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LE COMITÉ AUDITIONNE LA SOCIÉTÉ CIVILE AU SUJET DE L’APPLICATION DE LA CONVENTION À SRI LANKA ET AU PAKISTAN

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a auditionné, ce matin, des intervenants de la société civile au sujet de la mise en œuvre de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale à Sri Lanka et au Pakistan – les deux pays dont les rapports seront examinés cette semaine.

S’agissant de Sri Lanka, les discussions ont essentiellement porté sur la situation des minorités et plus particulièrement celle des «Tamouls des plantations» eu égard aux discriminations dont ils sont victimes.

En ce qui concerne le Pakistan, ont notamment été abordés les discriminations subies par les minorités ethniques et religieuses dans ce pays, ainsi que les crimes d’honneur et l’absence de définition de la discrimination raciale dans la législation interne.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de Sri Lanka, qu’il achèvera demain matin.


Audition de la société civile

S'agissant de Sri Lanka

IMADR a dans un premier temps salué la bonne gouvernance du nouveau Gouvernement sri-lankais. Ce Gouvernement a fait des efforts considérables pour le bien-être et les droits de la population sri-lankaise – et notamment pour les minorités. Il reste cependant un grand nombre de difficultés, a souligné l’ONG. Les droits de l’homme des «Tamouls des plantations» ont été bafoués; ils vivent dans une situation très difficile, en termes d’accès à l’éducation et au logement, ainsi que du fait de l’accaparement des terres, des violences familiales et de l’alcoolisme, a précisé l’ONG, ajoutant que 37% des enfants de cette communauté sont obligés de travailler. Beaucoup de citoyens appartenant à cette minorité n’ont pas de documents d’identité, a insisté l’ONG. La loi sur la prévention du terrorisme a été utilisée pour détenir de manière arbitraire des membres des minorités, a-t-elle en outre déploré. Les «Tamouls des plantations» sont aussi sous-représentés dans la fonction publique, a poursuivi la délégation. Les femmes et les filles de cette communauté soufrent particulièrement de discrimination et la discrimination touche aussi d’autres minorités à Sri Lanka.

Minority Rights Group International a également insisté sur les violences et discriminations que continuent de subir les minorités à Sri Lanka, affirmant que les violations des droits de l’homme à l’encontre des minorités religieuses et ethniques se poursuivent sous le nouveau Gouvernement. Un grand nombre d'incidents ayant impliqué des fonctionnaires de l’État sont intervenus depuis les élections de janvier 2015, a indiqué l’ONG. Des agents de l’État ont par exemple refusé, en toute illégalité, d’octroyer des permis de construire pour des écoles et des lieux de culte à l’intention des minorités. L’ONG a par ailleurs déploré les discours de haine qui continuent de viser les minorités à Sri Lanka; des attaques violentes ont aussi été recensées à leur encontre. La Loi sur la prévention du terrorisme, qui reste en vigueur et continue d’être appliquée, contient des dispositions très polémiques, a par ailleurs rappelé l’ONG. Cette Loi permet par exemple que des aveux obtenus par la police soient admissibles devant les tribunaux; or de tels aveux sont souvent obtenus sous la torture. Cette Loi est aussi utilisée pour lutter contre l’opposition, a ajouté l’ONG. Dans le nord du pays, les forces de sécurité sont responsables de violences sexuelles contre les femmes des minorités, ce qui ne fait que renforcer la vulnérabilité de ces femmes, a-t-elle poursuivi. Les progrès sont lents à Sri Lanka, ce qui risque de faire dérailler le processus de justice transitionnelle, a averti l’ONG. Elle a souhaité que le Gouvernement prenne rapidement des mesures contre les discours de haine et les violences à l’encontre des minorités. L’ONG a également exprimé l’espoir que la justice sri-lankaise poursuive les auteurs de crimes sexuels.

Dans le cadre de l’échange de vues qui a suivi ces présentations, un membre du Comité a notamment souhaité en savoir davantage sur les violences qui ont eu lieu lors d’une manifestation en juin 2014. Il a aussi demandé davantage d’informations sur le harcèlement à l’encontre des veuves et s’est enquis des éventuelles enquêtes diligentées à ce sujet au niveau international.

Une experte a demandé des informations sur le contenu des programmes scolaires et a souhaité savoir s’ils participaient à la lutte contre les discriminations, notamment à l’encontre des «Tamouls des plantations». Une autre experte a rappelé que beaucoup de Tamouls sont des réfugiés originaires de l’Inde; certains membres de cette communauté sont désireux de retourner chez eux, a-t-elle donc souligné, avant de demander si l’Etat sri-lankais avait prévu des dispositifs pour permettre ce retour.
Plusieurs membres du Comité ont souhaité en savoir davantage sur la place et les modalités d’application du droit coutumier.

Des informations ont en outre été requises sur les Maures (musulmans de Sri Lanka) et la discrimination à leur encontre.

Un expert s’est enquis des solutions proposées aux apatrides du pays.

Concernant les castes, un membre du Comité a souhaité connaître les groupes ethniques touchés par ce phénomène et l’ampleur de ce dernier.

En réponse à ces interrogations des experts, une ONG a souligné que les incidents de Aluthgama de juin 2014 avaient pris pour cibles les musulmans. La police n’a pas reçu l’ordre d’intervenir d’où le grand nombre de victimes, a-t-elle ajouté.

Concernant le processus de justice transitionnelle, une loi portant création d’un bureau des personnes disparues a été promulguée il y a quelques jours, a ajouté la société civile, précisant qu’elle analyserait la manière dont ce bureau va travailler.

Concernant les «Tamouls des plantations», le nouveau Gouvernement a mis sur pied des dispositifs d’action affirmative (ou discrimination positive) qui restent très lents à mettre en œuvre, a-t-il également été indiqué à l’intention des membres du Comité. Cette communauté a aussi reçu du Gouvernement des petits terrains qui ne lui permettent pas de faire vivre l’ensemble des familles concernées. S’agissant des castes, une ONG a répondu que ce système d’oppression d’une partie de la population sur une autre date de la période coloniale. Les populations des castes inférieures assument les tâches considérées comme mineures, comme par exemple la récolte des feuilles de thé.

S’agissant du Pakistan

Centre for Social Justice a fait observer qu’aucune disposition contre les discriminations raciales n’a été prise au Pakistan. De plus, chaque année, 2000 femmes sont assassinées au Pakistan sous le motif de crimes d’honneur. Cela fait 28 ans qu’aucun recensement n’a été réalisé dans ce pays, ce qui témoigne de la méfiance qui existe entre les différentes communautés ethniques et religieuses, ainsi qu’entre les différents échelons de la société, a ajouté l’ONG. Les personnes d’ascendance africaine sont le groupe qui souffre le plus de discriminations, a-t-elle poursuivi; les autorités pakistanaises ont tenté de les forcer à se convertir à l’islam, a-t-elle précisé, avant de déplorer que le rapport n’évoque guère ces communautés.

Minority Rights Group International a déclaré que les minorités au Pakistan sont victimes de violences et de discriminations, notamment dans les domaines de l’éducation et de l’emploi. L’ONG a attiré l’attention sur les multiples restrictions qui entravent la participation des minorités au système politique; certaines ne peuvent élire les députés et ont dès lors décidé de boycotter les élections locales. La communauté Hazara, une minorité ethnique au Pakistan, est une cible facile des extrémistes sunnites et a été ghettoïsée dans deux régions, a poursuivi l’ONG, précisant que les restrictions auxquelles se heurtent les membres de cette minorité en termes de libertés et de notamment de mobilité restreignent leur accès aux droits économiques, sociaux et culturels. Les personnes d’ascendance africaine, notamment les Sheedi (ou Siddhis), présents dans le Sud du Pakistan, ont souffert et continuent de souffrir de discriminations raciales dans le domaines économique, du mariage et de l’emploi; ils sont aussi sous-représentés dans la sphère politique. Les femmes Sheedi sont particulièrement vulnérables et sont confrontées à d’importantes difficultés pour obtenir un travail; leur participation à la vie culturelle a été limitée en raison de la montée de l’intolérance et de l’insécurité au Pakistan.

Dans le cadre de l’échange de vues qui a suivi ces présentations, un membre du Comité a notamment souhaité savoir si l’arsenal législatif permettait de défendre les minorités ethniques et religieuses au Pakistan. Il a souhaité savoir où, dans la législation interne pakistanaise, étaient reprises les dispositions de la Convention. L’expert a par ailleurs noté une radicalisation du discours religieux au Pakistan. Il s’est également enquis de l’impact de la législation antiterroriste: permet-elle de lutter contre des opposants et qu’en est-il de son impact sur les forces armées? Cet expert a en outre voulu en savoir davantage sur la loi contre le blasphème. Il est revenu sur l’assassinat d’un bâtonnier, soulignant que cet acte porte atteinte à la justice et aux droits fondamentaux. Concernant la situation des réfugiés, l’expert a rappelé que plus d’1,5 million d’Afghans se trouvaient au Pakistan et s’est enquis de la manière dont l’État pakistanais gère la politique des réfugiés. Cet expert a d’autre part relevé que beaucoup de personnes sont sans papiers au Pakistan et que certaines personnes nées sur le territoire pakistanais n’ont pas reçu d’acte de naissance.

Un autre membre du Comité s’est dit horrifié par les 2000 cas de crimes d’honneur recensés annuellement au Pakistan et a souhaité en savoir davantage sur cette pratique.

Un autre expert a demandé si la société civile avait pu participer à la réalisation du rapport du Pakistan. Cet expert a par ailleurs souhaité en savoir davantage au sujet des persécutions que subissent les Dalits et les Ahmadis.

En réponse à ces interrogations des experts, une ONG a souligné qu’il n’y avait pas de définition de la discrimination raciale dans la loi pakistanaise. Par contre, on retrouve dans la Constitution du Pakistan toute une série de dispositions qui entravent ce principe de non-discrimination, comme la liberté d’imposer le mode de vie musulman ou l’interdiction faite aux avocats non musulmans de plaider dans les tribunaux chiites.

Bien que la Constitution prévoie que l’ensemble des minorités religieuses puissent exercer librement leur culte, une ONG a fait observer que certaines de ces minorités ont été poursuivies par la justice pour blasphème.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CERD/16021F