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LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA GRÈCE

Compte rendu de séance
La crise migratoire et son impact sont au cœur des discussions

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique présenté par la sur les mesures qu'elle a prises pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant ce rapport, M. Kostis Papaïoannou, Secrétaire général pour la transparence et les droits de l’homme au Ministère de la justice de la Grèce, a rappelé qu’une crise de la migration et des réfugiés a éclaté, la Grèce recevant plus d’un million de réfugiés depuis le début 2015. Il a souligné que son pays est à cet égard la principale porte d’entrée de l’Europe. Les Grecs ont d’une manière générale fait preuve d’hospitalité, en dépit du fait que des voix se sont fait entendre dans toute l’Europe en faveur de la fermeture des frontières, a-t-il ajouté. Aujourd’hui, à la suite de la fermeture de la route des Balkans occidentaux, plus de 55 000 personnes sont bloquées en Grèce, a indiqué le chef de la délégation.

Par ailleurs, à la fin de la dernière décennie, des organisations extrémistes ont tenté de profiter du sentiment de mécontentement populaire et n’ont pas craint de proférer des messages de haine en profitant d’un sentiment d’impunité, a poursuivi M. Papaïoannou. Au début, personne n’était en mesure de voir venir ou d’oser imaginer la montée du racisme qui se préparait et peu de responsables avaient la volonté politique de reconnaître que la xénophobie et l’intolérance avaient le vent en poupe, a-t-il souligné. Face à la violence exercée par les membres d’«Aube Dorée», l’organisation raciste la plus en vue, à l’encontre des migrants, de leurs adversaires politiques, des défenseurs des droits de l’homme, des artistes et des homosexuels, les autorités ont répondu avec retard et sans réagir de façon décisive, ni appropriée, a reconnu M. Papaïoannou. En outre, le manque de statistiques fiables n’a pas permis d’évaluer la situation de manière objective. C’est la raison pour laquelle a été créé en 2012 le Réseau d’enregistrement des violences racistes, composé aujourd’hui de 35 ONG. En 2013, année où l’on a enregistré un pic de violences racistes, ce Réseau a enregistré 166 incidents qui ont fait au moins 320 victimes. À la suite de ces actes, des membres d’ «Aube Dorée», y compris tous les députés de cette formation, ont été traduits en justice, l’instruction de ces affaires étant toujours en cours. Par ailleurs, la loi contre le racisme a été durcie, notamment pour faciliter son application, a souligné le chef de la délégation grecque.

M. Papaïoannou a mis en garde contre le risque de réapparition de formes organisées de violence raciste dans le contexte des camps de réfugiés. Il a fait part de sa crainte que l’on n’en soit actuellement qu’aux prémices d’un tel phénomène, compte tenu du contexte politique au sens large en Europe.

Une représentante de la Commission nationale grecque des droits de l’homme est également intervenue.

La délégation grecque était également composée, entre autres, de Mme Anna Korka, Représentante permanente de la Grèce auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants des Ministères des affaires étrangères; de l’intérieur et de la réforme administrative; de l’éducation, de la recherche et de la religion; du travail, de la sécurité sociale et de la solidarité sociale; et de la politique maritime et insulaire.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, en particulier, des crises financière et migratoire et de leur impact s’agissant des questions relevant de la Convention; de la Loi contre le racisme; de l’application de l’article 4 de la Convention au regard de l’impossibilité légale de dissoudre les partis politiques; de la minorité musulmane de Thrace; de la minorité macédonienne slavophone; et de la communauté rom.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Grèce, M. Nicolás Marugán, a dit comprendre la complexité de la situation grecque. Alors que l’on fait état d’une reprise économique solide, les coupes budgétaires ont eu des effets néfastes sur les prestations sociales, a-t-il relevé. Il a en outre mis l’accent sur les contradictions européennes face aux politiques d’asile.

Plusieurs membres du Comité ont salué l’image de pays d’accueil qu’a donnée la Grèce dans le contexte de la crise migratoire et ont estimé que le pays aurait dû bénéficier d’une assistance plus substantielle de l’Union européenne. Un expert a relevé que l’accord turco-européen pour la gestion des réfugiés ne répondait pas aux normes s’agissant de la notion de «pays tiers sûr» susceptible d’accueillir les demandeurs d’asile renvoyés.

Un membre du Comité a évoqué la situation des Roms et des Macédoniens, estimant nécessaire que soit notamment reconnue la langue des seconds. Une experte a relevé la perception populaire fortement négative envers les Roms. Ces derniers, qui sont couramment harcelés par la police, s’estiment victimes de profilage ethnique, a-t-elle fait observer. En outre, les Turcs de souche et les Macédoniens ne sont pas reconnus, a-t-elle relevé.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Grèce et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 26 août.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Royaume-Uni.

Présentation du rapport de la Grèce

Le Comité est saisi du rapport de la Grèce (CERD/C/GRC/20-22), établi en fonction de la liste de thèmes à traiter que lui a adressée le Comité. Le Comité est également saisi du document de base de la Grèce contenant des renseignements généraux et factuels relatifs à l'application des instruments auxquels cet Etat est partie, à l'intention des organes conventionnels concernés.

M. KOSTIS PAPAÏOANNOU, Secrétaire général pour la transparence et les droits de l’homme au Ministère de la justice de la Grèce, a d’emblée reconnu que si beaucoup avait été fait par son pays, il lui restait néanmoins beaucoup à faire. Il a assuré que l’état d’esprit de sa délégation était guidé par le sens d’une auto-évaluation critique. Il a rappelé que ces six dernières années, son pays avait pâti d’une crise économique sévère ayant entraîné des mesures d’austérité draconiennes. En 2014, 36% de la population étaient menacés de sombrer dans la pauvreté ou l’exclusion sociale; le taux de chômage dépassait 24% et approchait les 50% pour la jeunesse, a-t-il rappelé. Le Gouvernement grec est déterminé à protéger les droits des plus vulnérables en promulguant des textes permettant de garantir la fourniture des biens de première nécessité et de services aux personnes et aux familles vivant en situation de pauvreté extrême, couverture de santé comprise.

Une crise de la migration et des réfugiés a éclaté, la Grèce recevant plus d’un million de réfugiés depuis le début 2015, a poursuivi M. Papaïoannou, rappelant que son pays est à cet égard la principale porte d’entrée de l’Europe. Les Grecs ont d’une manière générale fait preuve d’hospitalité, en dépit du fait que des voix se sont fait entendre dans toute l’Europe en faveur de la fermeture des frontières, voire en faveur du renvoi des personnes en quête d’un havre de paix.

Aujourd’hui, à la suite de la fermeture de la route des Balkans occidentaux, plus de 55 000 personnes sont bloquées en Grèce, a indiqué le Secrétaire général pour la transparence et les droits de l'homme du Ministère grec de la justice. À la suite de l’accord conclu le 18 mars dernier entre l’Union européenne et la Turquie, la Grèce a adopté le cadre juridique nécessaire pour la mise en place d’une procédure accélérée, a-t-il précisé. Néanmoins, tous les demandeurs d’asile bénéficient d’un examen individuel, ce qui n’est pas une tâche aisée, a souligné le chef de la délégation grecque. De nombreuses difficultés proviennent non pas seulement de l’énormité de la tâche et de la limité des ressources, mais aussi de contradictions profondes dans la politique européenne sur la migration et l’asile.

Par ailleurs, à la fin de la dernière décennie, des organisations extrémistes ont tenté de profiter du sentiment de mécontentement populaire et n’ont pas craint de proférer des messages de haine en profitant d’un sentiment d’impunité, a poursuivi M. Papaïoannou. Au début, personne n’était en mesure de voir venir ou d’oser imaginer la montée du racisme qui se préparait; peu de responsables avaient la volonté politique de reconnaître que la xénophobie et l’intolérance avaient le vent en poupe et même si les organisations de la société civile et les militants des droits de l’homme tiraient la sonnette d’alarme, ils n’étaient pas entendus, a insisté le chef de délégation. «Aube Dorée», l’organisation raciste la plus en vue, n’a pendant longtemps été qu’un groupuscule marginal, a-t-il poursuivi. Violente, ultranationaliste, antisémite, islamophobe, cette organisation s’inspire directement des idées nazies; elle a progressé rapidement à partir de 2009 et est entrée au Parlement après avoir recueilli 6% des voix. Face à la violence exercée par les membres de cette formation à l’encontre des migrants, de leurs adversaires politiques, des défenseurs des droits de l’homme, des artistes et des homosexuels, les autorités ont répondu avec retard et sans réagir de façon décisive, ni appropriée, a reconnu M. Papaïoannou. En outre, le manque de statistiques fiables n’a pas permis d’évaluer la situation de manière objective. C’est la raison pour laquelle a été créé en 2012 le Réseau d’enregistrement des violences racistes, composé aujourd’hui de 35 ONG. En 2013, année où l’on a enregistré un pic de violences racistes, ce Réseau a enregistré 166 incidents qui ont fait au moins 320 victimes, un jeune artiste militant des droits de l’homme étant même assassiné. À la suite de ces actes, des membres d’ «Aube Dorée», y compris tous les députés de cette formation, ont été traduits en justice, l’instruction de ces affaires étant toujours en cours. Le chef de la délégation grecque a attiré l’attention sur le fait que la Constitution ne permettait toutefois par d’interdire un parti politique. Néanmoins, des mesures ont été prises, notamment en suspendant le financement public d’«Aube Dorée».

Par ailleurs, la loi contre le racisme a été durcie, notamment pour faciliter son application, a souligné le chef de la délégation grecque. Si cela a permis d’augmenter le nombre d’inculpations, la situation n’est toutefois toujours pas satisfaisante, a-t-il reconnu. Des mesures ont été prises pour lutter contre les crimes de haine, notamment par la nomination de procureurs spéciaux dans cinq villes, a-t-il fait valoir. Dans le même temps, des actions de formation de magistrats ont été menées concernant cette problématique. Au sein de la police, deux nouvelles sections et 68 nouvelles antennes ont été ouvertes afin de lutter spécifiquement contre la violence raciste. Un mécanisme unifié et une base de données dans laquelle figurent toutes les allégations d’incidents racistes et de violences xénophobes – y compris de la part de la police – ont été créés, ce qui a permis d’avoir une vision plus réaliste, sans être exhaustive pour autant, de la situation.

L’an dernier, a poursuivi M. Papaïoannou, a été créé le Conseil national contre le racisme et l’intolérance, au sein duquel siègent notamment la Commission nationale des droits de l’homme, le Médiateur, le Réseau d’enregistrement des violences racistes ou encore le Haut-Commissariat pour les réfugiés de l’ONU.

Afin de lutter contre la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle, la loi sur le partenariat civil a été étendue récemment aux couples homosexuels, a d’autre part fait observer M. Papaïoannou. Un projet de loi sur la reconnaissance juridique du genre est en cours d’élaboration. Par ailleurs, le Code pénal a été modifié afin que l’âge minimal requis pour avoir des relations homosexuelles entre hommes ne soit plus supérieur à celui qui était fixé pour le consentement à des relations hétérosexuelles.

M. Papaïoannou a reconnu que se posait de longue date un problème relatif à la poursuite de comportements arbitraires de la part des forces de l’ordre, notamment pour des motivations racistes. La Grèce est disposée à établir un mécanisme d’enquête indépendant concernant de tels abus, a-t-il indiqué. Pendant trop longtemps, a-t-il reconnu, les actes racistes ont été tolérés par la police et ont même parfois été commis avec la participation de certains de ses membres, ces actes ne donnant pas lieu à des enquêtes en bonne et due forme. La responsabilité en incombe non seulement à la police mais aussi à la justice elle-même, a reconnu le chef de la délégation grecque.

Il est un fait que les autorités et institutions grecques ont répugné à faire face à la réalité, la violence raciste étant minimisée quand elle n’était pas ignorée purement et simplement, a insisté M. Papaïoannou. Trop souvent, on jugeait qu’il s’agissait d’incidents isolés et il a fallu du temps pour comprendre que ce n’était pas le cas et que l’on était face à un schéma évident de violence raciste organisée. Mais depuis 2013, les choses ont changé de manière radicale en allant dans le bon sens, ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait plus de défis importants à relever, a fait valoir le Secrétaire général pour la transparence et les droits de l'homme. Relevant que les discours de haine demeurent monnaie courante, il a assuré que désormais, la société civile et les autorités font preuve d’une plus grande vigilance à cet égard.

En conclusion, M. Papaïoannou a mis en garde contre le risque de réapparition de formes organisées de violence raciste dans le contexte des camps de réfugiés. Il a fait part de sa crainte que l’on n’en soit actuellement qu’aux prémices d’un tel phénomène, compte tenu du contexte politique au sens large en Europe, de l’augmentation du racisme et de la xénophobie sur le continent et compte tenu aussi des aspects faibles et contradictoires de la politique d’asile et de migration européenne et de la radicalisation terroriste.


Déclaration de la Commission nationale grecque des droits de l'homme

MME MARIA GAVOUNELI, de la Commission nationale grecque des droits de l’homme, a rappelé que plus d’un million de réfugiés avaient transité par la Grèce ces douze derniers mois, ce mouvement de population ayant donné lieu à un grand élan de solidarité de la part des Grecs. Mais à la suite de la fermeture des frontières, près de 57 000 personnes sont maintenant bloquées en territoire grec. La Commission en a appelé à l’État, aux Nations Unies, aux institutions européennes et à toutes les organisations internationales concernées afin que des mesures appropriées soient prises afin d’assurer la protection de la vie, de la santé et de la sécurité de toutes les populations résidant sur le territoire et afin que soient gérés de manière efficace les flux migratoires en direction de l’Union européenne. La Commission a, de manière réitérée, insisté sur la nécessité de revoir le système d’asile européen. Pour elle, il est devenu de plus en plus clair que ces réfugiés, ainsi que ceux qui continuent d’arriver, demeureront dans le pays pour une période indéterminée, ce qui signifie qu’il convient d’agir sans retard afin de prévenir tout recul dans la lutte contre le racisme et la xénophobie. Il est à craindre en effet, selon la Commission, que les discours de haine atteignent de nouveaux sommets et que l’on assiste à une augmentation des incidents racistes.

Concrètement, la Commission soutient activement le Réseau d’enregistrement des violences racistes qui est hébergé dans ses locaux, avec le soutien du Haut-Commissariat pour les réfugiés et de 35 ONG. Un soutien juridique, médical et social est fourni aux victimes de violences racistes, ce qui constitue, selon la Commission, le meilleur moyen d’éviter un phénomène de sous-déclaration des crimes de haine. La Commission estime que la montée en puissance de l’efficacité des mécanismes en vigueur est une question de temps, afin qu’ils puissent développer leur plein potentiel et avant que l’on puisse évaluer leur efficacité et envisager, le cas échéant, de les améliorer. Il faut notamment que les juges et les procureurs se familiarisent avec la réglementation, et que se constitue une jurisprudence solide vis-à-vis des discours de haine, y compris dans les médias sociaux, a encore estimé la représentante de la Commission nationale grecque des droits de l’homme.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité


M. NICOLÁS MARUGÁN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Grèce, a dit comprendre la complexité de la situation grecque. Alors que l’on fait état d’une reprise économique solide, les coupes budgétaires ont eu des effets néfastes sur les prestations sociales, a-t-il relevé. Il a en outre mis l’accent sur les contradictions européennes face aux politiques d’asile et sur le rôle clé de l’Union européenne dans ce domaine. Le rapporteur a souhaité avoir des précisions concrètes sur les moyens dont sont dotées les unités de police chargées des crimes racistes et sur les procureurs spéciaux nommés pour poursuivre ce type de délit. M. Marugán a demandé combien de condamnations avaient été prononcées pour crimes racistes et a déploré le silence du rapport à ce sujet en dépit du fait que le Comité ait demandé que lui soient fournies de telles données à l’issue de l’examen du précédent rapport de la Grèce, en 2009. Le Comité avait alors fait part de son inquiétude s’agissant des propos racistes tenus dans le pays et avait demandé l’interdiction des groupes néonazis. Des mesures ont-elles été prises en ce sens, a demandé le rapporteur?

M. Marugán a aussi souhaité savoir ce qui avait été fait pour faciliter la situation juridique des ONG. Il a par ailleurs demandé où en était le projet de plan national d’action du Conseil national contre le racisme et l’intolérance. Par ailleurs, le Comité souhaite disposer de données sur la composition ethno-religieuse de la population, a indiqué le rapporteur.

$La Grèce ayant annoncé qu’elle envisageait de délivrer des permis de séjour aux victimes d’actes racistes, M. Marugán a souhaité savoir combien de personnes en avaient bénéficié.

M. Marugán a d’autre part relevé que plusieurs plans avaient été élaborés en faveur de la communauté rom et a souhaité en savoir davantage sur leur mise en œuvre et leur évaluation.

L’accès à la santé des migrants sans papiers s’est - semble-t-il – amélioré, a poursuivi M. Marugán, souhaitant savoir ce qu’il en était concrètement. Il a rappelé que les migrants jouaient un rôle important dans le tourisme et l’agriculture, des secteurs où l’économie informelle est parfois prédominante; l’Inspection du travail s’y intéresse-t-elle, a-t-il demandé?

Un autre membre du Comité a demandé si une véritable consultation des ONG avait eu lieu lors de l’élaboration du rapport.

Un autre expert a évoqué la situation des Roms et des Macédoniens, estimant nécessaire que soit notamment reconnue la langue des seconds. Il a souhaité savoir s’il y avait toujours des juifs en Grèce et si l’antisémitisme constituait un problème dans ce pays.

Une experte a relevé la perception populaire fortement négative envers les Roms. Ces derniers, qui sont couramment harcelés par la police, s’estiment victimes de profilage ethnique, a-t-elle fait observer. En outre, les Turcs de souche et les Macédoniens ne sont pas reconnus, a-t-elle relevé.

Un expert, qui s’est félicité de l’esprit d’autocritique dont la délégation faisait preuve, a estimé que l’actuelle reprise économique ne pourrait avoir que des retombées positives.

Un autre membre du Comité a relevé que l’accord turco-européen pour la gestion des réfugiés ne répondait pas aux normes s’agissant de la notion de «pays tiers sûr» susceptible d’accueillir les demandeurs d’asile renvoyés. Les demandeurs d’asile bénéficient-ils d’une aide juridictionnelle et de délais suffisants pour faire valoir leur requête, a-t-il demandé?

Un expert a demandé à la délégation de préciser combien de membres d’«Aube Dorée» avaient été traduits en justice et s’est enquis des possibilités d’interdire cette formation. Un autre membre du Comité a relevé que la Constitution n’autorisait pas l’interdiction de partis politiques et a souhaité savoir ce qui se passerait si un éventuel «Parti nazi» venait à se créer. Évoquant la question des minorités, il a par ailleurs demandé pour quelle raison la Grèce se refusait à reconnaître l’existence d’une communauté macédonienne.

Reconnaissant la pression exceptionnelle subie par la Grèce de par sa situation géographique, un membre du Comité a estimé que l’État partie aurait dû bénéficier d’une assistance plus substantielle de l’Union européenne. Il a toutefois attiré l’attention sur le fait qu’en dépit de l’afflux de demandeurs d’asile, la vaste majorité d’entre eux ne souhaitait pas trouver refuge en Grèce, ce qui relativise l’ampleur du défi à relever pour le Gouvernement d’Athènes. Cet expert a souhaité en savoir davantage au sujet des critères régissant le renvoi des demandeurs d’asile vers la Turquie. Un autre membre du Comité a reconnu que la Grèce avait donné l’image d’un pays d’accueil et a souhaité connaître le bilan que la délégation tire de l’accord turco-européen et de son impact. Connaît-on le nombre de personnes refoulées ou reconduites en territoire turc? Qu’en est-il du nombre de réinstallations de demandeurs d’asile ailleurs en Europe? La délégation grecque dispose-t-elle d’informations sur l’amélioration des conditions d’accueil dans les centres de rétention, a-t-il en outre été demandé?

Plusieurs experts ont relevé que la position de la Grèce s’agissant de reconnaissance des minorités s’appuyait de manière constante sur les dispositions du Traité de Lausanne de 1923. Il a été demandé si des ONG représentant des minorités participaient au Réseau d’enregistrement des violences racistes.

Deux experts ont déploré que le document de base relatif à la Grèce (HRI/CORE/1/Add.121), qui date de 2002, n’ait pas été actualisé, ce qui est ne permet pas de suivre l’évolution du pays, s’agissant notamment de son cadre juridique.

Un membre du Comité a souhaité en savoir davantage sur la scolarisation des enfants de migrants, attirant l’attention sur la diversité des langues parlées par ces enfants. Ce même expert a relevé que la Grèce n’avait pas ratifié plusieurs conventions de l’OIT – notamment la Convention n°189 sur les travailleuses et travailleurs domestiques.

Un expert a reconnu le problème spécifique posé par les Slaves de Macédoine, estimant nécessaire que la Grèce favorise la transmission de leur culture et de leur langue. Il a aussi estimé nécessaire de reconnaître l’ethnie pomaque de Thrace. Un de ses collègues s’est interrogé sur la possibilité pour ces minorités de parler leurs langues en public, la délégation grecque s’étant en effet bornée à indiquer qu’ils étaient libres de le faire dans la sphère privée.

Un membre du Comité a demandé à la délégation comment la Grèce pourrait faire en sorte que les centres de rétention pour migrants («hot spots») deviennent des lieux d’accueil ouverts.

Réponses de la délégation

La Grèce ne souhaite pas utiliser les crises financière et migratoire comme des alibis, a expliqué la délégation grecque. La discrimination raciale est au cœur du débat public, non seulement en Grèce mais aussi en Europe, en raison notamment des flux migratoires actuels, a-t-elle fait observer, assurant que cette situation ne saurait empêcher de respecter les droits de l’homme et les normes relatives à la lutte contre la discrimination raciale telles qu’énoncées dans la Convention.

La crise syrienne, la crise économique et le fait que la Grèce n’avait pas les moyens d’accueillir tous les réfugiés ayant afflué sur son territoire ont entraîné une gestion chaotique de la situation à laquelle l’Union européenne, voire les Nations Unies, auraient dû s’atteler, a souligné la délégation.

Sur 11 millions d’habitants, le pays compte un million d’étrangers et de migrants, soit environ un dixième de la population, a indiqué la délégation. Dans ce contexte, la Grèce s’efforce d’appliquer les normes européennes en se refusant de refouler les demandeurs d’asile, a-t-elle souligné.

La délégation a toutefois déclaré ne pas être en mesure de donner des chiffres, aucune statistique n’existant à ce sujet; tous les ressortissants syriens renvoyés en Turquie l’ont été sur une base volontaire, a-t-elle assuré. De par l’instabilité actuelle de la situation dans ce pays, plusieurs renvois ont été suspendus, a-t-elle précisé.

La délégation a néanmoins reconnu que la Grèce avait été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour sa gestion des flux migratoires. Elle a fait valoir qu’un code sur la migration avait été adopté il y a deux ans afin de simplifier la procédure d’accueil; il permet d’octroyer un permis de résidence au moins provisoire à toute personne arrivant sur le territoire grec.

Plus de 150 000 migrants ont été secourus dans le cadre d’opérations de sauvetage par les gardes-côtes grecs, a ensuite précisé la délégation. La Grèce s’efforce d’assurer des normes d’hygiène et d’accueil dignes dans les «hot spots». Les personnes hébergées dans les centres de rétention peuvent être soignées soit sur place, soit dans des hôpitaux et lorsqu’une visite à l’hôpital est nécessaire, celle-ci se fait sous escorte policière. Par ailleurs, les réfugiés dans l’attente de l’examen de leur dossier peuvent recevoir la visite de proches. Des dispositions spéciales ont été prises afin de scolariser les enfants de réfugiés, a en outre fait valoir la délégation. Il est prévu de mettre prochainement en place des salles de classe à proximité des centres d’accueil, en recrutant des enseignants bilingues. Plus de 30 000 demandes d’acquisition de la nationalité grecque ont été déposées, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a par la suite souligné que les centres de rétention ne devaient pas être considérés comme des lieux de détention, même si la liberté de mouvement y est limitée. Par ailleurs, si les personnes d’ascendance africaine représentent un pourcentage significatif des migrants, l’administration ne les distingue pas des autres demandeurs d’asile, a assuré la délégation. Près de 20 000 personnes d’ascendance africaine résident en Grèce, a-t-elle précisé.

L’élaboration du rapport de la Grèce a été coordonnée par le Ministère des affaires étrangères, a d’autre part indiqué la délégation. Le projet de rapport a été envoyé à la Commission des droits de l’homme au sein de laquelle siègent six grandes ONG, a-t-elle précisé, soulignant qu’il s’agit de la procédure habituelle dans l’élaboration des rapports devant être soumis aux organes conventionnels. Ce processus est considéré comme globalement satisfaisant, même s’il est certes toujours possible de faire mieux, a-t-elle affirmé. Elle a par ailleurs reconnu la nécessité d’actualiser le document de base du pays.

La Loi contre le racisme de 1979 prévoit que les crimes racistes soient poursuivis d’office, a fait valoir la délégation. Cette Loi n’a toutefois été que rarement invoquée par des tribunaux, a-t-elle reconnu. Il y a eu une douzaine de décisions de justice dans des affaires de racisme ces deux dernières années, soit deux fois plus que depuis l’adoption de la loi de 1979, a ensuite précisé la délégation.

La délégation a d’autre part indiqué que cette Loi contre le racisme, qui avait dû être améliorée, figure au programme de la formation des magistrats. La délégation a d’autre part expliqué qu’en raison des coupes budgétaires, qui ont affecté la justice à hauteur de 30%, il était exclu que les cinq procureurs désignés pour instruire les affaires de racisme soient exclusivement spécialisés dans ce domaine. En revanche, des formations sur la spécificité des crimes racistes peuvent être dispensées aux juges dans l’ensemble du pays.

La délégation a par ailleurs assuré qu’il n’existait aucune contradiction entre la Convention et la Constitution. La Convention est interprétée à la lumière des observations générales du Comité, en particulier de son observation générale n°15 (concernant l’article 4 de la Convention) qui exige que les États fassent preuve de la plus grande vigilance face aux organisations racistes. La législation grecque permet de dissoudre par décision de justice toute association qui poursuivrait des objectifs illégitimes ou qui serait contraire à l’ordre public.

S’agissant plus spécifiquement des partis politiques, les Grecs ont considéré après la chute de la dictature militaire qu’il était de la plus haute importance de protéger les libertés politiques, en tant qu’élément constitutif de la démocratie. Cela explique qu’il ne soit pas possible de dissoudre un parti politique, a expliqué la délégation. Il existe toutefois des garanties permettant de protéger la démocratie et la société contre des activités criminelles éventuelles de la part de formations politiques ou d’une partie de leurs membres. Ces garanties ont été appliquées face à « Aube Dorée», dont la totalité des députés ont été poursuivis en justice, après la levée de leur immunité par le Parlement; ils se voient reprocher d’avoir mis sur pied une organisation criminelle et d’y avoir participé – une incrimination sévèrement punie par la loi. En outre, le versement de subsides de l’État à «Aube Dorée» a été suspendu grâce à une nouvelle disposition datant de 2013. Vingt-et-un membres d’ «Aube Dorée» ont été inculpés pour divers crimes, dont deux cas relevant d’actes racistes, a souligné la délégation.

La délégation a ajouté que les membres des forces d’ordre recevaient des formations sur les droits de l’homme et sur les mesures de protection contre les violences raciales.

La minorité musulmane de Thrace est composée de trois groupes distincts, a indiqué la délégation, soulignant que leur point commun est la religion. Le Traité de Lausanne de 1923 identifie cette minorité en tant que minorité religieuse reconnue par l’État grec et la Grèce continue de respecter pleinement ses obligations en vertu de ce Traité, a assuré la délégation. Les musulmans des îles de Rhodes et de Kos bénéficient des mêmes droits que le reste de la population, même s’il ne sont pas considérés formellement comme une minorité, a-t-elle ajouté.

S’agissant de la minorité macédonienne slavophone, la délégation a attiré l’attention sur le fait qu’une formation politique ayant pour ambition de la représenter n’avait pas obtenu plus de 0,1% des voix. Elle a indiqué que la province grecque de Macédoine comptait 2,5 millions d’habitants et a souligné que l’utilisation de l’adjectif «macédonien» pour désigner uniquement les Slaves de la région ne pouvait qu’entraîner la confusion.

La société civile de Thrace est dynamique, comptant de nombreuses associations, y compris des associations représentant des minorités, a poursuivi la délégation. Les autorités n’ont imposé aucune restriction à l’appellation de ces associations, a assuré la délégation, faisant valoir le cas d’une association créée récemment pour représenter les turcophones et qui a pu utiliser librement l’adjectif «turc» dans son nom lorsqu’elle a été enregistrée.

Pour ce qui concerne la communauté rom, la délégation a précisé que quelque 800 personnes avaient vu leurs projets de création d’entreprise et d’intégration sur le marché du travail soutenus par les pouvoirs publics. Par ailleurs, près de 2400 personnes reçoivent l’assistance de 27 centres de soutien social pour les groupes roms et les groupes vulnérables dans les municipalités comptant une population rom significative. Ces centres fournissent des soins de santé primaires et des services sociaux. La délégation a reconnu que les Roms faisaient partie des catégories de la population les plus mal logées. Des actions pilotes ont été mises en œuvre ces derniers temps dans trois régions, par la création d’infrastructures de base, des routes notamment, et l’octroi de taux d’intérêt peu élevés. L’État a débloqué des fonds spécifiques pour le Cadre stratégique d’inclusion des Roms, pour l’exercice 2014-2020, en puisant dans le budget national et en profitant des fonds structurels européens. Cette stratégie touche aux secteurs de l’éducation, de l’emploi, du logement et de la santé.

La délégation a dit être consciente de la difficulté de la tâche, estimant que l’intégration des Roms constitue un défi majeur pour la Grèce et d’autres pays européens. La Grèce n’a toutefois pas connu d’incidents majeurs impliquant cette communauté, ce qui ne signifie pas pour autant que l’on puisse se satisfaire de la situation, a ajouté la délégation.

Conformément au principe de l’auto-identification individuelle, chacun peut s’identifier comme il le souhaite, ce qui n’implique pas que l’État soit tenu de reconnaître une minorité en dehors de certains critères définis par le droit international, a ensuite souligné la délégation. Toute personne appartenant à la minorité musulmane de Thrace est libre de faire état de son origine, de parler sa langue, de pratiquer sa religion et d’observer ses coutumes et traditions particulières, a-t-elle assuré. Mais il n’est pas acceptable pour la Grèce de tenter d’établir une identité musulmane unique pour l’ensemble de la minorité musulmane de Thrace, qui fondrait les Pomaques et les Roms au sein d’un identité turque prétendument commune.

Par ailleurs, personne ne nie l’existence d’une petite minorité slavophone en Macédoine, a ajouté la délégation, précisant que cette petite minorité est libre de parler sa langue en privé et d’organiser des manifestations culturelles et qu’aucune plainte n’a été déposée par aucun de ses membres auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

S’agissant de l’Inspection du travail, la délégation a indiqué que la Grèce envisageait de ratifier la Convention pertinente de l’Organisation internationale du travail (OIT), à savoir la Convention n°81.

Remarques de conclusion

M. MARUGÁN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Grèce, a rappelé que la Grèce était la gardienne de la frontière européenne la plus problématique et a souligné que les objectifs économiques et financiers ne devaient pas l’emporter sur le respect des droits fondamentaux. Il a souligné l’importance de lutter contre la discrimination au travail et d’améliorer la tenue des statistiques. Il a par ailleurs jugé important de mettre en œuvre la stratégie pour la promotion de la communauté rom. Le rapporteur s’est enfin félicité de la sincérité de la délégation et de la présentation sans fard de la situation régnant dans le pays.

M. PAPAÏOANNOU, Secrétaire général à la transparence et aux droits de l’homme au Ministère de la justice de la Grèce, a souligné que si la Grèce peut se prévaloir d’une longue tradition de lutte pour la démocratie et la liberté, il y subsiste toutefois un vieux fond d’extrême droite qui ne saurait néanmoins être assimilé au néonazisme. Les idées racistes constituent un défi pas seulement pour la Grèce, a-t-il fait observer. On ne saurait être surpris que les coupes budgétaires imposées par les institutions financières internationales sur l’ensemble des budgets publics aient eu des effets néfastes sur les mécanismes de protection des droits de l’homme. Les autorités ont l’intention de prendre des mesures afin que l’organe de contrôle des médias, qui est par ailleurs indépendant, fasse preuve d’une meilleure réactivité face aux discours de haine, a ajouté M. Papaïoannou. Aucun peuple, aucune nation n’est à l’abri du racisme, ainsi que l’on peut le constater en Europe et en Amérique du Nord, a-t-il insisté. Toutefois, les Grecs ont aussi fait majoritairement preuve de solidarité et d’ouverture dans les épreuves qu’ils ont traversées, a souligné M. Papaïoannou, rendant hommage au rôle des ONG dans la gestion de l’afflux de réfugiés.



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CERD16/014F