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LE COMITÉ POUR L’ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU PARAGUAY

Compte rendu de séance
Sont particulièrement débattues les questions foncières et celles en rapport avec les peuples autochtones et les personnes d’ascendance africaine

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Paraguay sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant ce rapport, M. Héctor Cárdenas, Ministre et Secrétaire exécutif du Secrétariat à l’action sociale du Paraguay, a souligné que depuis 2003 son pays maintenait une invitation ouverte aux procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme et était partie aux principaux instruments internationaux des droits de l’homme, ce qui constitue un défi en matière d’application. Le Paraguay est un pays multiculturel et pluriethnique qui reconnaît les peuples autochtones comme ayant précédé à la formation et à l’organisation de l’État paraguayen, a-t-il indiqué. Il compte 19 ethnies autochtones apparentées à cinq familles linguistiques. L’une d’entre elles, le guarani, est langue officielle à l’égal du castillan depuis 1992, a précisé M. Cárdenas. Le Paraguay compte aussi des communautés d’ascendance africaine et immigrantes du monde entier, a-t-il ajouté. Le droit à la non-discrimination figure dans la Constitution de par la reconnaissance de l’égalité, a-t-il en outre fait valoir.

Le défi actuel du Gouvernement paraguayen est de trouver les moyens de maintenir les bénéfices de la croissance dans un contexte international complexe, a poursuivi M. Cárdenas. À cette fin, les efforts en faveur d’une gestion publique transparente ont été approfondis par l’adoption en 2014 d’une loi en faveur du libre accès citoyen à l’information publique, a-t-il indiqué. S’agissant des peuples autochtones, M. Cárdenas a indiqué que le recensement de 2012 avait établi qu’avec près de 117 000 personnes, réparties en quelque 700 communautés dans 13 des 17 départements du pays, ceux-ci représentaient 1,8% de la population totale. L’Institut paraguayen des autochtones (Instituto Paraguayo del Indígena - INDI) a entrepris de délivrer des papiers d’identité aux quelque 20% des individus qui en étaient dépourvus, afin de renforcer ainsi leur capacité à accéder aux services auxquels ils ont droit, notamment en matière de santé, tout en prenant en compte leurs spécificités culturelles. Au travers du Programme paraguayen des investissements sociaux, sont par ailleurs financés des projets autogérés par les communautés et groupes sociaux en situation de pauvreté. Quant aux communautés d’ascendance africaine, selon les données préliminaires du recensement de 2012, cette population approche les 4000 personnes et celles-ci sont totalement intégrées à la communauté nationale.

La délégation paraguayenne était également composée du Représentant permanent du Paraguay auprès des Nations Unies à Genève, M. Juan Esteban Aguirre; du Président de l’INDI, ainsi que de représentants des Ministères des relations extérieures, de la santé publique et du bien-être social.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, en particulier, de la situation des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine; du consentement préalable, libre et informé des populations s’agissant des questions qui les concernent et de l’état d’avancement du projet de loi en la matière; de l’importance de la délivrance des documents d’identité pour pouvoir prétendre aux prestations sociales et à la personnalité juridique; de l’inégale répartition des terres; de l’INDI; ou encore des menaces de mort proférées à l’encontre du défenseur des droits des communautés autochtones M. Carlos Marecos.

M. Alexeï Avtonomov, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Paraguay, s’est félicité du bilinguisme institué par l’État paraguayen. Il a ensuite fait observer que selon plusieurs ONG, l’application du principe de consultation préalable afin d’obtenir le consentement informé des peuples autochtones s’agissant des questions qui les concernent laissait à désirer. Il a aussi attiré l’attention sur le problème posé par l’absence de cadastre et, bien souvent, de titres de propriété; cela est particulièrement problématique pour les peuples en isolement volontaire, a-t-il souligné, suggérant de rechercher une alternative à la délivrance de tels titres afin d’éviter les spoliations. M. Avtonomov s’est ensuite inquiété d’informations faisant état de menaces ayant visé un défenseur des droits des peuples autochtones.

Un autre membre du Comité s’est inquiété de l’absence de définition de la discrimination raciale dans la législation paraguayenne, alors que le Comité avait souhaité que le pays pallie cette lacune. Il a par ailleurs été noté que des entreprises brésiliennes s’étaient installées de manière illégale dans certaines régions, poussant les populations locales à migrer en ville. Alors que moins de 10% des autochtones vivent en ville, ceux qui y séjournent mènent fréquemment des activités qui les exposent à l’exploitation sexuelle, a fait observer un expert. Une experte s’est dite frappée par le fait que les populations autochtones représentaient moins de 2% des sept millions de Paraguayens, ce qui semble indiquer qu’elles ne se sont toujours pas remises de la colonisation. Il a été demandé si le Paraguay avait une politique visant à empêcher l’extinction des ethnies ultraminoritaires et de leur langue. Un expert a relevé que l’écrasante majorité des peuples autochtones n’avait pas accès à l’eau potable et a insisté sur le caractère inacceptable d’une telle situation.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Paraguay et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 26 août.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité procèdera à l'examen du rapport périodique de l’Afrique du Sud.


Présentation du rapport du Paraguay

Le Comité est saisi du rapport du Paraguay, ainsi que de ses réponses à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité. Le Comité est également saisi du document de base du Paraguay contenant des renseignements généraux et factuels relatifs à l'application des instruments auxquels cet Etat est partie, à l'intention des organes conventionnels concernés.

M. HÉCTOR CÁRDENAS, Ministre et Secrétaire exécutif du Secrétariat à l’action sociale du Paraguay, a souligné que depuis 2003 son pays maintenait une invitation ouverte aux procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme et était partie aux principaux instruments internationaux des droits de l’homme, ce qui constitue un défi en matière d’application. Le Paraguay est un pays multiculturel et pluriethnique qui reconnaît les peuples autochtones comme ayant précédé à la formation et à l’organisation de l’État paraguayen, a-t-il indiqué. Il compte 19 ethnies autochtones apparentées à cinq familles linguistiques. L’une d’entre elles, le guarani, est langue officielle à l’égal du castillan depuis 1992, a précisé M. Cárdenas. Le Paraguay compte aussi des communautés d’ascendance africaine et immigrantes du monde entier, a-t-il ajouté. Le droit à la non-discrimination figure dans la Constitution de par la reconnaissance de l’égalité, a-t-il en outre fait valoir.

Le défi actuel du Gouvernement paraguayen est de trouver les moyens de maintenir les bénéfices de la croissance dans un contexte international complexe, a poursuivi M. Cárdenas. À cette fin, les efforts en faveur d’une gestion publique transparente ont été approfondis par l’adoption en 2014 d’une loi en faveur du libre accès citoyen à l’information publique, a-t-il indiqué. Il a par ailleurs mentionné le Plan national des droits humains, coordonné par le Ministère de la justice, qui est lié au Plan national de développement à l’horizon 2030.

S’agissant des peuples autochtones, M. Cárdenas a indiqué que le recensement de 2012 avait établi qu’avec près de 117 000 personnes, réparties en quelque 700 communautés dans 13 des 17 départements du pays, ceux-ci représentaient 1,8% de la population totale. L’Institut paraguayen des autochtones (Instituto Paraguayo del Indígena - INDI) a entrepris de délivrer des papiers d’identité aux quelque 20% des individus qui en étaient dépourvus, afin de renforcer ainsi leur capacité à accéder aux services auxquels ils ont droit, notamment en matière de santé, tout en prenant en compte leurs spécificités culturelles. À cette fin, a été créé un Conseil national de santé des peuples autochtones, dans le cadre de la Politique nationale de santé autochtone. Chacun des peuples délègue deux représentants élus pour siéger au sein de ce Conseil, a précisé le chef de la délégation paraguayenne.

Un Conseil national de l’éducation autochtone a été mis sur pied en tant qu’instance de coordination et de délibération du Système national de l’éducation autochtone, a d’autre part indiqué M. Cárdenas. Le Secrétariat des politiques linguistiques réalise un travail inlassable de documentation et de revitalisation pour la préservation des langues autochtones du pays, a-t-il souligné. Des efforts sont aussi accomplis au niveau du supérieur; ainsi, les universités devront-elles réserver des places aux étudiants d’ascendance autochtone. De plus, l’INDI offre des bourses qui bénéficient cette année à 326 jeunes autochtones.

Des actions sont menées en matière d’accès au logement, a poursuivi M. Cárdenas, précisant qu’en moyenne, ce sont 1500 unités qui auront été construites annuellement ces deux dernières années pour bénéficier à quelque 16 000 personnes. Au travers du Programme paraguayen des investissements sociaux, sont par ailleurs financés des projets autogérés par les communautés et groupes sociaux en situation de pauvreté. Quelque 1500 familles en ont profité au sein de quatorze collectivités autochtones. Le chef de la délégation paraguayenne a aussi cité les mesures d’assistance prises en faveur des pêcheurs et des petits agriculteurs.

Par ailleurs, la Cour suprême de justice a engagé l’élaboration d’un guide visant à harmoniser les systèmes de justice public et autochtone dans le domaine pénal. Quant au droit à la consultation préalable et au consentement libre et informé, il doit faire l’objet d’un avant-projet de loi d’ici la fin de l’année, a précisé M. Cárdenas.

M. Cárdenas a ensuite évoqué la situation du peuple Ayoreo Totobiegosode qui vit en isolement volontaire, précisant qu’un contact initial a été noué avec la visite du Vice-Président de la République qui était accompagné des représentants des trois pouvoirs de l’État. Lors d’une deuxième visite, un dispensaire de santé a été inauguré, dont le responsable est issu de la communauté concernée et qui dispose d’une infirmière parlant sa langue, a ajouté M. Cárdenas. Les chefs de famille ont été inscrits dans l’un des programmes de protection du Secrétariat à l’action sociale,a-t-il indiqué.

Quant aux communautés d’ascendance africaine, selon les données préliminaires du recensement de 2012, cette population approche les 4000 personnes et celles-ci sont totalement intégrées à la communauté nationale. En 2014, le Secrétariat à l’action sociale a signé une convention avec deux organisations de personnes d’ascendance africaine.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité


Après quelques mots prononcés en guarani applaudis par la délégation, M. ALEXEÏ AVTONOMOV, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Paraguay, s’est félicité du bilinguisme institué par l’État paraguayen. Constatant que le rapport avait été présenté avec une année de retard, il a noté que celui-ci contenait un grand nombre d’informations et de références relatives aux dernières observations finales du Comité. Les ONG ont-elles été consultées lors du processus d’élaboration du rapport, a-t-il demandé, rappelant que les organes conventionnels étaient très attachés à une telle concertation?

M. Avtonomov a ensuite fait observer que selon plusieurs ONG, l’application du principe de consultation préalable afin d’obtenir le consentement informé des peuples autochtones s’agissant des questions qui les concernent laissait à désirer. Il a aussi attiré l’attention sur le problème posé par l’absence de cadastre et, bien souvent, de titres de propriété; cela est particulièrement problématique pour les peuples en isolement volontaire, a-t-il souligné, suggérant de rechercher une alternative à la délivrance de tels titres afin d’éviter les spoliations. M. Avtonomov s’est ensuite inquiété d’informations faisant état de menaces ayant visé un défenseur des droits des peuples autochtones et a souhaité avoir un commentaire de la délégation à ce sujet. Comment le Paraguay applique-t-il les décisions de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, a d’autre part demandé le rapporteur, avant de souligner l’importance de ces décisions, s’agissant notamment du droit à la terre?

M. Avtonomov a par ailleurs déploré l’absence de données ventilées concernant les différentes catégories de la population, notamment les personnes d’ascendance africaine. Sont-elles victimes de discrimination? Le Paraguay ne fournit pas plus d’informations au sujet des Roms dans ce pays, alors que partout ailleurs, il s’agit de populations discriminées. Le rapporteur a également demandé si le Paraguay était un pays de destination de l’immigration en provenance d’autres pays, latino-américains en premier lieu et a rappelé que partout où il y en a, les apatrides faisaient l’objet de discriminations.

Un autre membre du Comité s’est inquiété de l’absence de définition de la discrimination raciale dans la législation paraguayenne, alors que le Comité avait souhaité que le pays pallie cette lacune. Un de ses collègues s’est enquis du nombre d’autochtones en prison au Paraguay. Quant à l’inscription dans la loi du principe de consultation préalable, libre et éclairée, il a souhaité que la délégation fasse le point de l’état d’avancement du projet de loi à ce sujet, certaines informations faisant état de deux projets concurrents – dont un émanant de l’INDI. Ce même expert a noté que des entreprises brésiliennes s’étaient installées de manière illégale dans certaines régions, poussant les populations locales à migrer en ville. Alors que moins de 10% des autochtones vivent en ville, ceux qui y séjournent mènent fréquemment des activités qui les exposent à l’exploitation sexuelle, a-t-il en outre fait observer.

Si le rapport évoque abondamment le sort des peuples autochtones, un membre du Comité a rappelé que la discrimination raciale ne concernait a priori pas uniquement cette catégorie de la population. Une de ses collègues a précisément souhaité savoir si les personnes d’ascendance africaine en pâtissaient. Des précisions ont en outre été demandées au sujet de la politique linguistique de l’État, notamment pour ce qui est des possibilités d’usage des différentes langues dans l’administration.

Une experte s’est dite frappée par le fait que les populations autochtones représentaient moins de 2% des sept millions de Paraguayens, ce qui semble indiquer qu’elles ne se sont toujours pas remises de la colonisation. Elle a en outre demandé si la police, voire les médias, succombaient à la facilité du profilage ethnique.

Un autre membre du Comité a souhaité savoir s’il était exact que l’INDI avait vu son enveloppe budgétaire réduite de 40%, comme l’affirment des ONG. Quelle part du budget de l’État cette enveloppe représente-t-elle? L’expert a souhaité en savoir davantage au sujet des moyens financiers et humains dont dispose le Défenseur du peuple. Comment la délégation explique-t-elle que la majorité des terres soient toujours accaparées par 2% de la population, a par ailleurs demandé cet expert? Une experte a souligné que le fait que la majorité des terres soit contrôlée par 2% des Paraguayens posait le problème de leur redistribution.

Une experte a demandé si le Paraguay avait une politique visant à empêcher l’extinction des ethnies ultraminoritaires et de leur langue, rappelant l’obligation des États de tout faire pour empêcher une telle issue.

Un membre du Comité s’est étonné du pourcentage élevé de personnes handicapées parmi les autochtones - plus de 11%, a-t-il indiqué – et s’est demandé si cela signifiait que ces populations avaient des conditions de vie plus périlleuses que la population dans son ensemble.

Un expert s’est félicité que le guarani ait figuré parmi les langues officielles de certains sommets du Mercosur. Il s’est ensuite interrogé sur le silence du rapport quant à de possibles discriminations, envers les métis par exemple.

Un expert a relevé que l’écrasante majorité des peuples autochtones n’avait pas accès à l’eau potable et a insisté sur le caractère inacceptable d’une telle situation. Il a en outre souhaité savoir dans quels domaines le droit coutumier était reconnu.

Un expert s’est inquiété du taux d’analphabétisme élevé des peuples autochtones, souhaitant savoir si les autorités entendaient agir pour y remédier. Se pose aussi le problème de l’accès des femmes autochtones à la santé, à l’éducation et à l’emploi, a fait observer cet expert. Il a par ailleurs souhaité avoir des précisions sur la situation des demandeurs d’asile, estimant nécessaire que le prochain rapport n’ignore pas cette question.

Un autre membre du Comité a relevé que l’indice de développement humain du Paraguay avait fortement reculé. Ce même expert a par ailleurs affirmé que le processus de consultation n’en était pas véritablement un au Paraguay et qu’il s’agissait plutôt d’une simple fourniture d’informations aux populations concernées. Il a aussi mis en doute l’universalité de l’accès aux soins de santé, s’agissant particulièrement des peuples autochtones. Cet expert a enfin dit avoir le sentiment qu’il existe au Paraguay une tendance à persécuter les défenseurs des droits de l’homme, citant notamment le cas d’une militante sous la menace d’une condamnation de justice.

Un autre membre du Comité a fait observer que la majorité des logements au Paraguay ne disposaient que d’une pièce unique, n’avaient pas de sanitaires et ne bénéficiaient pas de services d’enlèvement des ordures ménagères. Qu’en est-il des logements sociaux construits par l’État?

Un expert a souhaité savoir combien l’État paraguayen comptait de fonctionnaires d’origine autochtone. Une de ses collègues a affirmé que la communauté afro-paraguayenne était invisible aux yeux de la majorité de la population voire des autorités, dans la mesure où prédomine la perception selon laquelle toute personne à la peau noire est nécessairement de nationalité brésilienne.

Un membre du Comité a noté que les tableaux et chiffres figurant dans le rapport prenaient fort peu en compte les populations autochtones. Il a souhaité avoir une idée de leur contribution à la richesse nationale. Alors que l’on célèbre aujourd’hui, mardi, la Journée mondiale des peuples autochtones, il a tenu à mentionner les souffrances endurées par ces populations, en raison notamment de l’impact de politiques de développement qui ne les respectent pas dans l’ensemble de l’Amérique latine.

Réponses de la délégation

La délégation a fait un rappel historique, en expliquant que la nation paraguayenne était issue originellement d’un métissage entre les conquérants espagnols et les femmes guaranies. Cela explique que la majorité des Paraguayens parle guarani, ce qui est unique en Amérique latine. Le deuxième événement fondamental sur le plan démographique a résulté de la guerre dite de la Triple Alliance de 1864 à 1870, qui a décimé la population, le Paraguay passant de 1,3 million à 300 000 habitants seulement, à la suite de la quasi-extermination de la population masculine. Après ce traumatisme historique, la population a connu une transformation quasi complète avec l’afflux d’immigrants majoritairement européens à la fin du dix-neuvième siècle, mais aussi ultérieurement asiatiques. Cela explique qu’aujourd’hui, les autochtones représentent seulement 1,8% de la population totale. Toutefois, depuis un demi-millénaire, la population paraguayenne est multiraciale, multiculturelle, ce qui explique la forte influence de la culture et de la langue guaranies.

La délégation a par la suite indiqué qu’elle n’était pas en mesure de fournir des données sur la contribution économique des peuples autochtones.

Quant aux personnes d’ascendance africaine, elles sont arrivées au Paraguay pendant la colonisation, s’inscrivant elles aussi dans le processus de métissage. C’est la raison pour laquelle les cas de discrimination raciale sont extrêmement rares, au point où l’on peut même considérer qu’il n’y a pas de citoyens de seconde classe sur le plan racial, a indiqué la délégation.

Sur les 6,4 millions d’habitants, selon le recensement de 2012, les autochtones sont 117 000, les personnes d’ascendance africaine 3800 (soit 0,06% du total ) et les immigrants 130 000 (2% de la population).

Les causes de l’inégale répartition des terres sont notamment à rechercher dans la guerre de la Triple Alliance, perdue par le Paraguay, l’occupation du pays entraînant alors la création de grandes propriétés terriennes qui ont donné forme au panorama foncier actuel, a ensuite souligné la délégation. Cette structure de la propriété rurale s’est accentuée plus tard à la suite de la guerre du Chaco avec la Bolivie. À l’heure actuelle, on assiste à une spécialisation des pays du cône sud, Argentine, Brésil et Paraguay, a expliqué la délégation, avec la demande en agro-carburants de la part, notamment, de la Chine et de l’Europe; il s’agit d’un processus exigeant la mise à disposition de grandes superficies, avec l’utilisation de technologies nouvelles. Conscient toutefois des effets négatifs de cette situation, l’État promeut des programmes de reforestation. Le coefficient de Gini relatif à la concentration des terres, par exemple, fait de l’Amérique du Sud l’une des régions les plus inégalitaires du monde, a rappelé la délégation. Toutefois, le Paraguay fait mieux que la moyenne régionale, ce qui pour une fois ne fait pas de lui le plus mauvais élève du continent, a-t-elle souligné, avant de faire valoir que le pays enregistre une croissance de la classe moyenne et une sortie de la pauvreté de larges secteurs de la population – en particulier des groupes historiquement vulnérables tels que les paysans, les femmes, les migrants et les autochtones.

La délégation a ensuite évoqué les dépenses sociales, soulignant que l’on préférait parler désormais d’«investissement social» afin d’illustrer les ressources que l’État assigne à la réduction de la pauvreté, à l’amélioration de la qualité de la vie de la population et à la valorisation du capital humain. Ces dix dernières années, l’État paraguayen a consacré l’équivalent d’une centaine de millions de dollars à cet investissement, soit près du tiers du budget de l’État. L’an dernier, ce sont 450 millions de dollars qui ont été consacrés à l’investissement social, soit plus de la moitié des dépenses de l’État.

Pour ce qui est du consentement préalable, libre et informé des populations s’agissant des questions qui les concernent, la délégation a indiqué que l’on avait procédé à près d’un demi-millier de consultations à cette fin ces dernières années. Il est de l’intention du Gouvernement de standardiser les procédures, ce qui fait l’objet d’un avant-projet de loi qui doit être soumis par l’INDI, a précisé la délégation. Ce projet, qui devrait être voté d’ici la fin de l’année, sera conforme aux engagements internationaux assumés par le pays dans ce domaine, a-t-elle souligné, avant de préciser que les représentants autochtones étaient associés à l’élaboration du texte.

La délivrance de documents d’identité est essentielle, a ensuite reconnu la délégation paraguayenne: d’une part parce que leur possession est exigée pour pouvoir prétendre aux prestations sociales; et, d’autre part, parce que la reconnaissance de la personnalité juridique permet d’officialiser la possession de biens et de terres (par des titres de propriété).
Contrairement à ce qui été affirmé, l’INDI n’a pas formellement subi de coupes budgétaires, a ensuite assuré la délégation. Toutefois, l’an dernier, il n’a pas été possible de débloquer plus de 15 à 20% de l’enveloppe initialement prévue, a-t-elle reconnu. Le rôle de cette institution est d’aider au mieux les communautés autochtones, a-t-elle rappelé.
L’an dernier, sur les quelque 10 000 logements sociaux construits, 700 ont été réservés aux communautés autochtones, a notamment fait valoir la délégation.
L’égalité est la pierre angulaire des prestations sociales, ce qui vaut notamment dans le domaine de la santé, a ensuite souligné la délégation. L’an dernier, l’État a instauré le principe de l’universalité de l’accès à des soins de qualité. La Loi sur la santé des peuples autochtones, qui a résulté d’un long processus de concertation avec les représentants desdits peuples, est entrée en vigueur il y a un an, a rappelé la délégation, avant de préciser que cette Loi s’articulerait à terme autour d’une douzaine de programmes de soins. Cette Loi garantit la participation des peuples autochtones au sein d’un Conseil national, a ajouté la délégation.

Pour ce qui est de l’éducation, la délégation a précisé que les manuels scolaires étaient publiés dans une quinzaine de langues autochtones sur les dix-sept existantes dans le pays. Sur les 1800 enseignants travaillant dans les communautés autochtones, environ un millier sont eux-mêmes autochtones, a-t-elle indiqué.

La délégation a par ailleurs indiqué que les logements sociaux bénéficiaient du minimum de confort nécessaire en matière d’eau et d’assainissement. Ils comptent au moins deux pièces et sont desservis par les services d’enlèvement des ordures, a-t-elle ajouté.

La délégation a démenti que l’indice du développement humain du Paraguay soit en recul, contrairement à ce qu’a affirmé un expert. Elle a suggéré au Comité de diversifier ses sources en s’appuyant aussi sur d’autres indicateurs tels que le coefficient de Gini.

Quant aux décisions de la Cour interaméricaine des droits de l’homme relatives aux peuples autochtones, la délégation a rappelé que durant la dictature – la plus longue qu’ait connue l’Amérique latine – pratiquement aucun traité international, ni aucune convention des droits de l’homme n’étaient respectés par le Paraguay. Avec l’instauration de la démocratie, les grands traités internationaux qui avaient été ignorés pendant plus d’un demi-siècle ont été progressivement ratifiés. À partir de 2000, le Paraguay a commencé à intégrer une nouvelle approche dans le traitement des requêtes relatives aux droits de l’homme, notamment celles présentées devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme, en acceptant le principe de solutions à l’amiable; le pays a désormais une pratique systématique en faveur de telles solutions.

La délégation a par ailleurs évoqué le cas du défenseur des droits des communautés autochtones M. Carlos Marecos, qui a fait l’objet de menaces et sur le sort duquel des membres du Comité se sont émus. L’INDI a demandé que toutes les mesures de protection nécessaires soient prises afin qu’il puisse poursuivre normalement ses activités, a indiqué la délégation.

Le Paraguay est ouvert aux demandeurs d’asile, comme en témoigne l’afflux récent de réfugiés syriens via le Brésil, a affirmé la délégation. Une communauté d’origine syro-libanaise est installée depuis des lustres au Paraguay, a-t-elle rappelé.

La Constitution établit que les traités, conventions et accords internationaux approuvés et ratifiés par le Paraguay font partie intégrante du droit interne et sont directement applicables sur le territoire national. Les traités des droits de l’homme ne peuvent être dénoncés qu’en amendant la Constitution, a en outre souligné la délégation.

En fin de dialogue, la délégation a reconnu qu’il restait au Paraguay un long chemin à parcourir et a assuré que les préoccupations exprimées par les membres du Comité seraient pleinement prises en compte par le pays.



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CERD16/017F