à elle un rôle fondamental pour permettre le bon déroulement des élections; elle sert d’ailleurs d’exemple à l’étranger.

Des dizaines d’organes de surveillance permettent de lutter contre la corruption et de contrôler les activités tant dans le secteur privé que dans le secteur public, a poursuivi la Représentante permanente. Elle a en outre rappelé que le Roi avait promulgué un texte qui vise à renforcer l’état de droit en prévoyant le renforcement du système judiciaire. Le système de règlement des différends a sensiblement été amélioré, a ajouté Mme Majali. Un comité de lutte contre la traite a quant à lui revu les termes de la loi sur la traite. D’autre part, les procédures ont été renforcées pour assurer la tenue de procès équitables, a poursuivi la Représentante permanente, avant de faire état de la nouvelle loi sur les violences domestiques, qui impose l’obligation de signaler toutes les violences au sein des foyers. Quant à la loi sur les personnes handicapées, elle garantit les droits de ces personnes conformément à la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Des amendements ont en outre été apportés à la loi sur le mariage. En 2017, ont également été promulguées les lois sur l’indépendance du judiciaire, sur la Cour de réconciliation ou encore sur le règlement des différends, entre autres.

La cheffe de la délégation a souligné qu’un Coordonnateur des droits de l’homme veille à ce que la législation soit conforme aux traités internationaux en matière des droits de l’homme auxquels la Jordanie est partie.

Le pays accorde une grande importance à la liberté d’expression, en particulier pour les journalistes, a poursuivi Mme Majali. La loi sur la presse permet aux médias de bénéficier d’une plus grande liberté d’expression et garantit aux journalistes l’accès aux informations, a-t-elle souligné.

Les ordres de détention administrative (internement administratif) doivent respecter un certain nombre de critères, a d’autre part indiqué la Représentante permanente, précisant que l’administration de la justice se fait alors à deux niveaux, avec une cour administrative et une cour administrative suprême.

La loi en vigueur en Jordanie permet à la femme de mettre fin au contrat de mariage sans avoir à exposer un motif, a par ailleurs indiqué Mme Majali.

Au niveau municipal, des élections ont eu lieu le 15 août dernier sous la supervision de la Commission électorale indépendante, a en outre rappelé la Représentante permanente, faisant observer que c’est la première fois que la loi sur la décentralisation était appliquée, à cette occasion.

La Jordanie reçoit énormément de migrants, dont la majorité sont des Syriens, ce qui a d’importantes répercussions dans tous les domaines et notamment dans l’offre de services, a souligné Mme Majali. La Jordanie en appelle à la communauté internationale pour l’aider à remplir ses obligations humanitaires, a-t-elle ajouté. La Jordanie n’a plus de place, mais le pays continue malgré tout d’apporter toute l’aide possible aux migrants, a-t-elle indiqué.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Une experte a relevé les avancées législatives réalisées par la Jordanie depuis l’examen de son précédent rapport, ainsi que la création d’une série d’institutions dans le domaine des droits de l’homme. Elle s’est enquise de la possibilité pour les tribunaux d’invoquer les dispositions du Pacte. Comment les dispositions du Pacte sont-elles appliquées dans le pays, a-t-elle demandé? Dans quelle mesure l’ensemble des tribunaux, y compris les tribunaux religieux, tiennent-ils compte des normes internationales, a-t-elle insisté? S’agissant de la peine de mort, elle a regretté que des individus soient encore exécutés en Jordanie. L’experte a ensuite souhaité savoir si la société civile avait un droit de regard sur les travaux de l’institution nationale des droits de l’homme, si cette instance pouvait être saisie de plaintes et si elle avait la possibilité d’exercer ses compétences sur l’ensemble du territoire ; qu’en est-il en outre du budget de cette institution? Cette même experte a en outre souhaité savoir si la Jordanie s’était dotée d’une législation exhaustive en matière de lutte contre les discriminations.

Un autre membre du Comité a souligné qu’entre 12 et 14% des mariages concernent des personnes de moins de dix-huit ans. Il a demandé si la Jordanie prévoyait de revoir les dispositions législatives existantes afin d’interdire, à terme, les mariages précoces. En vertu de la loi sur la nationalité, les femmes jordaniennes ne peuvent pas transmettre leur nationalité à leurs enfants, a par ailleurs déploré l’expert ; de ce fait, a-t-il ajouté, des enfants pourraient être amenés à l’étranger à des fins d’exploitation et certains pourraient se retrouver en situation d’apatridie, sans parler des très jeunes filles qui se marient avec des expatriés pour se retrouver dans des situations plus confortables. L’expert a donc souhaité savoir si les autorités jordaniennes envisageaient d’amender la loi sur la nationalité. Quant aux femmes non musulmanes, elles se retrouvent dans des cas de figure problématiques, a ajouté l’expert ; il a souhaité savoir par quelles mesures la Jordanie entendait réexaminer les dispositions inspirées de la charia qui sont discriminatoires à l’égard des femmes non musulmanes. Ce même membre du Comité a en outre souligné que les femmes étaient très peu présentes dans l’institution judiciaire.

Ce même expert a salué les efforts consentis par la Jordanie pour protéger les droits des migrants et notamment des travailleurs domestiques. Il semblerait néanmoins que la Jordanie ne se soit pas dotée d’instruments exhaustifs dans ce domaine. Des travailleurs expatriés peuvent être privés de liberté et expulsés du pays s’ils ne se présentent pas régulièrement sur leur lieu de travail, a regretté l’expert. Il s’est en outre enquis des mesures prises pour engager la responsabilité des auteurs de crimes à l’encontre des travailleurs domestiques. L’expert s’est ensuite enquis de la situation des migrants qui se retrouvent dans la région du « Berm », située à la frontière entre la Syrie et la Jordanie, et d’une manière plus générale, de la situation dans les camps de réfugiés.

Une autre experte a félicité la Jordanie pour avoir abrogé la possibilité pour les auteurs de viol de se marier avec leur victime afin d’échapper à la justice. Elle a ensuite demandé si les femmes pouvaient enregistrer leurs enfants nés hors mariage. De nombreuses difficultés subsistent concernant la protection des femmes contre les violences intrafamiliales, notamment en raison du manque de personnel formé sur cette question, a par ailleurs regretté cette experte. Le personnel tente dans la plupart des cas de favoriser la réconciliation entre les époux plutôt que de faire appliquer la loi, a-t-elle relevé, avant de s’enquérir de la formation dispensée aux membres de la police concernant les violences intrafamiliales. Des organisations non gouvernementales ont expliqué que la loi de protection de la famille ne contient pas assez de directives sur la manière de l’appliquer, a poursuivi l’experte, avant de s’enquérir de statistiques sur la mise en œuvre de cette loi. Qu’en est-il de la pratique consistant à placer en détention des femmes qui pourraient être victimes de crimes d’honneur ou de violences, a d’autre part demandé l’experte? Quelque 1721 femmes seraient ainsi placées en détention administrative sous ce motif, a-t-elle précisé, avant d’ajouter que 26 crimes d’honneur ont été commis en Jordanie l’an dernier et que la loi permet alors une réduction de peine du fait que le crime ait eu lieu dans l’enceinte familiale. L’experte s’est enquise des mesures prises par la Jordanie pour mettre fin à cette pratique.

Un membre du Comité a souligné que dans la loi sur la lutte contre le terrorisme, il existe des dispositions qui permettent d’élargir la notion de terrorisme ; cette définition très large (du terrorisme) permet de prendre une kyrielle de mesures de sécurité.

La loi en vigueur en Jordanie interdit toute interruption volontaire de grossesse (IVG), a en outre rappelé cet expert. Il a souhaité savoir s’il existait une fatwa autorisant l’avortement lorsque la vie de la mère est en danger. Est-il prévu de revoir la législation en matière d’avortement?

Un autre expert a fait observer que dans la législation jordanienne, la torture est considérée comme un délit et non pas comme un crime. Il a fait observer que la loi permettait à une autorité administrative, en l’occurrence la Direction de la sûreté générale, d’être compétente pour examiner des cas de torture alors que ces cas devaient être du seul ressort de la justice pénale. L’expert a demandé si la Jordanie avait prévu à court ou moyen terme de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Un expert a demandé pourquoi les familles palestiniennes sont empêchées d’entrer en Jordanie ou sont expulsées vers la Syrie. La Convention de 1951 relative au statut des réfugiés s’applique aux exodes de masse, a rappelé l’expert. Il a souligné que le renvoi systématique de réfugiés dans leur pays n’était pas conforme aux obligations internationales souscrites par la Jordanie. Le pays a renvoyé un grand nombre de réfugiés syriens au cours de ces dernières années, entraînant de très nombreux décès et assassinats lors de leur retour en Syrie; il s’agit là d’une violation du principe de non-refoulement, a insisté l’expert.

Tout individu doit pouvoir adopter la philosophie de vie ou la religion qu’il entend, a poursuivi l’expert. Assurant que le Coran ne s’oppose pas à la liberté de religion, il a déploré que certaines dispositions légales en Jordanie aillent à l’encontre de la possibilité pour les musulmans de changer de religion. En outre, la loi sur le mariage prévoit que les femmes jordaniennes musulmanes ne sont pas autorisées à épouser un homme étranger non musulman. Dans ce contexte, l’expert a voulu savoir si la Jordanie considérait que l’apostasie ne posait pas de problème.

Un autre expert a souligné que la plupart du temps, l’État rejetait toute responsabilité dans les cas de décès dans les lieux de détention. Cet expert s’est enquis du bilan qui peut être fait de l’initiative consistant à installer dans les lieux de détention des boîtes afin de récolter les plaintes des prisonniers. Ce même expert a en outre demandé à la délégation si elle était en mesure de confirmer le chiffre de plus de 30 000 personnes se trouvant en détention préventive dans le pays.

La société civile est assujettie à beaucoup de contraintes, a poursuivi l’expert, avant de s’interroger sur la possibilité d’organiser des manifestations ou des rassemblements pacifiques en Jordanie. Les manifestations publiques ont été fortement restreintes ces deux dernières années, a-t-il fait observer. Selon certaines informations, à plusieurs reprises, des personnes qui manifestaient pacifiquement ont été arrêtées, a-t-il insisté.

Une experte a estimé que le Gouvernement devrait financer les services juridiques offerts par les organisations de la société civile. Elle s’est enquise de ce qui est fait pour promouvoir davantage la disponibilité de l’aide juridictionnelle. Elle a ensuite regretté que devant les tribunaux de la charia, la voix des hommes prévale sur celle des femmes. L’experte s’est en outre enquise des dispositions garantissant la tenue de procès équitables pour l’ensemble des tribunaux. Relevant que c’est le Roi qui nomme les juges de la Cour constitutionnelle, elle s’est interrogée sur la compatibilité de cette pratique avec le principe de l’indépendance du judiciaire. L’experte a par ailleurs affirmé que la Cour de sûreté de l’État n’était pas indépendante et a souhaité savoir si les autorités envisageaient de l’abolir.

Relevant d’autre part que 7000 enfants syriens travaillent en Jordanie, cette même experte s’est enquise des mesures prises pour protéger les enfants réfugiés contre le travail des enfants.

Un membre du Comité a demandé ce que faisait le Gouvernement pour créer un conseil de la presse et a souhaité savoir dans quelle mesure ce processus allait être exempt de toute influence politique. Il s’est enquis des raisons des poursuites engagées contre des blogueurs et a souhaité connaître le nombre de personnes concernées par de telles poursuites.

Réponses de la délégation

La délégation a expliqué que les lois jordaniennes doivent être compatibles avec les dispositions du Pacte ; elles doivent y être conformes. Par exemple, la capacité juridique est considérée comme un droit inhérent à la personne humaine et ne peut être retirée à quiconque ; toute renonciation à ce droit est considérée comme nulle et non avenue. Le fait qu’il n’existe pas de textes de loi dérivés d’une disposition du Pacte ne signifie pas que cette disposition n’est pas appliquée. Les juges peuvent en effet fonder leur décision directement sur une disposition d’un traité international ratifié par le pays. Tous les traités internationaux ratifiés par la Jordanie font partie intégrante de la législation nationale et la Cour constitutionnelle vérifie la compatibilité de la législation interne avec les instruments juridiques internationaux, a ensuite indiqué la délégation.

La Jordanie est considérée comme un pays très actif dans le domaine de la promotion des droits de l’homme, a en outre déclaré la délégation, avant de faire observer que le pays avait ratifié la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

La peine de mort est la sanction la plus élevée; elle a une fonction dissuasive, a d’autre part déclaré la délégation. Cette peine ne peut être appliquée aux personnes qui n’avaient pas atteint l’âge de 18 ans au moment de la commission du crime ; elle ne peut pas non plus être appliquée aux femmes enceintes ou qui viennent d’accoucher.

Pour les crimes passibles de la peine de mort, de travaux forcés ou d’emprisonnement à vie, le défendeur (individu poursuivi) doit être assisté d’un avocat pour chaque audience ; s’il refuse cette assistance, le juge peut décider de lui déléguer un avocat commis d’office.

Si une partie n’est pas en mesure de se payer les services d’un avocat, elle peut faire une demande d’aide juridictionnelle. Un fonds d’affectation spéciale a été établi afin de couvrir les frais de justice et la rémunération de l’avocat dans ce contexte, a indiqué la délégation.

La délégation a ensuite indiqué que si une personne est soumise à la torture à des fins d’extorsion d’aveux, les auteurs sont passibles d’une peine d’un à trois ans de prison. Si la torture a pour effet un préjudice grave, la peine encourue est un placement en camp de travail. Il n’y a pas de possibilité de commuer ou de réduire la peine dans ce domaine, a précisé la délégation. Les autorités souhaitent amender la législation relative à la torture afin de la rendre pleinement conforme aux normes internationales en la matière, en particulier pour ce qui est de l’indemnisation et de la réparation en faveur des victimes.

Le Centre national des droits de l’homme, qui dispose de bureaux répartis à travers tout le pays, rend compte directement au Premier Ministre. Il rédige des rapports, notamment ceux présentés aux différents organes conventionnels, et dans cette institution nationale, sont représentés tous les segments de la société, dont des organisations de femmes.

La loi sur le statut personnel est appliquée aux étrangers et les tribunaux de la charia ne peuvent examiner que certaines affaires concernant uniquement les musulmans. S’il y a un différend entre deux parties, l’une étant musulmane et l’autre pas, le recours au tribunaux de la charia ne peut se faire qu’avec l’accord de la partie non musulmane.

La délégation a ensuite indiqué que depuis l’amendement qui y a été apporté en 2017, la loi sur la violence familiale prévoit une aide aux victimes. Elle a par ailleurs souligné que le personnel de police reçoit une formation spécifique concernant les violences familiales. Une nouvelle division de la famille a été créée dans plusieurs gouvernorats du pays, a poursuivi la délégation. En outre, un plan d’action, fondé sur une approche participative et dont le contenu a fait l’objet d’une discussion, a été mis en place par une commission chargée des conseils aux familles. La direction de la protection de la famille a pris une série de mesures pour lutter contre les violences sexuelles, a ajouté la délégation. Les autorités jordaniennes visent à améliorer les mécanismes de signalement des violences faites aux femmes, a par la suite souligné la délégation.

La délégation a souligné que la Jordanie avait accordé un certain nombre de facilitations pour les femmes jordaniennes mariées à un étranger, notamment en termes de scolarisation des enfants issus de ces unions.

S’agissant de la représentation et de la participation des femmes, la délégation a indiqué que le pouvoir judiciaire jordanien compte 18% de femmes. La loi sur la décentralisation a permis d’accroître les pouvoirs locaux et les femmes sont invitées à jouer un rôle prédominant au sein de ces collectivités locales ; elles y sont aujourd’hui représentées à hauteur de 24%. Il y a 35% de femmes en moyenne au sein des partis politiques, a ajouté la délégation.

Un médecin peut décider d’un avortement si la vie de la mère est en danger ; il s’agit d’une décision médicale, a d’autre part indiqué la délégation. Le fœtus a une personnalité juridique et son droit à la vie doit être protégé, a-t-elle expliqué.

En vertu de la loi, seules les personnes de plus de 18 ans peuvent contracter un mariage. La loi prévoit néanmoins aussi que les personnes âgées de 15 à 18 ans peuvent contracter un mariage à titre exceptionnel; 13% des mariages en Jordanie sont des mariages qui ont dû être approuvés pour cette tranche d’âge. L’approbation du mariage pour les personnes comprises dans la tranche d’âge de 15 à 18 ans est soumise à une supervision judicaire et se fait à l’issue d’une enquête.

La femme peut demander de mettre fin au lien conjugal dès qu’un acte violent est commis à son encontre ou même en cas de menace d’un tel acte ; elle n’a pas à prouver la commission d’un tel acte, le tribunal se contentant de mener une enquête avec les deux parties en même temps.

Il n’y a aucune clause en Jordanie qui entrave l’égalité entre les hommes et les femmes, a assuré la délégation.

Un verset coranique qui ne peut être contesté dit que le témoignage de deux femmes est l’équivalent de celui d’un homme ; c’est la règle en matière de témoignage mais cela ne signifie pas nécessairement que le témoignage d’un homme ne peut être remplacé que par le témoignage de deux femmes. Il ne faut pas interpréter le verset du Coran de manière superficielle. Dans certains cas, c’est le témoignage de la femme qui prévaut.

Si un musulman choisit de se convertir à une autre religion, il ne subira aucune restriction de ses droits civils et ne fera l’objet d’aucune sanction financière ou judicaire, a par ailleurs assuré la délégation. Le sens commun enjoint la société jordanienne à respecter le choix religieux des individus. Un conjoint a la possibilité, en cas de conversion d’un des deux époux, de rester avec ce dernier ou de rompre le mariage.

La loi contre le terrorisme est, de par sa nature même, une loi préventive visant à empêcher le financement du terrorisme et le recrutement de terroristes et permet ainsi à la Jordanie de respecter ses obligations internationales en la matière. Par ailleurs, il n’existe pas de définition internationalement reconnue du terrorisme, a rappelé la délégation; le législateur jordanien a repris la définition défendue par le groupe arabe, a-t-elle précisé. Elle a assuré que toute personne arrêtée en vertu des dispositions de cette législation antiterroriste est traitée conformément aux dispositions du Code de procédure pénale et bénéficie des garanties figurant dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Les tribunaux spéciaux, y compris la Cour de sûreté de l’État, sont soumis à la Constitution jordanienne ; ils ont des pouvoirs, limités, concernant le maintien de l’ordre public. Le Tribunal de police compte à sa tête un colonel et deux autres personnes dont l’une doit être un juge de profession nommé par le Président du Conseil de la magistrature. Les mesures prises par les tribunaux spéciaux se fondent sur les dispositions de la loi et les jugements de ces tribunaux peuvent faire l’objet de recours. Lorsqu’une affaire est déférée devant le Tribunal de police, elle est soumise aux mêmes outils de contrôle que ceux auxquels il est fait recours pour tout crime. La loi stipule que le Tribunal de police fait partie intégrante de la magistrature régulière jordanienne. Il est complètement indépendant de la Direction de la sûreté publique. Quatre affaires de torture ont été déférées devant le Tribunal de police, a précisé la délégation.

Les centres de détention provisoire ont été réhabilités et les services fournis aux détenus ont été améliorés, a ensuite fait valoir la délégation. Des commissariats modèles ont été érigés selon les normes internationales.

Des visites ont lieu dans les centres de détention provisoire, a par la suite fait valoir la délégation, avant d’ajouter que la Jordanie avait sensiblement amélioré les conditions de détention. Le coordonnateur gouvernemental pour les questions relatives aux droits de l’homme organise périodiquement des visites dans tous les centres de détention, a notamment rappelé la délégation.

La délégation a souligné que la Jordanie assumait un lourd fardeau après avoir accueilli les réfugiés syriens. Les réfugiés dans le camp de Rukban se trouvent sur le territoire syrien et la Jordanie n’acceptera pas ces réfugiés sur son territoire ; il s’agit d’une question syrienne, a en outre déclaré la délégation jordanienne, avant d’ajouter que le Gouvernement jordanien est prêt à coopérer avec la communauté internationale pour leur acheminer de l’aide humanitaire. La Jordanie n’est pas responsable de faire respecter les dispositions du Pacte pour les personnes qui ne se trouvent pas sur le territoire jordanien, notamment pour les réfugiés syriens et palestiniens qui se trouvent en Syrie, a insisté la délégation. Les droits et les devoirs des réfugiés palestiniens en Syrie relèvent de la responsabilité des autorités syriennes et de la communauté internationale; la responsabilité humanitaire doit être assumée par ceux qui sont responsables de la situation de ces personnes. Le droit de retour en Palestine est un droit pour les Palestiniens et Israël s’est engagé à cet égard, a rappelé la délégation jordanienne.

La délégation a ensuite assuré que pour ce qui concerne la Jordanie, le refoulement des étrangers ne se fait qu’avec des garanties. La Jordanie n’a pas recours au refoulement obligatoire (systématique) pour les réfugiés. La Jordanie affirme que tout retour des Syriens en Syrie est un retour volontaire, sauf dans le cas où il y a une menace pour la population jordanienne. L’examen de toute demande est effectué par les autorités jordaniennes. La Jordanie a le droit de protéger ses frontières et la sécurité de ses citoyens en contrôlant ses frontières. Il n’y a pas d’expulsion collective de réfugiés en Jordanie, a insisté la délégation. Le retour de tout réfugié syrien est un retour volontaire ou alors il est dû à des raisons sécuritaires, a-t-elle de nouveau souligné.

L’État offre un certain nombre de services aux migrants, s’agissant notamment de l’enregistrement des naissances, a d’autre part indiqué la délégation.

La délégation a en outre rappelé que la Jordanie accueillait le plus grand nombre de réfugiés par habitant; ils représentent au total 29% de la population jordanienne. Cet accueil a entraîné un grand nombre de difficultés ; le pays doit faire preuve d’imagination pour offrir des services dignes de ce nom. Dans ce contexte, la situation des enfants est une des priorités des autorités jordaniennes; près de la moitié des réfugiés en Jordanie ont en effet moins de 18 ans. Aussi, six priorités ont-elles été définies en la matière, portant notamment sur la lutte contre le travail des enfants ou encore sur l’accompagnement des mineurs non accompagnés.

La Jordanie pays n’a pas été en mesure d’atteindre l’objectif de l’éradication totale du travail des enfants, en raison de l’afflux de migrants, a regretté la délégation. Plus de 7500 enfants travaillent aujourd’hui en Jordanie, selon une enquête. La Jordanie a besoin d’une aide internationale pour protéger ces enfants, a indiqué la délégation.

La délégation a d’autre part rappelé que le Jordanie était un des premiers pays à avoir aboli l’esclavage. La loi sur le travail en Jordanie ne fait aucune distinction entre les hommes et les femmes, ni entre les Jordaniens et les étrangers, a-t-elle fait valoir. Les dispositions de la loi permettent aux autorités de fermer une institution si des violations de droits de l’homme y sont perpétrées à l’encontre des travailleurs. Les travailleurs domestiques bénéficient d’un congé annuel et ne peuvent travailler plus de huit heures par jour. Il existe une ligne téléphonique gratuite, disponible en six langues, pour toute plainte concernant une violation des droits des travailleurs domestiques.

La Jordanie dispose de plusieurs foyers pour femmes victimes de la traite de personnes; ces foyers sont répartis dans toutes les provinces du Royaume.

Le pays dispose également d’un centre chargé d’apporter des réparations aux victimes de violence.

Pour tenir une réunion publique, il faut demander une autorisation préalable au plus tard 48 heures avant la date prévue, a ensuite indiqué la délégation. Pour les menaces à la sécurité des forces de l’ordre ou les dommages sur la voie publique, c’est le droit pénal qui s’applique, a-t-elle souligné. En 2015, a précisé la délégation, quelque 1361 événements liés à des réunions publiques ont eu lieu et ce nombre s’est établi à 3329 pour 2016.

La Jordanie a promulgué une loi sur les personnes handicapées qui est la première de son genre dans les pays arabes, a par ailleurs fait valoir la délégation. Cette loi prévoit une série de plans et de stratégies pour mettre en œuvre les droits des personnes handicapées.



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CT/17/36F