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LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS OUVRE LES TRAVAUX DE SA VINGT-SEPTIÈME SESSION

Compte rendu de séance
Il auditionne les organisations de la société civile au sujet de l’application de la convention en Équateur, au Mexique et en Indonésie

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a ouvert ce matin les travaux de sa vingt-septième session, qui se tient au Palais Wilson, à Genève, jusqu'au 13 septembre.

Le Comité a adopté l'ordre du jour de la session après avoir entendu une déclaration d'ouverture du Directeur de la Division du Conseil et des mécanismes de traités du Haut-commissariat aux droits de l'homme, M. Adam Abdelmoula. Il a ensuite entendu des représentants de la société civile qui ont fait des déclarations au sujet de l'application de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille dans les trois pays dont l'examen des rapports figure à l'ordre du jour de cette session, à savoir l’Équateur, le Mexique et l'Indonésie.

Dans sa déclaration d’ouverture, M. Abdelmoula a indiqué que 21% des rapports initiaux et périodiques attendus par le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants sont en retard. Heureusement, a-t-il fait observer, le Comité a pris des mesures pour combler cette lacune, notamment en adoptant une procédure de rapport simplifié et en prévoyant la possibilité de paraître devant le Comité en l’absence de rapport, deux mesures qui devraient augmenter la coopération des États parties. M. Abdelmoula a ajouté que le Haut-Commissariat prodigue pour sa part une aide technique aux États pour leur permettre de présenter leurs rapports. Cependant, « la présentation de rapports n’est manifestement pas une fin en soi », a-t-il souligné, rappelant que l’essentiel de l’attention doit porter sur la manière dont les États donnent suite aux recommandations des organes de traités et d’autres mécanismes des droits de l’homme tels que l’Examen périodique universel.

S’agissant du pacte mondial sur les migrations qu’il est prévu d’adopter en 2018, en même temps qu’un autre pacte concernant les réfugiés, M. Abdelmoula a indiqué que les consultations sur ces deux projets de pactes se poursuivent jusqu’en novembre prochain au sein des Nations Unies. Une session thématique commence ce matin même à Vienne et porte sur la traite des migrants; une autre session à Genève, en octobre, portera sur les filières de migration irrégulière, a-t-il indiqué. Malheureusement, a poursuivi M. Abdelmoula, les organes de traités des Nations Unies n’ont pas été invités jusqu’ici à ces sessions thématiques ; cette situation pourrait changer suite, d’une part, aux pressions exercées par la présidence du présent Comité et par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et, d’autre part, suite aux travaux de sensibilisation réalisés par M. Pablo Ceriani, membre du Comité, a fait valoir M. Abdelmoula.


Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport de l’Équateur.


Déclaration d’ouverture

M. ADAM ABDELMOULA, Directeur de la Division du Conseil et des mécanismes de traités du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a regretté le retard avec lequel nombre de pays présentent leurs rapports nationaux aux organes de traités, précisant que 21% des rapports initiaux et périodiques attendus par le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants sont en retard. Heureusement, s’est félicité M. Abdelmoula, le Comité a pris des mesures pour combler cette lacune, notamment en adoptant une procédure de rapport simplifié et en prévoyant la possibilité de paraître devant le Comité en l’absence de rapport, deux mesures qui devraient augmenter la coopération des États parties. M. Abdelmoula a ajouté que le Haut-Commissariat prodigue pour sa part une aide technique aux États pour leur permettre de présenter leurs rapports.

Cependant, « la présentation de rapports n’est manifestement pas une fin en soi », a ajouté M. Abdelmoula : l’essentiel de l’attention doit porter sur la manière dont les États donnent suite aux recommandations des organes de traités et d’autres mécanismes des droits de l’homme, notamment l’Examen périodique universel. Les Présidents des organes de traités ont récemment discuté d’approches communes pour collaborer avec les institutions nationales de droits de l’homme.

M. Abdelmoula a également informé les membres du Comité des initiatives récentes prises par le Conseil des droits de l’homme qui intéressent leurs travaux. Le Conseil a ainsi tenu une discussion, en juin dernier, sur le sort des enfants migrants non accompagnés et a insisté dans ce contexte sur l’importance de protéger et d’aider ces mineurs, dans le respect de leur intérêt supérieur, a précisé M. Abdelmoula. Le Conseil a également nommé un nouveau Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, M. Felipe Gonzalez Morales, et a adopté une résolution concernant le pacte mondial sur les migrations qu’il est question d’adopter en 2018, en même temps qu’un autre pacte concernant les réfugiés. Des consultations sur ces projets de pactes se poursuivent jusqu’en novembre prochain au sein des Nations Unies, a précisé M. Abdelmoula. Une session thématique commence ce matin même à Vienne et porte sur la traite des migrants; une autre session à Genève, en octobre, portera sur les filières de migration irrégulière, a-t-il indiqué.

Malheureusement, a poursuivi M. Abdelmoula, les organes de traités des Nations Unies n’ont pas été invités jusqu’ici à ces sessions thématiques ; cette situation pourrait changer suite, d’une part, aux pressions exercées par la présidence du présent Comité et par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et, d’autre part, suite aux travaux de sensibilisation réalisés par M. Pablo Ceriani, membre du Comité.

Lors d’un échange avec M. Abdelmoula, M. Abdelhamid El Jamri, membre du Comité s’est félicité de l’efficacité des méthodes de travail du Comité, qui expliquent les bons résultats en matière de présentation de rapports et de collaboration soutenue avec les institutions nationales de droits de l’homme. L’expert a demandé des informations sur le programme de mobilité facilitée prévoyant la protection des mineurs non accompagnés. Il a regretté que le Comité ne soit pas invité en tant que tel, et officiellement, aux sessions préparatoires en vue de la rédaction des deux pactes mentionnés par M. Abdelmoula. M. El Jamri a souligné que le Comité disposait déjà d’une expérience dans les grands domaines qui préoccupent les États et la société civile s’agissant de l’application effective des droits de l’enfant.

Le Directeur de la Division du Conseil et des mécanismes de traités a alors précisé avoir mené cinq missions en Afrique cette année: à chacune de ces missions, la Convention a été, sur instruction du Haut-Commissaire, mentionnée explicitement dans les débats avec les autorités au sujet, notamment, de l’organisation prévue d’un atelier régional destiné aux pays africains n’ayant pas encore ratifié cet instrument. M. Abdelmoula a d’autre part précisé que les pactes qu’il est prévu d’adopter l’an prochain sont une initiative des États et non des Nations Unies ; ces instruments ne seront pas contraignants au plan juridique, a-t-il ajouté.

Audition des organisations non gouvernementales et institutions nationales de droits de l'homme

S’agissant de l’Équateur, la Coalition pour les migrants et les réfugiés a souligné la difficulté d’accéder aux informations sur les expulsions d’étrangers hors de l’Équateur, une procédure qui s’apparente désormais à une simple procédure administrative, non susceptible d’appel. La Coalition a dit aussi sa préoccupation devant les nouvelles dispositions légales qui autorisent, de manière très vague, la prise en compte « d’aspects sécuritaires » dans le traitement des migrants. D’autres exigences sont préoccupantes, notamment l’obligation pour les candidats à l’immigration en Équateur – il s’agit en effet désormais d’un pays de destination aussi bien que de transit et de départ – de faire la preuve de leur capacité financière. D’une façon générale, la Coalition s’est dite inquiète du caractère arbitraire des expulsions opérées par les autorités équatoriennes et de l’absence de mesures de protection pour migrants, telles que prévues par le Comité.

Le Réseau international pour les droits de l’homme a fait part de ses préoccupations s’agissant du statut des étrangers en Équateur, qui accueille la plus grande proportion de réfugiés sur le continent américain, en provenance notamment de la Colombie, de Cuba et d’Haïti. Malheureusement, de nombreuses personnes réfugiées ont été victimes d’expulsion ou de mauvais traitements. Les 60 000 Colombiens réfugiés en Équateur sont particulièrement mal lotis car victimes d’une sorte « d’anticolombianisme », a déclaré l’ONG. Il faut donc que l’État colombien adopte des plans d’intégration et veille à ce que la xénophobie ne s’installe pas en Équateur.

Les deux organisations susmentionnées ont dénoncé les conditions de l’expulsion de l’Équateur de Mme Manuela Picq, journaliste et universitaire.

S’agissant de l’Indonésie, Migrants Care a recommandé que la révision prévue de la loi sur la protection des travailleurs migrants se fasse en conformité avec les principes que l’Indonésie a acceptés en ratifiant la Convention. L’Indonésie doit notamment intégrer les droits de l’homme dans les protocoles bilatéraux en matière d’expulsion qu’elle signe avec des États tiers et légiférer en vue d’une meilleure protection des droits fondamentaux des travailleurs migrants. L’ONG a recommandé que l’État indonésien garantisse une aide juridictionnelle gratuite et effective aux travailleurs migrants et veille à ce que les personnes qu’il expulse ne risquent pas la peine de mort dans le pays de destination.

Pathfinders a souligné que Hong-Kong, où est basée cette ONG, accueille 160 000 ressortissants indonésiens travaillant dans le secteur domestique ; il s’agit en majorité de travailleuses qui ne jouissent pas de leurs droits sociaux fondamentaux et à l’encontre desquelles la discrimination commence en réalité dès le recrutement en Indonésie. L’ONG a recommandé à cet égard un contrôle plus étroit du fonctionnement des agences de recrutement. Elle a demandé aux autorités de Hong-Kong et de l’Indonésie de garantir l’enregistrement de la naissance des enfants des travailleuses domestiques étrangères, en tant que condition essentielle de la jouissance des droits fondamentaux.

Le Service international des droits de l’homme a estimé que la ratification de la Convention par l’Indonésie était un grand pas en avant dans la résolution des difficultés qui persistent dans ce pays. L’ONG a prié le Comité de recommander aux autorités indonésiennes d’adopter des politiques adaptées et de collaborer avec la société civile pour assurer la protection des travailleurs migrants. Elle a recommandé également une meilleure coordination de l’action des agences gouvernementales contre les violations constatées des droits des migrants dans le secteur privé, en particulier. Le Comité devrait en outre attirer l’attention du Gouvernement indonésien sur les limites à l’exercice du droit d’association par les migrants.

S’agissant du Mexique, Fray Matias de Cordova Human Rights Center s’est inquiété de l’absence de statistiques sur les violences subies par les migrants au Mexique, surtout au sud du pays. La situation impose l’adoption de mesures de protection pour les migrants et l’application des instruments internationaux pertinents ratifiés à ce jour (à savoir la présente Convention ainsi que plusieurs conventions de l’Organisation internationale du Travail). L’ONG a plaidé également pour l’octroi d’une aide extérieure afin de garantir l’accès effectif des migrants à la justice. Elle a demandé au Gouvernement du Mexique d’organiser des campagnes de lutte contre la xénophobie.

Au nom d’une plateforme de plusieurs organisations mexicaines et internationales, la Plataforma internacional contra la impunidad a précisé que les violences contre les migrants étaient le fait de membres du crime organisé, de réseaux de narcotrafiquants et même de policiers. L’ONG s’est dite préoccupée par l’impunité dont jouissent les auteurs de ces violences et qui ne fait qu’aggraver le risque encouru.

L’Institut de recherche et de communication sur les migrations a observé que l’agence nationale des migrations du Mexique n’était pas en mesure d’assurer le suivi médical des migrants. La situation est particulièrement grave et dangereuse pour les femmes et les jeunes filles migrantes, exposées au risque d’exploitation sexuelle ou d’exploitation au travail. L’Institut a regretté que le Mexique ne protège pas suffisamment les Mexicains expulsés des États-Unis, notamment pour ce qui est de l’aide à la recherche d’emploi et du rétablissement dans la nationalité mexicaine. L’Institut a en outre déploré les lacunes statistiques qui empêchent de se faire une idée de l’ampleur des activités criminelles au Mexique.

La Commission mexicaine de promotion et de protection des droits de l’homme a déploré la privation automatique de liberté des migrants sans papiers au Mexique, ainsi que la détention administrative des requérants d’asile pour une durée pouvant atteindre six mois. La Commission a en outre regretté le faible taux d’acceptation des demandes d’asile au Mexique, ainsi que la longueur et la précarité des procédures pilotées par la commission d’aide aux réfugiés, la COMAR. Cette Commission a recommandé aux autorités de garantir le droit à la santé des migrants, a ajouté l’ONG.

L’Institution nationale de droits de l’homme du Mexique a fait état d’une véritable explosion du nombre des mineurs requérants d’asile au Mexique, dont le nombre a été multiplié par sept en peu d’années. L’autorité en charge des migrations continue de procéder à la détention de migrants mineurs, en même temps que des mesures préoccupantes sont prises contre les migrants qui arrivent par le sud du Mexique ; les autorités mexicaines se sont engagées devant le Comité à lutter contre la corruption dans ce contexte, a rappelé l’institution nationale de droits de l’homme. L’adoption de la nouvelle politique migratoire des États-Unis, qui contrevient aux droits de l’homme, a été heureusement freinée par la justice, a-t-elle observé. Elle a annoncé que plusieurs institutions nationales de droits de l’homme présenteraient un rapport conjoint pour donner un aperçu complet de la situation migratoire au plan régional.
Enfin, par un message enregistré, la Mission internationale de vérification de la situation des droits de l’homme des migrants en Amérique centrale a fait savoir que les migrations vers les États-Unis entraînaient de nombreux problèmes et violations des droits fondamentaux des personnes concernées. Face aux déclarations du Président Trump, les gouvernements de la région ont réagi par des mesures de répression contre les migrants et leurs familles, envisagées dans le contexte exclusif de la sécurité des États-Unis. Certes les États-Unis n’ont pas ratifié la Convention: mais les États membres de la région sont, eux, tenus d’agir. Le Comité doit accorder une attention particulière au respect par le Mexique et le Guatemala du principe de non-discrimination, a demandé la Mission.

Dans le cadre de l’échange de vues qui a suivi ces interventions, des membres du Comité ont voulu savoir dans quelle mesure il existait en Équateur des outils facilitant l’application des lois déjà adoptées. Un expert s’est interrogé sur les motifs invoqués pour détenir des migrants mineurs et sur le sort que connaissent les migrants équatoriens établis à l’étranger. Les organisations non gouvernementales ont précisé que 60 000 personnes migrantes ont été mises en détention en Équateur en 2016 ; les enfants n’ont pas été expulsés, mais détenus pendant au moins 48 heures dans des conditions difficiles, a-t-il été souligné. Les Équatoriens de retour au pays sont exposés à des difficultés de logement et d’éducation; ceux qui sont expulsés des États-Unis sont de moins en moins bien pris en charge, le ministère des expatriés n’existant plus, a-t-il en outre été indiqué. Une organisation non gouvernementale a condamné l’autoritarisme dont font preuve les autorités équatoriennes, avant de rappeler que l’Équateur est confronté à une crise économique qui pousse de nombreux citoyens à s’expatrier. Dans le même temps, les transferts d’argent en provenance de la diaspora équatorienne sont en diminution, a-t-il également été souligné.

S’agissant de l’Indonésie, un membre du Comité s’est dit inquiet des « peines de prison administrative » pouvant y être prononcées contre les migrants. Une experte a demandé des précisions sur l’accord bilatéral passé avec Hong-Kong, plus particulièrement en ce qui concerne le statut des femmes migrantes.

Un expert s’est pour sa part enquis des aménagements de peine prévus en faveur des migrants détenus au Mexique et des mesures prises pour interdire la détention de mineurs. Une experte a voulu savoir ce qui avait été fait pour accueillir le « flot massif » de migrants cubains dans ce pays. Elle a en outre constaté avec regret que l’État mexicain n’applique pas les mesures légales de protection qu’il a lui-même adoptées: comment donc prévenir le trafic illicite de migrants aux frontières? Un autre expert a demandé aux organisations de préciser leurs critiques envers l’action du Gouvernement mexicain relativement au sort des Mexicains expulsés des États-Unis. Les organisations non gouvernementales ont été priées d’éclairer le Comité sur l’action des autorités mexicaines eu égard au fait que le Mexique est tout à la fois un pays source, de destination et de transit de migrants.



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CMW/17/8F