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LE COMITÉ AUDITIONNE LA SOCIÉTÉ CIVILE SUR LA MISE EN ŒUVRE DU PACTE AU ROYAUME-UNI, EN EX-RÉPUBLIQUE YOUGOSLAVE DE MACÉDOINE ET EN ANGOLA

Compte rendu de séance
Il auditionne aussi deux ONG sur le droit à la terre

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a auditionné ce matin des représentants d'institutions nationales des droits de l'homme et de la société civile concernant l'application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels au Royaume-Uni, dans l'ex-République yougoslave de Macédoine et en Angola – en préparation de l'examen prévu cette semaine des rapports de ces pays. Il a aussi entendu deux ONG qui se sont exprimés sur le droit à la terre.

S'agissant du Royaume-Uni, les trois institutions des droits de l'homme représentant respectivement l'Angleterre et le Pays de Galles, ainsi que l'Écosse et l'Irlande du Nord ont attiré l'attention sur la réforme du système de sécurité sociale, estimant qu'elle était en train d'aggraver la pauvreté dans le pays. A aussi été évoqué le problème des bas salaires qui ne permettent pas d'avoir une vie décente sans prestations sociales complémentaires. Plusieurs ONG ont dénoncé des coupes claires dans les budgets sociaux et les services publics. La réforme de la loi de protection des droits de l'homme, qui serait remplacée par une Charte des droits offrant moins de garanties, a aussi été contestée.

S'agissant de l'ex-République yougoslave de Macédoine, les ONG ont déploré l'absence d'anticipation de l'État face à la crise migratoire et à l'afflux prévisible de réfugiés. Elles ont aussi dénoncé les discriminations envers les femmes roms, ainsi qu'envers les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI). Les mesures restreignant le recours à l'avortement ont aussi été critiquées. Une ONG a appelé à la dépénalisation de l'usage des drogues douces et a plaidé pour que soit privilégiée la prévention en matière de lutte contre la toxicomanie.

Pour ce qui est de l'Angola, une ONG a affirmé que les autorités persécutaient les défenseurs des droits de l'homme en abusant notamment de la loi antiterroriste.

Les deux organisations non gouvernementales ayant pris le parole au sujet du droit à la terre ont appelé le Comité à envisager la rédaction d'une observation générale qui permettrait de renforcer le cadre normatif dans ce domaine en précisant quelles sont, dans le contexte du droit à un niveau de vie suffisant, les obligations fondamentales des États en la matière.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'ex-République yougoslave de Macédoine.

Audition de la société civile

S'agissant du Royaume-Uni

Equality and Human Rights Commission a estimé que les réformes récentes de la sécurité sociale avaient eu un impact disproportionné sur le niveau de vie des personnes handicapées, des femmes et des enfants. Elle a noté que si la pauvreté avait légèrement diminué, des progrès devaient encore être faits pour atteindre les objectifs qui avaient été fixés dans la loi contre la pauvreté de l'enfance en 2010, alors même que ceux-ci viennent d'être revus à la baisse. La Commission a souligné que les jeunes, les musulmans et les personnes handicapées connaissaient des taux de chômage excessivement élevés. Alors que les bas salaires concernent 5,5 millions de personnes en Grande-Bretagne, le nouveau salaire national minimum (National Living Wage) devrait aussi bénéficier aux moins de 25 ans et devrait être d'un niveau suffisant pour permettre de faire face au coût de la vie dans l'ensemble du pays, a estimé la Commission. Elle a par ailleurs noté une forte augmentation du taux de suicide, particulièrement chez les hommes.

La Commission écossaise des droits de l'homme a évoqué les conséquences de la réforme de la sécurité sociale dans la province, mentionnant des inégalités dans l'accès à la santé. Elle a notamment attiré l'attention sur les obstacles auxquels sont confrontés des groupes minoritaires tels que les gens du voyage. En outre, l'offre n'est pas adaptée aux personnes emprisonnées. Les niveaux de pauvreté augmentent parmi les femmes, les minorités ethniques, les personnes en situation de handicap, ainsi que parmi les retraités aux pensions modestes, a poursuivi la Commission. Cela a été aggravé par la réforme de la sécurité sociale, ainsi que par la disparition des services publics dans les zones rurales, a-t-elle souligné.

La Commission des droits de l'homme de l'Irlande du Nord a souligné que des mesures avaient été prises pour limiter les impacts négatifs de la réforme de la sécurité sociale, alors qu'un Irlandais du Nord sur cinq vit dans la pauvreté. L'objectif fixé s'agissant de la pauvreté des enfants à l'horizon 2020 ne sera certainement pas atteint et celle-ci risque même d'augmenter, a ajouté la Commission, souhaitant que le Comité mette l'accent sur ce problème lors de l'examen du rapport du Royaume-Uni. La Commission a par ailleurs attiré l'attention sur les désaccords politiques persistants concernant la mise en place de la législation sur la promotion de la langue irlandaise, en dépit des recommandations du Comité en ce sens.

Just Fair a attiré l'attention sur les coupes budgétaires sans précédent opérées dans les services publics, celles-ci ayant atteint 20 milliards de livres sterling entre 2010 et 2015. Ces coupes ont particulièrement affecté les travailleurs pauvres, ainsi que les personnes dans l'incapacité de travailler. Or, elles devraient encore atteindre 12 milliards d'ici 2020, a averti l'ONG. Tout indique que les impacts cumulés des réformes de la sécurité sociale ont rogné dans les revenus de nombreuses personnes qui se trouvent ainsi dans l'incapacité de jouir d'un niveau de vie décent. La politique fiscale est régressive et l'État agit insuffisamment pour lutter contre l'évasion fiscale, estimée à 34 milliards voire à plus de 100 milliards selon des estimations indépendantes.

Le Consortium des droits de l'homme de l'Irlande du Nord a déploré que la Charte des droits prévues par l'Accord de paix du Vendredi Saint n'ait toujours pas été promulguée, en raison d'une absence de consensus politique, alors qu'il s'agit d'un élément fondamental du processus de paix. Le Gouvernement britannique s'est abstenu d'agir de manière significative à cet égard depuis l'examen du précédent rapport du Royaume-Uni en 2009, sous prétexte d'une absence de consensus dans la province (d'Irlande du Nord).

Minority Rights Group International a dénoncé le fait que les autochtones des îles Chagos ne soient pas autorisés à retourner dans l'archipel depuis leur expulsion suite à l'installation de la base militaire de Diego Garcia. Cet exil constitue une violation de leurs droits en vertu du Pacte, a souligné l'ONG. Bien que le Royaume-Uni ait loué l'île de Diego Garcia aux États-Unis, c'est bien lui qui conserve la juridiction sur les îles Chagos, a-t-elle rappelé. Le Comité devrait demander au Royaume-Uni de remédier à cette expulsion forcée et de dédommager les habitants légitimes.

Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights a évoqué la politique en faveur de la privatisation de l'éducation menée par l'agence de développement britannique en soutien à la scolarisation dans des pays tels que le Ghana, le Kenya, l'Ouganda, le Nigéria, l'Inde et le Pakistan. Le fait de favoriser les acteurs privés dans les systèmes d'éducation a pour résultat d'aggraver la ségrégation entre groupes socioéconomiques et entre personnes des deux sexes, l'instruction des garçons étant généralement privilégiée par les familles. La privatisation de l'éducation sape l'enseignement universel, a insisté l'ONG.

Women's International League for Peace and Freedom (WILPF) a dénoncé les ventes d'armes aux membres de la coalition militaire dirigée par l'Arabie saoudite au Yémen. Elle a dénoncé les bombardements de zones civiles au Yémen, où le système scolaire a cessé de fonctionner depuis plus d'un an. Le Royaume-Uni a autorisé pour plus de 2,8 milliards de livres d'exportation d'armes à l'Arabie saoudite, dont des grenades, des bombes et des missiles, a souligné l'ONG.

International Baby Food Action Network s'est félicité que l'allaitement au sein soit garanti par la loi au Royaume-Uni dans les lieux publics, une disposition qui reste toutefois mal connue et peu respectée, les mères étant couramment dissuadées de nourrir leur bébé dans des lieux tels que les cafés ou les restaurants. Les statistiques montrent que le Royaume-Uni a l'un des pires taux d'allaitement maternel du monde, même si les provinces d'Irlande du Nord, d'Écosse et du pays de Galles font mieux que l'Angleterre grâce à des politiques de santé mieux adaptées.

Amnesty International a dénoncé le projet de remplacer la loi sur les droits de l'homme par une Charte des droits, jugeant cette réforme aussi dangereuse qu'inutile puisqu'elle risque de permettre à l'État d'abaisser la protection des droits fondamentaux. Notant, par ailleurs, que la loi nord-irlandaise sur l'avortement était l'une des plus restrictives en Europe, tant sur le plan juridique que sur le plan pratique, Amnesty International a demandé aux autorités britanniques de veiller à assurer un accès à l'avortement légal dans la province en s'inspirant des critères internationaux de droits de l'homme et en abolissant la menace de sanction pénale pour cette pratique.

Dans le cadre de l'échange de vues qui a suivi ces déclarations, plusieurs experts ont demandé à avoir des précisions sur l'état d'avancement du projet de réforme de la loi de protection des droits de l'homme envisagé par le Gouvernement britannique. Dans quelle mesure ce projet risque-t-il d'avoir une influence sur les droits économiques, sociaux et culturels, ont-il demandé? Un expert s'est inquiété de la «privatisation» de l'enseignement, notant une tendance lourde à cet égard, notamment au niveau universitaire, particulièrement dans les pays en développement.

S'agissant de la réforme de la sécurité sociale, les ONG ont noté que les salaires étaient tellement bas aux Royaume-Uni que les familles devaient compter sur les prestations sociales pour maintenir leur niveau de vie. Plus de 1,5 million de personnes ne gagnent pas suffisamment et doivent compter sur le supplément des banques alimentaires, a-t-il été souligné. Souvent, l'État n'est pas en mesure de réglementer sérieusement l'enseignement privé.

S'agissant de l'ex-République yougoslave de Macédoine

La Coalition pour la santé et les droits sexuels des groupes marginalisés a évoqué la hausse de la consommation de drogues parmi les mineurs et a demandé que les dispositions légales permettant de poursuivre la simple possession de drogues douces soient abrogées. En outre, des programmes d'échange de seringues doivent être mis en place, y compris dans les centres de détention, a-t-elle estimé. Les obstacles légaux à la désintoxication des adolescents doivent être supprimés, a-t-elle insisté.

Helsinki Committee for Human Rights a estimé que le pays avait sous-estimé la crise migratoire en organisant trop tardivement l'accueil des réfugiés. Par ailleurs, l'État ne mène aucune action significative pour lutter contre la discrimination envers les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI). Le Comité devrait demander à l'ex-République yougoslave de Macédoine de prendre des mesures pour améliorer les conditions de vie dans les camps de réfugiés.

Health Education and Research Association a dénoncé les obstacles auxquels se heurte le droit à l'avortement dans le pays. L'éducation sexuelle est très peu développée et la contraception moderne n'est guère accessible pour les femmes et les jeunes filles, la pilule anticonceptionnelle n'étant pas remboursée par les assurances de santé. En 2013, une loi restrictive sur l'avortement a été adoptée, accompagnée d'une campagne publique contre l'interruption volontaire de grossesse.

Initiative of Women Living in Shuto Orizari a évoqué les atteintes au droit à la santé des femmes roms et la discrimination à leur égard dans le domaine sanitaire. Même si toute femme dans le pays a droit à des consultations gynécologiques gratuites, dans les faits il existe une pratique courante d'imposer des tarifs illégaux, ce qui a un impact disproportionné sur les femmes roms, le taux de pauvreté de ces dernières étant trois fois plus élevé que la moyenne nationale.

Association for Emancipation, Solidarity and Equality of Women – Macedonia a indiqué que la couverture vaccinale des enfants roms de moins de 15 ans n'atteignait que 35% contre une moyenne nationale de 95%. L'ONG a estimé que le Gouvernement devrait adopter un plan d'action pour la santé de la population rom en y allouant le budget nécessaire. Par ailleurs, on constate des progrès limités à la suite des mesures prises contre la violence domestique, avec une tendance à une relative clémence de la justice.

Lors de l'échange de vues qui a suivi ces déclarations, un membre du Comité s'est interrogé sur les disparités existantes entre les données relatives à la communauté rom du Conseil de l'Europe et celles du Gouvernement de Skopje. Une experte a souhaité en savoir davantage sur les discriminations dans le domaine de la santé à l'encontre des personnes LGBTI.

Une ONG a indiqué que les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées ne pouvaient physiquement accéder aux services sociaux. Une personne LGBTI sur deux affirme avoir subi des mauvais traitements ou des discrimination du simple fait de son orientation ou de son identité sexuelles. S'agissant des interruptions volontaires de grossesse, l'attention a été attirée sur le fait que les médecins risquaient des peines de prison en cas de non-respect de la législation en la matière.

S'agissant de l'Angola

International Service for Human Rights a affirmé que les militants des droits de l'homme subissaient des harcèlements constants en Angola. Ce pays n'a pas répondu aux préoccupations exprimées à cet égard par le Comité lors de l'examen de son précédent rapport en 2009, alors qu'il lui avait été demandé de mettre en place des garanties juridiques en faveur des défenseurs des droits de l'homme. L'Angola utilise la loi sur le terrorisme pour museler les organisations de défense des droits de l'homme, a insisté l'ONG.

Lors du bref échange de vues qui a suivi cette intervention, un expert a demandé à l'ONG de fournir au Comité le plus possible d'informations et d'exemples concrets par écrit.

S'agissant des droits fonciers

International Land Coalition (ILC) a appelé le Comité à se pencher sur les problèmes croissants touchant aux droits fonciers dans le monde. Les pressions sur la terre et sur l'accès aux ressources naturelles augmentent et la question fait l'objet d'une préoccupation croissante. L'ONG a mis l'accent sur le lien entre droits fonciers et droits de l'homme, s'agissant particulièrement des peuples autochtones. Il est nécessaire de clarifier les choses à cet égard, a-t-elle estimé, affirmant que le Comité était particulièrement bien placé pour se prononcer sur les questions liées au droit à la terre. Au-delà des titres de propriété foncière, les droits traditionnels et coutumiers doivent être reconnus, a insisté l'ONG. Une observation générale sur le droit à la terre permettrait de renforcer le cadre normatif en la matière en précisant quelles sont les obligations fondamentales des États dans ce domaine, a-t-elle conclu.

FIAN International a fait part de sa préoccupation face à l'aggravation de la violence systématique et de la discrimination frappant les paysans. La défense du droit à l'alimentation s'avère insuffisante pour faire face à la situation et assurer la dignité humaine des paysans, a souligné l'ONG. Il est temps que le Comité établisse clairement le lien explicite du droit humain à la terre avec l'article 11 du Pacte relatif au droit à un niveau de vie suffisant, a-t-elle déclaré. L'ONG a appelé le Comité à adopter une observation générale explicitant le contenu juridique de cet article, les obligations des États et les mécanismes de responsabilité que ceux-ci doivent reconnaître.


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ESC16/014F