Aller au contenu principal

LA CONFÉRENCE DU DÉSARMEMENT ENTEND UNE DÉCLARATION DU HAUT-REPRÉSENTANT POUR LES AFFAIRES DE DÉSARMEMENT

Compte rendu de séance

La Conférence du désarmement a tenu, toute la matinée, une séance plénière publique durant laquelle elle a entendu une déclaration de M. Kim Won-Soo, Secrétaire général adjoint des Nations Unies et Haut-Représentant pour les affaires de désarmement, ainsi que les déclarations de nombreuses délégations concernant, en particulier, le projet de programme de travail présenté par l'Ambassadeur Piotr Stachanczyk de la Pologne en tant que nouveau Président de la Conférence.

Dans son allocution, M. Kim Won-Soo s'est félicité de la volonté d'ouverture dont témoigne la Conférence du désarmement, mais a constaté que l'intégration de la société civile à ses travaux est encore en-deçà des attentes contemporaines. La paralysie des instances du désarmement fait en effet s'interroger sur la pertinence des approches traditionnelles du désarmement, a-t-il observé: l'Assemblée générale elle-même s'est saisie de certains points à l'ordre du jour de la Conférence, confiant à deux groupes de travail la charge de trouver des façons d'aller de l'avant. «La communauté internationale n'a pas renoncé à la Conférence du désarmement», a assuré le Haut-Représentant. Mais, faute d'accord rapide sur le programme de travail, la communauté internationale sera de plus en plus tentée de se tourner vers d'autres fora, a-t-il averti.

Le nouveau Président de la Conférence a pour sa part déclaré que l'impasse dans laquelle se trouve la Conférence impose aux membres qu'ils avancent sur le plan qualitatif. M. Stachanczyk a fait savoir qu'au terme des consultations menées auprès des membres de la Conférence, la proposition formulée par le Royaume-Uni en début d'année avait servi de base à l'élaboration d'un projet de programme de travail qui fera l'objet d'un débat en séance plénière jeudi prochain. Insistant sur l'importance d'un dénouement rapide, le Président a espéré qu'un consensus serait trouvé jeudi en faveur du programme de travail proposé.

Les délégations des pays suivants ont fait des déclarations: Mongolie (au nom du Groupe des 21), Finlande, Israël, Suisse, République de Corée, République arabe syrienne, Mexique, États-Unis, Australie, Japon, République populaire démocratique de Corée, République islamique d'Iran, Royaume-Uni, Espagne, Fédération de Russie, Inde et Nigéria.


La prochaine séance plénière de la Conférence se tiendra jeudi prochain, 30 juin, à 10 heures.


Aperçu des déclarations

La Mongolie, au nom du Groupe des 21, a déclaré que seule l'élimination complète des armes nucléaires constitue une garantie suffisante contre l'utilisation ou la menace d'utilisation de ces armes. Le Groupe des 21 estime donc que la Conférence doit entamer les négociations sur l'élimination complète et progressive des armes nucléaires, aboutissant, dans un délai prescrit, à l'adoption d'un accord vérifiable, de portée universelle et non discriminatoire. En attendant l'élimination totale de toutes les armes nucléaires, le Groupe des 21 estime que la création de zones exemptes d'armes nucléaires est une étape positive et importante vers le renforcement du désarmement et de la non-prolifération. Le Groupe des 21 se félicite par conséquent de la création, à ce jour, de six zones exemptes d'armes nucléaires. Il salue aussi la proclamation formelle par la Communauté des États d'Amérique latine et des Caraïbes de leur région en tant que zone de paix, en 2014. Il réitère en outre son soutien total à la création rapide d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient. Le États membres du Groupe des 21 qui ont ratifié le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) regrettent que trois États parties à ce Traité aient empêché le consensus sur la création de cette dernière zone et estiment qu'Israël devrait ratifier le TNP très rapidement. Le Groupe des 21 rappelle enfin que les garanties de sécurité données par les États détenteurs ne peuvent remplacer des garanties universelles ayant force de loi.

La Finlande a souligné l'importance de passer en revue et mettre à jour les méthodes de travail de la Conférence du désarmement. En particulier, l'élargissement de la Conférence à d'autres membres améliorerait sa représentativité, tout comme la contribution de la société civile et du secteur universitaire, a-t-elle précisé. La Finlande plaide aussi pour la participation égale des femmes et des hommes à la création de sociétés viables. L'intégration des femmes dans le domaine de la «sécurité dure» jouera un rôle important dans la création d'un monde plus sûr pour tous les hommes et les femmes. D'autre part, la Finlande est également d'avis que le Traité sur le commerce des armes – un succès pour la communauté internationale car il contribue à la stabilité et à la sécurité – devrait être ratifié par tous les pays et effectivement appliqué. La Finlande a déjà fait part de sa disponibilité à présider les efforts dans ce sens, a rappelé sa délégation.

Israël a observé que la situation internationale exerce une forte influence sur les travaux de la Conférence et d'autres instances de négociations et de contrôle des armements. Le Moyen-Orient traverse des bouleversements, a fait observer la délégation israélienne, citant la perte du contrôle souverain de certains États sur leurs territoires, ou encore l'utilisation d'armes chimiques par la Syrie et par des acteurs non étatiques. Des organisations terroristes ont acquis des arsenaux qui, dans certains cas, dépassent ceux des États, en qualité et en quantité. Il faut ajouter à cela les violations par l'Iran des résolutions du Conseil de sécurité concernant la mise au point de missiles et son soutien à des organisations terroristes, ainsi que les essais de missiles par la République populaire démocratique de Corée qui contribuent à la prolifération nucléaire.

Pour Israël donc, la sécurité et la paix au Moyen-Orient dépendent de la volonté des acteurs régionaux de lancer un processus de dialogue direct, associé à des mesures d'instauration de la confiance, au sujet des enjeux régionaux de sécurité. C'est pourquoi Israël a accepté de lancer le long processus de consultation piloté par la Finlande concernant la sécurité régionale au Moyen-Orient. Entre 2013 et 2014, cinq consultations multilatérales ont été organisées dans ce contexte en Suisse, auxquelles Israël a participé avec plusieurs de ses voisins arabes. Israël regrette que ces derniers n'aient pas voulu poursuivre ces entretiens et que la région ne dispose pas de mécanisme facilitant la compréhension mutuelle, la cessation des hostilités et la promotion d'un Moyen-Orient plus stable et plus sûr.

La Suisse a observé que si la Conférence du désarmement a été établie en tant qu'unique instance multilatérale pour les négociations dans le domaine du désarmement, ce titre est aujourd'hui galvaudé puisque les instruments de maîtrise des armements négociés depuis vingt ans ne l'ont pas été en son sein, mais bien à l'extérieur de la Conférence. Cette tendance pourrait se renforcer au cours des années à venir, a mis en garde la Suisse, soulignant que le renforcement de la pertinence de la Conférence pour l'ensemble de la communauté internationale nécessiterait de réévaluer plusieurs de ses aspects. En particulier, la Conférence ne semble pas vouloir ou pouvoir prendre en compte l'évolution de la notion de sécurité, qui englobe désormais le concept de sécurité humaine. Ce faisant, la Conférence contribue elle-même au processus de marginalisation qui l'affecte, a mis en garde la Suisse, estimant symptomatique à cet égard que la Conférence ne joue aucun rôle dans les nombreux processus en cours en lien avec les armes classiques.

La Suisse plaide donc pour une réévaluation de la composition de la Conférence du désarmement, afin de tenir compte de l'évolution depuis son établissement en 1978. De manière similaire, une ouverture renforcée de la Conférence vers l'extérieur sera nécessaire pour lui permettre à la fois d'inscrire pleinement ses efforts dans ceux de la communauté internationale et de renforcer sa légitimité, a souligné la Suisse. Cette ouverture comporte plusieurs dimensions, notamment l'accès facilité à la Conférence par les acteurs de la société civile et une plus grande interaction avec les autres acteurs du désarmement.

La République de Corée s'est inquiétée du programme de missiles balistiques et nucléaires de la République populaire démocratique de Corée. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a, par voie de presse, fortement condamné les lancements récents de missiles balistiques, estimant qu'ils constituent une violation grave des obligations de la République populaire démocratique de Corée et sont source de tension. Le Conseil de sécurité remarque que les ressources utilisées pour les missiles balistiques sont prises au secteur civil, au détriment des populations, dont les besoins humanitaires ne sont pas couverts du fait de l'obsession du Gouvernement pour les armes nucléaires, a regretté la République de Corée.

Pour la République de Corée, le comportement de la République populaire démocratique de Corée doit être condamné à trois titres: en tant que violation des résolutions du Conseil de sécurité, parce qu'il est une forme de mépris pour les besoins de la population et parce qu'il est résolument contraire à l'esprit de la Conférence du désarmement. La République de Corée appelle donc les États membres de la Conférence à faire comprendre à la République populaire démocratique de Corée que son comportement ne sera pas toléré et qu'elle doit renoncer définitivement, et de manière vérifiable, à son programme d'armes nucléaires.

La République arabe syrienne a déclaré être d'accord sur le principe d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient. Elle a observé qu'un État de la région détient des armes nucléaires, contrairement aux autres. La République arabe syrienne a condamné les mensonges d'Israël: c'est bien la Syrie qui a demandé à la communauté internationale d'enquêter sur l'utilisation d'armes chimiques par des groupes terroristes, dont certains soutenus par Israël. Israël a dépêché un officier de liaison auprès de ces groupes terroristes, a assuré la délégation syrienne, dénonçant le «terrorisme d'État» d'Israël.

Le Mexique s'est dit conscient de l'urgence d'adopter un programme de travail pour que la Conférence puisse se consacrer à son mandat de négociation. Le Mexique souligne que la décision de limiter le nombre des membres de la Conférence s'explique par une volonté d'efficacité, étant entendu que d'autres organes, plus ouverts, existent aux Nations Unies pour la délibération sur les questions du désarmement. Le Mexique a regretté à ce propos que le programme de travail à l'examen ne mentionne pas le mandat de négociation de la Conférence du désarmement, au risque de l'empêcher à tout jamais de poursuivre ses travaux. Le Mexique s'efforcera d'améliorer le projet par les amendements qu'il estime nécessaires.

Les États-Unis ont condamné le lancement de deux missiles balistiques par la République populaire démocratique de Corée le 21 juin, au mépris des résolutions du Conseil de sécurité. Ils ont invité ce pays à respecter ses obligations internationales et à s'abstenir de toute provocation. Concernant le programme de travail de la Conférence du désarmement, les États-Unis constatent que la proposition du Royaume-Uni a les meilleures chances de réunir un consensus; ils demandent donc à la Conférence de se prononcer rapidement, de manière à pouvoir profiter du temps qu'il reste pour la présente session.

L'Australie a recommandé à la Conférence de ne pas fixer d'objectifs trop ambitieux concernant son programme de travail. Elle a par ailleurs déploré elle aussi les provocations de la République populaire démocratique de Corée, soulignant que le tir de missiles est une menace pour la paix et la sécurité régionales.

Le Japon a lui aussi rappelé que le Conseil de sécurité avait condamné les essais de missiles balistiques par la République populaire démocratique de Corée. Le Japon estime qu'il s'agit là de provocations qui compromettent la paix et la sécurité aux plans régional et international. Le Japon a appelé le République populaire démocratique de Corée à respecter les résolutions du Conseil de sécurité et à s'abstenir de nouvelles provocations.

La République populaire démocratique de Corée a déclaré que les tirs de missiles sont une mesure de légitime défense face aux activités militaires menées par les États-Unis et d'autres pays pour semer le trouble dans la péninsule coréenne en y faisant planer une menace nucléaire. La République populaire démocratique de Corée a ajouté qu'elle n'était pas responsable de la prolifération d'armes de destruction massive, contrairement à ce qu'a dit la délégation israélienne.

La République islamique d'Iran a condamné la protection accordée par Israël à des organisations terroristes, de même que les atrocités commises par Israël contre les Palestiniens. Le Conseil des droits de l'homme a d'ailleurs condamné Israël à plusieurs reprises pour ces atrocités, a rappelé la délégation iranienne.

Le Royaume-Uni a déclaré que le projet de programme de travail CD/2055 minimaliste qu'il a déposé avait pour objectif de fédérer autour de lui toutes les volontés à la Conférence et non de bloquer les travaux de cette instance comme cela a pu être dit. Le fond de la proposition est connu depuis février: les États ont donc eu le temps de se faire une opinion à son propos. (NDLR: le document CD/2055 prévoit la création d'un groupe de travail et l'instauration d'un programme de travail connexe pour la durée de la session de 2016, avec pour mandat de rechercher, d'élaborer et de recommander des mesures efficaces en matière de désarmement nucléaire)

L'Espagne a observé que la Conférence du désarmement devra faire preuve d'une patience infinie face aux positions maximalistes. À ce stade, le programme de travail proposé par le Royaume-Uni, même s'il paraît étriqué, ne doit pas être rejeté d'entrée de jeu, a demandé l'Espagne. Elle s'est par ailleurs dite déterminée à collaborer avec la communauté internationale dans son régime de sanctions contre la République populaire démocratique de Corée, jusqu'à ce que ce pays accepte de mettre un terme à son programme de missiles balistiques.

La Fédération de Russie a constaté que le projet de programme de travail distribué aujourd'hui reprend quasiment mot pour mot le projet présenté en début d'année par le Royaume-Uni. Elle estime que ce projet, qui réorienterait les activités sur un seul point de l'ordre du jour, est contraire à l'esprit du mandat confié à la Conférence du désarmement. Le mandat tel que proposé dans ce projet a, d'autre part, un caractère de recherche, l'élément de négociation étant insuffisant, a estimé la Fédération de Russie. Elle a regretté que le Royaume-Uni n'ait pas voulu intégrer à son projet les suggestions russes.

L'Inde a demandé à la présidence de ne pas oublier les propositions alternatives de programmes de travail déposées, notamment, par le Groupe des 21. L'Inde s'est dite d'accord avec le Président de la Conférence pour dire qu'à l'approche de l'été, le temps est compté pour la Conférence du désarmement. L'Inde s'est dite prête à entamer les négociations concernant un traité sur les matières fissiles.

Le Nigéria a regretté que la Conférence du désarmement n'ait toujours pas adopté son programme de travail et a prié les délégations de dialoguer.

Déclaration du Haut-Représentant pour les affaires de désarmement

M. KIM WON-SOO, Secrétaire général adjoint des Nations Unies et Haut-Représentant pour les affaires de désarmement, a déclaré que le débat animé de ce jour montrait que les membres de la Conférence du désarmement entendent bien la faire évoluer. M. Won-soo s'est félicité de la volonté d'ouverture dont témoignent certains membres de la Conférence du désarmement, mais a constaté que l'intégration de la société civile à ses travaux est encore en-deçà des attentes contemporaines. La paralysie des instances du désarmement fait s'interroger sur la pertinence des approches traditionnelles du désarmement, a-t-il observé: l'Assemblée générale elle-même s'est saisie de certains points à l'ordre du jour de la Conférence du désarmement, confiant à deux groupes de travail la charge de trouver des façons d'aller de l'avant. Cette démarche de l'Assemblée générale s'inscrit dans une nouvelle forme de normalité, a mis en garde M. Won-soo, laquelle se manifeste aussi par la volonté croissante des États non nucléaires de prendre des mesures juridiques innovantes. Faute de progrès dans la mise en œuvre du désarmement à long terme, a ajouté le Haut-Représentant, l'écart se creusera encore entre les États dotés d'armes nucléaires et les États non dotés. Pour y remédier, tous doivent nouer un dialogue plus approfondi et inclusif, qui suppose un engagement sincère de toutes les parties concernées, à l'écoute les unes des autres.

«La communauté internationale n'a pas renoncé à la Conférence du désarmement», a assuré le Haut-Représentant, estimant que les initiatives dans le désarmement réalisées à ce jour complètent ses travaux plutôt qu'elles ne les remplacent. Mais, faute de programme de travail, la communauté internationale sera de plus en plus tentée de se tourner vers d'autres fora, a averti M. Won-soo.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

DC16/029F