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LE COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE MAURICE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l’homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par Maurice sur les mesures que le pays a prises pour appliquer le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant ce rapport, M. Israhyananda Dhalladoo, Représentant permanent de Maurice auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que l’objectif de son Gouvernement était d’aborder le développement social, économique et culturel du pays par une approche centrée sur les droits de l’homme, de manière à permettre à tous les citoyens de jouir d’une bonne qualité de vie basée sur la dignité, l’égalité de traitement, l’autonomisation économique et la justice sociale. Pays multiracial et multiethnique, Maurice tire parti de sa diversité pour créer une société unie et tolérante, guidée par le respect des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. Maurice ne se contente pas de ratifier ces traités, a souligné M. Dhalladoo: il les a intégrés dans une large mesure dans son ordre juridique interne.

S’agissant plus particulièrement de l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Maurice a amendé la loi de 2012 sur la protection des droits de l’homme pour modifier en profondeur la structure de la Commission nationale des droits de l’homme, a fait savoir M. Dhalladoo: au sein de cette institution nationale, ont en effet été créés une division des plaintes contre la police ainsi qu’un mécanisme national de prévention de la torture. Toujours en 2012, le Parlement a adopté la loi portant création de la Commission de l’égalité des chances, a ajouté le Représentant permanent. Maurice a d’autre part lancé une réforme du système électoral, suite à une recommandation que lui a adressée le Comité des droits de l’homme en 2012. Quant à la loi sur la violence domestique, elle a été amendée en 2016 pour renforcer encore la protection des femmes. Le Représentant permanent a enfin réaffirmé la souveraineté de son pays sur l’archipel des Chagos, un territoire illégalement saisi par le Royaume-Uni avant l’indépendance de Maurice.

Au cours du dialogue qui s’est noué entre la délégation mauricienne et les membres du Comité, un expert a regretté que Maurice n’ait pas adhéré aux instruments internationaux relatifs aux réfugiés et au traitement des apatrides. Un autre expert a souhaité savoir si les autorités mauriciennes avaient l’intention d’abroger l’article du Code pénal sur l’homosexualité et la bestialité, qui est en tout état de cause contraire aux articles 2 et 26 du Pacte de par son caractère discriminatoire et stigmatisant. Le Comité a été saisi d’informations faisant état de mauvais traitements, voire de menaces de mort, contre les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) à Maurice ; cela pose la question de l’incrimination ou non, par la loi, de la discrimination au motif de l’identité de genre, a souligné ce même expert.

Un autre membre du Comité a observé qu’à la lecture du rapport, la situation ne semble pas avoir changé depuis 2005 s’agissant du refus systématique de libération conditionnelle de certaines personnes condamnées pour terrorisme et du retard avec lequel les justiciables ont accès à un avocat. Le problème général et structurel de la surpopulation carcérale exige sans doute de s’attaquer au problème des détentions provisoires et préventives, a pour sa part estimé un expert.

Outre M. Dhalladoo, la délégation mauricienne était composée de plusieurs représentants du Ministère des affaires étrangères ainsi que des services du Premier Ministre et du Procureur général. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s’agissant du traitement des personnes soupçonnées de terrorisme ; de la remise en liberté sous caution ; des mineurs en conflit avec la loi ; de la participation des femmes ; de la violence domestique ; de la législation relative à la sodomie ; de la défense des droits des victimes ; de la traite des êtres humains ; des questions de formation ; des questions d’asile ; ou encore de la situation des Chagossiens.

À l’issue de ce dialogue, le Président du Comité, M. Yuji Iwasawa, a fait observer que les experts du Comité avaient notamment exprimé des préoccupations concernant la définition du terrorisme ; les restrictions à la remise en liberté sous caution et à l’accès aux avocats ; la participation des femmes à la vie politique ; les limites de la loi antidiscriminatoire, qui ne concerne pas les étrangers, par exemple ; les « chefs d’accusation provisoires » ; les restrictions aux droits des personnes accusées de trafic de drogue ; ou encore la réforme du système électoral.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport des Maurice et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit s’achever le vendredi 10 novembre prochain.

Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l’examen du Cameroun (CCPR/C/CMR/5).

Présentation du rapport de Maurice

Le Comité était saisi du cinquième rapport de Maurice (CCPR/C/MUS/5), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter que lui avait transmise le Comité.

Présentant ce rapport, M. ISRAHYANANDA DHALLADOO, Représentant permanent de Maurice auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que l’objectif de son Gouvernement était d’aborder le développement social, économique et culturel du pays par une approche centrée sur les droits de l’homme, de manière à permettre à tous les citoyens de jouir d’une bonne qualité de vie basée sur la dignité, l’égalité de traitement, l’autonomisation économique et la justice sociale. Pays multiracial et multiethnique, Maurice tire parti de sa diversité pour créer une société unie et tolérante, guidée par le respect des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. Maurice ne se contente pas de ratifier ces traités, a souligné M. Dhalladoo: il les a intégrés dans une large mesure dans son ordre juridique interne.

S’agissant plus particulièrement de l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, Maurice a amendé la loi de 2012 sur la protection des droits de l’homme pour modifier en profondeur la structure de la Commission nationale des droits de l’homme, a fait savoir M. Dhalladoo: au sein de cette institution nationale, ont en effet été créés une division des plaintes contre la police ainsi qu’un mécanisme national de prévention de la torture. Toujours en 2012, le Parlement a adopté la loi portant création de la Commission de l’égalité des chances, qui incarne l’engagement clair du pays contre la discrimination sous toutes ses formes, a ajouté le Représentant permanent. La Commission peut être saisie par des particuliers, des groupes de particuliers, des corps constitués ou même de manière anonyme, a-t-il précisé.

Le Représentant permanent a indiqué que son Gouvernement avait créé récemment une commission indépendante, présidée par un ancien magistrat de la Cour suprême et chargée de traiter efficacement les plaintes lancées contre des membres de la police.

Maurice a d’autre part lancé une réforme du système électoral, suite à une recommandation que lui a adressée le Comité des droits de l’homme en 2012: dans ce contexte, le Gouvernement vise à instaurer un système stable, équitable et inclusif garantissant la représentation de toutes les composantes de la société mauricienne. Le processus a bien avancé, notamment en ce qui concerne la question de la représentation des femmes et la déclaration obligatoire des communautés, a précisé M. Dhalladoo. La représentation des femmes dans les processus de décision est l’une des priorités des autorités, de même que la lutte contre les violences sexistes et domestiques, a-t-il ajouté. La loi sur la violence domestique a été amendée en 2016 pour renforcer encore la protection des femmes. D’autres modifications à la loi sont envisagées pour améliorer la protection des enfants; elles porteront, notamment, sur la question des châtiments corporels, a fait savoir M. Dhalladoo.

Le Représentant permanent a ensuite réaffirmé la souveraineté de son pays sur l’archipel des Chagos, un territoire illégalement saisi par le Royaume-Uni avant l’indépendance de Maurice et dont les habitants, les Mauriciens d’origine chagossienne, avaient été expulsés de force par les autorités britanniques, au mépris de leurs droits de l’homme. Depuis lors, Maurice n’a eu de cesse d’achever le processus de décolonisation de l’archipel afin de pouvoir y exercer effectivement sa souveraineté. Ce processus bénéficie de l’appui de la communauté internationale, a souligné le Représentant permanent, rappelant l’adoption, en juin dernier, de la résolution 71/292 de l’Assemblée générale relative à une « demande d'avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur les effets juridiques de la séparation de l'archipel des Chagos de Maurice en 1965 ».

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Un expert a regretté le retard pris dans la présentation du rapport de Maurice, ainsi que le fait que les organisations non gouvernementales aient très peu participé à son élaboration. L’expert a en outre regretté que Maurice n’ait pas adhéré aux instruments internationaux relatifs aux réfugiés et au traitement des apatrides. Il a néanmoins salué l’adoption par Maurice de la loi de 2009 sur la lutte contre la traite des êtres humains et de la loi de 2012 sur la lutte contre toutes les formes de discrimination. S’agissant de l’Archipel des Chagos, l’expert a voulu savoir ce que le Gouvernement mauricien avait fait pour garantir les droits fondamentaux des Chagossiens qui vivent à Maurice, s’agissant par exemple l’octroi de terres aux personnes déplacées.

L’expert a ensuite demandé à la délégation de dire comment les tribunaux mauriciens appliquent le droit en cas de conflit entre les dispositions du droit interne et les exigences du Pacte, s’agissant notamment de la détention provisoire et du droit de vote. L’expert a aussi prié la délégation d’expliquer comment l’indépendance de l’institution nationale de droits de l’homme est assurée, s’agissant notamment de la nomination de ses membres. Il s’est en outre enquis du processus de nomination des présidents des instances chargées de superviser l’action de la police. Il a demandé des explications plus concrètes sur les intentions du Gouvernement en matière de réforme du processus électoral.

Un autre expert du Comité a prié la délégation de décrire les mesures prises pour faire respecter, sur le lieu de travail, l’égalité entre les hommes et les femmes, et pour sanctionner, le cas échéant, les manquements constatés par les inspecteurs du travail. S’agissant du traitement des plaintes reçues par la Commission de l’égalité des chances, l’expert a voulu savoir combien de plaintes pour discrimination au travail avaient été réglées par voie de conciliation et quelles mesures avaient alors été prises pour garantir les droits des justiciables concernés. La participation des femmes dans le secteur privé est peut-être le point faible de l’effort gouvernemental, a poursuivi l’expert, notant que le Comité s’était déjà inquiété de cette situation en 2005. L’expert a voulu savoir dans quelle mesure les femmes peuvent dénoncer en toute sécurité le harcèlement sexuel dont elles sont victimes, surtout dans le secteur privé.

Ce même expert a ensuite souhaité savoir si les autorités mauriciennes avaient l’intention d’abroger l’article du Code pénal sur l’homosexualité et la bestialité, qui est en tout état de cause contraire aux articles 2 et 26 du Pacte de par son caractère discriminatoire et stigmatisant. Le Comité a été saisi d’informations faisant état de mauvais traitements, voire de menaces de mort, contre les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) à Maurice ; cela pose la question de l’incrimination ou non, par la loi, de la discrimination au motif de l’identité de genre, a souligné l’expert.

L’expert s’est ensuite félicité de l’adoption, en 2012, d’une loi autorisant sous certaines conditions le recours à l’avortement à Maurice. Il s’est cependant interrogé sur la proportion d’avortements clandestins dans le pays, sur le taux de demandes d’interruption volontaire de grossesse (IVG) qui sont acceptées, sur la distribution de préservatifs aux travailleurs du sexe et sur la publicité accordée à la planification familiale. L’expert s’est également enquis du nombre de plaintes déposées pour agressions sexuelles contre des femmes et des jeunes filles et des modalités de dépôt et de traitement de ces plaintes. Une experte a souhaité savoir si Maurice reconnaissait le viol conjugal.

Un autre expert a observé qu’à la lecture du rapport, la situation ne semble pas avoir changé depuis 2005 s’agissant du refus systématique de libération conditionnelle de certaines personnes condamnées pour terrorisme et du retard avec lequel les justiciables ont accès à un avocat.

Une experte s’est félicitée des progrès enregistrés à Maurice en matière de représentation des femmes dans la vie politique. Elle a en revanche constaté que les personnes placées en institution éprouvaient des difficultés à faire valoir leurs droits civiques. La même experte a souhaité savoir si les autorités mauriciennes avaient l’intention d’harmoniser les listes de motifs de discrimination interdits par loi et d’interdire globalement la discrimination. L’experte a en outre voulu savoir si les magistrats et les policiers mauriciens étaient rendus conscients du caractère particulièrement pernicieux des crimes de haine.

D’autres questions ont porté sur les violences subies par les personnes âgées à Maurice, sur l’efficacité de l’institution publique chargée de recevoir les plaintes à ce sujet et sur les mesures de protection en faveur des personnes âgées.

Un expert a voulu savoir quelle instance était chargée de coordonner la lutte contre la traite des êtres humains à Maurice et a prié la délégation de décrire les conditions de recrutement et de travail des travailleurs migrants sur l’île. L’expert s’est en outre inquiété de la persistance, dans le système judiciaire mauricien, des chefs d’accusation provisoires – une pratique qui comporte le risque d’exposer les personnes auxquelles elle est appliquée à des erreurs judiciaires. Ce même expert a demandé des explications complémentaires sur la détention préventive, une pratique courante à Maurice. Il s’est également enquis du mode de détermination du montant des cautions par les tribunaux.

Un expert a constaté que la place du Pacte dans l’ordre juridique interne mauricien était problématique depuis longtemps: il a souhaité savoir si, en cas de conflit de normes, le Pacte l’emportait systématiquement sur la législation interne. Le même expert s’est ensuite enquis de la nature des plaintes déposées entre 2011 et 2016 contre des agents de l’État et sur les suites qui y ont été données.

Plusieurs experts ont recommandé que les interrogatoires de police soient enregistrés par vidéo. Un expert s’est inquiété des conditions de vie dans trois prisons mauriciennes, notamment du fait que détenus exécutant une peine et personnes placées en détention provisoire étaient logés à la même enseigne. Le problème général et structurel de la surpopulation carcérale exige sans doute de s’attaquer au problème des détentions provisoires et préventives, a ajouté l’expert.

Qu’en est-il de l’existence d’un cadre juridique permettant d’assurer la protection des données et métadonnées et du contrôle de l’accès à ces données, a-t-il en outre été demandé?

Qu’en est-il également du contenu des formations dispensées aux magistrats et avocats concernant les droits garantis par le Pacte?

Plusieurs questions ont porté sur l’organisation des enquêtes relatives aux trafics de drogue. Un expert s’est enquis des règles qui s’appliquent à la garde à vue dans ce contexte. Il s’est en outre enquis des mesures prises pour faire respecter les droits des mineurs en conflit avec la loi.

Un expert a demandé à la délégation si elle était en mesure de confirmer que Maurice n’envisage apparemment pas de se doter d’une loi sur l’asile. Il a fait observer que Maurice n’a pas légiféré pour protéger les droits des personnes apatrides et qu’il existe en outre un risque que Maurice bafoue le principe de non-refoulement de personnes vers des pays où leur vie serait en danger. Maurice a peur d’être inondée de réfugiés, a constaté l’expert.

Une experte a salué la meilleure participation des femmes à la vie politique mauricienne au niveau local et a recommandé qu’une même amélioration puisse également être constatée dans la composition du Conseil des ministres, qui ne compte actuellement que trois femmes. L’experte a d’autre part recommandé que Maurice interdise de manière globale toute forme de discrimination et qu’elle fasse bénéficier les migrants installés sur son sol de cette interdiction.

Un expert a demandé à la délégation d’indiquer si le Gouvernement mauricien avait des observations à faire sur les allégations de violences policières portées par le justiciable Giovanni et, plus généralement, sur les persécutions dont font l’objet des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexués (LGBTI) à Maurice. Le même expert s’est enquis des résultats des travaux du comité ministériel chargé d’examiner les modifications proposées au système électoral. Il a relevé que le rapport se contentait de dire que « la question de l’obligation de déclarer son appartenance communautaire sera[it] traitée dans le cadre plus vaste de la réforme électorale ».

Réponses de la délégation

S’agissant du traitement des personnes soupçonnées d’actes de terrorisme, la délégation a indiqué qu’une personne inculpée en vertu de la loi sur la prévention du terrorisme bénéficie de toutes les garanties offertes par la Constitution. Toutes les procédures lancées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme sont assorties des garanties judiciaires adéquates, a assuré la délégation.

La consultation d’un médecin officiel est garantie dès le début de la garde à vue, a ajouté la délégation. Toute personne soupçonnée d’acte de terrorisme a accès aux services d’un avocat et, si besoin est, peut bénéficier d’un avocat commis d’office.

Rappelant que la loi relative à la remise en liberté sous caution énonce les motifs pour lesquels une telle libération peut être refusée par le tribunal, la délégation a toutefois indiqué que le Gouvernement envisageait de revoir sa position à ce sujet, un projet de loi étant à l’étude pour introduire un certain nombre de possibilités de mise en liberté conditionnelle pour les personnes accusées de terrorisme.

La mise en liberté sous caution peut être refusée à des personnes accusées de délits liés au trafic de stupéfiants; de même, certaines personnes dangereuses ne peuvent bénéficier de remises de peine, a indiqué la délégation.

La prison de Melrose n’est pas surpeuplée à l’heure actuelle, a par ailleurs indiqué la délégation en réponse à des demandes des experts du Comité.

Les interrogatoires dans les commissariats de police sont filmés dans le cas d’enquêtes sur certaines infractions graves. Le Gouvernement cherche les ressources nécessaires pour étendre cette pratique, a indiqué la délégation. Maurice n’entend pas légiférer pour l’instant s’agissant de l’utilisation des données biométriques, a-t-elle en outre fait savoir.

La délégation a indiqué que le nouveau projet de loi sur la protection de l’enfance traiterait de l’âge de responsabilité pénale et de la création de tribunaux pour mineurs. En l’état, les mineurs en conflit avec la loi ont accès à des avocats commis d’office s’ils en ont besoin, a-t-elle précisé.

La peine de mort a été abolie par la loi en 1995, a rappelé la délégation.

Le Chef de l’État mauricien est une femme, a ensuite rappelé la délégation en réponse à des questions portant sur la participation des femmes à la vie politique. D’autre part, deux tiers des magistrats sont aussi des femmes, ce qui témoigne de la place qu’elles occupent d’ores et déjà dans la société mauricienne, a ajouté la délégation. Dans le secteur privé, la participation des femmes est régie par la même loi que celle qui s’applique au secteur public; les femmes disposent notamment des mêmes recours judiciaires pour faire valoir leurs droits en cas de discrimination, a poursuivi la délégation. Maurice a accompli, en quelques années, des progrès considérables dans la participation des femmes à la vie politique au sein des collectivités locales, a-t-elle fait valoir. La question est actuellement de savoir comment concrétiser le quota de 30% de femmes sur les listes électorales des partis. Pour autant, a précisé la délégation, la notion de « discrimination positive » n’existe pas dans la Constitution mauricienne. La délégation a attiré l’attention sur la lenteur de l’évolution de l’opinion publique sur certains sujets sociétaux.

Il n’est ainsi pas prévu d’amender dans l’immédiat l’article de loi sur la sodomie, a indiqué la délégation. Le Gouvernement s’apprête en revanche à amender le Code pénal pour améliorer le traitement des délits sexuels. Le Gouvernement tiendra compte des conseils du Comité en la matière, a fait savoir la délégation. L’article 250 du Code pénal relatif à la sodomie est un legs des Anglais dont il ne sera pas possible de se débarrasser du jour au lendemain, a ensuite affirmé la délégation.

Les pouvoirs publics n’envisagent pas non plus de reconnaître les mariages entre personnes du même sexe, a indiqué la délégation. Quant au viol conjugal, il n’est pas érigé en tant que tel en délit, a-t-elle ajouté; ce sont les dispositions générales sur le viol qui s’appliquent dans un tel contexte.

La lutte contre les crimes motivés par la discrimination est régie par les dispositions pertinentes du Code pénal, a d’autre part indiqué la délégation. Maurice n’a enregistré à ce jour aucun crime de haine: son cadre juridique robuste lui permettrait, le cas échéant, d’y répondre fermement, a-t-elle ajouté.

Les instances pertinentes seront saisies des recommandations du Comité s’agissant de l’élargissement de la liste des motifs de discrimination, a d’autre part indiqué la délégation.

Maurice se targue d’être l’un des pays les plus progressistes en ce qui concerne le VIH/sida, a assuré sa délégation. Toute discrimination est interdite envers les personnes vivant avec cette maladie. La loi sur l’immigration a été amendée en 2008 pour tenir compte de ce principe. Maurice s’est aussi dotée d’un système de lutte contre l’épidémie et d’un mécanisme de dépistage.

Compte tenu de sa taille très réduite, Maurice ne s’est pas encore dotée des outils juridiques nécessaires à l’accueil de réfugiés politiques, a ensuite indiqué la délégation. Mais Maurice a déjà offert ses bons offices pour aider des personnes à trouver refuge dans des pays tiers acceptant de leur accorder le droit d’asile, a-t-elle ajouté.

Les ressources limitées, ainsi que sa situation géographique, empêchent Maurice d’adhérer aux instruments internationaux relatifs à l’asile. Mais en aucun cas Maurice ne renverra une personne vers un pays où elle risquerait de subir un préjudice grave, a assuré la délégation. D’autre part, toute personne visée par une mesure d’expulsion bénéficie de toutes les garanties en matière de recours.

En cas de menaces ou de violences contre des défenseurs des droits de l’homme, les personnes concernées peuvent s’adresser à la police ou, si elles n’ont pas confiance dans la police, directement au procureur, a en outre indiqué la délégation.

Le châtiment corporel relève soit du Code pénal, soit de la loi sur la protection de l’enfance, selon les contextes, a d’autre part expliqué la délégation.

Il n’existe pas encore de cadre juridique pour protéger les droits des victimes, a poursuivi la délégation. Cependant, le public mauricien étant devenu sensible à cette question, les autorités sont en train d’examiner ce qui peut être fait dans ce domaine, a-t-elle indiqué.

La lutte contre la violence domestique passe par la prévention, la réhabilitation et une action concertée en direction des victimes et des auteurs, a indiqué la délégation. Une coalition de lutte contre cette forme de violence a été créée par le Ministère du travail et le Ministère pour l’égalité entre les sexes. Des mesures de soutien et de réinsertion sont offertes aux victimes. Un observatoire des violences domestiques sera bientôt créé, a précisé la délégation. Les victimes de violence domestique ont accès à trois centres de prise en charge, un quatrième devant ouvrir bientôt dans l’ouest de l’île, a-t-elle en outre indiqué. Les policiers ont le devoir d’enregistrer les plaintes des femmes victimes, a ajouté la délégation.

La délégation a fait savoir que la loi n’accorde pas le droit de vote aux personnes placées dans des institutions psychiatriques. La délégation a assuré qu’elle transmettrait aux autorités concernées les observations du Comité à ce sujet.

La protection des personnes âgées relève d’une loi entrée en vigueur en 2006, a ensuite rappelé la délégation. Ladite loi a notamment permis la création d’un réseau de soutien au niveau local et le lancement de campagnes de sensibilisation, alors que plus de 7000 cas de violence ont été dénoncés depuis 2006. La majorité des violences exercées contre les personnes âgées sont de nature psychologique, a ensuite précisé la délégation.

La délégation a souligné que le Gouvernement de Maurice soutenait les droits des Chagossiens de se réinstaller dans leur archipel d’origine dans le respect de leur dignité. Entre-temps, les Chagossiens installés à Maurice sont considérés comme des Mauriciens ordinaires et jouissent de tous les droits qui en découlent. Les autorités ont pris en leur faveur des mesures de soutien, notamment en matière de droits fonciers, d’accès à l’éducation et d’accès à la santé, a fait valoir la délégation.

Maurice a ratifié les conventions de l’Organisation internationale du Travail contre le travail forcé ainsi que les traités internationaux contre la traite des êtres humains, a ensuite fait valoir la délégation. Quant à la loi sur le travail, elle interdit l’emploi de jeunes de moins de 16 ans et toute activité professionnelle pouvant compromettre le développement des mineurs. Depuis 2016, 2400 visites ont été menées par l’inspection du travail et aucune visite n’a mis à jour du travail forcé d’enfants. Mais les autorités savent que des mineurs sont employés dans le secteur agricole et dans la vente à la sauvette, a nuancé la délégation, avant d’ajouter qu’une ligne téléphonique d’urgence (545) est ouverte aux enfants.

La lutte contre la traite des êtres humains à Maurice, telle que documentée par le Département d’État des États-Unis, a permis d’améliorer la situation, a par la suite souligné la délégation. Ce problème reste préoccupant: le Gouvernement, qui présentera bientôt un nouveau plan d’action national, a déjà créé un comité interministériel chargé d’examiner tous les aspects de ce phénomène en consultation avec toutes les parties prenantes. Il se réunira une nouvelle fois ces prochaines semaines pour faire le bilan de la lutte contre la traite des êtres humains. La presse de ce matin a relaté la condamnation d’une femme à six mois de prison pour prostitution forcée, a fait savoir la délégation.

La Commission de l’égalité des chances et la Commission nationale des droits de l’homme sont pleinement autonomes vis-à-vis des trois branches (exécutive, législative et judiciaire) du pouvoir. Les dirigeants et les membres de ces deux institutions nationales sont nommés par le Président de la République, après consultation avec le chef de l’opposition. Quant au personnel administratif appuyant le travail de ces deux commissions, il est composé de fonctionnaires de la fonction publique et de personnes recrutées par ces institutions elles-mêmes – des stagiaires aux enquêteurs.

Le recrutement des magistrats est confié à une commission judiciaire, qui organise aussi la formation continue des juges, à tous les niveaux, a indiqué la délégation.

La délégation a fait état de l’organisation de formations aux droits de l’homme à l’Institut des études juridiques, par des magistrats de la Cour européenne des droits de l’homme. D’autres enseignements ont été dispensés aux membres de commissions chargées de protéger les droits de l’homme et les droits de l’enfant. Des mesures ont également été prises pour intégrer aux programmes scolaires du secondaire un enseignement aux droits de l’homme.

En cas de conflit de normes, les tribunaux veillent à interpréter la Constitution conformément aux dispositions du Pacte, a-t-elle en outre expliqué.

Le Premier ministre va préparer un projet de loi sur la déontologie des médias. L’autorité de radiodiffusion fonctionne en toute indépendance et ses décisions peuvent être attaquées en justice, a indiqué la délégation.

Le Comité interministériel sur la réforme électorale travaille d’arrache-pied pour réaliser une mission qui, compte tenu de la délicatesse des enjeux, prend du temps, a fait savoir la délégation.

La délégation a fait savoir que la préparation des rapports périodiques que Maurice doit soumettre aux organes de traité se fait en coopération avec une plateforme nationale d’organisations non gouvernementales agréées. Un comité interministériel est chargé de la coordination proprement dite.

Remarques de conclusion

M. YUJI IWASAWA, Président du Comité, a salué le caractère constructif et foisonnant du dialogue que les experts ont noué avec la délégation mauricienne. Les membres du Comité ont pris note de la diversité culturelle mauricienne et de la nécessité de tenir compte de nombreuses sensibilités; ils n’en ont pas moins insisté sur l’universalité des droits de l’homme, a-t-il souligné. Ils ont notamment exprimé des préoccupations concernant la définition du terrorisme ; les restrictions à la remise en liberté sous caution et à l’accès aux avocats ; la participation des femmes à la vie politique ; les limites de la loi antidiscriminatoire, qui ne concerne pas les étrangers, par exemple ; les « chefs d’accusation provisoires » ; les restrictions aux droits des personnes accusées de trafic de drogue ; ou encore la réforme du système électoral, a rappelé M. Iwasawa.



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CT/17/37F