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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DE LA MONGOLIE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a examiné, hier après-midi et cet après-midi, le rapport présenté par la Mongolie sur les mesures prises par ce pays pour appliquer la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant ce rapport, M. G. Erdenebat, Procureur général adjoint de la Mongolie, a rendu compte de certaines des mesures prises par son pays pour donner effet aux recommandations issues de l’examen du précédent rapport du pays, s’agissant notamment de l’intégration dans les nouveaux codes pénal et de procédure pénale d’une définition de la torture conforme aux exigences de la Convention ainsi que de l’aggravation des sanctions encourues pour actes de torture, en particulier si l’auteur appartient à la fonction publique. La loi mongole a également été mise en conformité avec l’article 2 de la Convention: désormais, l'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique ne peut plus être invoqué pour justifier la torture, a fait valoir M. Erdenebat.

M. Erdenabat a d’autre part souligné que la Mongolie avait adhéré en 2014 au Protocole facultatif à la Convention concernant l’établissement d’un système de visites régulières sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, à des fins de prévention de la torture. Cette démarche, associée à la coopération de la Mongolie avec le Sous-comité des Nations Unies pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et à la création du mécanisme national de prévention, permettra à la Mongolie de réaliser des progrès substantiels dans la prévention de la torture et dans la traduction en justice des tortionnaires, a assuré le chef de la délégation.

La délégation mongole était également composée de plusieurs représentants du Ministère des affaires étrangères et d’un expert du Ministère de la justice. Elle a répondu aux questions et observations des membres du Comité s’agissant, en particulier, des nouveaux codes pénal et de procédure pénale ; de la définition de la torture ; des centres et régimes de détention et des garanties de procédure dont bénéficient les personnes privées de liberté ; des autorités compétentes pour enquêter sur les activités de la police ; de l’irrecevabilité des plaintes obtenues sous la torture ; de la Commission nationale des droits de l'homme ; des mineurs en conflit avec la loi ; des enfants jockeys ; de la réglementation des armes à feu ; de la lutte contre la violence sexuelle et familiale et contre la traite des êtres humains.

M. Jens Modvig, en tant que rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Mongolie, s’est interrogé sur l’indépendance effective de l’agence mongole de lutte contre la corruption, compte tenu du fait qu’elle dépend de la police et qu’elle soumet ses rapports au Ministère de la justice. Il a par ailleurs relevé que le Code de procédure pénale mongol n’interdisait pas l’audition de témoins qui auraient subi des actes de torture ou des mauvais traitements. M. Modvig a d’autre part relevé que la méfiance et la peur que semble inspirer la police mongole attestent peut-être que cette institution jouit d’une trop grande autonomie.

Mme Ana Racu, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport mongol, a souligné avec satisfaction que la Mongolie avait, depuis l’examen de son précédent rapport, ratifié plusieurs instruments internationaux importants, notamment la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. La loi mongole ne prévoyant pas le statut de réfugié, Mme Racu a fait observer que les demandeurs d’asile en Mongolie sont traités par défaut comme des migrants en situation irrégulière et s’est interrogé des possibilités offertes à ces personnes de déposer plainte si elles sont victimes de mauvais traitements.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Mongolie et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux vendredi 12 août.

Mercredi 10 août à 10 heures, le Comité se penchera sur la suite donnée par les États parties aux observations finales et recommandations qu’il leur a adressées, ainsi que sur la question des représailles exercées contre des personnes qui coopèrent avec le Comité.


Présentation du rapport

Le Comité était saisi du deuxième rapport périodique de la Mongolie (CAT/C/MNG/2), préparé par ce pays sur la base d’une liste de points à traiter (CAT/C/MNG/Q/2) qui lui avait été soumise par le Comité.

Présentant ce rapport, M. G. ERDENEBAT, Procureur général adjoint de la Mongolie, a fait part d’un certain nombre de mesures prises par la Mongolie pour donner effet aux recommandations issues de l’examen de son précédent rapport, précisant que ces mesures sont encadrées par un nouveau plan d’action national contre la torture et les mauvais traitements. Le Code pénal et le Code de procédure pénale ont été respectivement amendés en 2015 et 2016, pour intégrer une définition de la torture conforme aux exigences de la Convention et alourdir les sanctions contre les auteurs de torture, en particulier s’ils appartiennent à la fonction publique. La loi mongole a également été mise en conformité avec l’article 2 de la Convention: l'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique ne peut désormais plus être invoqué pour justifier la torture. Ces réformes, parmi d’autres, ont suscité en Mongolie des débats animés, nourris par les recommandations du Comité, a souligné M. Erdenebat.

Le chef de la délégation a ensuite précisé qu’en vertu de la loi de 2013 sur l’assistance juridictionnelle, les autorités ont ouvert des permanences juridiques employant 47 avocats qui prodiguent des services gratuits; le nombre des avocats ainsi impliqués va être augmenté, a-t-il indiqué. M. Erdenebat a par ailleurs informé le Comité que son pays avait accédé au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques: ainsi, la peine de mort est-elle désormais formellement abolie, son application ayant fait l’objet d’un moratoire depuis 2010.

Conformément à une autre recommandation du Comité contre la torture, le nouveau Code de procédure pénale interdit désormais aux forces de police, aux services de renseignement et à l’agence anticorruption d’enquêter sur les allégations de torture dans leurs propres rangs: il appartient au parquet de désigner à chaque fois l’autorité compétente pour mener les enquêtes, a poursuivi M. Erdenebat. Il a en outre indiqué que son pays était en train de créer un mécanisme national de prévention de la torture.

M. Erdenebat a également fait état des progrès réalisés par son pays dans le domaine de l’égalité entre les sexes, grâce à l’adoption d’une loi interdisant la discrimination envers les femmes et le harcèlement sexuel et imposant des quotas de femmes dans la fonction publique et dans les assemblées élues. D’autre part, le Code de procédure pénale sanctionne les fonctionnaires coupables de discrimination envers les lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels, tandis que les actes de violence domestique, y compris le viol conjugal, sont eux aussi sanctionnés par la loi mongole. Enfin, des procédures civiles régissent maintenant les réparations accordées aux victimes de la torture.

M. Erdenabat a souligné que la Mongolie avait adhéré en 2014 au Protocole facultatif à la Convention contre la torture concernant l’établissement d’un système de visites régulières sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, afin de prévenir la torture. Cette démarche, associée à la coopération de la Mongolie avec le Sous-Comité des Nations Unies pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et à la création du mécanisme national de prévention, permettra à la Mongolie de réaliser des progrès substantiels dans la prévention de la torture et dans la traduction en justice des tortionnaires, a conclu le chef de la délégation.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

En tant que rapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Mongolie, M. JENS MODVIG, par ailleurs Président du Comité, a souligné que le Comité plaide systématiquement en faveur de l’adoption, par les États, d’une définition de la torture entièrement conforme à celle de la Convention: le Comité vise ainsi à améliorer la prévention de la torture, a-t-il précisé. Il a demandé à la délégation d’expliquer pourquoi le nouveau Code pénal mongol ne contenait aucune disposition concernant la torture appréhendée en tant que moyen de faire pression sur des personnes ou leurs proches, alors qu’il s’agit là d’un aspect important de la définition contenue dans la Convention.

Le Comité avait déjà prié la Mongolie d’adapter les sanctions contre les auteurs de torture à la hauteur de la gravité de ce crime, a poursuivi le rapporteur, avant de s’inquiéter de la possibilité qu’offre le Code pénal de sanctionner certains actes de torture par de simples amendes.

M. Modvig a ensuite demandé des précisions concernant l’aide juridictionnelle, voulant savoir si les justiciables ont le droit de consulter un avocat dès leur arrestation et combien d’entre eux ont bénéficié concrètement des services d’avocats commis d’office. Le rapporteur s’est aussi enquis de la possibilité concrète des personnes détenues de subir des examens médicaux par des praticiens indépendants. Il s’est en outre enquis de la durée pendant laquelle il est possible de détenir une personne avant sa présentation devant un juge.

M. Modvig a prié la délégation de dire combien de personnes sont encore détenues dans des lieux très éloignés de leur lieu de résidence et donc de leur avocat et de leurs proches: ce problème est souvent évoqué s’agissant de la Mongolie, a noté l’expert. La délégation a par ailleurs été priée de décrire les attributions et le fonctionnement des services d’inspection des lieux de détention et d’informer le Comité des effets de ces inspections. M. Modvig a aussi voulu connaître le pourcentage des personnes accusées qui sont placées en détention.

Le rapporteur s’est ensuite interrogé sur l’indépendance effective de l’agence mongole de lutte contre la corruption, compte tenu du fait qu’elle dépend de la police et qu’elle soumet ses rapports au Ministère de la justice. Par ailleurs, la Commission nationale de droits de l’homme s’est dite préoccupée par le fait que les forces de police locales n’étaient pas en mesure de s’acquitter de leurs fonctions d’enquête, au détriment des personnes victimes de torture et de mauvais traitements, a relevé M. Modvig. Il a demandé à la délégation d’indiquer combien d’enquêtes pour faits de torture ont été ouvertes par l’Autorité indépendante de lutte contre la corruption et par le Département général de la police. M. Modvig a également demandé des précisions sur le budget de la Commission nationale des droits de l’homme, sur les modalités de sa saisine par les citoyens et sur le sort réservé aux plaintes qu’elle reçoit pour actes de torture – pour autant qu’elle soit autorisée à s’en saisir. La moitié des plaintes reçues par l’Unité d’enquête du ministère public porte sur des manquements imputés aux forces de l’ordre, a relevé le rapporteur, voulant savoir combien d’agents de police sont inculpés chaque année pour des faits de torture.

M, Modvig a par ailleurs voulu connaître les conditions de vie de la quarantaine de personnes se trouvant actuellement dans le «couloir de la mort» en Mongolie et a souhaité en savoir davantage sur la répression de la violence au sein de la famille et de la violence sexiste, ainsi que sur les efforts de la Mongolie pour protéger les victimes de la traite des êtres humains et comprendre les causes profondes de ce problème.

Enfin, le rapporteur a noté que le Code de procédure pénale mongol n’interdisait pas l’audition de témoins qui auraient subi des actes de torture ou des mauvais traitements: la question se pose de savoir si les tribunaux mongols interdisent explicitement les aveux obtenus sous la torture ou obtenus hors de la présence d’un avocat.

Au cours du dialogue, M. Modvig s’est ensuite dit satisfait des progrès réalisés par la Mongolie, s’agissant notamment des nouveaux amendements au Code pénal qui doivent entrer en vigueur en septembre prochain. Mais le Comité s’interroge sur l’éventualité de voir le nouveau Gouvernement arrivé au pouvoir en juin dernier retirer le projet de loi en question.

Le rapporteur a souligné que l’amende prévue par la loi s’agissant de certains actes de torture ne constituait pas une peine adaptée à la gravité du crime visé. Il a par ailleurs souhaité en savoir davantage au sujet du droit des personnes arrêtées de demander à être soumises à un examen médical indépendant. S’agissant des enquêtes sur les forces de police, il n’est pas certain qu’il soit adéquat de confier à des policiers les enquêtes sur leurs collègues, a en outre souligné M. Modvig, précisant que le Comité ferait certainement une recommandation visant à corriger cet état de fait. Le rapporteur a ensuite demandé à la délégation de citer des exemples de rejet par un tribunal de preuves obtenues par la torture. Il a en outre voulu savoir dans quelle mesure les salaires de policiers suffisent à dissuader la corruption.

MME ANA RACU, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport mongol, a relevé avec satisfaction que la Mongolie avait, depuis l’examen de son précédent rapport, ratifié plusieurs instruments internationaux importants, notamment la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. L’experte a cependant voulu savoir si la formation des policiers et magistrats contenait obligatoirement un enseignement à la prévention de la torture et si les fonctionnaires de l’État chargés de la prise en charge des détenus connaissaient le Protocole d’Istanbul (le « Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » publié par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme). De même, la corapporteuse a demandé à la délégation de dire dans quelle mesure les forces de l’ordre sont formées aux méthodes de contrôle des manifestations pacifiques. Toujours dans le domaine de la formation, l’experte a voulu savoir si les fonctionnaires concernés recevaient une instruction sur la manière d’accueillir et de prendre en charge les femmes victimes de violence domestique.

Le Comité est conscient des améliorations apportées aux conditions de vie des personnes détenues en Mongolie, a poursuivi Mme Racu, avant de s’interroger sur la persistance d’un régime de détention particulièrement dur réservé aux personnes condamnées à mort dont la peine a été commuée en trente ans de réclusion. Treize des 25 centres de détention mongols sont de construction récente, a-t-elle relevé: le Comité aimerait connaître leur capacité d’accueil, en particulier celle de la prison destinée à accueillir les mineurs en conflit avec la loi. Mme Racu a fait état de rapports émanant d’organisations non gouvernementales selon lesquels les conditions de détention dans les commissariats et dans les maisons d’arrêt sont mauvaises, marquées notamment par la surpopulation. La corapporteuse a voulu savoir si les organisations non gouvernementales avaient la possibilité d’inspecter les lieux de détention.

Mme Racu a observé qu’en 2013, l’institution nationale de droits de l’homme mongole avait été saisie de 650 plaintes, dont une majorité émanaient de personnes emprisonnées. Combien de ces plaintes concernent-elles des actes de torture, a-t-elle demandé? Combien d’auteurs d’actes de torture ont-ils été condamnés par les tribunaux mongols? La corapporteuse a mentionné des informations émanant d’organisations non gouvernementales actives dans le domaine des droits de l’homme selon lesquelles certains témoins d’actes de torture ou de mauvais traitements infligés à des détenus subissent pressions et menaces pour les dissuader de déposer en justice. Les organisations non gouvernementales signalent aussi que si les salles d’interrogatoire sont bien équipées de caméras vidéo, ces dernières sont souvent opportunément déclarées comme ayant été «hors service» au moment de la commission des violences dénoncées.

La loi mongole ne prévoyant pas le statut de réfugié, les demandeurs d’asile en Mongolie sont traités par défaut comme des migrants en situation irrégulière, a observé Mme Racu: ces personnes ont-elles la possibilité matérielle de déposer plainte si elles sont victimes de mauvais traitements, a-t-elle voulu savoir?

Mme Racu s’est en outre inquiétée de la forte prévalence de la violence domestique en Mongolie, un phénomène qui touche en particulier les femmes âgées de 15 à 34 ans. La délégation a été priée de combler les lacunes statistiques du rapport s’agissant de la répression de la violence faite aux femmes. Enfin, Mme Racu a constaté des lacunes dans la loi mongole relative à la répression de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail.

Au cours du dialogue, Mme Racu s’est félicitée des formations à la prévention de la torture et de la traite des êtres humains dispensées en Mongolie. Elle a toutefois demandé à la délégation de confirmer le caractère obligatoire de ces formations.

La corapporteuse a par ailleurs fait état de renseignements selon lesquels certaines personnes ont été détenues en Mongolie de manière arbitraire et prolongée. Elle s’est enquise des mesures prises par les autorités pour empêcher cette pratique. Elle s’est également enquise des mesures législatives et autres prises pour réduire le surpeuplement carcéral et améliorer les conditions matérielles de détention, ainsi que du contenu des programmes de réinsertion des anciens détenus.

D’autres membres du Comité ont aussi fait part de leurs observations et questions. Une experte a observé que le mécanisme national d’enquête sur les actes de torture avait été dissous en 2014: aussi, a-t-elle voulu savoir si la police mongole enquête elle-même sur les allégations de torture portées à l’encontre de ses membres, ce qui soulèverait le problème de l’impartialité des enquêtes. L’experte a aussi constaté que les policiers mis en cause dans les affaires de traite des êtres humains sont très rarement poursuivis et condamnés. Une autre experte a demandé à la délégation d’indiquer combien de procédures sont en cours devant les tribunaux pour abus d’autorité commis par des policiers et des officiers de police. Quelles sont les compétences de la Commission nationale de droits de l’homme en matière de contrôle des agissements de la police, a-t-il en outre été demandé, le Président du Comité remarquant pour sa part que cette Commission n’était composée que de trois personnes.

Un expert a fait observer que selon le rapport de la Mongolie, les tribunaux ne sont pas saisis à ce jour de plainte pour des faits de torture dans les prisons, alors que le même document évoque, dans un autre passage, une recrudescence des mauvais traitements en milieu carcéral. Plusieurs experts se sont interrogés à ce propos sur le sens de la dernière phrase du paragraphe 122 du rapport, selon lequel «la Commission nationale des droits de l’homme a reçu et traité 650 plaintes en 2013. Quelque 289 d’entre elles provenaient de personnes ayant été incarcérées dans les centres de détention ou les établissements pénitentiaires. En 2014, quelque 282 plaintes ont été reçues, dont 134 provenant de personnes ayant été placées en centre de détention ou en prison. Il faut s’attendre à ce que ce nombre augmente à l’avenir. »

Un expert a voulu savoir si les vingt traités d’extradition signés à ce jour par la Mongolie tiennent compte de l’obligation de ne pas refouler une personne vers un pays où elle risquerait d’être torturée. Le même expert s’est enquis de la volonté des autorités mongoles de reconnaître «la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications dans lesquelles un État partie prétend qu'un autre État partie ne s'acquitte pas de ses obligations au titre de la Convention» (article 21 de la Convention). L’expert a demandé des informations sur les formations au Protocole d’Istanbul dispensées aux personnels médicaux. Il a observé que l’institution nationale de droits de l’homme mongole devrait non seulement être habilitée à recevoir des plaintes pour des faits de torture, mais aussi être dotée d’un mandat de prévention de la torture.

Plusieurs experts ont demandé des renseignements sur le nombre de condamnations prononcées contre les auteurs d’actes de torture commis pendant l’état d’urgence décrété après les élections législatives de 2008.

Une experte a espéré que la loi mongole serait modifiée pour que les auteurs de violences domestiques soient effectivement sanctionnés par des peines privatives de liberté, afin que leurs victimes ne soient pas obligées de continuer de cohabiter avec eux.

La délégation a en outre été priée de dire combien de personnes se trouvent actuellement en détention préventive dans l’attente d’un jugement.

Le Président du Comité a relevé que la méfiance et la peur que semble inspirer la police mongole selon de nombreux témoignages sont peut-être des signes que cette institution jouit d’une trop grande autonomie.

Certains membres du Comité ont voulu savoir si l’Unité spéciale d’enquête existait toujours ou si elle avait été supprimée.

Une experte a fait état de la préoccupation de plusieurs institutions des Nations Unies, notamment du Rapporteur spécial sur la torture, quant à la généralisation de la torture en Mongolie. Elle a par ailleurs regretté que des personnes identifiées comme responsables de la traite des êtres humains ne soient pas inquiétées.

Un autre expert a jugé préoccupant que près de 30% des arrestations en Mongolie se fassent sans mandat d’un juge. Il a constaté, à la lumière des statistiques, que les violations des droits de l’homme des détenus de la part des personnels carcéraux semblent généralisées en Mongolie.

La délégation a été priée de dire si des lois avaient été adoptées contre la propagation d’idéologies discriminatoires en Mongolie.


Réponses de la délégation

«La question de la torture doit être abordée à la lumière de sa complexité», a souligné la délégation. L’adoption prochaine de nouveaux textes législatifs contenant une définition de la torture conforme aux exigences de la Convention va certainement entraîner une augmentation des plaintes pour torture, a-t-elle expliqué en réponse à certaines interrogations. Le Code de procédure pénale et le Code pénal assureront notamment que tout fonctionnaire – ou son subordonné ou complice – convaincu d’avoir obtenu un témoignage sous la contrainte répondra non seulement du préjudice physique subi par la victime mais aussi de son préjudice moral.

S’agissant de la proportionnalité des peines à la gravité du délit, le Code pénal prévoit une peine de douze à vingt ans de réclusion pour la personne responsable de la mort d’une autre sous la torture, soit une sanction comparable à celle réservée à l’homicide, a indiqué la délégation. La condamnation à perpétuité peut être requise à certaines conditions, les tribunaux pouvant tenir compte de circonstances aggravantes, a-t-elle ajouté. En vertu des nouveaux codes, il ne sera plus possible d’assimiler un acte de torture à la contrainte physique ou à des voies de fait, lesquelles entraînent une sanction moins grave, a précisé la délégation.

Le nouveau Gouvernement s’est engagé à faire appliquer les projets de loi adoptés par le Parlement, a par la suite précisé la délégation. Pour ce qui est du nouveau Code pénal adopté en décembre 2015 et du nouveau Code de procédure pénale de mai dernier, tous les décrets (règlements) d’application n’ont pas encore été adoptés; il pourra y avoir des amendements à ces textes, mais pas de changements profonds à ce stade, a-t-elle assuré.

La définition de la torture ne contient pas encore tous les aspects prévus par la Convention, a admis la délégation, notamment pour ce qui a trait à l’aspect discriminatoire: mais la loi rejette tout acte relevant de la discrimination, dont le droit mongol donne une définition large, a-t-elle souligné. Si les statistiques fournies dans le rapport ne sont pas toujours concordantes, a ajouté la délégation, c’est parce que les services concernés n’appliquent pas tous la même définition de la torture.

Les personnes arrêtées bénéficient de garanties consacrées par le Code pénal et le Code de procédure pénale, a poursuivi la délégation. En particulier, les avocats et les proches doivent être informés (de l’arrestation) dans un délai de 48 heures. Un justiciable insolvable bénéficie des conseils d’un avocat commis d’office payé par l’État, a en outre souligné la délégation, précisant qu’en 2016, 3843 personnes ont bénéficié d’un avocat commis d’office et 1785 d’autres formes d’aide juridictionnelle.

L’arrestation ne peut être décidée que sur mandat d’arrêt délivré par un juge, a par ailleurs rappelé la délégation. Les policiers peuvent arrêter une personne sans décision judiciaire, mais disposent alors de 24 heures seulement pour obtenir l’aval du magistrat. La personne arrêtée de manière illégale doit être immédiatement libérée. En 2014, 4700 mandats d’arrêts ont été émis et 2711 pendant le premier semestre de 2016.

Chaque personne arrêtée est informée par les enquêteurs des raisons de son arrestation, ainsi que de ses droits, a par la suite souligné la délégation. On ne peut pas considérer qu’une personne arrêtée sans mandat d’un juge soit victime d’arrestation arbitraire, dans la mesure où la police doit faire valider sa démarche par un magistrat dans un délai très court, a-t-elle ajouté.

Les centres de détention ne dépendent pas de la police, mais d’une autre institution publique, a ensuite indiqué la délégation. Après l’écrou, la personne détenue est soumise à un contrôle médical dont les résultats sont transmis aux services du Procureur général. Les personnels et médecins pénitentiaires sont formés pour détecter si une personne a été victime de torture. La personne qui souhaite déposer plainte pour torture ou mauvais traitements est informée par l’institution de la manière d’actionner la justice. Les 34 détenus condamnés à mort et dont la peine a été commuée en détention à perpétuité ont été transférés dans un établissement distinct, a indiqué la délégation. La loi a simplifié les régimes de détention, qui ne sont désormais plus que deux: la détention ouverte et la détention fermée. La loi ne prévoit pas de détention à l’isolement, même si un détenu peut demander à être seul dans sa cellule, a précisé la délégation.

En 2014, 2015 et 2016, plusieurs organisations de droits de l’homme étrangères et mongoles ont été autorisées à contrôler le respect des droits de l’homme de personnes détenues en Mongolie, a fait valoir la délégation. D’autres organisations de la société civile sont actives dans la réinsertion des anciens prisonniers, a-t-elle ajouté. En 2015, 21 organisations locales ont coopéré avec les autorités pénitentiaires dans des activités de suivi du fonctionnement des prisons et dans la réinsertion des détenus, a ensuite précisé la délégation.

Les services du Procureur général de la Mongolie ont pour mission, entre autres, de veiller à l’application appropriée des lois et règlements à toutes les étapes du parcours des justiciables, a ensuite expliqué la délégation. Ils procèdent à des visites régulières et périodiques des lieux de détention, a-t-elle indiqué. En 2015, a-t-elle précisé, 4900 contrôles ont été réalisés, dont 1700 visites inopinées: plus de 640 infractions aux droits des détenus ont été constatées, qui ont entraîné des sanctions contre 208 agents pénitentiaires.

L’Unité spéciale des services du Procureur général a été dessaisie en 2014 de ses fonctions d’enquête sur les activités de la police, qui ont été affectées à une autre unité, a par ailleurs indiqué la délégation. Les autorités mongoles ont décidé que les crimes commis par des policiers feraient l’objet d’enquête par d’autres services des forces de l’ordre. Six cas de torture par des policiers ont été dénoncés en 2016, a précisé la délégation.

L’Unité d’enquête attachée aux services du Procureur général a fait l’objet de critiques au vu de son incapacité à faire la lumière sur des affaires touchant ces mêmes services, a ensuite indiqué la délégation. Cela explique qu’elle ait été déchargée de ses mandats d’enquête sur les services de police et de sécurité. La police, le service de renseignement et l’agence de lutte contre la corruption vont donc être dotés des moyens de réaliser des enquêtes réciproques indépendantes concernant leurs activités respectives.

Les tribunaux n’admettent pas au rang de preuves les renseignements obtenus par la torture ou des mauvais traitements, a d’autre part assuré la délégation, ajoutant que les instances d’appel peuvent annuler des sentences dont il est découvert a posteriori qu’elles reposent sur des aveux extorqués par de tels moyens.

Le Code de procédure pénale exige de l’État qu’il indemnise toute personne ayant été torturée par des fonctionnaires.

S’agissant des mineurs en conflit avec la loi, la délégation a fait valoir que la Mongolie avait adopté de nouvelles dispositions pénales qui prévoient des sanctions modulées en fonction de l’âge et du développement physique et psychologique du délinquant. Ces sanctions ont une fonction de réinsertion. La détention des mineurs ne se fait pas en prison mais dans des centres éducatifs, a précisé la délégation. Un nouveau centre réservé aux mineurs ouvrira en mars 2017, a-t-elle indiqué. Le nombre des mineurs détenus n’a jamais dépassé quarante par an depuis plusieurs années, a ensuite souligné la délégation. Une fille et douze garçons sont actuellement inculpés par les tribunaux mongols et six mineurs se trouvent actuellement en détention, a-t-elle précisé.

Pour des raisons économiques et opérationnelles, la Mongolie n’est pas en mesure de créer de tribunal pour mineurs, a d’autre part indiqué la délégation. Les magistrats n’en sont pas moins formés aux exigences particulières de la justice pour mineurs, a-t-elle assuré. Les peines encourues par un mineur correspondent à la moitié de celles prévues pour les adultes, a-t-elle précisé.

Le Code pénal a été amendé pour mieux combattre la violence sexuelle, a par ailleurs indiqué la délégation. La définition du viol, en particulier, a été élargie aux deux sexes. La violence domestique et le harcèlement sexuel sont eux-aussi sanctionnés par le Code pénal. Les policiers suivent des formations concernant le traitement des auteurs de violence domestique. En 2009, le Ministère de la justice et le Ministère des affaires sociales ont publié des directives conjointes au sujet de la formation que doivent suivre obligatoirement les conjoints violents. L’État et la société civile ont ouvert plusieurs centres d’accueil pour personnes victimes de la violence domestique, a ajouté la délégation.

Le foyer d’accueil pour personnes victimes de la violence familiale a accueilli plus de 600 personnes à ce jour; il prodigue une aide matérielle et psychologique, a indiqué la délégation.

S’agissant de la traite des êtres humains, quinze cas ont été recensés en 2014-2015 et seize personnes ont été condamnées, a indiqué la délégation. La Mongolie a adhéré au Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes. Les autorités, sont conscientes du travail qui les attend dans le domaine de la prévention de la traite, a assuré la délégation. Des programmes de sensibilisation sont d’ores et déjà dispensés dans les écoles secondaires, a-t-elle précisé. La Mongolie collabore en outre avec la Chine et la Région administrative spéciale de Macao (Chine) à la lutte contre la traite.

Les programmes de formation à l’identification des actes de torture lancés depuis trois ans ont été suivis par plus de 90 personnes à ce jour, a d’autre part indiqué la délégation.

La nouvelle réglementation sur les armes à feu entrera en vigueur en novembre prochain, a indiqué la délégation. Les nouveaux règlements viendront uniformiser les dispositions régissant actuellement l’utilisation du matériel répressif susceptible d’être utilisé contre les civils (armes à feu, menottes, etc..).

Plusieurs salles d’interrogatoire des commissariats de police sont d’ores et déjà équipées de caméras de surveillance, a-t-il été précisé. Les fonctionnaires de police ne sont pas autorisés à toucher au matériel d’enregistrement et le nombre de salles équipées ne cesse d’augmenter, a souligné la délégation.

Les châtiments corporels à l’encontre des enfants sont considérés et traités comme des infractions, a fait savoir la délégation en réponse à certaines préoccupations de membres du Comité. Les enseignants convaincus de violence sur les élèves sont désormais poursuivis par la justice, a-t-elle assuré.

La liste des travaux interdits aux mineurs a été élargie l’an dernier, a d’autre part fait valoir la délégation. Les enfants jockeys participent à des courses hippiques depuis des temps immémoriaux et il est donc très difficile d’éradiquer cette pratique, a-t-elle expliqué, précisant que les autorités ont adopté un plan progressif pour y parvenir et que ce plan a déjà donné des résultats satisfaisants. Quelque 13 000 enfants sont enregistrés comme jockeys, a indiqué la délégation.

Quant à la Commission nationale des droits de l’homme, cette institution indépendante a été créée par le Parlement, a fait savoir la délégation. Le Gouvernement ne dispose d’aucun moyen d’influencer son budget et son fonctionnement. La conformité de cette Commission aux Principes de Paris a été confirmée pour la troisième fois en 2014, a fait valoir la délégation. Ses trois membres sont nommés par le Parlement en toute transparence et peuvent compter sur un comité consultatif constitué de représentants de la société civile. Cependant, la crise économique actuelle a obligé toutes les institutions publiques – y compris cette Commission – à réduire leur budget, a constaté la délégation.

Le Parlement est aujourd’hui saisi d’un projet de loi visant le renforcement de la Commission par l’ajout de deux commissaires supplémentaires et par l’élargissement de son mandat: la Commission devra notamment veiller à la compatibilité des lois mongoles avec les instruments internationaux de droits de l’homme et donner son avis sur les rapports soumis par la Mongolie aux organes de traités des Nations Unies. En l’état, a précisé la délégation, la Commission nationale des droits de l’homme peut enquêter de sa propre initiative sur des actes présumés de torture, entendre des témoins et prier le parquet d’ouvrir des procédures; elle collabore régulièrement avec l’organe chargé d’appliquer les décisions de justice.

La nouvelle loi sur les droits de l’homme propose de charger la Commission des droits de l’homme d’instaurer un dialogue avec les victimes de violations des droits de l’homme pour déterminer les faits de manière tout à fait indépendante, a ensuite précisé la délégation.

La Commission a notamment fait des recommandations concernant le respect des droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels en Mongolie, a précisé la délégation. Il arrive que des agents de l’État expriment des préjugés à cet égard, a admis la délégation, même si aucune plainte n’a encore été déposée: aussi, la Mongolie a-t-elle ajouté l’identité de genre et l’orientation sexuelle au nombre des motifs de discrimination passibles de sanctions pénales.

Les demandes d’extradition sont refusées si le tribunal a lieu de croire qu’elles entraînent un risque de torture pour la personne concernée: la Mongolie respecte ainsi le principe de non-refoulement, a assuré la délégation.



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CAT16/017F