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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par la Fédération de Russie sur les mesures qu'elle a prises pour mettre en œuvre le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Présentant ce rapport, M. Alexey Cherkasov, Vice-Ministre du travail et de la protection sociale de la Fédération de Russie, a expliqué que des décrets présidentiels avaient visé à améliorer la situation dans tous les domaines couverts par le Pacte, notamment en matière de santé et d’éducation. Il a ainsi indiqué que les salaires des médecins et des professeurs avaient été augmentés substantiellement. Un effort a été accompli en faveur de la formation professionnelle des femmes ayant pris un congé parental après leur troisième enfant. La Fédération de Russie a pour objectif de renforcer la famille, les valeurs familiales traditionnelles et l’autorité des parents tout en améliorant la qualité de vie de la cellule familiale, a dit M. Cherkasov.

En dépit des sanctions économiques imposées à la Fédération de Russie, celle-ci a veillé à maintenir l’intégralité des prestations sociales de ses citoyens. L’État accorde aussi la plus haute importance à l’amélioration des relations inter-ethniques, a dit M. Cherkasov. Le Vice-Ministre a toutefois indiqué que l’immigration illégale, le travail informel et le déplacement de populations en raison de situations d’urgence demeuraient des questions pendantes.

L’importante délégation russe était également composée de hauts fonctionnaires des Ministères suivants : affaires étrangères ; ressources naturelles et environnement ; santé ; affaires intérieures ; développement économique ; éducation et science ; culture ; d’un représentant de l’Agence fédérale des affaires ethniques, ainsi que d’un représentant du parquet.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des plaintes adressées au Médiateur ; des organisations de la société civile ; de l’application des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme ; des peuples autochtones ; de la fiscalité ; des questions migratoires et la discrimination ; de l’emploi informel ; des écarts salariaux entre les hommes et les femmes ; des retards de paiement de salaire ; des restrictions du droit de grève ; de la politique familiale ; de la dépénalisation des violences familiales ; de la situation des personnes LGBT ; de la toxicomanie ; de la pauvreté ; de la situation des Tsiganes ; et du cas de la Crimée et de Sébastopol.

En conclusion de l’examen, M. Cherkasov a expliqué que si son pays avait opté pour des choix parfois différents de ceux du reste de l’Europe, tout en restant fidèle au Pacte, cela s’expliquait par l’immensité d’un territoire peuplé de nations diverses auxquelles on ne saurait imposer des valeurs contraires à leur culture.

Le rapporteur du Comité pour l'examen des rapports, M. Michael Windfuhr, qui présidait le groupe de travail du Comité chargé de l’examen de la Fédération de Russie, s’est interrogé sur les raisons de la non-ratification du Protocole facultatif au Pacte. Le rapporteur a fait part de sa préoccupation face à un cadre juridique peu favorable au fonctionnement des ONG. Il s’avère en outre, selon lui, que les personnes s’engageant dans la défense des droits de l’homme sont la cible de menaces.

Abordant la situation régnant en Crimée et dans la ville de Sébastopol, territoires actuellement contrôlés par la Fédération de Russie, a-t-il rappelé, le rapporteur a expliqué que le Comité était préoccupé par la situation des citoyens non-russes, notamment des Tatars et des Ukrainiens. Le rapporteur a aussi posé des questions relatives aux discriminations envers les femmes, les Roms et les migrants.

Plusieurs membres du Comité ont soulevé le problème posé sur le faible niveau d’imposition personnelle, relevant que les inégalités étaient parmi les plus élevées en Russie en comparaisons d’autres pays développés. Un expert s’est interrogé sur le respect par la Fédération de Russie de la Déclaration sur les peuples autochtones, notant les facilités accordées aux activités économiques, pouvant aller jusqu’à l’expropriation et au déplacement de populations.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Fédération de Russie, qu’il rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le 6 octobre.

Lors de la prochaine réunion publique du Comité, qui se tiendra mardi matin prochain 3 octobre, le Comité aura un échange avec les États parties au Pacte.

Présentation du rapport de la Fédération de Russie

Le Comité est saisi du rapport périodique de la Fédération de Russie (E/C.12/RUS/6), ainsi que de ses réponses (E/C.12/RUS/Q/6/Add.1) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (E/C.12/RUS/Q/6).

M. ALEXEY CHERKASOV, Vice-Ministre du travail et de la protection sociale de la Fédération de Russie, qui a indiqué que son pays était un État de droit garant des libertés civiques, a affirmé que celui-ci avait connu des changements majeurs ces dernières années. Des décrets présidentiels ont visé à améliorer la situation dans tous les domaines couverts par le Pacte, notamment en matière de santé, d’éducation et des relations inter-ethniques. M. Cherkasov a aussi indiqué que les salaires des médecins et des enseignants avaient été augmentés substantiellement. Un effort a été accompli en faveur de la formation professionnelle des femmes ayant pris un congé parental après leur troisième enfant. D’une manière générale, les droits sociaux ont été élargis.

En outre, M. Cherkasov a mentionné la politique migratoire qui vise à mieux insérer les travailleurs étrangers. La loi sur l’évaluation des conditions de travail régit les obligations des employeurs et les droits des employés sur le plan de la sécurité. Il s’agit d’autre part pour la Fédération de Russie de renforcer la famille, les valeurs familiales traditionnelles, d’accroître l’autorité des parents tout en améliorant la qualité de vie de la cellule familiale. S’agissant des personnes âgées, une stratégie a permis de promouvoir une vieillesse active et de prendre des mesures en faveur de l’espérance de vie qui est en augmentation.

La stratégie nationale en faveur des femmes contient des mesures prioritaires en matière de santé, d’égalité avec les hommes et de participation à la vie publique. Par ailleurs, la Fédération de Russie a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées et a harmonisé sa législation en fonction de celle-ci. Des obligations ont été imposées aux logeurs afin d’améliorer l’accès des immeubles pour les personnes à mobilité réduite. Quelque 44 000 emplois ont été créés grâce à des subventions fédérales, ce qui a permis de faire passer le taux d’emploi des personnes handicapées de 37% à 42,5%.

En dépit des sanctions économiques imposées à la Fédération de Russie, celle-ci a veillé à maintenir l’intégralité des prestations sociales des citoyens. Le taux de chômage est tombé de 6,5% à 5,2%. Le salaire minimal représente 72% du minimum vital – il est prévu que ce taux passe à 100% du seuil de pauvreté d’ici le début de 2019. Le nombre de travailleurs victimes de retard dans le versement de leur salaire est en forte diminution.

L’État accorde la plus haute importance à l’amélioration des relations inter-ethniques. La Fédération de Russie est un des États les plus pluriethniques du monde, avec 190 nationalités, plus d’une centaine d’idiomes étant parlés sur le territoire. La Fédération de Russie veut préserver cette diversité tout en permettant le développement de toutes les ethnies. Des moyens considérables sont consacrés à la préservation du patrimoine, y compris linguistique.

M. Cherkasov a toutefois indiqué que l’immigration illégale, le travail informel et le déplacement de populations en raison de situations d’urgence demeuraient des questions pendantes. Il a enfin assuré que sa délégation avait pris connaissances des rapports des ONG, et que tout serait fait pour remédier aux problèmes qui y sont exposés.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité
Le Comité avait réparti les questions à traiter entre six de ses membres dans le cadre d’un groupe de travail chargé de l’examen du rapport de la Fédération de Russie, ce groupe étant présidé par M. MICHAEL WINDFUHR, rapporteur.

M. Windfuhr, qui a noté que la Fédération de Russie n’avait pas ratifié le Protocole facultatif au Pacte [qui reconnaît que le Comité a compétence pour recevoir des plaintes], a souhaité savoir si elle avait l’intention de le faire et, dans le cas contraire, de dire pour quelles raisons.

M. Windfuhr a posé une série de question sur le Médiateur des droits de l’homme, dont les attributions semblent aussi vastes que le territoire russe : dispose-t-il néanmoins des ressources nécessaires à l’accomplissement de sa tâche, a demandé M. Windfuhr, qui s’est aussi interrogé sur les raisons pour lesquelles la grande majorité des plaintes qu’il recevait était liées aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le rapporteur, qui s’est interrogé sur la prise en compte du Pacte par les tribunaux russes, a fait part de sa préoccupation face à un cadre juridique peu favorable au fonctionnement des organisations non gouvernementales. La loi contraint en effet les organisations à but non lucratif recevant des subventions étrangères et engagées dans des « activités politiques » à s’enregistrer comme « agents de l’étranger ». Il s’avère en outre que les personnes s’engageant dans la défense des droits de l’homme sont la cible de menaces. Le rapporteur a souhaité que la délégation clarifie la situation des défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels.

M. Windfuhr a abordé plus précisément la situation régnant en Crimée et dans la ville de Sébastopol, territoires actuellement contrôlés par la Fédération de Russie, a-t-il rappelé. Le Comité est en effet préoccupé par la situation des citoyens non-russes et souhaiterait savoir quelles mesures l’État partie entend prendre pour les protéger.
La Russie n’a pas élaboré de plan d’action dans le domaine des entreprises et des droits de l’homme, en dépit de l’existence de principes directeurs de l’ONU à cet égard. Le Gouvernement a-t-il l’intention d’y remédier en faisant en sorte que les entreprises russes respectent ces Principes, a-t-il demandé. M. Windfuhr s’est aussi enquis de l’évaluation faite en Russie des conséquences du changement climatique sur son territoire. Des mesures ont-elles commencé à être prises pour appliquer l’Accord de Paris ?

Le rapporteur a posé plusieurs questions sur les droits des peuples autochtones. Il s’est interrogé sur la légitimité du seuil minimal de 50 000 personnes fixé pour bénéficier d’une reconnaissance officielle en tant que peuple. Est-il envisagé de faire preuve d’une plus grande souplesse à cet égard, a-t-il demandé, la question étant particulièrement cruciale s’agissant de la protection juridique des terres, alors même que l’obtention du consentement libre, préalable et informé pour tout projet minier n’est guère respecté dans les faits, a-t-il affirmé. Des dédommagements sont-ils prévus, le rapporteur citant le cas de la destruction du village de Kazas du peuple Chor. M. Windfuhr a aussi souligné la nécessité de disposer de statistiques ventilées s’agissant des peuples autochtones.

M. Windfuhr, qui a relevé que la Russie avait un niveau d’imposition relativement bas, s’est demandé si cela n’affectait pas la capacité de l’État à veiller au respect des droits économiques, sociaux et culturels. La délégation a été priée d’établir un parallèle entre le niveau de dépenses sociales et les ressources budgétaires.

Le rapporteur a posé par ailleurs des questions relatives aux discriminations. Il a noté en particulier que la Fédération de Russie n’applique pas de politique pour surmonter la discrimination structurelle envers la communauté rom. M. Windfuhr a mentionné la situation des travailleurs migrants et des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, estimant indispensable qu’elles bénéficient d’une protection contre la discrimination. L’expert a aussi mentionné la situation kafkaïenne des apatrides sur le plan administratif. Il a critiqué la criminalisation des toxicomanes et leur exclusion de fait du système de santé.

M. Windfuhr a souligné de fortes disparités entre les régions de la Fédération de Russie dans le domaine de l’accès à l’éducation : le rapporteur a demandé si des mesures étaient prises ou envisagées afin d’y remédier. Il s’est aussi inquiété de l’importance du nombre de mineurs handicapés ne fréquentant pas l’école. Il a souligné les difficultés d’accès à une éducation de qualité au détriment des enfants rom, qui vivent une forme de ségrégation en étant cantonnés dans des établissements ne répondant pas aux normes.

M. Windfuhr s’est inquiété de la disparition des langues minoritaires et en voie d’extinction qui concerne une cinquantaine d’idiomes. Il s’est aussi alarmé de la situation de l’enseignement des langues ukrainienne et tatare en Crimée.

Si, officiellement, il n’existe pas de discrimination envers les personnes LGBT, la loi réprimant la propagande homosexuelle entretient la survivance de préjugés à leur encontre, a observé le rapporteur.

Le rapporteur a enfin demandé à la délégation russe de faire un point sur les mesures prises en faveur de l’égalité des hommes et des femmes. Il s’est intéressé en particulier à la liste des professions interdites aux femmes que les autorités ont prévu de réviser : l’expert s’est demandé si cette liste ne devrait pas plutôt être abolie.

Parmi les autres membres du Comité, un expert est revenu sur le niveau d’imposition, relevant que les inégalités étaient parmi les plus élevées en Russie en comparaison des autres pays développés. Un de ses collègues s’est interrogé sur le respect par l’État partie de la Déclaration sur les peuples autochtones, notant les facilités données aux activités économiques, pouvant aller jusqu’à l’expropriation et le déplacement de populations.

Un membre du Comité a jugé préoccupante la connotation de l’expression « agent de l’étranger » utilisée pour désigner les ONG bénéficiant de subventions de l’étranger. Une experte a jugé problématique l’interdiction de faire grève dans certaines professions et a posé la question de la liberté syndicale, au vu du harcèlement dont seraient victimes certains syndicalistes. Elle a aussi souhaité avoir un point sur le niveau et la réalité des allocations pour chômage.

Un expert a demandé quelles mesures avaient été prises en faveur des enfants des rues, tandis qu’une de ses collègues s’est alarmée de l’importance de la pauvreté et des très importantes disparités entre villes et campagnes.

Une experte du Comité a souligné que l’avortement continuait d’être considéré comme la principale mesure de contraception en Fédération de Russie. Un membre du Comité a souligné que, bien que la possibilité de changer de sexe soit reconnue par la loi, les formalités pour obtenir une nouvelle identité manquent de transparence. Une autre experte s’est inquiétée de la situation régnant en Tchétchénie, notamment la destruction de logements.

Une experte s’est inquiétée de la situation des Ukrainiens de Crimée ayant refusé de prendre la nationalité russe, notamment au regard de leur droit à des soins de santé.

Réponses de la délégation

À ce stade, il n’est pas envisagé de ratifier le Protocole facultatif au Pacte, a indiqué la délégation.

La Constitution de la Fédération de Russie la définit comme un État social. En conséquence, la plus grande attention est accordée aux droits sociaux, ce qui explique que la vaste majorité des plaintes au Médiateur concernent ces questions. Le Médiateur dispose des moyens nécessaires à son activité, a assuré la délégation.

Les décisions des tribunaux, y compris celles de la Cour suprême, s’appuient sur la jurisprudence. L’article 2 du Pacte – en vertu duquel les États parties doivent consacrer le maximum de leurs ressources disponibles au plein exercice des droits reconnus par le Pacte –, les articles relatifs au droit au logement et à la santé inspirent les décisions des organes judiciaires de la Fédération, en premier lieu la Cour suprême. Cette dernière s’inspire aussi des observations rendues par d’autres instances, les organes conventionnels de l’ONU notamment. Même si le système judiciaire russe est très différent du système anglo-saxon, il est tenu pleinement compte des instruments auxquels le pays est partie.

Les organisations de la société civile ne sont pas censées recevoir des subventions de l’étranger et avoir des activités politiques. Sur les quelque 200 000 organisations à but non lucratif que compte la Fédération de Russie, 164 ont été reconnues comme ayant des activités en liaison avec l’étranger. Les autorités sont fondées à contrôler les activités des organisations à but non lucratif afin de vérifier que les objectifs déclarés lors de leur enregistrement correspondent bien à la réalité. La Cour constitutionnelle a assuré lors d’un recours que l’appellation « agent étranger » ne constituait pas une façon de discréditer les organisations concernées.

S’agissant des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, la délégation a rappelé qu’elle avait été l’un des États de l’ONU à l’origine de ces principes. Un projet de plan d’application est en cours d’élaboration, même si des indications ont d’ores et déjà été données aux entreprises russes.

Les activités extractives dans les territoires autochtones font l’objet d’une concertation avec les peuples autochtones, a assuré la délégation qui a cité le cas d’une société pétrolière dans l’île de Sakhaline. Une procédure de plainte a été mise en place. Les documents des Nations Unies pertinents ont été traduits et publiés dans les langues des peuples autochtones concernés. Des efforts sont accomplis afin de préserver au maximum le style de vie des populations, en veillant notamment aux impacts possibles sur la chasse et la pêche.

L’Agence fédérale aux affaires ethniques élabore un projet de loi relatif aux dédommagements et aux réparations en cas de dommages causés aux territoires des autochtones. Un autre projet de loi vise au partage d’informations avec les populations. La délégation a en effet souligné que, dans certains cas, les statistiques disponibles sur les populations concernées sont lacunaires. L’objectif est de les actualiser régulièrement. S’agissant du peuple Chor, des terres ont été achetées au prix du marché, voire plus cher, pour permettre l’extraction de houille. Toutefois, certains individus ont refusé la transaction, estimant le montant proposé insuffisant, a reconnu la délégation. Celle-ci a toutefois estimé que le processus serait mené à son terme à la satisfaction des parties.

S’agissant de la fiscalité, des expériences d’imposition progressive ont eu lieu qui se sont révélées insatisfaisantes. En effet, l’imposition des personnes physiques tenait insuffisamment compte de la situation des individus. C’est la raison pour laquelle la Fédération de Russie a opté, depuis une quinzaine d’années, pour une imposition à taux fixe qui a permis d’améliorer au bout du compte les rentrées fiscales. D’ici à 2020, le Gouvernement prévoit une réduction du fardeau fiscal pour les catégories les plus pauvres de la population. Malgré les sanctions, la Fédération de Russie fait pleinement face à ses obligations dans le domaine social, a assuré la délégation. Même si les pensions n’ont pas été indexées à 100% l’an dernier, des indemnités compensatoires ont été versées aux retraités.

Abordant les questions relatives à la discrimination, la délégation a souligné que le Code pénal prévoyait des sanctions pour la violation des droits et des libertés de tous les citoyens. Une stratégie quinquennale concerne plus particulièrement les femmes : elle prévoit de nombreuses mesures en faveur de la réalisation de leurs droits économiques, sociaux et culturels grâce à la formation, au déblocage d’aides, à la prévention des maladies professionnelles, à la diminution de la mortalité et du nombre d’avortements, et à la réduction des écarts salariaux avec les hommes. Il est aussi prévu de diminuer les postes potentiellement dangereux occupés par des femmes. Une liste a été dressée à cet égard, celle-ci devant être prochainement révisée. L’un des autres objectifs de la stratégie quinquennale est de permettre une participation accrue des femmes aux postes à responsabilité.

La migration régulière obéit à une législation destinée à protéger les droits des travailleurs étrangers, aux niveaux social et médical. Ils doivent s’acquitter d’une assurance volontaire si leur employeur ne cotise pas pour eux. Des citoyens d’un certain nombre de pays de l’ancien espace soviétique peuvent travailler en Russie sans avoir à demander de permis de travail, a précisé encore la délégation.

En l’absence de statistiques sur l’emploi informel, on estime que le travail non déclaré concernerait 14 millions de personnes dans la Fédération de Russie, a dit la délégation. Il y a deux ans, un programme d’identification des travailleurs concernés a été lancé. Des commissions locales ont identifié les travailleurs privés de contrat de travail, ce qui a permis de réintégrer environ cinq millions de personnes dans la légalité. La délégation a toutefois souligné que ce retour n’était pas nécessairement définitif, les travailleurs concernés pouvant se tourner à nouveau vers le travail informel. Par ailleurs, l’auto-entreprenariat déclaré est encouragé.

La santé, l’éducation et la culture sont des secteurs où l’on trouve une majorité de femmes et où les salaires sont relativement faibles. Des mesures ont été prises pour les augmenter. En 2011, le salaire des femmes atteignait en moyenne 64% de celui des hommes : il atteignait 72% en 2015. La difficulté à laquelle on se heurte pour aller vers la parité salariale vient du fait que les femmes occupent des emplois structurellement moins bien rémunérés, a expliqué la délégation.
L’âge de la retraite pour les hommes est fixé à 60 ans, à 55 ans pour les femmes. Toutefois, ces seuils ne sont pas contraignants. En général, hommes et femmes travaillent une dizaine d’années de plus après l’âge à partir duquel l’on peut faire valoir ses droits à la retraite.

Une politique familiale et nataliste, visant à favoriser les familles avec enfants, a été adoptée. Elle autorise le versement d’allocations aux femmes qui ne travaillent pas et aux enfants qui suivent des études. La loi garantit aussi des droits à la retraite à la mère au foyer. Cette politique contient des mesures incitatives pour la venue d’un troisième enfant. La délégation a reconnu que cette politique se heurtait toutefois à un problème : la Fédération de Russie n’a pas assez de femmes en âge de procréer. L’effondrement démographique des années 1990 a eu pour conséquence qu’il manque aujourd’hui environ un million de femmes en âge d’avoir des enfants. Par ailleurs, l’avortement est possible jusqu’à 12 semaines, délai pouvant être porté à 22 semaines dans quelques cas, lorsque la grossesse résulte d’un viol par exemple. Le nombre d’avortements est en baisse depuis plusieurs années ; près d’une femme sur quatre utilise des moyens contraceptifs.

Si l’âge minimal du mariage est fixé à 18 ans, certaines régions dérogent à cette règle ; il peut être ainsi possible de se marier dès 14 ans, voire 13 ans. La loi russe définit le mariage comme l’union librement consenti d’un homme et d’une femme, a souligné la délégation. Si le mariage homosexuel est interdit, il est cependant possible d’officialiser contractuellement certains liens, notamment en matière d’héritage, a-t-il été précisé.

Les violences familiales ont été décriminalisées pour être placées dans la catégorie des infractions administratives. Toutefois, la justice est saisie en cas de récidive dans un délai d’un an. Une unité spéciale a été créée afin de fournir une assistance psychologique aux victimes. Celles-ci peuvent obtenir réparation et des actions de sensibilisation sont menées.

La délégation a reconnu par ailleurs un problème sérieux de salaires impayés, l’État ayant fait du règlement de ce problème une de ses priorités. Entre autres mesures, il a été décidé d’autoriser les travailleurs dont le salaire n’a pas été versé depuis plus de deux semaines à cesser le travail sans perte de salaire tant qu’ils n’ont pas été payés. Par ailleurs, des amendes peuvent être infligées aux employeurs en retard. Le nombre de citoyens confrontés à de tels retards a diminué de moitié, a assuré la délégation.

La délégation a démenti toute discrimination envers les personnes LGBT en vertu de leur orientation sexuelle. Toutefois, un certain nombre de secteurs répondent à des critères rendant incompatibles certains styles de vie avec une activité pédagogique – tels que l’éducation. Lorsque la justice a dû se prononcer sur des cas de licenciement ou de refus d’emploi, elle a estimé que l’orientation sexuelle n’était pas le motif à l’origine de la décision ; et qu’il s’était agi plutôt de conduites amorales incompatibles avec une activité éducative.

La délégation a précisé que l’interdiction de la propagande de relations sexuelles non-traditionnelles concerne la propagande qui s’adresse aux mineurs.

Depuis la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, des innovations majeures ont été introduites en leur faveur, en matière d’accessibilité des bâtiments notamment.

S’agissant du droit de grève, la délégation a précisé que celui-ci était proscrit dans la police et dans l’armée. Les pilotes de ligne non plus n’ont pas le droit de faire grève : les grèves périodiques comme cela se produit dans certaines compagnies aériennes étrangères sont impossibles en Russie. La Constitution définit les catégories professionnelles ayant des incidences sur la sécurité ou la santé qui peuvent voir restreint leur droit de cesser le travail.

La toxicomanie est considérée comme une pathologie. La Fédération de Russie a lancé un programme de lutte contre l’usage des stupéfiants et de réinsertion des toxicomanes. Chaque région dispose d’institutions apportant une aide à toute personne qui le souhaite. La méthode visant à proposer des produits de substitution ne semble pas pertinente à la Fédération de Russie.

Ces mesures s’accompagnent d’une stratégie de prévention du VIH/sida. Quelque 32 millions de tests de sérologie ont été effectués l’an dernier, dont deux millions concernaient des ressortissants étrangers. Quelque 900 000 personnes sont séropositives. L’hépatite C et la tuberculose font aussi l’objet d’une surveillance spécifique. Les travailleurs étrangers et les touristes doivent avoir une assurance médicale, a souligné la délégation. Les migrants et les réfugiés bénéficient de soins de santé d’urgence gratuits.

Le seuil de la pauvreté extrême, fixé à un revenu de moins de 1,90 dollar par jour, affecte 0,3% de la population, le nombre de personnes sans domicile fixe étant estimé à 180 000. La chute des cours du pétrole a provoqué une inflation des prix et une baisse du rouble. La chute du niveau de vie a particulièrement affecté les retraités, du fait de la non-indexation des pensions.

En réponse à une question sur les enfants des rues, la délégation a indiqué que l’on estimait que 57 000 mineurs n’étaient pas sous l’autorité de leurs parents, ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils vivent dans la rue. Ce chiffre est en forte diminution.
Dans le domaine du logement, 90% des habitations sont occupées par leur propriétaire, ce qui est exceptionnel en Europe.

Les pouvoirs publics accordent une attention particulière à la question de l’intégration des Tsiganes dans la société russe. Le pays compte plus de 200 000 Tsiganes dont une forte proportion vit dans des conditions insalubres, a précisé la délégation. Des mesures ont été prises pour y remédier par l’octroi, notamment, de terrains viabilisés. L’une des principales difficultés de l’intégration des Tsiganes tient au fait qu’une partie d’entre eux ont un faible niveau d’instruction par rapport au reste de la population et manquent de motivation pour terminer leurs études secondaires.

La délégation a admis le caractère problématique de l’intégration des enfants rom, du fait que les parents sont opposés à la scolarisation dès la maternelle. Cela explique que de nombreux enfants arrivent à l’école à six ans en parlant peu ou pas le russe ; en outre, leur socialisation est plus difficile que celle des enfants ayant fréquenté la maternelle.

La Crimée et Sébastopol étant des sujets de la Fédération de Russie depuis le référendum de mars 2014, les dispositions du Pacte y sont pleinement appliquées. Tous les droits et libertés des citoyens russes y sont respectés, en vertu de la Constitution. Les Criméens peuvent utiliser tous les mécanismes judiciaires existants, ceux-ci ayant démontré leur efficacité. Dans le domaine éducatif, les langues ukrainienne, arménienne et grecque, ainsi que les langues des Tatars et des minorités bulgares, sont enseignées. C’est aux parents d’exprimer leur préférence en matière de langue d’enseignement de leur enfant.

En Tchétchénie, les enquêtes de justice menées s’agissant d’incendies volontaires de logements ont abouti à un non-lieu, a dit enfin la délégation russe.

Déclarations de conclusion

M. MICHAEL WINDFUHR, Rapporteur du groupe de travail du Comité chargé de l’examen du rapport de la Fédération de Russie, s’est félicité de l’examen qui a permis d’avoir une meilleure connaissance des priorités de l’État partie.

MME MARIA VIRGINIA BRAS GOMES, Présidente du Comité, a souligné que si les observations finales du Comité ne constituaient pas une fin en soi, ainsi que cela a été souligné pendant l’examen par le chef de la délégation, elles constituaient à la fois un bon état de la situation par rapport au Pacte et une bonne source d’inspiration pour les États parties.

M. ALEXEY CHERKASOV, Vice-Ministre du travail et de la protection sociale de la Fédération de Russie, a déclaré que l’objectif n’était pas tant d’adhérer à un instrument international que d’améliorer la situation de ses citoyens. À cet égard, les exemples concrets soulevés par les membres du Comité vont dans ce sens. Si la Russie a adopté un modèle différent de celui du reste de l’Europe, cela s’explique par l’immensité de son territoire peuplé de nombreuses nations. Certaines valeurs ne sont pas les leurs et il n’est ni possible, ni envisageable de les leur imposer, a conclu M. Cherkasov.


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ESC/17/24F