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LE COMITÉ DES DISPARITIONS FORCÉES EXAMINE LE RAPPORT DU SÉNÉGAL

Compte rendu de séance

Le Comité des disparitions forcées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par le Sénégal sur les mesures qu'il a prises pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Présentant ce rapport, M. Coly Seck, Représentant permanent du Sénégal auprès des Nations Unies à Genève, a reconnu que tout en étant conforme à la majorité des exigences de la Convention, le droit sénégalais ne reconnaissait pas encore une incrimination spécialement dédiée au crime de disparition forcée. Le Sénégal est toutefois engagé depuis dix ans dans une réforme de son Code pénal qui doit comporter une section consacrée aux disparitions forcées avec leur incrimination et qui devrait être adoptée cette année. M. Seck a souligné que les acteurs de la société civile, au travers en particulier du Conseil consultatif national des droits de l'homme, avaient été associés à l'élaboration du rapport.

Dès son indépendance, le Sénégal a «choisi de bâtir un État de droit, d'instaurer la démocratie, de favoriser la promotion et la protection des libertés et droits fondamentaux de la personne», a-t-il rappelé. Cet engagement démocratique a été illustré par la deuxième alternance politique en une décennie ayant eu lieu en 2012 avec l'élection du Président Macky Sall, en dépit des actes de violence qui ont émaillé la campagne électorale.

C'est dans le cadre de cette approche qu'a été signé, également en 2012, l'accord entre le Sénégal et l'Union africaine, portant création des chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises chargées de poursuivre les principaux responsables des crimes et violations graves du droit international. Cet accord a ainsi permis de traduire en justice l'ancien Président tchadien Hissène Habré. Des mesures sont également en cours contre la fraude et la corruption, ainsi que celles pour la sécurité des personnes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

M. Seck a évoqué, par ailleurs, le référendum constitutionnel de 2016 qui a notamment rétabli le quinquennat pour le mandat présidentiel.

Dans le contexte des réformes, le Sénégal a notamment mis sur pied l'Observatoire national des lieux de privation de liberté, une autorité administrative indépendante. Le pays veille également à améliorer, dans la législation et la pratique, l'égalité hommes-femmes, par des amendements au Code de la nationalité, entre autres, et la présence de 43% de députées au Parlement, a encore affirmé M. Seck en cette Journée internationale de la femme.

La délégation du pays était également composée du Directeur des droits humains au Ministère de la justice; de celui des libertés publiques au Ministère de l'intérieur et de la sécurité publique; d'un haut fonctionnaire du Ministère des affaires étrangères et des Sénégalais de l'extérieur; ainsi que de diplomates de la Mission permanente du Sénégal auprès des Nations Unies à Genève.

Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale; de la reconnaissance de la compétence du Comité sur les «communications individuelles» (plaintes); de la création d'une institution nationale des droits de l'homme et du rôle du Comité sénégalais des droits de l'homme; de la participation de la société civile; de la position du Sénégal envers la remise en cause par l'Union africaine de la Cour pénale internationale; de la loi d'amnistie de 2004; de la possibilité de saisir directement la Cour suprême; de la réglementation de la garde à vue; de la création d'une banque de données génétiques; de la formation des forces de sécurité aux droits de l'homme; des possibilités d'obtenir réparation pour toute personne ayant souffert d'une infraction; ainsi que de la problématique des enlèvements d'enfants et des cas d'adoption illicite.

Le corapporteur du Comité pour l'examen des rapports, M. Emmanuel Decaux, a estimé que les bonnes pratiques qui devraient se concrétiser avec le nouveau Code pénal constitueraient un exemple pour les pays jouissant d'institutions similaires. M. Decaux a estimé qu'il serait exemplaire que le Sénégal adopte les procédures facultatives recommandées par la Convention. Il s'est interrogé sur la participation concrète des organisations de la société civile à l'élaboration du rapport, alors que le Sénégal est l'un des pays comptant des ONG nombreuses et dynamiques.

Pour sa part, la corapporteuse du Comité pour le Sénégal, Mme Suela Janina, s'est interrogée sur les délais de prescription pour un crime: la disparition forcée, qui ne figure pas formellement dans le Code pénal. Elle estime nécessaire que le Sénégal réfléchisse au problème posé par le caractère continu du crime de disparition forcée, ce qui pose le problème de la prescription. Le délai de prescription ne peut débuter qu'à partir du moment où le crime est élucidé, autrement dit lorsque l'on sait ce qu'il est advenu à la victime, a-t-elle rappelé. Par ailleurs, a été abordée la question de l'amnistie de 2004 pour les troubles survenus en Casamance, des membres du Comité s'inquiétant du fait que cela ait pu empêcher des victimes de demander réparation en justice.

Dans sa déclaration de conclusion, le Chef de la délégation sénégalaise a assuré que «les résultats de l'examen feraient l'objet d'une large diffusion auprès de tous les acteurs étatiques et non-étatiques concernés afin de trouver avec eux les voies et moyens d'une mise en œuvre diligente».

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l'État-partie, qu'il rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux vendredi 17 mars.


Cet après-midi et demain matin, le Comité procèdera à l'examen du rapport initial de l'Équateur.


Présentation du rapport du Sénégal

Le Comité est saisi du rapport initial du Sénégal, ainsi que de ses réponses à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité.

M. COLY SECK, Représentant permanent du Sénégal auprès des Nations Unies à Genève, a reconnu que tout en étant conforme à la majorité des exigences de la Convention, le droit sénégalais ne reconnaissait pas encore une incrimination spécialement dédiée au crime de disparition forcée. Il a précisé que, depuis dix ans, son pays était engagé dans une réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale. Le projet de Code pénal prévoit une section consacrée aux disparitions forcées avec leur incrimination. Les deux projets devraient être adoptés par les autorités dans le courant de l'année, a-t-il précisé.

M. Seck a souligné que les acteurs de la société civile, au travers en particulier du Conseil consultatif national des droits de l'homme, avaient été associés à l'élaboration du rapport du Sénégal.

Effectuant un rappel historique, le représentant a rappelé que dès son indépendance, son pays avait «choisi de bâtir un État de droit, d'instaurer la démocratie, et de favoriser la promotion et la protection des libertés et droits fondamentaux de la personne». Cet engagement démocratique a été illustré par la deuxième alternance politique en une décennie ayant eu lieu en 2012 avec l'élection du Président Macky Sall, en dépit des actes de violence qui ont émaillé la campagne électorale.

Il a rappelé l'accord signé la même année entre le Sénégal et l'Union africaine, portant création des chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises chargées de poursuivre les principaux responsables des crimes et violations graves du droit international. À la suite de quoi, l'ancien Président tchadien Hissène Habré a été jugé et condamné en 2016 pour les crimes commis sous son autorité.

M. Seck a aussi fait état de l'institution de l'Observatoire national des lieux de privation de liberté, une autorité administrative indépendante, opérationnelle depuis 2012. Il a mis en avant les mesures prises en faveur de la promotion de la femme, sur le plan économique en particulier. Le Code de la nationalité a été amendé afin de «mettre fin au traitement différencié entre l'homme et la femme quant à la transmission de la nationalité sénégalaise par le mariage, la filiation et l'adoption. Désormais, la femme sénégalaise peut transmettre sa nationalité à son enfant. Les conditions d'accès à la citoyenneté sénégalaise d'un conjoint étranger ont été facilitées. En outre, la représentation des femmes au Parlement s'élève actuellement à 43%.

Dans le domaine de la santé, le pays s'est engagé sur la voie de l'instauration d'une «couverture maladie universelle de sa population avec pour objectif d'atteindre 75% de couverture» cette année. Le représentant a mis en avant les mesures prises en faveur des enfants, de l'éducation en particulier, des personnes handicapées et de la lutte contre l'extrême pauvreté.

Il a souligné les efforts accomplis afin d'améliorer les conditions de détention en prison en luttant contre leur surpeuplement et contre la longueur excessive de la détention préventive. Ainsi, la durée du mandat de dépôt a été limitée à six mois dans les affaires correctionnelles. Une nouvelle maison d'arrêt et de correction de 1 500 places doit être construite dans la périphérie de Dakar, ainsi que six autres de 500 places en région. Un programme de réhabilitation des établissements existants est aussi prévu. Les détenus ont vu leur indemnité journalière revue à la hausse, tandis que ses soins de santé sont totalement pris en charge.

Le représentant du Sénégal a évoqué le référendum constitutionnel de 2016 qui a notamment rétabli le quinquennat pour le mandat présidentiel. Il a enfin mentionné les mesures prises contre la fraude et la corruption, ainsi que celles pour la sécurité des personnes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme notamment.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. EMMANUEL DECAUX, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Sénégal, a souligné que ce pays était le troisième en Afrique à présenter son rapport, après le Burkina Faso et la Tunisie. Il a estimé que les bonnes pratiques qui devraient se concrétiser avec le nouveau Code pénal constitueraient un exemple pour les pays ayant des institutions comparables, avant de recommander à l'État partie, de montrer également la voie en adoptant également les procédures facultatives recommandées par la Convention. Il a demandé quel était le calendrier envisagé dans la mise en place d'une institution nationale des droits de l'homme. Il s'est interrogé sur la participation concrète des organisations de la société civile à l'élaboration du rapport, alors même que celles-ci constituent un réseau très dynamique au Sénégal.

Le corapporteur a souhaité avoir des précisions sur les circonstances atténuantes et aggravantes de l'incrimination de la disparition forcée, qui devrait être incluse dans le nouveau Code pénal. Le Code prendra-t-il en compte la responsabilité du supérieur hiérarchique, a-t-il aussi demandé.

Quant aux garanties juridiques, M. Decaux s'est félicité que soit prévue la présence d'un avocat pendant les premières vingt-quatre heures de la garde à vue, et a demandé des précisions sur l'interdiction prévue de la pratique dite de «retour de parquet». M. Decaux a ensuite mentionné l'affaire de l'enlèvement, en juillet 2015 dans la région de Sédhiou, de douze hommes par un groupe armé non identifié et de leur libération quatre jours plus tard après le paiement d'une rançon, ainsi que des enlèvements commis par des groupes armés dans le contexte du conflit en Casamance. Si l'affaire de Sédhiou a été «dénouée par de bonnes volontés», ainsi que le précise le Sénégal dans ses réponses à la liste des sujets à traiter par le Comité, le problème posé par ce type d'événement mérite néanmoins d'être approfondi, a estimé M. Decaux.

M. Decaux a souligné que l'incrimination de disparition forcée constituait une «valeur ajoutée». En l'absence de celle-ci dans le Code pénal, on est contraint, en effet, de devoir invoquer des délits moins précis, l'enlèvement par exemple, alors que ce dernier ne recouvre pas nécessairement, voire pas totalement, la disparition forcée.

MME SUELA JANINA, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Sénégal, a posé la question de la prescription en droit pénal. Est-il envisagé de distinguer la disparition forcée en tant que crime individuel et en tant que crime contre l'humanité? Elle a demandé quelle autorité était responsable de mener des enquêtes suite à des allégations de disparition forcée, y compris lorsque les forces armées sont susceptibles d'être impliquées. Par ailleurs, Mme Janina a souhaité avoir des précisions sur les mesures d'amnistie prises à l'issue du conflit en Casamance.

Les proches de disparus sont-ils protégés contre toute discrimination et contre toute mesure d'intimidation, a-t-elle demandé. Le Sénégal a-t-il l'intention d'amender la loi afin d'inclure la disparition forcée parmi les crimes susceptibles d'être motif d'extradition.

Mme Janina a estimé nécessaire que le Sénégal réfléchisse au problème posé par le caractère continu du crime de disparition forcée, ce qui pose le problème de la prescription. Le délai de prescription ne peut débuter qu'à partir du moment où le crime est élucidé, autrement dit lorsque l'on sait ce qu'il est advenue à la victime, a-t-elle rappelé. Quel rôle a joué la loi d'amnistie pour la Casamance à cet égard, a-t-elle demandé

Parmi les autres membres du Comité, un expert a voulu savoir si l'amnistie prononcée pour toutes les infractions commises lors du conflit en Casamance entravait l'ouverture d'enquêtes et de poursuites, l'imposition de sanctions à l'encontre des responsables et la réparation pour les victimes de disparitions forcées, tant aux mains des forces gouvernementales qu'à celles des groupes armés non-étatiques.

Un autre expert a demandé ce qu'il en était des actes commis par des acteurs non-étatiques, ce qui apparaît comme l'un des grands défis auxquels le Sénégal est confronté. La délégation dispose-t-elle de chiffres quant au nombre d'actes commis par de tels acteurs, a-t-il demandé. Il a enfin voulu savoir quel traitement était réservé aux plaintes individuelles soumises au Comité des droits de l'homme de l'ONU. Un de ses collègues a évoqué l'éventualité d'un retrait collectif de l'Union africaine du Statut de Rome, souhaitant connaître la position du Sénégal à ce propos.

Un expert, qui a estimé que ce pays s'était placé à l'avant-garde de la communauté internationale en traduisant en justice l'ancien président tchadien, M. Hissène Habré, s'est interrogé sur la dynamique que cela pouvait avoir enclenché dans d'éventuelles poursuites contre d'autres hauts responsables auteurs de violations massives des droits de l'homme.

Les deux rapporteurs ont posé, par la suite, une série de questions sur les mesures de prévention stipulées par la Convention. Ils ont notamment voulu obtenir plus de précisions sur les modalités de recours auprès de la Cour suprême pour les personnes risquant d'être expulsées, refoulées ou extradées et qui s'estimeraient en danger d'être enlevées de force dans leur pays.

M. Decaux a souhaité savoir si l'habilitation des ONG à visiter les lieux de privation de liberté constituait une «autorisation générale». Il a aussi demandé combien de fois le délai de garde à vue, qui est de 48 heures, pouvait être prorogé. Le corapporteur a demandé, par ailleurs, si la délégation savait à quelle échéance pourrait être adoptée le projet de loi sur la création d'une banque d'empreintes génétiques. Enfin, quelles sont la nature et la durée des restrictions particulières qui s'opposeraient au droit d'un détenu de communiquer avec ses proches ou son avocat? Le Sénégal envisage-t-il de permettre des recours judiciaires pour les personnes voulant obtenir des informations, s'est encore enquis M. Decaux.

Mme Janina s'est intéressée de son côté à la situation légale des proches d'une personne disparue: quels sont leurs droits en matière de questions financières, de protection sociale, de droit de la famille et de droits fonciers, alors que le droit sénégalais ne prévoit pas toutes les formes de réparation énoncées par la Convention pour les personnes ayant subi un préjudice direct du fait d'une disparition forcée.

Existe-t-il un programme pour assister les femmes en situation de vulnérabilité, a demandé Mme Janina, en référence aux épouses de personnes portées disparues. Elle a aussi évoqué l'enlèvement d'enfants, souhaitant savoir si le Sénégal envisageait de légiférer à ce sujet. Le droit interne prévoit-il des mesures pour prévenir ou réprimer pénalement la falsification, la dissimulation ou la destruction de documents attestant la véritable identité des enfants.

Un expert a relevé le fait que l'accès à un médecin par un détenu était payant, estimant que cela était source d'une inégalité sociale. Il en va de même pour l'accès à un avocat, a-t-il noté en invitant le Sénégal à envisager une assistance juridique. Il a aussi souligné l'importance de la mise sur pied d'une banque ADN afin d'identifier les migrants dont les corps sont retrouvés, en Méditerranée en particulier.

Réponses de la délégation

Le Sénégal est attaché au Statut de Rome, attachement qu'il continue de manifester au sein de l'Union africaine, cette dernière n'ayant pas encore entériné définitivement un retrait collectif de la Cour pénale internationale, a déclaré la délégation.

Le Comité sénégalais des droits de l'homme a une mission générale de promotion et de protection des droits de l'homme. Organe étatique, il est impliqué dans le suivi des recommandations des organes conventionnels. Le Sénégal a également mis la dernière main à un plan de mise en œuvre des recommandations de l'Examen périodique universel et des organes conventionnels.

En réponse à une question sur la loi d'amnistie de 2004, la délégation a indiqué que le Sénégal ne disposait pas de statistiques sur les victimes. Si ces dernières conservaient leur droit à réparation, aucun tribunal n'a été saisi de demandes de cette nature, la plupart des victimes n'étant pas en mesure d'identifier les auteurs. Il s'agit d'une amnistie dans le cadre global de la quête de la paix en Casamance, a-t-elle souligné.

La réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale a pour but de les rendre conformes aux engagements internationaux du pays, tout en veillant à ce que les réformes fassent l'objet d'un consensus par les parties prenantes. Les deux codes doivent être soumis cette année à l'Assemblée nationale. La délégation a rappelé que la France elle-même avait mis près d'un quart de siècle à réformer son Code pénal.

La reconnaissance de la compétence du Comité sur les «communications individuelles» (plaintes) est à l'examen mais cette possibilité existant déjà auprès de la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, cela risque de constituer un doublon. Cela est également vrai s'agissant de la compétence de la Cour africaine des droits de l'homme, a indiqué la délégation.

Un projet de loi portant création d'une institution nationale des droits de l'homme a été élaboré après l'élection du Président Sall en 2012, afin de remédier au fait que le Comité sénégalais des droits de l'homme avait perdu son statut «A» certifiant sa conformité aux Principes de Paris en matière d'indépendance. En attendant de parvenir au meilleur consensus sur le projet de loi instituant une nouvelle entité, le budget du Comité a été fortement augmenté, ce qui prouve que la volonté du Gouvernement et du chef de l'État est sans équivoque à cet égard.

Pour ce qui concerne le rôle de la société civile dans l'élaboration du rapport, il s'inscrit dans celui d'une autre instance: le Conseil consultatif national des droits de l'homme, structure administrative de l'État chargée de coordonner la préparation des rapports périodiques du Sénégal et d'assurer le suivi des recommandations et décisions des organes des traités régionaux et internationaux. Il assure aussi auprès du Gouvernement, le rôle de conseil et de proposition dans les domaines des droits de l'homme, du droit international humanitaire et de l'action humanitaire. Le Conseil consultatif national assiste en outre les ministres intéressés, dont celui de la justice, par ses avis sur toutes les questions relatives à la défense et la protection des droits de l'homme. Le Conseil consultatif national comprend tous les ministères et huit organisations de la société civile.

Le «retour de parquet» s'explique par une insuffisance des ressources, ce qui ne justifie pas pour autant l'existence de cette pratique. Au lieu de l'interdire, ce qui ne serait pas réaliste car il sera difficile d'y mettre un terme compte tenu de cette insuffisance de moyens, le Sénégal a plutôt opté pour le réglementer. Ainsi, le «retour de parquet» ne saurait dépasser 24 heures désormais.

S'agissant de l'affaire de Sédhiou, qui s'est dénouée sans violence, elle n'illustre pas l'existence d'un péril qui menacerait le Sénégal. Dès lors qu'un crime est commis, une enquête est ouverte et des poursuites intentées. Il n'y a pas de vide juridique s'agissant de la disparition forcée, même en l'absence d'une incrimination formelle dans le Code pénal, a assuré la délégation. Quant à la Casamance, qui ne relève pas de la même problématique, il a fallu pardonner pour que le pays reparte d'un bon pied. Toutefois, cette amnistie qui s'inscrit dans une dynamique de paix, comme on le voit actuellement en Colombie, n'interdit pas aux victimes de demander et d'obtenir, le cas échéant, réparation en justice.

La délégation a expliqué que le Sénégal avait prévu de remédier au fait, qu'à ce stade, les tribunaux locaux n'étaient pas compétents si un Sénégalais était victime de disparition forcée à l'étranger.

La mise en cause d'un fonctionnaire, magistrat inclus, entraîne ipso facto une mesure de suspension, avec éventuellement maintien du salaire, en attendant que le cas soit éclairci, à l'instar de ce qui se pratique dans nombre de pays. Au début de la seconde séance de l'examen du rapport, le 8 mars, Journée internationale de la femme, la délégation a rappelé les mesures importantes prises en faveur de la promotion de la femme, preuve en étant qu'une femme a même été Premier ministre du Gouvernement sénégalais.

La délégation a répondu par l'affirmative à la question de savoir si un plaignant sous le coup d'une expulsion pouvait saisir directement la Cour suprême. Quand le préjudice risque d'être irréparable, la Cour peut décider d'un sursis à exécution de la mesure d'expulsion en attendant de se prononcer sur le fond. C'est la chambre administrative de la Cour qui peut décider d'un effet suspensif du recours pour excès de pouvoir. Il n'existe pas de tribunaux administratifs au Sénégal, a-t-elle souligné au passage. La législation prévoit déjà qu'il y a lieu d'interdire une expulsion si la personne risque la peine de mort ou de subir des mauvais traitements.

Le projet de modernisation du Code pénal définit le «délit continu», le «délit instantané», ainsi que la victime. Des dispositions sont aussi envisagées en matière de prescription. Si le Sénégal n'a pas connaissance de cas de disparition forcée, les tribunaux n'ayant pas été saisis de tels cas, le nouveau Code pénal devrait la prendre en compte.

Tout officier de police judiciaire est tenu d'avertir la famille du placement en détention d'un proche. Cela est d'autant plus nécessaire que c'est elle qui s'occupe généralement de choisir un avocat. Tout fonctionnaire qui retiendrait une personne en dehors des lieux de privation de liberté prévus par la loi est passible de poursuites. En matière de détention provisoire toute personne privée de liberté a le droit de faire appel à un avocat et peut bénéficier d'une assistance judiciaire. La délégation a expliqué que des organisations de défense des droits de l'homme étaient aussi en mesure de proposer les services d'un avocat. Une loi sur l'assistance judiciaire doit être votée prochainement afin de couvrir aussi la justice civile. Il n'existe pas d'autorisation ouverte et permanente pour les ONG d'inspecter les prisons. Une ONG souhaitant visiter un lieu de privation de liberté doit en faire la demande au Directeur de l'autorité pénitentiaire qui peut l'accorder ou la refuser. L'autopsie est systématique en cas de décès en détention, a déclaré la délégation.

La durée de la garde à vue en matière de terrorisme est de 96 heures, renouvelable deux fois. La présence d'un avocat n'est prévue qu'à compter de la fin de la 96e heure.

La création d'une banque de données génétiques est sujette à des contraintes financières. À l'heure actuelle, seule une clinique privée à Dakar dispose de la capacité d'effectuer des tests ADN, à un coût prohibitif toutefois. Pour le moment, seules les allégations de viol donnent lieu à de tels tests. La délégation a toutefois assuré qu'il existait une volonté politique de créer une banque génétique.

Des efforts sont faits, par ailleurs, pour former les forces de sécurité aux conventions et traités signés par le Sénégal.

Toute personne ayant personnellement souffert d'une infraction peut demander réparation, a précisé la délégation. La notion de victime couvre par conséquent les proches pour les dommages matériels, corporels et moraux, ce qui est conforme à la Convention, a estimé la délégation. Elle a précisé qu'un fonds en faveur des victimes de l'ancien Président tchadien Hissène Habré avait été créé, après que le Comité contre la torture eut reproché au Sénégal de ne pas avoir prévu de mesures de réparation pour les victimes de la torture.

L'enlèvement d'enfants est passible de poursuites et il n'existe pas de vide juridique à cet égard. Le Sénégal a d'ailleurs ratifié la Convention de La Haye de 1993 sur l'adoption. La révocation d'une adoption est possible si elle a été obtenue frauduleusement.

Le Sénégal ne dispose pas de jurisprudence sur le non-refoulement.

S'agissant des examens médicaux payants, il va de soi qu'une personne indigente pourra néanmoins être examinée en cas de besoin.

Déclarations de conclusion

M. EMMANUEL DECAUX, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Sénégal, s'est félicité que les traités internationaux priment sur la législation nationale dans l'ordre juridique sénégalais. Il a souligné la nécessité de disposer d'une loi d'adaptation à la Convention. Il a rappelé que le Comité souhaitait vivement que les États parties fassent cas de la possibilité d'adresser au Comité des communications individuelles, autrement dit des plaintes de particuliers. Il a exhorté le Sénégal à permettre une plus grande transparence et à une participation accrue de la société civile. Il l'a aussi appelé à mettre sur pied une institution nationale des droits de l'homme digne de ce nom, rappelant en particulier l'importance de la formation et de la coopération technique à cet égard.

MME SUELA JANINA, corapporteuse du Comité pour l'examen du Sénégal, a déclaré que l'examen des États parties était avant tout un échange et qu'il ne s'agissait pas pour le Comité de dire ce qu'il convient de faire comme le ferait un professeur ex cathedra. Elle a émis le vœu que le Sénégal tienne compte des recommandations du Comité.

M. SANTIAGO CORCUERA CABEZUT, Président du Comité, a rappelé qu'il s'agissait pour le Comité de construire une mise en œuvre plus efficace de la Convention.

M. COLY SECK, Représentant permanent du Sénégal auprès des Nations Unies à Genève, a qualifié de positive «l'introspection» permise par cet examen. Il a assuré que les remarques et recommandations des membres du Comité feraient l'objet d'une attention particulière de la part des autorités, qui à les mettre en œuvre. «Les résultats de l'examen feront l'objet d'une large diffusion auprès de tous les acteurs étatiques et non-étatiques concernés afin de trouver avec eux les voies et moyens d'une mise en œuvre diligente», a affirmé M. Seck.

Le Représentant permanent a ajouté que «les avancées réalisées par le Sénégal étaient à souligner, grâce à une évaluation et à une amélioration constante de ses instruments légaux, notamment le Code pénal et le Code de procédure pénale». Il a poursuivi que «des efforts avaient été consentis en faveur de la protection des droits des prévenus, de l'amélioration des conditions de de détention et la diligence d'enquêtes transparentes dans des affaires ayant impliqué des membres des forces de l'ordre». M. Seck a enfin annoncé que l'engagement de son pays serait concrétisé très prochainement avec l'intégration imminente du crime de disparition forcée dans le Code pénal.

Le Sénégal est conscient des multiples défis à relever. Tout le monde est élève en matière de protection des droits de l'homme, l'essentiel étant d'être un bon élève. Il est réconfortant de constater que les efforts accomplis sont reconnus, a conclu le Chef de la délégation sénégalaise.


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CED17/004F