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LE COMITÉ AUDITIONNE DES ONG SUR LA SITUATION DES FEMMES EN ALBANIE, EN TURQUIE, EN URUGUAY, AU MALI ET À TRINITÉ-ET-TOBAGO

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a auditionné, cet après-midi, des représentants d'organisations non gouvernementales, ainsi que d'institutions des droits de l'homme au sujet de la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans les cinq pays dont les rapports seront examinés d'ici à la fin de la session, à savoir l'Albanie, la Turquie, l'Uruguay, le Mali, et Trinité-et-Tobago.

S'agissant de l'Albanie, qui présente son rapport demain, le taux élevé de violence domestique a été dénoncé, la moitié des crimes enregistrés chaque année étant des crimes domestiques. L'attention a en outre été attirée sur le droit des femmes à l'accès à la propriété, les conditions de salaire dans l'industrie de la chaussure et du textile, et les discriminations dans le domaine de la santé.

En ce qui concerne la Turquie, les ONG ont dénoncé les mariages précoces et forcés, les abus et violences sexuelles, l'exploitation des femmes par le travail et la persistance des stéréotypes sur le rôle et la place des femmes. Une ONG a également attiré l'attention du Comité sur l'abrogation récente de la loi sur l'élimination des discriminations à l'égard des femmes.

Pour ce qui est de l'Uruguay, l'ONG qui a pris la parole a déploré que le cadre juridique uruguayen ne tenait pas compte de toutes les formes de violence. Elle a estimé que la violence domestique devait faire l'objet d'une attention accrue. Les autres sources de préoccupation incluent les discriminations dans la domaine politique et la persistance de la discrimination raciale à l'encontre des personnes d'ascendance africaine.

S'agissant du Mali, une ONG a souligné que les mariages précoces et forcés représentaient près de 80% des mariages célébrés dans certaines régions, le taux moyen à l'échelle du pays étant de 60%. Parmi les autres inquiétudes soulevées par les ONG figuraient la situation des femmes handicapées, l'augmentation des mutilations génitales féminines dans les zones rurales, et le nombre de femmes assassinées par leurs maris.

Pour ce qui est, enfin, de Trinité-et-Tobago, une coalition de plusieurs organisations a estimé nécessaire l'adoption d'une politique relative au genre dans le cadre du développement économique. Une ONG a attiré l'attention sur la situation des employés domestiques qui ne sont pas considérés comme des travailleurs à part entière: ils travaillent sans contrat et n'ont accès à aucune réparation en cas de licenciement.


Demain matin, à partir de 10 heures, le Comité examinera le rapport de l'Albanie (CEDAW/C/ALB/4).


Audition de la société civile et des institutions nationales des droits de l'homme

S'agissant de l'Albanie

Center for Legal Civic Initiatives a insisté sur deux points relatifs à l'accès à la justice et à la réalisation des droits économiques. Elle s'est intéressée à l'exécution des droits à la pension alimentaire et expliqué que dans 87% des cas de divorce, les mères avaient la responsabilité d'élever et d'éduquer leurs enfants, alors que les pères versaient une pension alimentaire. Or, des facteurs, comme le chômage, empêchent l'exécution de ces décisions. L'ONG a ensuite attiré l'attention sur le droit des femmes à l'accès à la propriété. Elle a fait valoir que dans de nombreux cas, les femmes ne possédaient pas de titre de propriété. Il faudra un changement des mentalités pour instaurer le principe de la copropriété, a-t-elle estimé.

Gender Alliance for Development Centre a dénoncé le taux élevé de violence domestique en Albanie. La moitié des crimes enregistrés chaque année sont des crimes domestiques. Une loi en matière d'égalité de genre est en vigueur mais le cadre juridique manque de durabilité pour répondre aux cas de violence domestique. Par ailleurs, l'ONG a indiqué qu'une femme sur trois travaillant dans l'industrie de la chaussure et du textile ne touchait pas le salaire minimum légal.

Le Centre albanais pour la population et le développement a abordé la question de la discrimination à l'encontre des femmes dans le domaine de la santé. Elle a expliqué que le budget de la santé représentait 2,6% du PIB, soit un taux beaucoup plus faible que dans d'autres pays et le plus faible d'Europe du Sud-Est. L'ONG s'est en particulier inquiétée du taux élevé de mortalité infantile. Enfin, elle a déploré que les services de santé dans les campagne soient très de qualité très variable.

En réponse aux interrogations soulevées par des membres du Comité dans le cadre de l'échange de vues qui a suivi ces interventions, une ONG a estimé possible d'intervenir pour garantir les droits des femmes en matière de propriété foncière. Il conviendrait de modifier la loi, notamment le code civil et le code de la famille, pour améliorer concrètement la réalisation de ces droits.
M. IGLI TOTOZANI, Défenseur du peuple albanais, a expliqué que si l'État-partie disposait d'un cadre juridique complet, des problèmes se posaient en matière d'application effective et concrète des textes. Il a également précisé que le quota de 30% de représentation des femmes n'avait pour l'instant pas été atteint, le Parlement comptant actuellement 22% de femmes. Quelles que soient les améliorations effectuées en matière de participation aux élections, certaines femmes font encore face à des obstacles. Le Défenseur du peuple albanais a indiqué en particulier que les femmes rom rencontraient des difficultés pour voter. Il a par ailleurs indiqué avoir recommandé que le code du travail soit amendé afin que le harcèlement moral au travail soit considéré comme un motif de harcèlement. Il a souligné qu'en dépit des améliorations apportées à la loi sur l'aide juridictionnelle, un grand nombre de problèmes perduraient notamment pour les femmes victimes de traite, les femmes rom, les femmes handicapées et les femmes victimes de violence domestique qui ont des difficultés à accéder à la justice.

MME IRMA BARAKU, Commissaire pour la protection contre la discrimination en Albanie, a indiqué que le nombre de dénonciations de discriminations sur des bases sexistes restait plus faible que pour les autres motifs de discriminations. Elle a attiré l'attention sur les discriminations indirectes et multiples affectant les femmes et les jeunes filles, notamment les plus pauvres. Elle a souligné que l'ampleur de la violence domestique et sexiste. La Commissaire a toutefois constaté que l'augmentation du nombre de cas relatifs à la discrimination traités par les tribunaux était encourageante. En juin 2015, un tribunal a reconnu un cas de discrimination et octroyé un dédommagement. Une décision en matière de discriminations à l'encontre des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, et transgenres a également été récemment rendue.

En réponse aux interrogations soulevées par des membres du Comité dans le cadre de l'échange de vues qui a suivi cette intervention, le Défenseur a expliqué que seules 47% de ses recommandations étaient suivies d'effet. Il a souligné que la priorité de son mandat était de protéger les sans-voix, comme les femmes les plus vulnérables, au nom desquelles figurent les femmes handicapées.

S'agissant de la Turquie

Executive Committee for NGO Forum on CEDAWa d'emblée souligné que la Turquie était un «carrefour précaire de souffrances», en raison notamment des attentats récents. L'ONG a affirmé que de nombreuses femmes mouraient du fait de l'application du couvre-feu dans le sud-est du pays, établi sous couvert de lutte contre le terrorisme. Il y a en Turquie beaucoup d'abus et de violences sexuelles, notamment à l'encontre des femmes handicapées et des lesbiennes. L'ONG dénonce aussi les mariages précoces et forcés, l'exploitation sexuelle et l'exploitation par le travail dont les femmes sont victimes. Le taux de chômage des femmes est élevé. Il y a peu de crèches en raison des stéréotypes sur le rôle et la place des femmes.

L'Association des droits de l'homme, au nom aussi de la Fédération internationale des droits de l'homme, a indiqué que le rapport présenté par la Turquie à l'examen périodique universel mentionnait une loi sur l'élimination des discriminations à l'encontre des femmes. Or, cette loi a été abrogée. En 2016, une autre loi a été entérinée par le Parlement turc qui visait à éliminer l'Institut national des droits de l'homme pour le remplacer par un institut qui n'est pas conforme aux Principes de Paris.

L'Association KADEM pour les femmes et la démocratie a affirmé que la participation des femmes dans divers domaines de la vie sociale était plus importante que dans nombre de pays européens. La nouvelle loi adoptée pour lutter contre la violence à l'égard des femmes constitue ainsi une évolution significative. Elle estime toutefois que cette loi devrait être améliorée en concertation avec les organisations de la société civile. En outre, les foyers pour femmes ne sont pas assez nombreux en Turquie.

En réponse aux interrogations soulevées par des membres du Comité dans le cadre de l'échange de vues qui a suivi cette intervention, une ONG a souligné que les facteurs négatifs s'accumulaient en Turquie: la violence, la terreur, la pauvreté créent des conditions difficiles. Elle a dénoncé les effets des couvre-feux.

S'agissant de l'Uruguay

Cotidiano Mujer, au nom aussi de CLADEM Uruguay et Colectiva Mujeres, a déploré que le cadre juridique uruguayen ne tienne pas compte de toutes les formes de violence contre les femmes. Les ONG estiment que la violence domestique doit faire l'objet d'une attention accrue, alors que 35 femmes meurent chaque année en raison des violences domestiques. En outre, les stéréotypes patriarcaux perdurent. La discrimination persiste dans la sphère politique. Il faut que l'État adopte une loi sur la parité, ont plaidé les ONG. Par ailleurs, elles ont dénoncé l'abus de la détention préventive qui touche aussi les femmes et les enfants. Enfin, ce groupe d'ONG a affirmé que la discrimination raciale persistait en Uruguay. Les personnes d'ascendance africaine souffrent davantage de la pauvreté. Les filles d'ascendance africaine abandonnent leurs études pour contribuer à la subsistance de leur famille.

En réponse aux interrogations soulevées par des membres du Comité dans le cadre de l'échange de vues qui a suivi cette intervention, une ONG a préconisé que soit adoptée et appliquée une perspective genre dans la mise en œuvre du système national de soins en Uruguay. S'agissant de la justice, l'ONG a souligné que les femmes étaient confrontées à un système hostile incapable de prendre en compte les violences basées sur le genre. Elle a fait référence à certaines décisions discutables en matière pénale. Ainsi, dans une affaire d'exploitation sexuelle de jeunes filles, le Tribunal a conclu que celles-ci avaient consenti à ces actes et qu'elles menaient une vie dissolue.

S'agissant du Mali

Une coalition d'ONG du Mali a souligné que la définition de la discrimination consacrée dans l'article premier de la Convention n'était pas clairement incorporée dans la législation nationale. Par conséquent, les femmes continuent d'être discriminées dans la loi, les politiques et les pratiques. Elle s'est également inquiétée du nombre de femmes assassinées par leur mari, un phénomène face auquel les autorités font preuve de passivité. Ces ONG ont également dénoncé une augmentation des pratiques des mutilations génitales féminines dans les zones rurales. Elles ont aussi dénoncé le fait que les femmes ne pouvaient pas hériter de la terre au Mali.

L'Union malienne des associations et Comités de femmes handicapées a attiré l'attention sur la situation des femmes handicapées au Mali. Elle a déploré que la politique nationale sur le genre adoptée en 2010 ne mentionnait pas la femme handicapée. Elle estime qu'il est indispensable de prendre en compte la spécificité de la femme handicapée dans le décret d'application de la loi sur le quota de 30% sur le genre. Elle déplore qu'aucune disposition dans les politiques et programmes concernant l'éducation sexuelle et la santé reproductive des femmes ne mentionne spécifiquement les femmes handicapées.

MUSAWAH a attiré l'attention sur les mariages précoces et forcés au Mali. L'organisation a expliqué que ces unions représentaient près de 80% des mariages célébrés dans certaines régions, le taux moyen à l'échelle du pays étant de 60%. Le nouveau code du mariage et de la famille établit le l'âge minimum pour se marier à 16 ans pour les femmes et 18 ans pour les hommes, et permet que des mariages soient célébrés dès l'âge de 15 ans avec la permission d'un juge et le consentement des parents.

En réponse aux interrogations soulevées par des membres du Comité dans le cadre de l'échange de vues qui a suivi cette intervention, une ONG a souligné que les autorités maliennes avaient commencé à travailler avec la société civile pour faciliter l'accès à la justice des femmes victimes de violences. Mais la justice est très loin de certaines zones. Se pose également la question des coûts pour accéder à la justice. Pour toutes ces raisons, l'ONG estime qu' une loi sur les violences faites aux femmes s'impose au plus vite.

En ce qui concerne Trinité-et-Tobago

Une coalition de huit ONG a regretté qu'aucune politique nationale pour le genre et le développement n'ait été approuvée à Trinité-et-Tobago. Elle a recommandé qu'une telle politique soit rapidement adoptée et mise en œuvre. De plus, l'Unité des droits de l'homme devrait être structurée de manière adéquate et suffisamment dotée en ressources pour pleinement promouvoir, protéger et respecter les droits des citoyens. La coalition d'ONG a également souhaité que Trinité-et-Tobago s'exprime sur le statut de la Commission nationale pour l'autonomisation de la femme et l'égalité des sexes.

National Union of Domestic Employees a souligné qu'à Trinité-et-Tobago, les domestiques n'étaient pas considérés comme des travailleurs à part entière. La loi stipule que tout individu qui travaille à la maison et qui est payé par le propriétaire du lieu et n'est pas considéré pour autant comme un travailleur en tant que tel. Ces personnes travaillent sans contrat, les conditions de travail changent arbitrairement et, en cas de licenciement, ils n'ont pas droit à des indemnités.




Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CEDAW16/022F