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LE COMITÉ DES DISPARITIONS FORCÉES EXAMINE LE RAPPORT DE CUBA

Compte rendu de séance

Le Comité des disparitions forcées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique présenté par Cuba sur les mesures qu'elle a prises pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Présentant le rapport, M. Pedro Luis Pedroso Cuesta, Directeur général adjoint de la Direction générale des questions multilatérales et du droit international au Ministère des relations extérieures de Cuba, a indiqué que ce document résultait d'un large processus de consultation de la société civile. Si jusqu'en 1958, les disparitions forcées étaient courantes à Cuba, ce fléau a disparu depuis la révolution. Cuba est l'un des dix premiers pays à avoir ratifié la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées dont il a été l'un des inspirateurs, a-t-il souligné, l'État ayant pris les mesures nécessaires pour prévenir et sanctionner les actes proscrits par la Convention.

La Constitution cubaine garantit les droits de la personne et Cuba ne saurait mettre son territoire à disposition de quiconque pour la commission d'actes de cette nature en quelque circonstance que ce soit, ni même en cas de guerre ou d'instabilité politique interne. La loi prévoit des sanctions sévères pour les atteintes à la vie, à l'intégrité physique et à la liberté des personnes. Personne ne saurait être détenu de manière arbitraire et l'habeas corpus est garanti en tant que recours légal immédiat, a assuré le Chef de la délégation cubaine.

Celle-ci était également composée de représentants du Ministère de la justice et du parquet, de hauts fonctionnaires des ministères des forces armées révolutionnaires et de l'intérieur, ainsi que de diplomates de la Mission permanente de Cuba auprès de l'Office des Nations Unies à Genève.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des modalités de l'élaboration du rapport; des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ratifiés par Cuba, et de l'éventuel adhésion à la Cour pénale internationale; de l'établissement d'une institution nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris; de la réforme du Code pénal; des garanties d'indépendance du système judiciaire; de l'exercice de l'habeas corpus; de la justice militaire et de l'état d'urgence; de la peine de mort; des garanties de non-refoulement; de la formation des fonctionnaires aux droits de l'homme; des modalités de la détention provisoire et des garanties du justiciable; et enfin des dispositions prévues en cas de disparition d'un individu.

Le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Cuba, M. Juan José López Ortega, a estimé nécessaire que l'État partie légifère sur les différentes formes de disparition forcée. Il a aussi relevé des problèmes structurels d'indépendance de la justice cubaine par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif. Il s'est interrogé sur les raisons susceptibles d'expliquer la lenteur du processus de réexamen du Code pénal entamé il y a cinq ans afin de le rendre conforme aux normes reconnues. Pour sa part, le deuxième corapporteur pour l'examen de Cuba, M. Daniel Figallo Rivadeneyra, a souligné le problème posé par les délais de prescription en l'absence d'un texte de loi spécifique incriminant la disparition forcée dans la législation cubaine. Il s'est inquiété du fait que la législation cubaine ne garantit pas le non-refoulement aux personnes extradables et qui sont susceptibles de courir le risque de disparaître après leur renvoi dans leur pays.

Dans ses remarques de conclusions, tout en assurant de l'attachement de son pays à la mise en œuvre des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, le Directeur général adjoint de la Direction générale des questions multilatérales et du droit international au Ministère des relations extérieures de Cuba a déclaré pour sa part que quand les droits de l'homme cesseront d'être des instruments politisés, il sera possible d'envisager d'adhérer à la Cour pénale internationale; or on constate qu'un certain nombre d'États se montrent déçus de la performance de cette Cour.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l'État-partie, qu'il rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux vendredi 17 mars.


Cet après-midi et demain matin, le Comité procèdera à l'examen du rapport initial du Sénégal.


Présentation du rapport de Cuba

Le Comité est saisi du rapport initial de Cuba, ainsi que de ses réponses (en espagnol) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité.

M. PEDRO LUIS PEDROSO CUESTA, Directeur général adjoint de la Direction générale des questions multilatérales et du droit international au Ministère des relations extérieures de Cuba, a déclaré que le rapport est le fruit d'un large processus de consultation nationale. Jusqu'en 1958, les disparitions forcées étaient monnaie courante à Cuba, fléau qui a culminé sous la dictature de Fulgencio Batista. Depuis lors, et en dépit de soixante ans d'agression, d'actes de terrorisme et d'embargo économique, commercial et financier strict imposé par le Gouvernement des États-Unis d'Amérique, il n'y a plus de cas de disparitions forcées dans l'île. La révolution cubaine, de par son profond contenu humaniste et éthique, a mis fin à cet état de fait, a-t-il affirmé.

Cuba est l'un des dix premiers pays à avoir ratifié la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, dont il a été l'un des inspirateurs, s'est félicité M. Pedroso Cuesta. L'État et le Gouvernement ont pris les mesures nécessaires pour prévenir et sanctionner les actes proscrits par la Convention. La Constitution cubaine garantit les droits de la personne et Cuba ne saurait mettre son territoire à la disposition de quiconque pour la commission d'actes de cette nature en quelque circonstance que ce soit, ni même en cas de guerre ou d'instabilité politique interne. La législation prévoit des sanctions sévères pour les atteintes à la vie, à l'intégrité physique et à la liberté des personnes. Personne ne saurait être détenu de manière arbitraire et l'habeas corpus existe en tant que recours légal immédiat. Ainsi, de 2010 à 2016, les tribunaux ont été saisis de 88 procédures d'habeas corpus qui, dans quatre cas ont entraîné la libération immédiate du détenu.

Même si les disparitions forcées n'existent pas à Cuba, le pays est néanmoins conscient qu'il reste beaucoup à faire. Il reconnaît la nécessité de continuer de progresser pour garantir les normes prescrites par la Convention. Un examen du Code pénal est en cours afin de le rendre conforme à cet instrument, a tenu à préciser M. Pedroso Cuesta.

Le Chef de la délégation cubaine a néanmoins souligné que toute personne sujette à une enquête, à un jugement, ou détenue, jouissait des garanties d'un traitement juste dans toutes les phases du processus judiciaire de la part des tribunaux qui doivent faire preuve de compétence, d'indépendance et d'impartialité. Tout détenu jouit de la faculté de choisir son avocat. Lorsqu'un citoyen est appréhendé, les fonctionnaires de police se doivent de l'informer des motifs, des charges à son encontre et de ses droits. Toute personne placée en état d'arrestation doit subir un examen médical. L'auteur de mauvais traitement envers un détenu est passible de poursuites pénales. D'une manière générale, les garanties nécessaires, aussi bien d'ordre juridique que pratique, visent à ce que les lieux de détention offrent un traitement digne et juste aux personne incarcérées et ce, en dépit des difficultés matérielles infligées par l'embargo, a encore expliqué M. Pedroso Cuesta.

En outre, des dispositions permettent la libération anticipée en se fondant sur le comportement des condamnés, des faits commis et de leur situation familiale ou de leur état de santé. Ainsi, de 2010 à 2016, le tiers des personnes condamnées à des peines de réclusion ont bénéficié d'une libération conditionnelle ou anticipée. Tous les établissements pénitentiaires sont soumis à un système d'inspection indépendant et le parquet effectue des inspections inopinées afin de veiller au respect de la réglementation. Les représentants, juges et procureurs ont des entretiens réguliers avec des détenus. Ainsi, plus de 40 000 inspections ont été effectuées entre 2012 et 2015, 80% des violations constatées ayant fait l'objet de mesures de rectification immédiates.

Le Chef de la délégation a souligné enfin la priorité donnée à la situation des mineurs, indiquant à cet égard qu'il n'existait pas d'enfants des rues à Cuba. Par ailleurs, 11 conventions d'extradition ont été conclues par Cuba, ainsi que 27 accords d'assistance juridique réciproque dont 16 contiennent des dispositions relatives à l'extradition.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. JUAN JOSÉ LÓPEZ ORTEGA, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Cuba, a souhaité avoir des précisions sur la méthodologie participative lors de l'élaboration du rapport, notamment sur le rôle de la société civile. Les associations des familles des personnes privées de liberté ont-elles été consultées, par exemple, ou bien des organisations reconnues comme Amnesty International ou Human Rights Watch, a-t-il demandé. Il s'est ensuite enquis des difficultés éventuelles rencontrées pour faire parvenir des communications ou plaintes individuelles au Comité.

Le rapporteur a estimé, par ailleurs, que la ratification de certains instruments internationaux pouvait garantir la non-commission de disparitions forcées. Il a cité en premier lieu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Protocole facultatif contre la torture, ou le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Un système de normes fragmentées fragilise, en effet, les garanties contre la disparition forcée, a-t-il observé. Il est nécessaire, de légiférer sur les différents cas de disparitions forcées, qu'elles soient de courte durée, commises par des individus ou qu'elles constituent une pratique répandue, voire systématique, a-t-il plaidé.

La compétence de la juridiction militaire est vaste à Cuba, et elle peut même prendre le pas sur la juridiction civile, ce dont elle ne se prive pas dans un certain nombre d'affaires, a noté M. López Ortega, qui a aussi relevé des problèmes structurels d'indépendance de la justice cubaine par rapport au pouvoir législatif ou exécutif. Par le passé, plusieurs organes conventionnels avaient recommandé l'application de politiques visant à combler ce déficit structurel, a encore rappelé le corapporteur, qui s'est ensuite enquis des progrès accomplis dans ce contexte.

M. López Ortega a demandé à la délégation de faire le point de la réflexion entamée il y a plusieurs années sur le Code pénal et du calendrier éventuel de sa réforme. S'agissant de l'indépendance de la justice, il s'est interrogé par ailleurs sur le processus de nomination des juges non professionnels qui sont choisis par des institutions telle que la fédération des syndicats. Il cité l'exemple de la France et de l'Espagne ou les jurés populaires sont tirés au sort. Le corapporteur a par ailleurs souhaité avoir des précisions sur l'application de la peine de mort.

M. DANIEL FIGALLO RIVADENEYRA, corapporteur du Comité pour l'examen de Cuba, a constaté que s'il n'existait aucune possibilité de détention arbitraire, certains cas particuliers permettaient néanmoins de porter atteinte à la liberté individuelle, ce qui peut se révéler problématique lors de l'imposition de l'état d'urgence, par exemple. Il s'est demandé à quel moment la disparition forcée pouvait être qualifiée comme telle, et a voulu savoir quelles implications que cela pouvait avoir en matière de prescription. Le corapporteur s'est aussi interrogé sur la faculté dont peuvent disposer les fonctionnaires dans la non-dénonciation de cas de disparition forcée. Concrètement, quelle procédure doit suivre un fonctionnaire qui serait soumis à un ordre illégal? M. Figallo Rivadenyra a déploré l'absence de dispositions de protection contre la disparition forcée, du fait de l'absence affirmée de cas de cette nature, et estimé nécessaire de définir le crime de disparition forcée dans la législation cubaine.

M. Figallo Rivadeneyra a mis en garde contre le risque d'arbitraire dans le cas de la limitation des droits fondamentaux en cas d'instauration de l'état d'urgence. Il a souhaité savoir de quelles limitations il pouvait s'agir.

Sur d'autres sujets, M. Figallo Rivadeneyra a aussi posé une série de questions de suivi sur la durée de la détention préventive, qui peut varier de 24 à 48, voire 78 heures et reste du ressort de la police sans l'aval d'un juge. Le corapporteur a également demandé si les juges, procureurs, médecins légistes, policiers et militaires bénéficiaient d'une formation aux droits de l'homme. Enfin, il s'est inquiété du fait que la législation cubaine ne garantisse pas le non-refoulement aux personnes extradables et qui risquent de disparaître après leur renvoi dans leur pays.

Un expert a rappelé que la définition du crime de disparition forcée était désormais bien établie et rappelé l'importance que les États adoptent une définition qui soit conforme à celle de la Convention. La disparition forcée n'étant pas définie dans la loi cubaine, cette lacune peut s'avérer problématique en cas de demande d'extradition venant d'un pays tiers, a-t-il observé.

Parmi les autres membres du Comité, un expert a sollicité des précisions sur les cas d'habeas corpus ayant abouti à une libération. Les victimes de disparition forcée avant 1958 ont-elles eu droit à réparation, s'est-il encore enquis.

M. López Ortega, corapporteur, a demandé pour quelle raison toute personne mise en cause ne pouvait bénéficier de l'assistance d'un avocat dès le début de sa garde à vue. L'intervention d'un conseil ne peut en effet survenir que lorsque le suspect est informé des charges pesant sur lui. Il a aussi demandé de plus amples informations sur les modalités de notification aux proches du lieu de détention et sur les possibilités pour les familles de communiquer avec le prévenu. Qu'en est-il de l'information aux autorités consulaires lorsqu'il s'agit d'un étranger?

Par ailleurs, notant que la tenue des registres et dossiers officiels des personnes privées de liberté ne respecte pas entièrement les prescriptions de la Convention en la matière, le même expert a voulu savoir si Cuba envisageait de s'y conformer. Tout en se félicitant du nombre important d'inspections des lieux de privation de liberté effectué par les magistrats du parquet, il a mis en doute le fait que l'on puisse considérer qu'il s'agissait là de visites d'un «organe indépendant».

Un expert s'est interrogé sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention relatives à l'utilisation d'informations personnelles, en particulier des données médicales ou génétiques. Celles-ci ne peuvent être utilisées ou mises à disposition à d'autres fins que celle de la recherche d'une personne disparue, a-t-il rappelé.

Une de ses collègues s'est enquise de la situation et de la prise en charge des femmes confrontées à la disparition d'un proche.

Enfin, les membres du Comité ont posé plusieurs questions sur les droits de la défense et plus particulièrement sur la liberté de faire appel à un avocat de son choix.

Réponses de la délégation

L'élaboration du rapport a donné lieu à une bonne participation de la société civile, un nombre important d'organisations ayant apporté leur pierre à l'édifice. Certes, si les quelque 2 200 ONG que compte le pays n'ont pas participé du processus organisé sous la houlette d'un groupe de travail du Ministère des relations extérieures, les associations pouvant être concernées par le thème de la disparition forcée ont par contre été consultées. Les grandes organisations internationales des droits de l'homme n'ont pas été sollicitées dans le cadre de ce processus qui a duré plus d'une année, a précisé la délégation. Celle-ci a poursuivi qu'aucune organisation cubaine ne se consacrait spécifiquement au suivi de la Convention, ce qui s'explique par le fait que le problème de la disparition forcée n'affecte pas Cuba. Quant au versement éventuel de réparations à des victimes de disparition forcée avant 1958, la question ne s'est guère posée, du fait que les auteurs de ce crime ont émigré et qu'il n'existe aucune collaboration dans le domaine judiciaire avec les États-Unis où la plupart d'entre eux s'est installée.

Cuba a ratifié 44 instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, ce qui la place dans le peloton de tête des États parties dans le monde. La non-ratification de certains instruments internationaux ne signifie pas pour autant que Cuba ne satisfait pas à la lettre et à l'esprit de ceux-ci. Le pays n'étant pas affecté par la disparition forcée, il n'a pas été jugé utile, jusqu'à présent, de faire figurer ce crime dans la législation. Toutefois, Cuba est favorable à une collaboration internationale pour lutter contre ce fléau. Les crimes de génocide et d'apartheid figurent dans la législation en raison de leur antériorité par rapport à celui de la disparition forcée, a ajouté la délégation pour justifier le fait que ce dernier ne soit pas encore pris en compte dans la loi cubaine.

Cuba ne prévoit pas d'adhérer, à brève échéance, à la Cour pénale internationale. Cette question fait l'objet d'un examen sur le fond et la forme. Cela ne signifie pas pour autant que le pays s'estime dispensé de rendre des comptes. La délégation a jugé que Cuba n'a pas à adhérer à tous les instruments internationaux évoqués car, au demeurant, aucun État ne l'a fait. La délégation a d'ailleurs rappelé que plusieurs États envisageaient même de se retirer du Statut de Rome de la CPI.

Par ailleurs, aucune décision n'a été prise quant à l'établissement d'une institution nationale des droits de l'homme dans la mesure où le pays dispose d'un système interinstitutionnel offrant les garanties nécessaires. La délégation a aussi souligné que les Principes de Paris ne constituaient pas le cadre unique et incontournable lorsque l'on envisage la mise sur pied d'une institution nationale indépendante.

D'autre part, un groupe de travail a été constitué en 2012 afin de réfléchir à une réforme du Code pénal visant à l'introduction de tous les délits pénaux couverts par les instruments internationaux, dont la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Face à un chantier tel que la réforme du Code pénal, la délégation a souligné la nécessité de prendre le temps nécessaire à sa maturation.

La question de l'indépendance du système judiciaire donne lieu à des malentendus, a-t-elle affirmé. C'est au nom du peuple que Cuba organise son système judiciaire, ce qui implique l'élection des juges par les organes, législatifs notamment, tant au niveau national que régional. Cette méthode garantit l'indépendance du pouvoir judiciaire, a assuré la délégation. En aucun cas, des instructions sont données aux tribunaux sur des affaires particulières, les seules orientations fournies concernant l'interprétation générale de la loi. La structure du système judiciaire est le fruit d'un processus révolutionnaire et a pleinement donné satisfaction, preuve en est que le peuple cubain n'a pas estimé nécessaire de le réformer, a argué la délégation, qui a néanmoins reconnu que cela ne veut pas dire que le système judiciaire soit absolument parfait et qu'il ne faille pas l'améliorer. Il est toutefois exclu d'en modifier l'essence qui est le fruit de l'histoire du pays. Quant à la formation professionnelle des fonctionnaires de justice, ainsi que des avocats, elle comprend un module consacré aux droits de l'homme. Les juges reçoivent plus spécifiquement des formations sur les instruments internationaux et le droit international contemporain, a indiqué la délégation.

Trois des quatre cas d'habeas corpus mentionnés et pour lesquels un membre du Comité a demandé des précisions concernaient des détenus s'étant évadés en 1990-1991 et repris en 2003. Un juge ayant constaté que le délit commis à l'époque était prescrit, celui-ci a ordonné la remise en liberté des personnes concernées; le quatrième cas concernait un détenu victime d'une maladie mentale pendant son incarcération qui aurait dû être transféré dans un établissement psychiatrique. Le délai de prescription court à partir du moment où le délit a été commis, a précisé la délégation en réponse à une question à cet égard.

La juridiction militaire stipule que les crimes et délits commis par des militaires doivent être jugés par des institutions militaires. Toutefois, dans certaines circonstances un tribunal militaire peut se récuser, un cas de figure qui n'est pas exceptionnel, selon la délégation.

S'agissant de l'état d'urgence, prévu par la Constitution en tant que situation exceptionnelle, le citoyen jouit de droits intangibles qui sont garantis à la population. Par ailleurs et grâce à des institutions solides, le pays n'a pas connu d'instabilité politique. En conséquence, l'état d'urgence qui permettrait de déroger au droit constitutionnel n'a pas dû être imposé.

La peine de mort n'a plus été appliquée depuis 2003, a précisé la délégation, ce qui témoigne de la volonté politique de Cuba en la matière.

Le non-refoulement est garanti dans le Code pénal en faveur des personnes ayant milité en faveur des droits et libertés fondamentales et qui sont susceptibles d'être poursuivies pour leurs opinions ou leurs activités politiques ou syndicales. Le pays d'origine de la personne et sa situation lorsqu'elle a quitté celui-ci sont pris en compte dans la décision d'expulsion ou d'extradition. Par ailleurs, le transfert d'une personne condamnée à une peine de prison pour qu'elle finisse de la purger dans son pays doit se faire avec son aval, ce qui n'est pas le cas lors d'une expulsion ou d'une extradition. Une personne passible de la peine capitale ne peut être extradée, sauf si l'État concerné garantit qu'elle ne risque pas d'y être exécutée.

S'agissant de la détention provisoire, les mesures conservatoires de privation de liberté varient de 24 à 72 heures et ce n'est qu'exceptionnellement que ces durées peuvent être prorogées au-delà de trois jours. Une peine de privation temporaire peut être décidée si les autorités estiment qu'il existe un risque que le prévenu tente d'échapper à la justice. Ces détentions à titre conservatoire durent en moyenne de deux à trois mois, le souci des autorités étant que la justice fasse preuve d'une célérité optimale. Seulement 12% des personnes privées de liberté sont sous le coup de telles mesures conservatoires. Au-delà de 72 heures de garde à vue, le prévenu peut avoir accès à un avocat. Tout dépassement des délais prévus entraîne la libération de la personne concernée. Si elle l'estime nécessaire, la police peut solliciter auprès du parquet un éventuel maintien en détention à l'issue de la garde à vue, la décision devant être prise par un procureur. La délégation, qui a assuré que Cuba respectait les dispositions de la Convention en matière de tenue des registres de détention, s'est dite toutefois disposée à recevoir les recommandations du Comité à ce sujet.

En matière de garanties du justiciable, la présomption d'innocence, le droit de s'abstenir de répondre à des questions, l'établissement des faits par la preuve et non pas par la torture, sont garantis par la loi. Tout aveu par le biais de la coercition est nul et passible de sanctions des responsables. De la même façon, tout prévenu est libre de choisir son avocat et d'en changer s'il n'est pas satisfait. Il va de soi, par ailleurs, a souligné la délégation, que toute personne traduite en justice doit bénéficier de l'assistance d'un avocat. La famille joue un rôle important elle aussi, en activant notamment toutes les dispositions légales auxquelles a droit la personne accusée, en premier lieu la prise de contact avec un avocat.

Depuis 2014, le Bureau du Procureur a mis en place une ligne téléphonique unique pour répondre aux citoyens 24 heures sur 24, et pour accélérer le traitement des dossiers. Même si les personnes préfèrent se déplacer, il est prévu d'instaurer la possibilité d'utiliser le courrier électronique ou la page Internet du Bureau du Procureur.

En cas de disparition d'un individu, quelles qu'en soit la cause, y compris lors d'une catastrophe naturelle, les proches peuvent obtenir, après trois ans, un certificat de présomption de décès. Les enfants et les conjoints bénéficient de toutes les aides, sociales dont bénéficiait la personne disparue. Les autorités veillent à ce que les enfants devenus orphelins demeurent autant que possible dans leur milieu de vie et au sein de leur famille au sens large; l'adoption n'est possible que lorsque les parents sont inconnus.

La délégation a affirmé que la révolution cubaine avait fait beaucoup en faveur des droits des femmes et des enfants. Des programmes sont en place à effet dans toutes les régions du pays, particulièrement en matière d'éducation et de santé. Les médias effectuent un travail éducatif et des campagnes ont lieu en faveur de l'estime de soi de la femme et en faveur de l'implication des femmes dans la vie politique. Près de la moitié des députés sont des femmes, a-t-elle indiqué. D'une manière générale, l'aide sociale est axée sur la prévention. La délégation a reconnu que, dans ce domaine, la société cubaine n'était pas parfaite et que les préjugés sexistes avaient parfois la peau dure.

Déclarations de conclusion

M. JUAN JOSÉ LÓPEZ ORTEGA, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de Cuba, a souligné que la Convention, de par son caractère récent, s'enrichissait de toutes les normes reconnues et de toute une gamme de mesures préventives. L'examen des États permet à ces derniers d'affiner leur législation. Ainsi, Cuba devrait ériger en infraction la disparition forcée. Ce pays en a la possibilité dans le cadre de la réflexion en vue d'évaluer et de moderniser, le cas échéant, son Code pénal, a-t-il ajouté. Il est tout aussi nécessaire d'assumer intégralement tous les instruments internationaux des droits de l'homme qui ont un rapport étroit avec la Convention, a ajouté M. López Ortega citant notamment le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Et il ne suffit pas de disposer d'une bonne législation, il faut également être en mesure de faire montre de bonnes pratiques. Un pays comme Cuba doit être un exemple, un porte-voix, un modèle, un champion des normes dans le domaine des droits de l'homme, a-t-il encouragé.

M. PEDRO LUIS PEDROSO CUESTA, Directeur général adjoint de la Direction générale des questions multilatérales et du droit international au Ministère des relations extérieures de Cuba, a rappelé que la question de la ratification d'instruments internationaux contraignants relevait de la souveraineté des États. Quand les droits de l'homme cesseront d'être des instruments politisés, il sera possible d'envisager d'adhérer à la Cour pénale internationale. Or, on constate qu'un certain nombre d'États se montrent déçus de la performance de cette Cour, a-t-il observé.

Il souligné que si Cuba offrait de larges garanties en matière de prévention et de lutte contre les actes interdits par la Convention, ce pays demeurait conscient qu'il lui restait beaucoup à faire, de même que de l'importance qu'il y a à inscrire le délit de disparition forcée dans sa législation. De par la volonté du peuple cubain de perfectionner son ordre juridique, le pays continuera d'assurer les garanties en matière de droit à la vie, à l'inviolabilité et à la liberté de la personne, a-t-il affirmé.

Le Chef de la délégation a réitéré la volonté de Cuba de donner effet aux recommandations du Comité en fonction de la réalité et des besoins du pays, ainsi que de ses capacités. Cuba persévèrera dans son modèle de développement original, démocratique et participatif. Dans ce contexte, seule une coopération internationale authentique, basée sur un échange constructif et respectueux, qui soit attachée aux principes d'objectivité, d'impartialité et de non-sélectivité peut contribuer à la promotion et à la protection des droits de l'homme. Le pays est fier que la révolution ait permis aux Cubains, pour la première fois de leur histoire, de jouir pleinement de leurs droits humains, fier d'avoir fait de la vie, de la liberté et de la sécurité des personnes les piliers fondamentaux de l'État, de ses autorités et de la société dans son ensemble.


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CED17.003F