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LE COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT EXAMINE LES RAPPORTS DE LA GUINÉE SUR LES ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMÉS ET SUR L’EXPLOITATION DES ENFANTS

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l’enfant a examiné, aujourd’hui, des rapports présentés par la Guinée sur les mesures qui ont été prises pour donner effet aux dispositions des deux Protocoles facultatifs se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant, qui portent respectivement sur l’implication d’enfants dans les conflits armés et sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Présentant les rapports de la Guinée, M. Sékou Konaté, Directeur national de l'enfance au Ministère de l'action sociale, de la promotion féminine et de l'enfance, a notamment fait valoir que le Gouvernement avait pris une série d’engagements afin de réduire les privations à l’égard des enfants à l’horizon 2019, dont celles résultant de l’épidémie d’Ébola. Le chef de la délégation a indiqué qu’une révision de la loi portant code de l’enfant était actuellement en cours. Il a fait valoir que la législation interdisait et réprimait tout enrôlement de personnes de moins de 18 ans dans les forces et groupes armés. En outre, les dispositions du code de l’enfant protègent et accordent toutes les garanties possibles aux enfants réfugiés impactés par les conflits armés.

Le chef de la délégation a déclaré que les réformes engagées au cours des dernières années prenaient en compte les aspects relatifs au proxénétisme, aux personnes morales responsables de certaines infractions, à la pornographie mettant en scène des enfants, et à l’entraide judiciaire internationale. La nouvelle politique de l’enfance mettra l’accent sur la prévention et continuera de prendre en charge les enfants victimes d’abus, de maltraitance, d’exploitation, de négligence et de violence. M. Konaté a déclaré que la lutte contre la vente d’enfants, les pires formes de travail des enfants, la traite des enfants et les violences sexuelles faites aux enfants figurent parmi les priorités du Gouvernement.

La délégation guinéenne était également composée de fonctionnaires du Ministère de l'action sociale, de la promotion féminine et de l'enfance, notamment M. Akoye Guilavogui, Responsable de la Division protection de l'enfant, M. Salia Traoré, Secrétaire permanant du Comité de suivi des droits de l'enfant, et M. Oumar Fofana, Secrétaire permanent de la Commission d'adoption internationale. La délégation a répondu aux questions des experts s’agissant notamment de la formation des personnes ayant à s’occuper d’enfants; de l’aide apportée aux enfants impliqués dans des conflits, en particulier dans les pays voisins; de l’inefficacité du système d’enregistrement des naissances en Guinée; de l’insuffisance des ressources humaines; de la question des enfants mendiants; des dispositions relatives à l’adoption internationale; des mesures prises dans la lutte contre la prostitution des mineurs, contre la traite des enfants, et contre le travail des enfants, notamment dans les mines artisanales.

Les rapporteurs du Comité pour l'examen des rapports de la Guinée étaient Mme Suzanne Aho Assouma, ainsi que M. Benyam Dawit Mezmur et M. Hatem Kotrane. En conclusion du débat, Mme Aho Assouma a retenu qu’il y avait des mesures à prendre par le pays pour revisiter la législation nationale surtout en matière de traite des enfants. Il faudrait aussi redynamiser le système de protection de l’enfance en Guinée, qu’il faut doter d’un budget conséquent avec un personnel approprié pour qu’il joue pleinement le rôle de coordination. Pour sa part, le système d’enregistrement des naissances doit faire l’objet de renforcement et un accent particulier doit être mis sur la collecte des données.

Le Comité adoptera en privé des observations finales sur le rapport de la Guinée, qu’il rendra publiques vendredi, à l’issue de la session.

Le Comité doit examiner, demain matin, le dernier rapport au programme de la présente session, à savoir le rapport soumis par Chypre sur l’implication d’enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/CYP/1).

Présentation du rapport sur les enfants dans les conflits armés

Le Comité était saisi du rapport soumis par la Guinée au titre du Protocole facultatif sur les enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/GIN/1). Le Comité a également reçu les réponses de la Guinée (CRC/C/OPAC/GIN/Q/1/Add.1 aux listes de questions du Comité (CRC/C/OPAC/GIN/Q/1) concernant la mise en œuvre de cet instrument.

M. SÉKOU KONATÉ, Directeur national de l'enfance au Ministère de l'action sociale, de la promotion féminine et de l'enfance, a souligné que la qualité de la délégation qu’il dirigeait était un témoignage de l’importance que les autorités guinéennes accordent aux droits de l'homme en général et aux droits de l’enfant en particulier. Le respect des droits de l’enfant a toujours été au centre des préoccupations du pays. Les droits fondamentaux de l’enfant sont proclamés dans la Constitution et exprimés de façon plus explicite dans les textes législatifs et réglementaires destinés à les protéger et sanctionner les auteurs de violations.

Le représentant guinéen a souligné que son pays avait payé un lourd tribut face à l’épidémie de la fièvre hémorragique à virus Ébola. Les effets de cette crise ont exacerbé les vulnérabilités des enfants, qui font déjà l’objet de multiples privations. Le représentant a toutefois fait valoir que le Gouvernement avait signé 12 engagements afin de réduire les privations dont souffrent les enfants à l’horizon 2019 et la politique nationale de l’enfance a été réactualisée pour prendre en compte l’évolution de la situation. Une révision de la loi portant code de l’enfant est en cours en vue de son alignement avec les autres textes juridiques dans le cadre de la réforme du secteur de la justice.

M. Konaté a fait valoir que les dispositions du Protocole facultatif sont prises en compte aussi bien dans la Constitution que dans la loi portant code de l’enfance. En matière de prévention, la législation interdit et réprime tout enrôlement de personnes de moins de 18 ans dans les forces et groupes armés. La volonté de prévenir l’implication directe d’enfants dans les conflits armés s’est traduite par la promulgation de plusieurs lois, portant notamment sur le statut de la police, sur le code de justice militaire, sur le statut des militaires, et sur le statut des réfugiés en Guinée. En outre, les dispositions du code de l’enfant protègent et accordent toutes les garanties possibles aux enfants réfugiés affectés par les conflits armés.

De nouvelles institutions ont été mises en place ces dernières années, a poursuivi le chef de la délégation, mentionnant en particulier l’institution nationale des droits humains, la Cour constitutionnelle, le Conseil supérieur de la magistrature, la création d’une justice militaire.

Dans le domaine de la diffusion, des efforts sont menés pour faire connaître les principes de la Convention et de ses Protocoles en direction des enfants, de la société civile, des communautés, des acteurs travaillant pour et avec les enfants, y compris les forces de défense et de sécurité. Le représentant a par ailleurs fait valoir, notamment, que les tribunaux d’exception tels que le tribunal du travail et le tribunal pour enfants ont été supprimés et sont désormais incorporés dans les tribunaux de première instance.

En dépit des mesures prises par le Gouvernement et ses partenaires en matière de consolidation de la paix, de la réforme du secteur de la justice et de la sécurité, du renforcement des capacités des acteurs en droit international humanitaire, de vulgarisation des dispositions du protocole, il reste entendu que des efforts doivent être déployés pour le renforcement des stratégies d’inclusion des préoccupations de l’enfant dans les politiques et programmes sectoriels, a reconnu le représentant. Il a assuré à cet égard que la volonté du Gouvernement restait constante quant à la recherche de solutions salvatrices pour le renforcement des droits fondamentaux des enfants.

Examen du rapport de la Guinée sur l’implication des enfants dans les conflits armés

Questions et observations des membres du Comité

M. BENYAM DAWIT MEZMUR, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport, a demandé à la délégation aux mesures prises pour aligner la législation guinéenne sur les dispositions du Protocole facultatif. Il a aussi posé des questions sur la coordination et l’efficacité du Comité guinéen sur la protection des droits de l'homme. Il a notamment voulu savoir quelle était la contribution de l'institution nationale indépendante des droits de l'homme en ce qui concerne les mécanismes de collecte et de suivi des données?

En ce qui concerne la diffusion des dispositions du Protocole facultatif, le rapport indique que les fonctionnaires des tribunaux, les travailleurs sociaux, les militaires et les membres d'autres organismes ont été formés à la mise en œuvre du Protocole. L’expert a voulu savoir si c’était le cas également des agents d'immigration. Une évaluation du succès de ces formations a-t-elle été réalisée?

La délégation a été invitée à clarifier les implications de la déclaration selon laquelle il n'y avait pas de groupes armés en Guinée distincts des forces armées du pays. Comment cela a-t-il eu une incidence sur la mise en œuvre du Protocole?

MME SUZANNE AHO ASSOUMA, également rapporteuse du Comité pour ce rapport, a demandé quelles mesures avaient été prises pour renforcer les structures de santé et les services de base, soulignant que beaucoup d’enfants doivent être pris en charge.

S’agissant des conflits, la rapporteuse a reconnu que de 2013 à 2016, après la survenue d’Ébola, il y a eu des conflits dans le pays, ajoutant que des conflits internes sont fréquents en Guinée, dus à des revendications politiques, sociales ou économiques. Le pays a en outre connu un afflux de réfugiés depuis 1990 en raison de l’instabilité dans la région. S’y ajoutent des rapatriés des pays voisins. Elle a aussi relevé des cas de recrutement de mineurs entre 2000 et 2001 par des groupes armés dans le cadre du conflit au Libéria. Dans ce contexte, tout en saluant la loi militaire qui interdit le recrutement dans l’armée de personnes de moins de 18 ans, quelles mesures sont-elles prises pour s’assurer que des personnes de moins de 18 ans ne sont pas recrutées dans ces conflits. Elle a voulu savoir si les autorités disposaient de données sur le recrutement d’enfants dans le cadre de ces situations. Elle a aussi souhaité des précisions, dans ce cadre, sur l’efficacité du système d’enregistrement des naissances en Guinée.

La rapporteuse a d’autre part souhaité des précisions sur le fonctionnement, le curriculum et le règlement des écoles militaires, ainsi que sur le contrôle exercé par le Gouvernement.

En ce qui concerne les enfants soldats recrutés par des groupes armés par le passé et les programmes mis en œuvre pour leur réinsertion avec l’aide de partenaires internationaux, la rapporteuse a souhaité savoir quelles mesures sont encore prises, pour leur réinsertion sociale.

L’experte a aussi voulu savoir si des mesures avaient été prises contre les responsables de recrutement de jeunes volontaires en 2001 à Kaléya. Des enquêtes judiciaires sont-elles envisagées dans ce domaine ?

S’agissant d’enfants recrutés dans des groupes organisés, l’experte a voulu savoir s’ils sont considérés comme des victimes ou comme auteurs d’une infraction. Elle s’est aussi inquiétée d’enfants impliqués dans des violences politiques et a voulu savoir si des mesures sont prises concernant ces enfants. Des programmes de prévention sont-ils menés pour lutter contre la violence des jeunes ? Des programmes sont-ils menés pour lutter contre la violence exercée par les forces de l’ordre ?

Parmi les autres membres du Comité, une experte a posé des questions sur la coopération internationale avec les organismes des Nations Unies. Elle a aussi voulu savoir si le Gouvernement était disposé à entreprendre une sensibilisation accrue concernant les mutilations génitales féminines et dans d'autres domaines pour favoriser le respect de la Convention et de ses Protocoles facultatifs.

Des questions ont aussi été posées sur les travaux de la Commission sur la prolifération des armes légères.

Les membres du Comité ont aussi voulu savoir quelle formation avaient suivi les 850 soldats de la paix qui ont militaires qui ont fait partie des opérations de maintien de la paix des Nations Unies en 2007.

Réponses de la délégation

La délégation de la Guinée a indiqué que le Comité guinéen de suivi des droits de l’enfant guinéen était un organisme multisectoriel regroupant l’ensemble des départements de l’État et les secteurs de la société civile sur la question des droits de l’enfant. Il est chargé du suivi de la mise en œuvre de l’ensemble des instruments liés aux questions des droits de l’enfant. C’est le Ministère de l'action sociale, de la promotion féminine et de l'enfance qui assure la tutelle de ce comité.

La délégation a indiqué qu’une structure créée au niveau du Ministère de la défense - qui assure la confection des équipements de base de l’armée (tenues militaires) - a été transformée en centre de réinsertion socio-professionnelle des enfants et des jeunes qui sont dans le processus de démobilisation. Ce centre apporte un accompagnement au-delà de la formation pour permettre aux jeunes de s’installer dans un métier et devenir actifs dans la vie sociale. La délégation a aussi signalé dans ce domaine la participation très active d’autres structures partenaires de l’État dans ce domaine en coopération avec l’UNICEF dans le programme de réinsertion socio-professionnelle que le Gouvernement met en place. La délégation a aussi fait valoir que des programmes de réinsertion avaient été menés par le Ministère chargé de la jeunesse, en plus de celui mené par l’armée, notamment un programme pour permettre aux jeunes de s’initier à l’entreprenariat et de renforcer leurs capacités, notamment dans le secteur minier. Des écoles des arts et métiers sont en train d’être ouvertes par l’État dans plusieurs régions du pays.

« Nous n’avons pas de groupe rebelle armé en Guinée », a affirmé la délégation. Depuis l’indépendance, le pays n’a pas connu de groupes armés opposés au Gouvernement. Il n’y a que l’armée régulière, l’armée guinéenne.

Au sujet de « la période Kaléya », la délégation a précisé qu’il s’agissait d’une période d’exception, en 2009, qui ne doit pas être confondue avec la période 2000-2001, qui est la période de la guerre en Sierra Leone et au Libéria, avec des incursions rebelles dans le Sud du pays. Il y a effectivement eu, en 2009, une période très éphémère – environs 6 mois - de recrutement de jeunes dans Kaléya. Par la suite, les jeunes qui n’ont pas été intégrés dans l’armée ont bénéficié d’une formation socio-professionnelle. Aujourd’hui, Kaléya n’existe pas en tant que centre de recrutement de jeunes; Kaléya a existé dans une période exceptionnelle. C’est devenu un centre de formation et de recyclage des cadres de l’armée guinéenne. La délégation a par la suite précisé que ces formations ne concernent plus aujourd’hui que des jeunes de plus de 18 ans.

En ce qui concerne les écoles militaires, le processus de formation des cadres de l’armée inclut le droit humanitaire international. Ces écoles sont intégrées dans le processus de protection des droits humains. La délégation a par la suite assuré que le programme d’enseignement dans ces écoles était harmonisé avec le système d’enseignement général. La délégation a précisé que les écoles militaires fréquentées par de jeunes guinéens ne se trouvaient pas en Guinée mais dans un pays voisin.

La délégation a fait valoir que le pays comptait une agence de lutte contre la corruption, qui a été rattachée à l’inspection générale et présente un rapport périodique au Gouvernement. Une loi anticorruption a récemment été adoptée par l’Assemblée nationale.

Répondant aux questions sur la difficulté de déterminer l’âge d’une personne en Guinée, la délégation a reconnu que le taux d’enregistrement des naissances était faible, mais la situation s’améliore progressivement. Un programme de modernisation de l’état civil a été lancé. La délégation a précisé que le programme visait notamment à lutter contre la falsification des documents d’identité, permettant ainsi d’éviter que des mineurs soient enrôlés dans l’armée.

La délégation a aussi fait valoir que diverses formations ont permis une sensibilisation, au niveau de la police, de la gendarmerie et de l’armée, entraînant notamment la mise en place d’unités spécialisées en matière de protection des femmes et des enfants. Elle a par la suite précisé que cette sensibilisation s’adressait aussi aux forces de sécurité aux frontières. La délégation a aussi souligné l’importance en Guinée du système de protection à base communautaire et que, jusqu’au niveau de l’entité administrative la plus petite, il y a une responsabilité de protection de l’enfance.

La délégation a par la suite souligné que l’investissement dans les questions de prévention était un axe fondamental du document de politique générale du Gouvernement. Ainsi, les questions de formation, d’information, de sensibilisation et de mobilisation sociale autour des questions de protection de l’enfance étaient au cœur de tout ce qui se fait au niveau du Gouvernement, pas uniquement au niveau du Ministère de l’action sociale. En effet, l’intégration des questions de protection de l’enfance fait partie également des plans d’action d’autres départements.

La délégation a souligné que la phase qu’a connu le pays avec Ébola a été très douloureuse et a mis à rude épreuve le système de santé. La coopération bilatérale apportée pendant cette période a permis le renforcement du système de santé. La délégation a indiqué qu’Ébola a fait 6234 enfants orphelins et a touché en tout 130 000 enfants.

Répondant à une question sur l’implication d’enfants au niveau des partis politiques, la délégation a attiré l’attention sur l’initiative du Chef de l’État pour des concertations qui ont ouvert la porte aux opposants politiques et ont permis d’aplanir les tensions; ce sont en effet les tensions qui amènent des jeunes à être impliqués dans ces mouvements. Il y aussi des initiatives telles que le parlement des enfants de Guinée qui fait le porte à porte à des moments sensibles auprès des organisations politiques pour sensibiliser au fait que les enfants ne doivent pas être impliqués dans les mouvements politiques.

Présentation du rapport de la Guinée sur l’exploitation des enfants

Le Comité était saisi du rapport soumis par la Guinée au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/GIN/1). Le Comité a également reçu les réponses de la Guinée (CRC/C/OPSC/GIN/Q/1/Add.1) aux listes de questions du Comité (CRC/C/OPSC/GIN/Q/1) concernant la mise en œuvre du Protocole facultatif.

M. KONATÉ a présenté ce rapport en soulignant que des dispositions pratiques avaient été prises qui ont abouti, sur le plan législatif, à l’adoption du code de l’enfant, harmonisé avec les instruments internationaux, notamment la Convention relative aux droits de l’enfant, les Conventions 138 et 182 de l’Organisation internationale du travail et d’autres. À cela s’ajoutent notamment la loi portant le code de l’enfant guinéen, qui prend en compte la réglementation sur le travail des enfants, de l’enlèvement et de la vente d’enfants. Ainsi que les accords régionaux, portant en particulier sur la traite des personnes.

En matière de protection cinématographique, la réalisation de tout film ou vidéogramme, de court ou long métrage, est régie par un décret de 1997 portant réglementation des professions et des acteurs du cinéma, de la vidéo et de la photo.

Au plan de la diffusion, conformément à la nouvelle politique de promotion et de protection des droits et du bien-être de l’enfant, le ministère en charge des questions de l’enfance et ses partenaires s’emploient à diffuser et vulgariser les principes et dispositions de la Convention, ses Protocoles facultatifs et autres instruments juridiques en direction des enfants, de la société civile, des acteurs travaillant pour et avec les enfants, les communautés et les décideurs à tous les niveaux.

Le Directeur national de l'enfance a déclaré que les réformes engagées au cours des dernières années prenaient en compte les aspects relatifs au proxénétisme, aux personnes morales responsables de certaines infractions, à la pornographie mettant en scène des enfants, et à l’entraide judiciaire internationale.

Il a aussi été procédé à l’élaboration d’une nouvelle politique de l’enfance qui s’inscrit dans une perspective d’au moins 10 ans et doit être mise en œuvre à travers une succession de plans d’action triennaux. Un premier plan triennal (2017-2019) de mise en œuvre a été élaboré en 2016 et présenté aux partenaires du développement en vue d’un accompagnement. Cette nouvelle politique de l’enfance mettra l’accent sur la prévention et continuera de prendre en charge les enfants victimes d’abus, de maltraitance, d’exploitation, de négligence et de violence.

M. Konaté a déclaré que la politique mise en place par le Gouvernement visait à créer un environnement protecteur en faveur de tous les enfants du pays. Il est évident qu’il s’agit d’un processus de longue haleine chargé de défis multiples, notamment la pauvreté et l’analphabétisme qui frappent une bonne partie de la population. Malgré les efforts consentis par l’État et ses partenaires techniques et financiers pour offrir à l’enfant guinéen toutes les garanties possibles, il reste beaucoup de défis à relever.

En conclusion, le chef de la délégation guinéenne a déclaré que la lutte contre la vente d’enfants, les pires formes de travail des enfants, la traite des enfants et les violences sexuelles faites aux enfants figurent parmi les priorités du Gouvernement guinéen. Il a souligné l’importance du concours des partenaires du développement dans ces efforts.

Examen du rapport de la Guinée sur l’exploitation des enfants

Questions et observations des membres du Comité

M. HATEM KOTRANE, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport, a noté avec satisfaction les progrès réalisés par la Guinée en rapport avec le Protocole facultatif, notamment la création d’institutions, la mise en place de plans nationaux et programmes qui facilitent la mise en œuvre du Protocole facultatif.

Le rapporteur a aussi salué la mise en place, en 2013, du Comité de l’adoption internationale, ainsi que la ratification de la Convention de la Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale et de la Convention de de la Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.

M. Kotrane a exprimé une préoccupation qui perdure s’agissant de la collecte de données, bien que la Guinée ait indiqué avoir mené une « capitalisation des données sectorielles au niveau de l’institut national des statistiques en vue d’une prise en compte dans les planifications des projets et programmes en faveur des enfants ». En effet, peu de progrès réels ont été accomplis dans la mise en place d’un système centralisé de collecte de données. Il y a peu d’informations sur la situation en Guinée s’agissant de la vente d’enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants. Le rapporteur souhaite savoir quels efforts sont menés dans ce domaine.

En matière d’allocation des ressources, si la Guinée indique une augmentation importante du budget de l’État pour l’investissement dans le domaine de l’enfance, le rapporteur a souhaité connaître ressources humaines, financières et techniques allouées spécifiquement au système de protection de l’enfance en Guinée, y compris à la police judiciaire pour le traitement des infractions aux dispositions du Protocole facultatif. Il semblerait que ces ressources soient en deçà des attentes.

M. Kotrane a insisté sur la nécessité de qualifier tous les actes constituant des infractions aux dispositions du Protocole facultatif et surtout de poursuivre les responsables. Ainsi, exposer un enfant au travail forcé est-il défini par la loi pénale en tant que cas de vente d’enfant et puni en tant que tel par une peine privative de liberté, a demandé l’expert.

Le rapporteur s’est aussi intéressé aux mesures prises pour lutter contre l’impunité, notant que très peu d’auteurs de traite des enfants ont été condamnés.

MME SUZANNE AHO ASSOUMA, également rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport, a demandé si le système de protection de l’enfance en Guinée disposait de ressources suffisantes, notamment pour assurer sa présence dans toutes les régions du territoire.

La rapporteuse a demandé quelle était la participation de l’État dans les efforts menés par des organisations non gouvernementales dans le domaine de la protection des enfants, soulignant que certaines ONG avaient dû mettre fin à leurs activités en raison d’un manque de ressources.

S’agissant de la traite, Mme Aho Assuma, a noté qu’il y avait un mouvement des enfants qui traversaient la frontière et que la Guinée était à la fois un pays d’origine, de transit et de destination. Elle a souhaité plus de clarté dans la législation sur l’interdiction de la traite des enfants, en particulier s’agissant des sanctions contre les trafiquants. Des dispositions sont-elles prévues pour sanctionner les parents qui remettent les enfants aux fins de la traite?

La rapporteuse s’est également enquise des mesures d’accompagnement pour les enfants victimes de la traite, notamment pour leur réinsertion et le retour dans leurs foyers. Elle a aussi demandé des précisions sur les règles appliquées en matière d’adoption internationale.
Mme Aho Assuma s’est aussi demandée s’il n’y avait pas une forme de trafic déguisé dans la pratique du « confiage » des enfants, qui comporte un risque d’abus, de maltraitance et d’exposition à l’exploitation sexuelle. Elle s’est par ailleurs dite préoccupée par le tourisme sexuel en Guinée, ainsi que par la prostitution infantile, de même que par la mendicité. Quelles mesures sont prises contre ces phénomènes?

Un autre membre du Comité a notamment posé des questions au sujet la participation des enfants à l’élaboration du rapport, l’invocation du Protocole facultatif devant les juridictions nationales, le budget de l’État consacré à la protection de l’enfance, les activités de l’institution nationale des droits de l'homme dans le domaine des droits de l’enfant.

Réponses de la délégation

La délégation de la Guinée a indiqué, s’agissant de la collecte de données, que des efforts sont menés afin de constituer une base de données qui centralisera toutes les interventions de l’ensemble des acteurs sur les questions de protection de l’enfance. Des mesures ont également été prises par l’institut national de statistique, avec l’aide des partenaires du développement, pour prendre en compte les principales variables en matière de protection de l’enfance. La délégation a indiqué que des dispositions ont été prises pour assurer le suivi et la « traçabilité » dans les cas d’enfants victimes de violations de leurs droits dans les domaines couverts par le Protocole facultatif, de manière en particulier à établir des statistiques dans ces domaines.

La délégation a reconnu l’insuffisance des ressources humaines, tout en soulignant que le Gouvernement guinéen était engagé dans un processus de « rajeunissement et de féminisation » des cadres de la fonction publique. Le système de renforcement des capacités est destiné exclusivement aux jeunes de moins de 40 ans et aux femmes.

S’agissant de la participation des enfants, la délégation a souligné l’importance du parlement des enfants. Les parlement des enfants « déblaie le terrain » pour le Gouvernement dans le cadre d’un processus participatif dans l’élaboration du rapport du gouvernement. Dans la phase préparatoire, qui se déroule au niveau des régions, il est procédé à une compilation de l’ensemble des travaux, à la présentation de rapports préparatoires, et une phase de validation dans le cadre d’ateliers. Les enfants sont au cœur de tout le processus.

La délégation a expliqué que le pays s’était engagé depuis 2012 dans un processus de grandes réformes et d’alignement de la législation nationale avec les principes internationaux en matière d’adoption internationale. La France, la Belgique et la Suisse apportent leur soutien dans le cadre des réformes en cours dans ce domaine. La formation des magistrats et des travailleurs sociaux font partie des efforts menés dans ce domaine.

La délégation a indiqué que des efforts sont également menés pour prévenir la violence au niveau communautaire, à travers les relais communautaires de protection de l’enfance, qui mènent des activités de sensibilisation, de formation et d’éducation pour la lutte contre les violences. Un programme a aussi été mis en œuvre qui doit aboutir à la prise en compte des cas de violence dans l’enseignement primaire, y compris s’agissant de l’excision.

Pour ce qui concerne le travail des enfants la délégation a souligné que le code de l’enfant contient l’« ébauche » d’une liste de travaux dangereux, y compris les activités en lien avec le travail de nuit et toute activité qui concerne la pornographie, la prostitution. Le Ministère du travail a pour sa part établi une liste plus exhaustive de travaux dangereux.

À la question sur la répartition territoriale des comités locaux de protection, la délégation a indiqué que la couverture se situait autour de 78%. Cela permet notamment d’identifier, de dénoncer, de poursuivre et de sanctionner les cas de viol, a déclaré la délégation à titre d’exemple.

À une question sur la prostitution des mineurs, la délégation a affirmé que les mineurs sont considérés comme victimes dans tous les cas.

Sur les activités du Comité national de lutte contre la traite des personnes et pratiques assimilées, la délégation a indiqué que ce comité avait commencé à bénéficier d’un appui de l’État, notamment dans ses efforts de sensibilisation. En réponse à une question sur la fermeture de centres de transit, la délégation a expliqué que tous ces centres n’ont pas été fermés et qu’il existait un tel centre à Conakry. Elle a toutefois reconnu qu’il y avait un problème de couverture nationale. Mais des mesures sont prises pour préparer le retour de l’enfant dans sa famille et s’assurer que l’enfant ne se retrouvera pas dans les mêmes conditions qui ont contribué à en faire une victime de la traite.

La délégation a estimé que le phénomène des talibés - ces enfants mendiants confiés par leurs parents à un maître coranique - se retrouve principalement dans les zones frontalières du Sénégal mais pas forcément dans la capitale guinéenne, des efforts importants ayant été menés pour essayer de faire en sorte que ces écoles passent du secteur informel au secteur formel.

La délégation a souligné que toute diffusion de matériel pornographique était incriminée et poursuivie en Guinée.

La délégation a fait valoir que Président de la République avait signé un décret faisant du mois de juin une période de mobilisation sociale et de plaidoyer en faveur des questions relatives à l’enfance; le thème consacré cette année par la Guinée pour le mois de l’enfance était le suivant : « Sortons nos enfants des mines pour le chemin de l’école ». L’attrait de l’exploitation artisanale de l’or - qui peut rapporter des gains importants, a en effet eu tendance à favoriser l’abandon scolaire.

Conclusion

MME AHO ASSOUMA a salué un dialogue très riche en informations entre le Comité et la délégation de la Guinée. La rapporteuse a retenu qu’il y avait des mesures à prendre par le pays pour revisiter la législation nationale surtout en matière de traite des enfants. Il faut aussi harmoniser le code pénal avec le code de l’enfant en matière de traite des enfants. Il faudrait aussi redynamiser le système de protection de l’enfance en Guinée, qu’il faut doter d’un budget conséquent avec un personnel approprié, que ce soit au niveau central ou au niveau décentralisé, pour qu’il joue pleinement le rôle de coordination.

Le Comité souhaiterait aussi que les ressources soient vraiment allouées à toutes les politiques et stratégies pour la mise en œuvre effective des instruments régionaux en matière de lutte contre la traite.

Pour sa part, le système d’enregistrement des naissances doit faire l’objet de renforcement et un accent particulier doit être mis sur la collecte des données.

S’agissant des écoles militaires, le Comité souhaiterait des informations sur le curriculum, ce qui essentiel pour les familles qui envoient leurs enfants dans ces écoles et pour s’assurer que ces enfants ne soient pas initiés à l’utilisation des armes.

Le chef de la délégation guinéenne, M. KONATÉ, a également salué un échange enrichissant et a indiqué repartir avec la ferme conviction que toutes les questions qui ont été soulevées trouveront leur réponse dans le code de l’enfant qui est actuellement en chantier. Le Comité peut compter sur la Guinée pour assurer la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant et de ses Protocoles facultatifs.



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CRC/17/33F