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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE UN RAPPORT SPÉCIAL DU BURUNDI

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, un rapport spécial présenté par le Burundi à la demande du Comité. La délégation de l’État partie, qui n’a assisté qu’à une seule des deux séances au programme et qui n’a ainsi pas fourni de réponses orales aux questions et observations des membres du Comité, a envoyé une lettre afin d’expliquer son absence.

M. Jens Modvig, Président du Comité, a précisé que ce rapport spécial devait porter, d’une part, sur l’application des recommandations contenues dans les observations finales du Comité concernant le deuxième rapport périodique du Burundi, examiné en novembre 2014. D’autre part, le rapport doit indiquer les mesures prises par les autorités burundaises pour « enquêter sur les informations crédibles faisant état d’exécutions sommaires – y compris des assassinats politiques –, d’arrestations arbitraires, de tortures et de mauvais traitements contre les membres de l’opposition, les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme et leurs familles ».

Le rapport a été introduit par Mme Aimée-Laurentine Kanyana, Ministre de la justice et Garde des sceaux du Burundi. Celle-ci a présenté d’abord les démarches de son Gouvernement pour appliquer les recommandations du Comité, confirmant à cet égard que le Code pénal de 2009 reprenait la définition de la torture dans les mêmes termes que la Convention et que la torture était interdite sur tout le territoire, les auteurs des actes de torture étant recherchés, jugés et punis conformément à la loi. Mme Kanyana a aussi souligné que le Code de procédure pénale de 2013 prescrivait que les aveux de culpabilité et d’autres informations obtenus sous la torture étaient frappés de nullité.

S’agissant des informations faisant état de tortures par le Service national de renseignement, la ministre a prié le Comité de noter que la loi s’appliquait sans discrimination et que la responsabilité pénale était individuelle, ainsi qu’en témoigne le nombre de policiers détenus en prison. Concernant les jeunes activistes Imbonerakure, Mme Kanyana a démenti catégoriquement les allégations mensongères selon lesquelles son Gouvernement leur fournirait des armes et une formation. Elle a précisé que tout jeune Burundais commettant un délit était puni conformément à la loi, les peines encourues étant celles que le Code pénal de droit commun a prévues. Mme Kanyana a enfin souligné que l’impunité dont faisait mention le Comité [dans ses observations finales] relevait d’informations non éclairées, fondées sur des préjugés et sur la stigmatisation.

La délégation du Burundi, qui était composée de fonctionnaires des Ministères de la justice et des affaires étrangères, n’a assisté qu’à la première des deux séances prévues pour l’examen du rapport. Elle a justifié son absence en affirmant dans une lettre signée de Mme Kanyana - lue par M. Modvig au début de la seconde séance - que les questions des membres du Comité posées la veille, ainsi que leurs observations, avaient porté sur d’autres points que ceux communiqués à l’avance au Gouvernement burundais, ces questions étant inspirées du rapport alternatif envoyé au Comité par des organisations non gouvernementales. Le Gouvernement n’a pas été saisi de ce rapport et n’a, de ce fait, pas été en mesure de préparer ses réponses aux questions du Comité, a expliqué la Ministre. Par le même courrier, elle a souligné que le Burundi rejetait les affirmations relatives au dysfonctionnement de sa justice.

M. Sébastien Touzé, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport spécial, a souligné que le Comité était saisi d’informations montrant que le Burundi était confronté actuellement non pas à une alerte conjoncturelle mais à une véritable rupture, dénoncée comme telle par de nombreux organes des Nations Unies. Dans ce contexte, le Comité s’inquiète tout particulièrement du rôle joué par les Imbonerakure, des informations crédibles faisant état d’assassinats et d’actes de torture commis par ces jeunes militants contre toute personne soupçonnée de soutenir l’opposition. L’expert a demandé à la délégation de préciser quels liens ce groupe entretenait avec la police nationale et le Service national de renseignement. M. Touzé a demandé, en outre, des informations sur l’état des enquêtes concernant les assassinats de plusieurs opposants politiques. Il a souhaité connaître les raisons et la justification des déclarations publiques relevant d’une rhétorique génocidaire.

Mme Essadia Belmir, corapporteuse, a constaté pour sa part que les éléments dont disposait le Comité témoignaient d’un dysfonctionnement de l’État de droit, le pouvoir judiciaire ne semblant pas pouvoir s’affranchir du pouvoir exécutif. Mme Belmir a déploré le mépris dans lequel étaient tenues les décisions rendues par la justice et a recommandé que le Burundi clarifie les rapports des magistrats avec les forces armées et la police. Un expert a regretté, par ailleurs, que le rapport spécial minimise les allégations de torture au Burundi, alors même que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a documenté plus de 700 cas de torture et au moins 7 000 arrestations arbitraires. Regrettant l’attitude de déni du Burundi, un expert a suggéré que les observations finales du Comité concernant ce pays soient adressées en priorité aux organes internationaux et des Nations Unies pertinents.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport spécial du Burundi et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux vendredi 12 août.

Mardi 2 août à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport présenté par la Mongolie (CAT/C/MNG/2).

Présentation du rapport

Le Comité était saisi d’un rapport spécial établi à sa demande par le Burundi (CAT/INR/BDI/8, en français uniquement).

Le rapport a été présenté par MME AIMÉE-LAURENTINE KANYANA, Ministre de la justice et Garde des sceaux du Burundi, qui a d’abord dressé un état des lieux de la mise en œuvre des recommandations contenues dans les observations finales du Comité concernant le deuxième rapport périodique de son pays. Elle a confirmé que la procédure pénale en vigueur au Burundi était harmonisée avec la Convention s’agissant de l’applicabilité de cet instrument par les juridictions nationales ; que le Code pénal de 2009 reprenait la définition de la torture dans les mêmes termes que la Convention ; et que la torture était interdite sur tout le territoire national, les auteurs des actes de torture étant recherchés, jugés et punis conformément à la loi. Mme Kanyana a souligné que le Code de procédure pénale de 2013 prescrivait en particulier que les aveux de culpabilité et d’autres informations obtenus sous la torture étaient frappés de nullité. La ministre a précisé également que la loi sur la protection des victimes, des témoins et d’autres personnes en situation de risque venait d’être promulguée pour faciliter l’action en justice.

Mme Kanyana a assuré que son Gouvernement était conscient de sa responsabilité de protéger, promouvoir et rendre effectifs les droits fondamentaux et les libertés garantis par les instruments juridiques internationaux qu’il a ratifiés. En cas de violation, a ajouté la ministre, le responsable doit absolument être poursuivi et puni conformément à la loi.

En matière d’administration de la justice pénale, a-t-elle poursuivi, le système burundais repose sur la complémentarité des fonctions de poursuite et de jugement. Au niveau administratif, des mesures sont prises autant que de besoin et pour une bonne administration de la justice, s’agissant par exemple des mesures rapprochant les services judiciaires des justiciables. Au mois de décembre dernier, a dit Mme Kanyana, le Burundi a organisé, en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, un séminaire de formation au profit des magistrats sur la prise en compte des droits de l’homme dans l’administration de la justice. La campagne de sensibilisation continue en vue de combattre l’impunité et assurer la protection des droits de l’homme sur le territoire national.

S’agissant de la garantie de réparation adéquate au profit des victimes ou des ayants droit des victimes de violations, la loi prescrit qu’« en cas de torture par un préposé de l’État […], et si la victime s’est régulièrement constituée partie civile, la réparation intégrale du préjudice est supportée par l’État », a indiqué la ministre. Pour ce qui concerne les informations faisant état d’actes de torture de la part du Service national de renseignement, la ministre a prié le Comité de noter que la loi s’appliquait sans discrimination et que la responsabilité pénale était individuelle, comme en témoigne le nombre de policiers emprisonnés.

Concernant les jeunes Imbonerakure – un groupe de partisans du pouvoir – Mme Kanyana a fait observer qu’avant d’avoir ce « cachet politique », ces militants étaient des personnes physiques, identifiables individuellement. Si un jeune commet une faute pénale, a souligné la Garde des Sceaux, il est poursuivi et puni conformément à la loi, les peines encourues étant celles que le Code pénal de droit commun a prévues. Le « cachet politique » ne peut prévaloir que lorsque les jeunes affiliés ont été formellement mandatés par les partis politiques agréés, a précisé Mme Kanyana : or, ce n’est pas le cas en l’espèce, et la qualité militante ne confère à ces jeunes aucune immunité en cas de violation de la loi.

La ministre a attiré l’attention du Comité sur le fait qu’il prenait uniquement connaissance à travers la presse de l’existence de certains rapports tendancieux contenant des allégations très graves de violations des droits de l’homme au Burundi. Ces allégations sont basées sur des informations obtenues de sources anonymes, impossibles à vérifier ou fournies par des personnalités de l’opposition qui ne cherchent qu’à ternir l’image du pays, a déclaré la ministre. C’est pourquoi le Gouvernement demande que tout rapport ayant été soumis au Comité sans qu’il ait eu l’opportunité d’y réagir soit disqualifié. Mme Kanyana a enfin relevé que l’impunité dont fait mention le Comité relève d’informations non éclairées, fondées sur des préjugés et sur la stigmatisation.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. SÉBASTIEN TOUZÉ, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Burundi, a regretté que la délégation burundaise n’intègre pas de représentants des ministères de la défense et de l’intérieur, dans la mesure où de nombreuses précisions qui seront demandées par le Comité relèvent de leurs attributions.

Il a souligné que les problèmes qui seront évoqués ne devaient pas être occultés ou niés. Le Comité est en effet saisi d’informations montrant que le Burundi est confronté à une véritable rupture, dénoncée comme telle par plusieurs organes des Nations Unies. Il ne s’agit pas d’une alerte conjoncturelle mais d’une inquiétude généralisée, a insisté le rapporteur. M. Touzé a résumé à cet égard des inquiétudes exprimées au niveau international par le Conseil de sécurité des Nations Unies, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, la Cour pénale internationale, l’Union africaine et le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire. C’est dans ce contexte que le Comité a demandé au Burundi de venir présenter ses informations concernant le suivi des observations finales de 2014. Le rapport spécial présenté ce jour, très général, présente des lacunes mais constitue toutefois une base de discussion, a constaté l’expert.

Le Comité s’inquiète tout particulièrement du rôle joué au Burundi par les Imbonerakure, des informations crédibles faisant état d’assassinats et d’actes de torture commis par ces militants contre toute personne soupçonnée de soutenir l’opposition. Dans le rapport spécial, le Gouvernement du Burundi dément tout lien entre les autorités et ce groupe : mais plusieurs rapports d’organisations non gouvernementales montrent que des actes de torture, des exécutions sommaires et des arrestations peuvent être imputés aux Imbonerakure, a constaté M. Touzé. L’expert a demandé à la délégation de préciser quels liens ce groupe entretenait avec la police nationale et le service national de renseignement, et si ses membres étaient autorisés à arrêter et détenir des personnes.

M. Touzé a aussi prié la délégation de donner une liste des actions judiciaires engagées contre des Imbonerakure, l’identité des accusés et les éventuelles condamnations prononcées. L’expert a demandé des informations sur l’assassinat, le 31 janvier dernier, de M. Laurent Gasasuma par douze Imbonerakure et sur la mort de plusieurs personnes lors d’affrontements entre jeunes et policiers dans deux quartiers de Bujumbura (Mutakura et Cibitoke).

M. Touzé a demandé, en outre, des informations sur l’état des enquêtes concernant les assassinats de plusieurs opposants politiques, s’agissant notamment de Mme Charlotte Umurwaneza etde MM. Zedi Feruzi, William Nimubona et Melchior Hakizimana. M. Touzé a voulu savoir où en était l’enquête sur l’agression de Pierre Claver Mbonimpa et sur le meurtre de son fils. M. Touzé a prié la délégation de fournir tous les éléments pertinents pour que le Comité puisse apprécier la réalité des informations donnée dans le rapport spécial.

Le rapporteur a constaté que de nombreux journalistes avaient été et étaient victimes d’agressions et constamment harcelés dans l’exercice de leurs fonctions. En juillet 2015, les autorités burundaises ont fermé des comptes bancaires de plusieurs organisations non gouvernementales et suspendu l’activité d’un certain nombre d’entre elles. La délégation a été priée de donner des informations sur les motifs qui semblent justifier ces actions.

S’agissant de la répression des manifestations au Burundi, le rapporteur a rappelé qu’en règle générale aucune force ne devait être utilisée contre des manifestants pacifiques. Or, dès que les manifestations du 26 avril 2015 ont éclaté, la police a ouvert le feu sur les manifestants qui ont répliqué en lançant des pierres. Il s’agit d’un cas flagrant d’usage excessif de la force, y compris de la force meurtrière, par les forces de l’ordre : l’expert a demandé à la délégation de dire si des enquêtes avaient été ou allaient être ouvertes.

M. Touzé a aussi noté que, selon de nombreuses sources, y compris le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, on recensait au moins neuf fosses communes autour de la capitale qui contiendraient plusieurs dizaines de corps. La délégation a été priée de dire si ceux-ci ont été identifiés par les autorités et si ces dernières ont pris les mesures nécessaires pour établir les circonstances et causes des décès.

Le Comité a connaissance d’autres informations selon lesquelles les forces de l’ordre, les militaires burundais et les Imbonerakure auraient commis des violences sexuelles sur des femmes, certains durant les manifestations, d’autres lors de fouilles. M. Touzé a demandé si des enquêtes avaient été ouvertes sur ces crimes qui constituent, de l’aveu même du Ministre des droits de la personne humaine du Burundi, « un phénomène de société » qui ne serait pas lié à la crise politique. Le rapporteur a espéré que le Burundi puisse confirmer que ses autorités étaient étrangères à ces actes et que les procédures engagées permettraient de connaître la vérité sur les cas de viols.

Le rapporteur a voulu connaître les raisons et la justification de déclarations publiques relevant d’une rhétorique génocidaire. Plusieurs organisations non gouvernementales ont souligné à cet égard le rôle actif des Imbonerakure dans des actions menées dans des quartiers majoritairement habités par des Tutsis. M. Touzé a aussi fait référence à des déclarations du président du parti majoritaire reprochant aux organisations de droits de l’homme d’appeler au génocide au Burundi et demandant aux autorités à prendre des « mesures musclées » contre ces mêmes organisations.

Au plan juridique enfin, M. Touzé a expliqué que la mention, par le Comité, de la nécessité d’introduire dans le Code pénal le principe d’imprescriptibilité de l’action publique contre la torture n’était pas « une proposition », comme semblait croire le Burundi, mais un rappel des obligations incombant aux États lorsqu’ils ratifient la Convention.

MME ESSADIA BELMIR, corapporteuse pour l’examen du Burundi, a jugé significatif que la présidence de la délégation ait été confiée à un membre de la magistrature, un corps garant des droits de la personne. Mme Belmir a souhaité connaître les éléments, acteurs et échéances de la politique de droits de l’homme que le Burundi dit appliquer. Elle a constaté que les éléments disponibles concernant le pouvoir judiciaire burundais témoignaient d’un certain dysfonctionnement de l’État de droit du Burundi.

Mme Belmir a relevé que le pouvoir judiciaire semblait toujours sous le joug du pouvoir exécutif, dont il n’a apparemment pas réussi à s’affranchir. L’experte a souligné que des magistrats burundais étaient régulièrement contraints d’aller interroger des personnes dans les locaux mêmes des forces de sécurité. Elle a déploré, plus généralement, le mépris dans lequel sont tenues les décisions rendues par la justice et les pressions exercées par l’exécutif sur des magistrats. Mme Belmir a recommandé que le Burundi clarifie les rapports des magistrats avec les forces armées et la police.

Elle a fait état, par ailleurs, d’un recours excessif à la force par la police lors des manifestations et durant les garde-à-vue. Elle s’est enquise des suites judiciaires données à l’assassinat du gendre de M. Pierre Claver Mbonimpa. Elle a observé, à ce sujet, que les enquêtes menées par la police ne devaient pas dépendre de la « collaboration des parties civiles », collaboration que les autorités burundaises appellent de leurs vœux dans le rapport.

Enfin, Mme Belmir a rapporté des informations selon lesquelles des actes de torture abominables avaient été commis par des Imbonerakure contre des opposants politiques et par les forces de sécurité dans des commissariats et casernes. Mme Belmir a souligné que l’article 15 de la Convention semblait systématiquement bafoué, la torture étant appliquée pour obtenir les aveux des justiciables. Mme Belmir a regretté que les trois ou quatre commissions d’enquête sur ces faits créées par les autorités n’aient produit aucun résultat à ce jour et souligné que l’exécutif avait le devoir de faire toute la lumière sur les situations évoquées.

Dans leurs propres observations et questions, d’autres membres du Comité ont noté que la définition de la torture contenue dans le Code pénal burundais ne tenait pas compte d’éléments constitutifs importants de ce délit tels que décrits dans l’article premier de l’instrument, à savoir le fait de punir une personne pour « un acte qu'elle […] a commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire pression sur elle […], ou pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu'elle soit ».

Un expert a déploré l’impunité dont jouissaient les forces de sécurité, notamment les membres du Service national de renseignement. Il a noté que le Gouvernement burundais demandait, dans son rapport spécial, au Comité d’« avoir confiance » en lui car « il est vérifiable » que bon nombre d’agents de la police nationale sont incarcérés en prison. L’expert a prié la délégation de vérifier les résultats des enquêtes menées sur des cas de violences contre des opposants et d’en informer le Comité et de vérifier l’efficacité des formations aux droits de l’homme prodiguées aux forces de l’ordre. La délégation a été priée aussi de commenter la déclaration de trois experts mandatés par les Nations Unies qui ont constaté, en juin 2016, que les allégations de violations des droits de l’homme au Burundi n’avaient pas diminué.

De source non gouvernementale, a relevé un autre expert, le Comité a appris qu’une commission d’enquête mandatée par le procureur général pour faire la lumière sur les violences du 11 décembre 2015 aurait conclu ses travaux en mars dernier : la délégation a été priée d’informer le Comité du contenu du rapport de cette commission d’enquête.

Un autre expert a indiqué que le Comité pouvait appuyer son examen de la situation du Burundi sur des informations crédibles et fiables. L’expert a rappelé que les plus hauts responsables des Nations Unies avaient fait le constat d’une situation pré-génocidaire au Burundi et estimé que sa résolution exigerait la collaboration active des autorités. Il a regretté que le rapport spécial minimise les allégations de torture, alors même que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a documenté plus de 700 cas et au moins 7 000 arrestations arbitraires. Dans un cas de torture dûment documenté par la justice burundaise, non seulement l’officier supérieur de police reconnu coupable n’a pas effectué la peine à laquelle il avait été condamné, s’est étonné l’expert, mais les autorités lui ont ensuite confié le commandement d’une unité de police chargée de missions très sensibles.

Un expert a observé que les « comités mixtes de sécurité », chargés de la protection de la population contre les menaces politiques, étaient composés de fonctionnaires de police, de militaires, de membres des services de renseignement mais aussi de civils, en particulier d’Imbonerakure. L’expert a voulu savoir quelles mesures les autorités comptaient prendre pour donner effet à leur affirmation, dans la conclusion du rapport spécial, selon laquelle « rien ne justifie le recours aux civils pour assurer la sécurité ».

Une experte a observé qu’il était très rare que le Comité invite un État partie à présenter un rapport spécial, le but de cet exercice étant d’éviter que d’autres incidents tels que ceux portés à la connaissance du Comité ne se reproduisent. L’experte a regretté à ce propos que les autorités burundaises rechignent à lancer des poursuites contre les auteurs de crimes et même à enquêter sur des allégations dont certaines sont d’une extrême gravité. La même experte a voulu savoir si des enquêtes avaient été ouvertes au sujet des exécutions extrajudiciaires commises au Burundi après les élections de 2010.

D’autres questions des experts ont porté sur les indemnisations accordées aux victimes de la torture et sur l’adoption de la loi portant création de la « commission vérité et réconciliation ». Il a été observé que le système de justice de transition actuel suscitait des controverses. Un expert a souligné que l’État devait informer les citoyens de leur droit de saisir les tribunaux et de demander réparation lorsque leurs droits fondamentaux sont bafoués.

La délégation a été priée de donner « des réponses utiles » au sujet de l’existence de centres de détention illégaux au Burundi, des poursuites engagées contre les disparitions forcées et du recours aux violences sexuelles comme méthode de répression. Un expert a relevé que la fuite de près de 300 000 Burundais de leur pays témoignait sans doute possible de la gravité de la situation. Un expert, regrettant l’attitude de déni de l’État partie, a suggéré que les observations finales du Comité soient adressées en priorité aux organes internationaux et des Nations Unies pertinents.

Réponse de la délégation

Le Burundi a répondu aux questions et observations du Comité par le biais d’une lettre signée par Mme Kanyana. Le Gouvernement du Burundi y précise avoir présenté le rapport spécial comme il lui avait été demandé. La délégation du Burundi a constaté que les questions et observations posées par les membres du Comité dans le cadre de l’examen, jeudi 28 juillet, avaient porté sur d’autres points que ceux communiqués au Gouvernement burundais, inspirés du contenu du rapport alternatif envoyé au Comité par des organisations non gouvernementales. Le Gouvernement du Burundi n’a pas été saisi de ce rapport et n’a de ce fait pas été en mesure de préparer ses réponses aux questions du Comité.

Par le même courrier, le Burundi rejette les affirmations relatives au dysfonctionnement de la justice du Burundi. Il souligne en particulier que le rapport des organisations non gouvernementales ne mentionne pas qu’elles aient déposé une quelconque plainte auprès de la justice pour des violations de la Convention contre la torture.

Le Burundi demande au Comité de lui communiquer le rapport des organisations non gouvernementales pour lui permettre de préparer les réponses qu’il pourra soumettre ultérieurement au Comité. Le Gouvernement du Burundi réitère enfin son engagement à coopérer avec le Comité contre la torture et les autres organes de traités des Nations Unies.

Conclusion

M. MODVIG, Président du Comité, a regretté, au nom du Comité, que l’État partie ait décidé d’interrompre le dialogue. Le Comité a pris note des remarques du Burundi sur la procédure mais a indiqué que tous les éléments d’appréciation utilisés par le Comité avaient été rendus publics. Conformément à la pratique en vigueur, le Burundi dispose d’un délai de 48 heures pour fournir des informations complémentaires. Le Comité tiendra aussi compte des renseignements qui pourront être fournis ultérieurement. Il écrira à la représentation permanente du Burundi pour convenir de la suite à donner à l’examen du rapport du Burundi.



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CAT16/016F