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LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DU LIBAN

Compte rendu de séance
Le système confessionnel en vigueur dans le pays ainsi que la question des réfugiés – palestiniens et syriens – sont au centre des discussions

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Liban sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant ce rapport, Mme Najla Assaker, Représentante permanente du Liban auprès des Nations Unies à Genève, a reconnu que le système politique et juridique libanais n’était pas parfait. Les réformes ne sont pas un but en soi et elles doivent s’inscrire dans le cadre d’un processus progressif plutôt que d’une révolution, a-t-elle souligné. Elle a reconnu que sa délégation aurait dû se présenter devant le Comité depuis une décennie, le dernier examen du Liban remontant à 2004; la paralysie des institutions consécutive à une série d’assassinats politiques ainsi que l’agression israélienne ont contribué à la paralysie des institutions, a-t-elle expliqué. La situation en Syrie, ainsi que l’instrumentalisation de la religion à des fins terroristes ont encore aggravé les choses, le Liban se retrouvant sur le devant de la scène et voyant affluer un flot considérable de réfugiés. Comment un petit pays de 10 000 km2, peuplé de quatre millions d’habitants, avec une densité de 400 habitants au kilomètre carré, pourrait-il accueillir 1,6 million de réfugiés sans en être affecté, a-t-elle demandé? Cette situation est susceptible de constituer une menace existentielle, a-t-elle ajouté. Le Liban doit dégager des ressources considérables pour faire face, a-t-elle expliqué, rappelant en outre que plus de 1,5 million de réfugiés palestiniens attendaient qu’Israël les laisse rentrer chez eux. Mme Assaker a reconnu que ces épreuves affaiblissaient l’État jour après jour. Le chômage augmente et la jeunesse quitte le pays, a-t-elle déploré.

Le Liban n’en reste pas moins attaché à la coopération internationale et ne renonce pas à ses obligations, a souligné la Représentante permanente. Elle a rappelé que le Liban était unique dans la région, en termes de respect des libertés démocratiques. Le Liban a réussi à mettre en œuvre des mesures fondamentales en faveur du respect de l’égalité, a insisté Mme Assaker.

La délégation libanaise était également composée de représentants des Ministères des affaires étrangères et des émigrés; de la justice; de l’éducation et de l’enseignement supérieur; de l’intérieur et des municipalités; et des affaires sociales. Elle comprenait également des représentants du Comité national des affaires de la femme et de la Commission du dialogue libano-palestinien.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, plus particulièrement, du système confessionnel en vigueur dans le pays ; de la crise syrienne et de l’afflux de réfugiés qui en découle ; des réfugiés palestiniens ; de l’interdiction des discours de haine ; de la situation des travailleurs domestiques ; des droits des femmes, s’agissant notamment de la transmission de la nationalité libanaise ; de la traite des êtres humains ; ou encore du projet de création d’une commission nationale des droits de l'homme.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Liban, M. Anwar Kemal, a jugé nécessaire l’adoption d’une loi spécifique définissant la discrimination raciale. Il a par ailleurs estimé nécessaire de prévoir des dispositions incriminant la propagation d’idées basées sur la supériorité raciale. M. Kemal a d’autre part relevé qu’il était nécessaire d’avoir un père libanais pour se voir reconnaître la nationalité libanaise, les Libanaises ne pouvant la transmettre à leurs enfants lorsque le père de ceux-ci est étranger. En outre, le confessionnalisme est la caractéristique fondamentale des institutions libanaises, a poursuivi le rapporteur, avant de rappeler que le Comité s’était interrogé par le passé sur la question de savoir quand ce système pourrait être aboli progressivement, comme cela est théoriquement envisagé.

Il semble que des étrangers condamnés à des peines de prison puissent de nouveau être arrêtés à l’issue de leur peine, sans même qu’ils aient commis un nouveau délit, s’est par ailleurs inquiété le rapporteur. Il apparaît aussi que les conditions de détention sont inhumaines, a-t-il ajouté. M. Kemal a ensuite affirmé que le Liban devait être loué pour sa politique d’accueil des réfugiés en provenance des pays en guerre de la région et, en premier lieu, de la Syrie voisine. Toutefois, le Liban a semble-t-il imposé dernièrement des restrictions en matière d’octroi de visas, tout en rendant plus difficile la prolongation des permis de résidence et cela par crainte de déséquilibrer l’équilibre confessionnel du pays, a relevé le rapporteur. Il a enfin insisté sur la nécessaire protection des travailleurs migrants, lesquels devraient être prémunis contre la maltraitance et l’exploitation susceptibles de découler du système de parrainage (kafala).

Plusieurs membres du Comité ont mis l’accent sur le fardeau énorme supporté par le Liban dans le contexte des crises régionales, alors que le pays accueille des centaines de milliers de réfugiés palestiniens et syriens. Aujourd’hui, le pays est confronté à un risque majeur de désagrégation, a averti un expert, faisant observer que certains pays de la rive nord de la Méditerranée ne craignaient pas de faire la fine bouche pour quelques milliers de réfugiés arrivant sur leurs côtes, alors que le Liban est menacé de submersion et laissé seul dans une situation impossible. La question du Liban doit être considérée comme prioritaire par le Comité, a insisté cet expert.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Liban et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 26 août.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l’Ukraine.



Présentation du rapport du Liban

Le Comité est saisi du rapport périodique du Liban et de la liste de points devant être abordés lors de l’examen, communiquée au préalable à l’État partie. Le Comité est également saisi du document de base du Liban contenant des renseignements généraux et factuels relatifs à l'application des instruments auxquels cet Etat est partie, à l'intention des organes conventionnels concernés.

MME NAJLA ASSAKER, Représentante permanente du Liban auprès des Nations Unies à Genève, a reconnu que le système politique et juridique libanais n’était pas parfait. Les réformes ne sont pas un but en soi et elles doivent s’inscrire dans le cadre d’un processus progressif plutôt que d’une révolution, a-t-elle souligné. Elle a reconnu que sa délégation aurait dû se présenter devant le Comité depuis une décennie, le dernier examen du Liban remontant à 2004. La paralysie des institutions consécutive à une série d’assassinats politiques dont celui de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, ainsi que l’agression israélienne ont contribué à la paralysie des institutions, a-t-elle expliqué. La situation en Syrie, ainsi que l’instrumentalisation de la religion à des fins terroristes ont encore aggravé les choses, le Liban se retrouvant sur le devant de la scène et voyant affluer un flot considérable de réfugiés. Comment un petit pays de 10 000 km2, peuplé de quatre millions d’habitants, avec une densité de 400 habitants au kilomètre carré – l’une des plus fortes du monde –, pourrait-il accueillir 1,6 million de réfugiés sans en être affecté, a-t-elle demandé? Cette situation est susceptible de constituer une menace existentielle, a-t-elle ajouté.
Les organisations terroristes agissant en Syrie sont aux portes du Liban, celui-ci se devant de les contenir et de les repousser, a poursuivi Mme Assaker. Ces difficultés se sont ajoutées à d’autres épreuves, notamment l’agression et l’occupation israéliennes d’une partie du territoire. Le Liban doit dégager des ressources considérables pour faire face, a-t-elle expliqué, rappelant que plus de 1,5 million de réfugiés palestiniens attendaient qu’Israël les laisse rentrer chez eux. Mme Assaker a reconnu que ces épreuves affaiblissaient l’État jour après jour. Le chômage augmente et la jeunesse quitte le pays, a-t-elle déploré.

Le Liban n’en reste pas moins attaché à la coopération internationale et ne renonce pas à ses obligations, a souligné la Représentante permanente. Il s’est soumis à l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme et a présenté les rapports pertinents devant plusieurs organes conventionnels, a-t-elle fait valoir. Le Liban collabore avec de nombreux experts et rapporteurs spéciaux de l’ONU qui ont pu y effectuer des visites officielles, a-t-elle ajouté. Elle s’est par ailleurs félicitée du rôle important joué par les ONG, notamment lorsqu’elles effectuent des tâches que l’État n’est pas en mesure de remplir.

Mme Assaker a rappelé que le Liban était unique dans la région, en termes de respect des libertés démocratiques. La liberté de croyance est absolue et garantie par l’État, a-t-elle fait valoir. Tout citoyen a toute liberté pour pratiquer sa foi, tant qu’il ne porte pas atteinte à la sûreté du pays. Le Liban a réussi à mettre en œuvre des mesures fondamentales en faveur du respect de l’égalité, a ajouté la Représentante permanente. Le pays a ainsi incriminé en 2011 la traite des êtres humains, ainsi que les crimes d’honneur. Le projet de création d’une commission de défense des droits de l’homme est en cours.

Une Commission du dialogue libano-palestinien a été créée pour faciliter la concertation avec les réfugiés de 1948 et pour améliorer les relations de ces derniers avec la population locale, a poursuivi Mme Assaker. Mais le Liban ne peut donner plus que ce qu’il a, ce qui explique qu’il ne saurait être question d’une installation définitive (de ces réfugiés) dans le pays et que le retour des réfugiés dans leur patrie doit donc demeurer un objectif essentiel. C’est aussi la raison pour laquelle le Liban doit pouvoir continuer de bénéficier de l’assistance internationale, a expliqué Mme Assaker.

Le Liban intègre 18 confessions différentes en s’efforçant de préserver un équilibre délicat, a d’autre part souligné la Représentante permanente. Cette diversité est une source de richesse et n’empêche aucunement les citoyens de vivre en bonne intelligence, a-t-elle fait observer. Cette coexistence est au cœur même de la Constitution du pays. Mme Assaker a rappelé les propos du pape Jean Paul II, qui disait que le Liban était un message davantage qu’un pays. La majorité des pays de la région sont menacés par l’implosion et le Liban estime que son modèle gagnerait à être imité par ses voisins, a conclu la Représentante permanente.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. ANWAR KEMAL, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Liban, a rappelé qu’aucun recensement officiel n’avait été mené au Liban depuis 1932, en raison du caractère sensible de la préservation de l’équilibre politique confessionnel institué dès avant l’indépendance. Toutefois, si l’on en croit le World Factbook compilé par la CIA, les musulmans constitueraient 54% de la population (répartis en deux moitiés égales – chiite et sunnite) et les chrétiens 40,5%.

Sur le plan juridique, l’adoption d’une loi spécifique définissant la discrimination raciale semble s’imposer, a estimé M. Kemal; le rapport mentionne en effet que l’égalité entre citoyens est définie dans des termes généraux afin de couvrir toutes les formes de discrimination. Le rapporteur a par ailleurs estimé nécessaire de prévoir des dispositions incriminant la propagation d’idées basées sur la supériorité raciale. Il a aussi jugé nécessaire de prévoir une disposition légale interdisant les discours de haine.

M. Kemal a d’autre part relevé qu’il était nécessaire d’avoir un père libanais pour se voir reconnaître la nationalité libanaise, les Libanaises ne pouvant la transmettre à leurs enfants lorsque le père de ceux-ci est étranger. En outre, le confessionnalisme est la caractéristique fondamentale des institutions libanaises, a poursuivi le rapporteur. Dix-huit dénominations sont reconnues qui toutes jouissent de leur propre système juridique pour régler les questions d’ordre personnel, a observé M. Kemal. Cela a aussi pour conséquence que la répartition des postes sur les plans politique et administratif a été fixée à l’origine en fonction de la représentativité démographique estimée de chaque confession. Alors que le chef de l’État est censé être un chrétien maronite, le poste est vacant depuis 2014, le Parlement s’étant montré incapable de réunir une majorité des deux tiers sur un nom, a relevé le rapporteur. M. Kemal a rappelé que le Comité s’était interrogé par le passé sur la question de savoir quand ce système pourrait être aboli progressivement, comme cela est théoriquement envisagé.

S’agissant de la mise sur pied d’une institution nationale des droits de l’homme, M. Kemal a jugé trop lents les progrès à cet effet et a souhaité savoir si la délégation libanaise était en mesure de fixer une échéance. Il a aussi souhaité savoir ce qu’il en était de la mise en œuvre du Plan national des droits de l’homme annoncé en 2012. Il a également voulu savoir si des progrès avaient été enregistrés depuis le lancement de la Stratégie nationale de développement social qui fixait des objectifs en matière de santé, de sécurité sociale et d’éducation.

Le rapporteur s’est ensuite enquis des mesures prises pour lutter contre les actes de discrimination raciale commis par des acteurs privés, pour sanctionner ces actes et offrir réparation aux victimes. Quelle réponse a-t-il été apporté aux troubles et incidents sécuritaires ayant impliqué des Libanais, des travailleurs étrangers et des réfugiés, a-t-il par ailleurs demandé? Il semble que des étrangers condamnés à des peines de prison puissent de nouveau être arrêtés à l’issue de leur peine, sans même qu’ils aient commis un nouveau délit. Il apparaît aussi que les conditions de détention sont inhumaines, a ajouté le rapporteur.

M. Kemal s’est en outre enquis de l’application de la Loi de 2011 réprimant la traite des êtres humains et des sanctions prononcées contre des personnes reconnues coupables de traite. Il a par ailleurs souhaité connaître le cadre législatif régissant la protection des droits des réfugiés, afin de remplacer la loi réglementant l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers au Liban. Rappelant que lors du dernier examen du Liban en 2004, le Comité avait demandé que des mesures soient prises afin d’améliorer la situation des réfugiés palestiniens, il a souhaité savoir ce qui avait été fait pour permettre leur accès sans discrimination à l’emploi, au logement, aux soins de santé et à l’éducation. M. Kemal a ensuite affirmé que le Liban devait être loué pour sa politique d’accueil des réfugiés en provenance des pays en guerre de la région et, en premier lieu, de la Syrie voisine. Toutefois, le Liban a semble-t-il imposé dernièrement des restrictions en matière d’octroi de visas, tout en rendant plus difficile la prolongation des permis de résidence et cela par crainte de déséquilibrer l’équilibre confessionnel du pays, a relevé le rapporteur. Des mesures ont-elles néanmoins été prises pour permettre l’exercice des droits économiques et sociaux par les réfugiés syriens, notamment pour ce qui a trait à l’accès à l’emploi, au logement, aux soins de santé et à l’éducation?

Enfin, le rapporteur a insisté sur la nécessaire protection des travailleurs migrants, lesquels devraient être prémunis contre la maltraitance et l’exploitation susceptibles de découler du système de parrainage (kafala). Des mesures ont-elles été prises, compte tenu du fait que le pays n’est pas parvenu à imposer le modèle classique de contrat de travail pour protéger les employés domestiques et compte tenu du faible nombre de poursuites engagées contre les auteurs de maltraitance et d’exploitation, a-t-il demandé?

Un autre membre du Comité a souligné le fardeau énorme supporté par le Liban. Un de ses collègues a rappelé que le «Pays du cèdre», qui a été la première démocratie de la région, avait longtemps été considéré comme «une deuxième Suisse». Aujourd’hui, le pays est confronté à un risque majeur de désagrégation, a-t-il averti. Il a relevé que certains pays de la rive nord de la Méditerranée ne craignaient pas de faire la fine bouche pour quelques milliers de réfugiés arrivant sur leurs côtes, alors que le Liban est menacé de submersion et laissé seul dans une situation impossible. La question du Liban doit être considérée comme prioritaire par le Comité, a insisté cet expert.

Un autre membre du Comité a souligné qu’il est quasi impossible d’acquérir la nationalité libanaise. Tout en disant comprendre ce qui pouvait expliquer un tel état de fait, il a souligné qu’il y a là un problème et que rien ne saurait justifier que les Libanaises ne puissent transmettre leur nationalité à leurs enfants.

Une experte a souhaité que le Liban actualise son document de base, qui date de 1996, même s’il ne dispose pas de toutes les données nécessaires. Elle s’est interrogée sur le maintien à 21 ans de l’âge de la majorité au Liban, alors que dans la plupart des pays il est de 18 ans. Elle a enfin estimé nécessaire que le Liban ratifie la Convention n°189 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) sur les travailleuses et travailleurs domestiques. Une autre experte s’est alarmée de la situation des travailleuses domestiques qui vivent recluses chez leurs employeurs et ne sont pas en mesure d’échapper à une quasi-servitude, à moins de bénéficier de complicités, pas plus qu’elles ne sont en mesure de faire valoir leurs droits. Cette experte a reconnu que ce problème ne concernait pas uniquement le Liban et touchait en fait tout le Moyen-Orient. Une de ses collègues a renchéri en demandant s’il était envisageable que l’inspection du travail puisse se rendre chez les employeurs concernés et enquêter au sein des foyers privés.

Pour quelles raisons le Parlement n’a-t-il pas voté la création d’une institution nationale des droits de l’homme, a demandé un expert, avant d’ajouter qu’il serait souhaitable que celle-ci soit conforme aux Principes de Paris? Ce même expert a par ailleurs souhaité savoir s’il était exact que les réfugiés syriens étaient cantonnés par la loi à des travaux essentiellement domestiques – ce qui constituerait une discrimination flagrante, a-t-il souligné.

Un autre expert a jugé que le Liban était pratiquement «un miracle», compte tenu de la région dans laquelle il se trouvait. Rappelant que le système confessionnel était censé devenir caduc par étape, cet expert a suggéré l’adoption d’un code civil comme une alternative à l’obligation de contracter des mariages religieux. Un autre expert s’est étonné que l’État libanais se définisse comme laïc, compte tenu du système de partage confessionnel du pouvoir qui en vigueur dans ce pays.

Réponses de la délégation

La délégation libanaise s’est dite touchée par les mots des membres du Comité, disant avoir ressenti une véritable solidarité de leur part. Dès ses premiers éléments de réponse, la délégation a estimé qu’en souscrivant aux instruments internationaux des droits de l’homme, en premier lieu à la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Liban disposait des fondamentaux nécessaires interdisant la discrimination raciale.

Le fait que la Constitution consacre le principe de l’égalité signifie le rejet de toute possibilité de discrimination, a ensuite insisté la délégation. Elle a toutefois reconnu que cela ne saurait suffire et s’est engagée à proposer au Gouvernement d’élaborer un projet de texte sur la discrimination.

Tout citoyen a le droit de ne pas déclarer sa confession à l’état civil, faculté dont se sont
prévalus un certain nombre de Libanais, a ensuite souligné la délégation. Quant au mariage civil de Libanais contracté à l’étranger, il est reconnu par l’état civil libanais, a-t-elle fait valoir. L’accord interlibanais de Taëf de 1990 prévoit l’abrogation du système confessionnel à l’issue d’un processus, une feuille de route à établir, a-t-elle poursuivi. De nombreuses tentatives ont été faites pour dépasser la situation actuelle, ce qui implique la réforme du statut personnel, réforme qui n’a fait l’objet d’aucun projet de loi à ce jour, a indiqué la délégation.

Des débats ont lieu au Liban afin de réformer la formule institutionnelle en vigueur. Le concept du vivre ensemble est l’antidote de la discrimination, a souligné la délégation. Le «Pacte national» a visé à préserver la coexistence et la cohésion du pays en partageant équitablement le pouvoir entre les communautés. La «diversité dans l’unité» à la libanaise constitue un modèle dans un environnement régional où l’on observe un effritement du tissus social, a estimé la délégation. L’actuelle menace existentielle qui pèse sur le Liban est due à la crise syrienne et à l’exode des populations qu’elle entraîne, a-t-elle expliqué. Citant le Secrétaire général de l’ONU, la délégation a fait observer que «la crise syrienne n’est pas une crise migratoire, c’est une crise de la solidarité».

S’agissant précisément de l’afflux migratoire actuel, la délégation a précisé que le Liban n’avait jamais fermé ses frontières à toute personne en danger – et ce, bien qu’il ne soit pas partie à la Convention sur les réfugiés de 1951. Si un pays comme la France devait accueillir la même proportion de réfugiés que le Liban, cela signifierait qu’elle devrait offrir l’asile à toute la population de la Belgique et de la Lituanie; dans le cas des Etats-Unis, cela équivaudrait à ouvrir la frontière à cent millions de Mexicains, a fait observer la délégation. Le Liban, qui estime à 13 milliards de dollars le coût de l’accueil des réfugiés de Syrie, a dû réguler l’entrée des Syriens afin de ne pas risquer un effondrement total, a-t-elle expliqué, avant d’ajouter que les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées ont un droit d’entrée sans entraves. Le Liban applique le principe de non-refoulement et tout Syrien résidant illégalement en territoire libanais peut demander une régularisation de sa situation, procédure qui a un coût, celui-ci pouvant ne pas être imposé dans certains cas, a ensuite expliqué la délégation. Le Liban mérite un certificat de bonne conduite pour le caractère civilisé de son attitude face à une telle situation, a insisté la délégation. Le problème principal provient d’une absence de solidarité internationale à l’égard des pays qui doivent assumer des charges incommensurables, a de nouveau souligné la délégation, tout en reconnaissant le rôle capital joué par les organisations internationales et les ONG. À cet égard, le Liban estime toutefois qu’une meilleure coordination s’avère nécessaire entre ces organisations.

Les réfugiés palestiniens sont placés dans une catégorie spéciale, ne relevant pas de la Convention de 1951, en ne pouvant pas être réinstallés dans un pays tiers, a poursuivi la délégation. Conformément aux résolutions pertinentes des Nations Unies, que la puissance occupante a toujours refusée d’appliquer, ils ont le droit de regagner leurs foyers et de réclamer une indemnisation. Tant qu’une solution durable n’aura pas été trouvée, l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNWRA) demeurera le symbole le plus important de la responsabilité internationale. Cette agence ne bénéficie toutefois pas des ressources nécessaires, son déficit dépassant les cent millions de dollars, a rappelé la délégation libanaise. Comment le Liban réussirait-il à faire ce que la communauté internationale se montre incapable de faire, a-t-elle demandé, avant de rappeler que 100 000 réfugiés étaient arrivés en 1948 et que les autorités de l’époque ne pouvaient alors imaginer que la situation ne serait pas réglée 65 ans plus tard? Leur nombre dépasserait désormais le demi-million, a ajouté la délégation. La renonciation du droit au retour des Palestiniens n’est pas envisageable, dirigeants palestiniens et libanais étant d’accord sur ce point, a-t-elle en outre fait observer. Le Liban a reconnu l’existence de l’État de Palestine et a ouvert une ambassade en 2011; par ailleurs, l’ONU a reconnu un statut d’observateur à l’État de Palestine, a rappelé la délégation.

Un certain nombre d’élèves et d’étudiants palestiniens fréquentent les écoles et universités libanaises, a ensuite souligné la délégation, en réponse à des questions relatives à la discrimination à laquelle les réfugiés et leurs descendants seraient confrontés. Des mesures ont été prises, conjointement avec l’UNRWA, afin d’améliorer l’infrastructure des camps palestiniens, a-t-elle ajouté, rappelant que les terrains sur lesquels ils se situent appartiennent à l’État, celui-ci en ayant délégué la gestion à l’agence de l’ONU. Les Palestiniens jouissent de tous les droits de l’homme, notamment économiques et sociaux, à l’exception des droits politiques et du droit à la nationalité, a souligné la délégation.

En réponse à une question concernant le projet de pacte mondial pour les réfugiés qui pourrait être conclu lors du sommet du 19 septembre prochain à New York consacré à la gestion des mouvements de migrants et de réfugiés, la délégation du Liban a émis un certain nombre de préoccupations, notamment quant au fait que le document final de ce pacte soit semble-t-il déjà finalisé. Le Liban est en particulier en désaccord avec le fait que pourrait être reconnu dans ce texte le droit à l’installation définitive des réfugiés dans les pays d’accueil. La délégation libanaise a par ailleurs attiré l’attention sur le fait qu’il y avait souvent un fossé entre les promesses d’assistance et les fonds qui arrivent effectivement aux pays qui sollicitent une telle assistance.

Pour ce qui est des droits des femmes, et plus particulièrement de la question de la transmission de la nationalité libanaise, la délégation a reconnu que seul le père pouvait transmettre sa nationalité à ses enfants; elle a admis qu’il s’agissait là d’une discrimination envers les femmes. Trois textes de loi sont en projet qui visent à fixer des quotas pour la représentation politique des femmes, a ensuite fait valoir la délégation. Quant à la législation sur le viol, elle stipule que cet acte n’est pas passible de poursuites en cas de mariage entre l’auteur et la victime, a indiqué la délégation.

S’agissant de la prévention des mariages précoces, la délégation a souligné qu’aucune confession n’autorisait les unions avant l’âge de 16 ans.

Depuis l’adoption en 2011 d’une loi réprimant la traite des êtres humains, le Liban fait le maximum pour lutter contre ce fléau et veille à ce que les victimes ne fassent l’objet d’aucune mesure discriminatoire, a par ailleurs indiqué la délégation.

Le Code pénal réprime les discours de haine, a d’autre part assuré la délégation libanaise. Les médias sont passibles de poursuites en cas de propagation de discours favorables à la haine, à la supériorité raciale, tout comme sont passibles de poursuites les appels à la discrimination ou au sectarisme.

Toute personne désireuse de travailler au Liban doit obtenir une autorisation préalable, a ensuite rappelé la délégation. Les professions ouvertes aux étrangers sont divisées en quatre catégories, dont celle des travailleurs domestiques, lesquels constituent le plus grand nombre de travailleurs immigrés, a-t-elle précisé. Toute personne autorisée à travailler ne peut changer de catégorie sans y avoir été autorisée, a expliqué la délégation, avant d’indiquer que les ressortissants éthiopiens, bangladais et pakistanais constituaient la majorité des travailleurs domestiques. Le lien entre l’employeur et l’employé est constitué d’un contrat qui complète l’autorisation préalable, des agences de l’emploi jouant un rôle de mise en relation entre les deux parties, a poursuivi la délégation. Bien que le Liban n’ait pas ratifié la Convention n°181 de l’OIT relative aux agences d’emploi privées, ces agences sont contrôlées et leur licence peut être révoquée en cas d’abus, a-t-elle assuré. Sont notamment reconnus les droits à un salaire, à la non-discrimination, à des congés (y compris des congés-maladie) et à s’affilier à un syndicat. L’employeur a l’obligation d’assurer des conditions de travail et d’hébergement décentes; il doit aussi fournir à son employé un billet d’avion de retour au pays.

La délégation a ensuite reconnu que si les plaintes en justice étaient extrêmement rares, cela ne signifiait pas que la situation soit sans nuage, un certain nombre d’employeurs ayant d’ailleurs été condamnés pour des abus. Les employés ont accès légalement à la justice, le problème pour eux semblant davantage être de nature culturelle lorsqu’il s’agit d’oser entreprendre une démarche visant à saisir la justice.

Le Liban envisage d’adhérer à la Convention n°189 de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques, a d’autre part indiqué la délégation; le pays a élaboré un projet de texte spécifique qui garantira le droit à un travail décent pour les travailleurs domestiques, a-t-elle ajouté. La confiscation du passeport (de l’employé) par l’employeur est illégale, de même que la claustration des employés par l’employeur, a en outre souligné la délégation. Les autorités libanaises ont diffusé, notamment à l’arrivée à l’aéroport, un guide à l’intention des employés qui est rédigé dans les principales langues parlées par ces travailleurs domestiques; les ONG participent également à la sensibilisation des employés à leurs droits.

Une prise de conscience de l’ensemble de cette problématique des travailleurs domestiques est nécessaire au sein de la société, a ensuite reconnu la délégation. Le projet de loi visant à les protéger prévoira que les lieux d’emploi puissent être visités par des travailleurs sociaux, ce qui est au demeurant déjà le cas dans les faits, a-t-elle indiqué. Si les inspecteurs du travail bénéficient de formations pour être en mesure d’identifier les cas de traite, il n’est pas envisagé, en revanche, de prévoir des inspections sans préavis, a-t-elle ajouté. À leur arrivée à Beyrouth, les autorités confient les travailleurs domestiques à leurs employeurs et garants après avoir remis auxdits travailleurs le guide susmentionné dans leur langue ainsi que le numéro de téléphone du bureau d’assistance. En aucun cas les autorités ne peuvent remettre ces travailleurs à une agence de recrutement. Le Ministère du travail s’efforce de sensibiliser les travailleurs domestiques à leurs droits, avec l’aide d’ONG, a en outre fait valoir la délégation.

Le projet de création d’une commission nationale des droits de l’homme prévoit qu’elle sera composée de 14 membres, dont des défenseurs des droits de l’homme et des représentants de la presse, a par ailleurs indiqué la délégation. L’une des missions de cette institution sera d’évaluer la conformité des textes de loi à l’aune des engagements internationaux du pays. Cette commission devra diffuser la culture des droits de l’homme, notamment via les établissements scolaires; elle devra aussi organiser des colloques et des programmes de formation pour les entités publiques et privées; elle devra, enfin, établir des rapports et formuler des recommandations visant à mieux respecter les droits fondamentaux. La délégation a reconnu qu’il aurait été souhaitable qu’elle soit en mesure ici d’annoncer la création de cette commission, mais cela n’a pas été possible de par la paralysie des institutions.

Remarques de conclusion

M. KEMAL, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Liban, a souligné l’énormité du fardeau reposant sur ce tout petit pays qu’est le Liban. Aussi, a-t-il insisté sur la charge et la responsabilité qui incombent à la communauté internationale à cet égard.

MME ASSAKER, Représentante permanente du Liban auprès des Nations Unies à Genève, a fait part de son soulagement, estimant que le Comité avait compris les conditions exceptionnelles que connaissait le Liban à l’heure actuelle. Cette réaction fait chaud au cœur, même si le Liban est effectivement connu dans le monde entier grâce à une diaspora qui donne une image positive des Libanais et de leurs talents, a-t-elle insisté. Le Liban a été la cible d’agressions; il fait l’objet de pressions innombrables; il connaît une situation économique et sociale tendue; mais cela ne le dispense pas pour autant de promouvoir les droits de l’homme dans tous les domaines, a-t-elle souligné. Les recommandations du Comité l’aideront dans cette tâche, a conclu Mme Assaker.

MME CRICKLEY, Présidente du Comité, a émis l’espoir que le Liban disposerait rapidement d’une institution nationale des droits de l’homme et que des ONG libanaises seraient présentes lors de l’examen du prochain rapport du pays par le Comité.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CERD16/019F