Aller au contenu principal

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DE L'URUGUAY

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné, aujourd'hui, le rapport présenté par l'Uruguay sur la mise en œuvre dans le pays des dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Dans une déclaration liminaire, M. Ricardo Gonzalez Arenas, Représentant permanent de l'Uruguay auprès des Nations Unies à Genève, a précisé que son pays entendait atteindre les normes les plus élevées en matière de protection des droits de l'homme en mettant l'accent sur la lutte contre la pauvreté, la promotion de l'égalité, et la lutte contre les discriminations et les violences. Présentant le rapport, Mme Mariella Mazzotti, Directrice de l'Institut national des femmes du Ministère du développement social de l'Uruguay, a expliqué que celui-ci était devenu, suite à l'adoption de la loi de 2007 sur l'égalité des droits et des chances entre hommes et femmes, l'organisme directeur des politiques de genre et l'interlocuteur privilégié pour toutes les questions concernant les femmes. Elle a mentionné l'existence d'un Plan national pour l'égalité des chances et des droits entre hommes et femmes et précisé que des progrès importants étaient réalisés pour garantir le traitement égal de tous les citoyens, une attention toute particulière étant portée aux questions de l'orientation sexuelle et de l'origine ethnique.

Le niveau de violence sexiste en Uruguay est très préoccupant, a-t-elle reconnu, raison pour laquelle un Plan d'action 2016-2019 contre la violence sexiste a été adopté et qu'un projet de loi pour garantir aux femmes une vie sans violence est en cours d'élaboration. En matière de santé, elle a fait observer que les lois sur la santé sexuelle et reproductive, sur l'interruption volontaire de grossesse et sur la procréation assistée avaient contribué à une meilleure reconnaissance des droits des femmes. S'agissant de l'emploi, Mme Mazzotti a indiqué que l'Uruguay comptait peu de femmes dans les postes décisionnels: il existe clairement un «plafond de verre» en Uruguay, a-t-elle reconnu.

Outre d'autres employés du Ministère du développement social et de la Mission permanente, la délégation uruguayenne était composée de représentants des Ministères de la santé publique; de l'intérieur; et des affaires étrangères; ainsi que de membres du Parquet général; du Tribunal d'appel pour les affaires familiales; et du Parlement.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, de l'absence de définition de la discrimination dans le droit interne; des prérogatives et de l'autonomie de l'Institut national des femmes; de la situation des femmes privées de liberté; de la loi sur la violence domestique de 2002 et de l'avant-projet de loi générale sur la violence sexiste actuellement en cours d'élaboration; de l'âge minimum du mariage; et des mesures temporaires spéciales, notamment en faveur des personnes d'ascendance africaine. Interrogée sur la persistance des stéréotypes sexistes, la délégation a expliqué que ces stéréotypes étaient ancrés dans les croyances et les valeurs de la société et qu'il était difficile de les changer. Mais les autorités se sont attelées à ces questions par le biais de mesures législatives et par des programmes incluant la société civile.

Les progrès en matière de participation des femmes dans la vie politique sont insuffisants, a souligné une experte, qui a constaté que les femmes étaient sous-représentées. La délégation a abondé dans le même sens, observant que la loi sur la promotion de la participation des hommes et des femmes dans la vie politique avait permis d'avoir des effets positifs, surtout au Sénat, puisque 9 des 30 Sénateurs sont aujourd'hui des femmes, la progression féminine étant moins nette à la chambre des députés.

Parmi les autres préoccupations soulevées par les membres du Comité, figuraient notamment la persistance de la violence domestique, des viols conjugaux et des féminicides, en dépit des efforts déployés par l'État pour lutter contre la violence ces fléaux. Une experte s'est également enquise de l'application réelle de la loi sur l'avortement. Reconnaissant que certains groupes avaient essayé d'empêcher la mise en œuvre de cette loi, la délégation a affirmé qu'elle n'en demeurait pas moins «tout à fait en vigueur». L'interruption volontaire de grossesse est un droit légitime, a-t-elle insisté.

Le Comité adoptera, dans le cadre d'une séance privée, ses observations finales sur le rapport de l'Uruguay, qu'il rendra publiques à l'issue de la session, qui se termine le vendredi 22 juillet.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Mali (CEDAW/C/MLI/6-7) en salle XVIII du Palais des nations.


Présentation du rapport de l'Uruguay

Le Comité est saisi du rapport périodique de l'Uruguay (CEDAW/C/URY/8-9), ainsi que de ses réponses à une liste de sujets à traiter que lui a adressée le Comité.

M. RICARDO GONZALEZ ARENAS, Représentant permanent de l'Uruguay auprès des Nations Unies à Genève, a souligné que son pays avait consenti un effort institutionnel important pour présenter ses rapports périodiques devant les organes de traité. Dans le même esprit, l'Uruguay a ratifié tous les instruments fondamentaux de droits de l'homme. Le pays a passé deux cycles d'examen périodique universel devant le Conseil des droits de l'homme et a commencé à en mettre en œuvre les recommandations: toutes celles formulées lors du dernier cycle ont été acceptées, sauf une qui était contraire aux politiques en vigueur, a précisé M. González Arenas. Il a affirmé que son pays entendait atteindre les normes les plus élevées en matière de protection. Il met la priorité sur la lutte contre la pauvreté, la promotion de l'égalité, la lutte contre les discriminations et les violences, entre autres choses. Il s'est réjoui de cette opportunité de dialogue avec le Comité qui permettra d'évaluer les progrès réalisés et les faiblesses qui persistent.

MME MARIELLA MAZZOTTI, Directrice de l'Institut national des femmes du Ministère du développement social, a présenté son pays comme un État laïc, ayant une forte tradition de droits sociaux et des niveaux élevés de développement et d'égalité pour la région. Elle a expliqué que suite à l'adoption de la loi de 2007 sur l'égalité des droits et des chances entre hommes et femmes, l'Institut national des femmes Inmujeres était devenu l'organisme directeur des politiques de genre. A également été créé un Conseil national coordinateur des politiques publiques d'égalité entre les sexes. Ce Conseil a défini les priorités du pays, parmi lesquelles figurent notamment le droit à une vie exempte de violence, l'accès à une éducation et une culture sans stéréotypes de genre, et le droit pour les femmes à de meilleures opportunités de développement dans le monde du travail.

La représentante uruguayenne a également souligné que des Commissions de genre opéraient maintenant dans 11 des 14 Ministères et dans la moitié des entreprises publiques. Des politiques transversales de genre sont développées dans sept facultés de l'Université de la République. Enfin, le Gouvernement a approuvé son troisième Plan national pour l'égalité des chances et des droits entre hommes et femmes. S'intéressant plus précisément au rôle de l'Institut national des femmes, Mme Mazzotti a expliqué qu'Inmujeres dépendait du Ministère du développement social. Cet Institut est l'interlocuteur privilégié pour toutes les questions concernant les femmes. Il met en œuvre des actions en coopération avec des organisations et réseaux locaux de femmes, y compris celles vivant dans les zones rurales, les femmes afro-américaines, et les femmes privées de liberté. Il est également en lien avec le pouvoir législatif.

La Directrice d'Inmujeres a expliqué que le niveau de violence sexiste en Uruguay était très préoccupant. Le Gouvernement, la société civile, les mouvements féministes et l'opinion publique sont tous conscients de l'urgence de lutter contre cette violence. Malgré cette mobilisation, il n'a pas été possible d'associer les manifestations les plus graves de la violence sexiste aux fondements socio-culturels patriarcaux qui la sous-tendent et la produisent. On estime qu'une Uruguayenne succombe à des coups tous les 16 jours, ce qui reste encore trop important, a reconnu Mme Mazzotti, même si auparavant les statistiques faisaient état d'un décès tous les neuf jours du fait d'actes de violence sexiste.

Dans ce contexte, le Gouvernement a adopté un Plan d'action 2016-2019 contre ce fléau dans une perspective générationnelle. Le Conseil national consultatif de lutte contre la violence domestique a élaboré un projet de loi qui garantirait aux femmes une vie exempte de violence sexiste. Ce projet, actuellement examiné par le Sénat, reconnaît les diverses dimensions de la violence de genre et traite des questions de protection, d'accès à la justice et de réparations; il inclut le féminicide comme facteur aggravant d'homicide. Parmi les autres mesures prises par le Gouvernement, la Directrice d'Inmujeres a cité notamment la mise en œuvre d'une politique publique de lutte contre la traite des personnes à des fins d'exploitation sexuelle et d'exploitation par le travail. Le Bureau interinstitutionnel de lutte contre la traite des femmes à des fins d'exploitation sexuelle est chargé d'élaborer un projet de loi sur la traite.

S'agissant de la lutte contre les stéréotypes, Mme Mazzotti a souligné que des progrès importants avaient été réalisés pour garantir le traitement égal de tous les citoyens. Les questions de l'orientation sexuelle et de l'origine ethnique ont fait l'objet d'une attention toute particulière. Par exemple, l'Institut national de statistiques a incorporé à ses recensement la variable ethnico-raciale.

Dans les centres culturels du Ministère de l'éducation et de la culture répartis à l'échelle nationale, des programmes culturels sur la «masculinité» sont mis en œuvre. L'Administration nationale de l'éducation publique et le Ministère du développement social ont créé un programme sur les droits, le genre, la diversité sexuelle, le handicap et l'origine, qui sera appliqué dans les Centres de promotion des droits. En ce qui concerne la participation des femmes à la vie politique, la représentante a reconnu que l'Uruguay comptait malheureusement peu de femmes dans les postes où se prennent les décisions: il existe clairement un «plafond de verre» en Uruguay.

En matière d'emploi, la loi sur le travail domestique a permis des avancées notables dans un domaine d'activités où les femmes sont traditionnellement reléguées. Le salaire minimum a notamment été augmenté. Pour ce qui est, enfin, de la santé, Mme Mazzotti a expliqué que les lois sur la santé sexuelle et reproductive, sur l'interruption volontaire de grossesse et sur la procréation assistée, entre autres, avaient contribué à une meilleure reconnaissance des droits des femmes.


Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité


Une experte s'est interrogée sur l'application de la Convention dans les tribunaux uruguayens. Elle a également souhaité savoir si l'Uruguay comptait incorporer la définition de la discrimination dans son droit interne. La délégation a été invitée à donner des précisions sur la future loi sur l'égalité et notamment des mécanismes qui seront chargés de veiller à sa mise en œuvre, une experte relevant à cet égard l'importance que les femmes sachent exactement vers quelles institutions se diriger.
Plusieurs questions ont été posées sur le fonctionnement de l'Institut national des femmes, des membres du Comité se demandant s'il ne fonctionnerait pas mieux avec son propre budget, ses propres ressources et davantage d'autonomie.

Une membre du Comité s'est inquiétée des stéréotypes négatifs qui biaisent le fonctionnement de la justice au détriment des femmes. Elle a fait valoir que certaines décisions protégeaient davantage les droits des hommes, par exemple pour des cas de violence à l'encontre de femmes.

Constatant que la loi n°19.122 et son décret d'application prévoyaient d'octroyer des emplois à des personnes d'ascendance africaine, une experte s'est interrogée sur les moyens mis en œuvre pour que la perspective de l'égalité des sexes soit assurée dans la mise en œuvre de cette mesure. Elle a également souhaité savoir si le Gouvernement entendait adopter des mesures temporaires spéciales pour régler les problèmes d'écart de salaire et la sous-représentation des femmes dans la diplomatie et la justice. Enfin, qu'est-il fait pour faire comprendre à la population l'utilité de ces mesures spéciales temporaires, a-t-elle demandé.

Une experte a constaté qu'en dépit des efforts déployés pour lutter contre la violence à l'encontre des femmes, la violence domestique et les viols conjugaux étaient récurrents. En outre, bien que le nombre de féminicides semble en diminution, les statistiques classent toujours l'Uruguay parmi les pays qui ont le taux le plus élevé. Qu'est-il fait face à ces problèmes, a-t-elle demandé.

Les femmes migrantes ont de la peine à trouver du travail, a constaté une membre du Comité qui a souligné qu'un grand nombre d'entre elles devenaient alors victimes de la traite. Elle a souhaité savoir si le Gouvernement prenait des mesures pour protéger ces femmes.

Citant les chiffres contenus dans le rapport, une membre du Comité a souhaité savoir la proportion de femmes autochtones et femmes africaines représentées parmi les 38,5% de femmes au Gouvernement.

Les progrès en matière de participation des femmes à la vie politique sont insuffisants, a estimé une experte, qui a constaté que les femmes étaient sous-représentées aussi bien en tant que simples électrices qu'en tant que candidates. Le Gouvernement envisage-t-il d'établir des quotas pour assurer une représentation égalitaire des femmes au sein du Gouvernement et des institutions publiques, a-t-elle demandé ?

Une experte a constaté que les femmes étaient très nombreuses dans l'enseignement et très peu nombreuses dans d'autres domaines, l'ingénierie par exemple. Elle s'est enquise des mesures temporaires spéciales prises par l'Uruguay pour encourager les femmes à s'orienter vers des spécialités moins traditionnelles. Constatant par ailleurs que 70% des postes les plus élevés dans le domaine académique étaient occupés par des hommes, elle a souhaité savoir si les autorités avaient examiné les obstacles et difficultés rencontrées par les femmes dans leur parcours professionnel.

Une membre du Comité a félicité l'Uruguay pour les progrès réalisés en matière de santé, avec notamment la loi sur l'interruption volontaire de grossesse et la disparition presque totale de la mortalité maternelle. Toutefois, elle s'est inquiétée des difficultés d'accès à certains services de santé que rencontrent les femmes, en particulier dans les zones rurales. En ce qui concerne l'avortement, elle a souhaité savoir s'il était effectivement autorisé partout et si les autorités entendaient renforcer les capacités du personnel médical, gynécologique en particulier, sur les droits sexuels et génésiques des femmes dans le but de diminuer le nombre d'objecteurs de conscience.

Une experte a souhaité savoir si les autorités comptaient augmenter l'âge minimum du mariage en Uruguay à 18 ans pour les garçons et les filles.

D'autres questions posées par le Comité ont porté, notamment, sur le financement de l'Institution nationale de droits de l'homme et du Bureau du Défenseur des droits; sur les progrès réalisés dans la lutte contre le harcèlement sexuel; sur les mesures prises pour protéger les prostituées; sur l'élaboration d'un nouveau Code pénal; sur les moyens déployés pour encourager les filles qui ont abandonné l'école à reprendre leur scolarité; et sur le traitement des femmes détenues en Uruguay.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions sur l'application de la Convention, la délégation a expliqué qu'en cas de contradiction entre les instruments internationaux de droits de l'homme et la loi nationale, le droit international primait sur le droit local. La Convention est bien appliquée par les Tribunaux uruguayens. Il n'y a pas de définition de la discrimination dans le droit interne puisqu'elle est comprise dans la Convention. La délégation a également indiqué que le projet de loi sur l'égalité reprenait la définition de la discrimination contenue dans l'article premier de la Convention.

S'agissant de l'Institut national des femmes Inmujeres, la délégation a souligné que s'il n'est pas représenté au Conseil des Ministres, il n'en était pas moins habilité à traiter directement avec les Ministres et les directions des institutions uruguayennes. C'est un organisme qui jouit d'une totale indépendance et qui opère sur tout le territoire. Les questions liées à l'égalité des sexes sont de son ressort. La délégation a précisé par ailleurs que son budget avait été augmenté depuis que l'Institut avait récupéré la responsabilité des réponses à apporter aux situations de violence fondée sur le sexe, responsabilité qui relevait auparavant du Ministère du développement social. Plusieurs membres du Comité s'interrogeant sur l'autonomie et l'efficacité de cette institution, la délégation a attiré l'attention sur le fait qu'avant de voir ses prérogatives renforcées, Inmujeres disposait de peu de moyens, en personnel notamment.

Les tribunaux spécialisés dans les affaires de violence domestique ont été créés en 2004, a expliqué la délégation. Montevideo en compte huit désormais, soit deux fois plus qu'à leur création. En dix ans, le nombre d'affaires traitées par ces tribunaux a été multiplié par 2,5. Pour la délégation, ce chiffre ne reflète pas forcément une augmentation des cas de violence domestique mais plutôt le fait que les femmes s'adressent davantage à la justice.

S'agissant des stéréotypes sexistes, la délégation a évoqué l'existence d'un code éthique approuvé par la chaîne nationale de télévision, portant sur la discrimination, les stéréotypes, l'identité et l'orientation sexuelles, l'idée étant de lutter contre les préjugés et d'encourager une participation égalitaire. De manière générale, la délégation a souligné que les stéréotypes étaient ancrés dans les croyances et les valeurs de la société et qu'il était difficile de les changer. Cela n'a pas dissuadé pour autant les autorités de s'y attaquer par le biais de mesures législatives et par des programmes incluant la société civile. La délégation a fait observer que l'Uruguay était ouvert au principe de l'égalité tout en étant un pays extrêmement conservateur, ce qui explique les difficultés rencontrées.

La délégation a expliqué que la loi sur la violence domestique de 2002 prenait en compte quatre aspects du phénomène: sexuel, psychologique, physique et patrimonial. Le viol au sein du mariage est considéré comme une violence sexuelle. L'avant-projet de loi générale sur la violence sexiste qui est actuellement en cours d'élaboration a pour objectif de garantir aux femmes une vie exempte de violence. Il inclut d'autres types de violences sexistes qui n'étaient pas comprises dans la loi de 2002.

La lutte contre les violences sexistes, priorité gouvernementale, fera l'objet d'un projet de loi global. Une experte ayant toutefois expliqué qu'elle avait de la peine à comprendre le cadre juridique en vigueur pour les violences domestiques et les autres violences, la délégation a expliqué que si l'Uruguay disposait d'une loi relativement récente avec le texte de 2002 sur la violence domestique, évoqué plus tôt, son Code pénal était daté. Une réflexion est en cours pour le moderniser, tandis qu'est élaboré parallèlement un projet de loi générale sur les violences sexistes qui tiendra compte de crimes tels que le féminicide et les abus sexuels. Par ailleurs, la délégation a affirmé que le budget pour la lutte contre les violences sexistes avait augmenté et les services de soins aux victimes renforcés.

Pour ce qui est de la traite des personnes, l'État fait des efforts pour harmoniser les procédures de la police et les mettre en conformité avec les normes internationales. Les autorités préparent actuellement un projet de loi sur la traite visant à assurer la protection des victimes et des témoins. Enfin, depuis mai dernier, la traite est prise en compte dans les enquêtes pénales pour violence sexiste. La délégation a souligné que les victimes pouvaient bénéficier d'un soutien, même si elles décidaient de ne pas dénoncer l'agression.

Une protection est prévue pour les femmes prostituées. Une Commission a été créée, avec la participation d'Inmujeres et des professionnelles du sexe. La délégation précise que l'un des problèmes qui se pose tient au fait que ces dernières sont encore peu organisées pour défendre leurs droits. Enfin, il est prévu de présenter un projet d'amendement à la loi 17.515 sur le travail sexuel pour que cette question ne relève plus de la compétence exclusive de la police.

S'agissant de la loi n° 19.122 et son décret d'application établissant des mesures temporaires spéciales pour l'octroi de postes de travail à des personnes d'ascendance africaine, la délégation a précisé que l'article 2 de la loi stipulait expressément que les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels devaient être réalisés dans le respect d'une perspective d'égalité des sexes. Les autorités ne sont cependant pas satisfaites des résultats de l'application de ce texte: en effet, seul 1% des postes ont été pourvus par ceux censés en bénéficier, au lieu des 8% prévus par la loi; et sur ce pourcentage, seules 35% des personnes qui ont bénéficié de cette mesure étaient des femmes. Une modification de cette loi est envisagé, par conséquent.

En ce qui concerne les femmes migrantes, une loi adoptée en août 2014 permet l'octroi de la résidence permanente aux personnes en situation irrégulière et en situation d'extrême vulnérabilité originaires des États du Mercosur: 9 500 permis de résidence permanente ont été octroyés jusqu'ici, sans frais. En outre, l'égalité entre toutes les personnes, dont les personnes migrantes, est reconnue par l'article 8 de la Constitution.

La représentation des femmes au niveau politique n'est pas satisfaisante, a reconnu la délégation. La loi sur la promotion de la participation des hommes et des femmes dans la politique a eu touteois des effets positifs, surtout au Sénat, puisque 9 sénateurs sur 30 sont des femmes. La loi a eu moins d'effets sur la composition de la chambre des députés, en raison notamment du système d'assignation des sièges qui offre moins de chances aux femmes, a expliqué la délégation. Quant aux services diplomatiques, le pays est représenté par 221 diplomates, dont 88 femmes. Il y a sept échelons dans les professions diplomatiques, de troisième Secrétaire à Ambassadeur, et les femmes sont de plus en plus nombreuses dans ces différents échelons. Interrogée sur la représentation des femmes dans le secteur de la justice, la délégation s'est réjouie que 63% des juges soient des femmes.

Il n'y a pas d'inégalité dans le domaine de l'éducation, a assuré la délégation, les femmes étant plus nombreuses que les hommes à achever leurs études secondaires et supérieures. Elle a constaté que beaucoup choisissaient en effet des secteurs d'activité dits traditionnels, comme l'enseignement ou le médical, des secteurs comme les sciences et l'agronomie semblant moins populaires auprès des femmes. La délégation a toutefois fait observer que le nombre de femmes diplômées dans ces secteurs était en augmentation, même si ces chiffres étaient en effet encore loin de la parité. Elle a souligné que le choix d'un métier dépendait beaucoup de la socialisation de la jeune femme. L'Uruguay doit continuer à travailler sur le plan culturel pour encourager des modèles qui proposent des choix non traditionnels. Le Ministère de l'éducation publique travaille sur ces questions, mais ces changements culturels profonds sont lents à se faire.

98% des travailleurs domestiques sont des femmes, a indiqué la délégation. Les femmes afro-uruguayennes représentent 23,6% du total. Alors qu'en Uruguay, trois travailleurs sur quatre sont dans le secteur formel, 53% des travailleuses domestiques étaient déclarées à la sécurité sociale en 2016, a indiqué la délégation, avant de préciser que ce pourcentage était en constante augmentation.

Les hommes font usage de leur droit au congé paternité, a indiqué la délégation, qui a noté, en revanche que les «congés facultatifs» étaient à 97% pris par les femmes. Cette différence peut s'expliquer par la répartition traditionnelle des rôles mais également par la promotion de l'allaitement dans le pays – ce congé étant souvent utilisé par les jeunes mères désireuses d'allaiter plus longtemps. Enfin, le fait que les hommes aient souvent des salaires plus élevés explique peut-être aussi le fait qu'ils s'arrêtent moins souvent de travailler que les femmes.

Le Gouvernement déploie des efforts pour que des soins de santé soient offerts sur tout le territoire, en particulier pour la population rurale qui représente 5% de la population. Des services de santé sexuelle et génésique sont proposés gratuitement aux adolescentes.

L'interruption volontaire de grossesse est un droit légitime, a insisté la délégation et le Gouvernement veille à faire appliquer la loi l'autorisant. S'il est vrai que certains groupes ont essayé d'en empêcher la mise en œuvre, il n'en demeure pas moins que la loi sur l'avortement est pleinement en vigueur. Le Ministère de la santé fait en sorte que l'avortement soit possible sur tout le territoire.

La délégation a indiqué que des progrès importants avaient été obtenus dans l'amélioration de la situation des personnes privées de liberté. Un inventaire des établissements carcéraux où des femmes sont détenues a été effectué pour voir s'ils étaient adaptés et trouver de nouveaux locaux le cas échéant. Il y a aujourd'hui 567 femmes en prison, dont 64% en zone métropolitaine regroupées dans deux établissements pénitentiaires féminins. Les mères de famille peuvent garder leurs enfants avec elles jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 4 ans, voire pour quatre années supplémentaires. Les autorités veillent en outre à permettre aux femmes de garder le contact avec leurs enfants trop âgés pour vivre avec elles en prison.

Par ailleurs, le Parlement a approuvé la création d'un nouvel institut pour l'inclusion sociale des adolescents privés de liberté. Les autorités envisagent de modifier complètement le programme de prise en charge, pour inclure davantage d'activités sportives, de soins de santé et de soutien psychologique, dans des nouveaux locaux. Aujourd'hui, il y a 24 adolescentes privées de liberté en Uruguay.

L'âge minimum du mariage est passé de 12 ans pour les filles (et 14 ans pour les garçons) à 16 ans pour tous en 2013. En Uruguay, 15% des filles se marient avant l'âge de 18 ans. Il s'agit de mariages précoces, mais non forcés, a précisé la délégation. Elle a expliqué que la question de l'âge minimum du mariage faisait débat dans le pays, le Sénat étant actuellement saisi d'un projet visant à porter cet âge à 18 ans. Elle a également attiré l'attention sur le fait que l'Uruguay était partie à une Convention interaméricaine dans laquelle il est établi que les jeunes pouvaient se marier dès 16 ans. Néanmoins, la possibilité de relever cette limite d'âge est toujours en discussion.

Une experte s'étant inquiétée de l'octroi des droits parentaux, dans certains cas, aux grands-pères et non aux grands-parents, la délégation a précisé qu'il s'agissait d'un problème de rédaction et en aucun cas d'une discrimination à l'encontre des femmes. C'est ainsi que le texte législatif a été rédigé.

En conclusion, M. RICARDO GONZALEZ ARENAS, Représentant permanent de l'Uruguay auprès des Nations Unies à Genève, a remercié le Comité pour cet échange fructueux et ce dialogue constructif. Il a émis l'espoir que la délégation avait su répondre aux interrogations de membres du Comité et précisé que les autorités se tenaient à la disposition du Comité pour d'autres questions.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CEDAW16.025F