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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DU HONDURAS

Compte rendu de séance
Sont particulièrement débattus les questions foncières, la pauvreté, la gouvernance et les assassinats de défenseurs des droits de l'homme

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Honduras sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Présentant ce rapport, M. Ricardo Leonel Cardona, Secrétaire d'État au développement et à l'inclusion sociale du Honduras, a déploré les assassinats de deux personnalités engagées dans la défense des droits fondamentaux – celui de René Martínez, représentant de la communauté LGBT et celui de la militante écologiste Berta Cáceres –, exprimant l'espoir que les auteurs seraient appréhendés. Il a déclaré que les quinze dernières années avaient constitué pour le Honduras un chemin exigeant vers la reconnaissance des droits humains de la population, soulignant par ailleurs les difficultés sociales entraînées par la sécheresse qui frappe le pays. Le Secrétaire d'État a ensuite fait part de l'engagement sans réserves de son Gouvernement en faveur de la transparence et de la responsabilité et contre la corruption.

M. Cardona a d'autre part rappelé que le Honduras était un pays multilingue et pluriculturel comptant sept peuples autochtones et deux d'ascendance africaine. En 2015, près de 64% des foyers était en situation de pauvreté – chiffre stable depuis 2005 – et 40% en situation de pauvreté extrême, soit une diminution de 6% pour cent sur la même période, a-t-il indiqué. Des efforts ont été accomplis par les pouvoirs publics afin de réduire le nombre d'homicides, l'indice en la matière passant de 86,5 à 56,7 pour 100 000 habitants entre 2011 et 2015, a-t-il poursuivi. Dans le cadre des mesures prises en faveur des peuples autochtones et d'ascendance africaine, 158 titres de propriété ont été remis aux communautés concernées entre 2001 et 2015, a en outre fait valoir M. Cardona. La plateforme Vida Mejor de mise en œuvre de la politique de protection sociale s'appuie sur des investissements raisonnables et une volonté politique forte, a-t-il ajouté.

L'imposante délégation hondurienne était également composée de M. Giampaolo Rizzo Alvarado, Représentant permanent adjoint du Honduras à Genève; de M. Carlos Alberto Madero Erazo, Secrétaire d'État au travail et à la Sécurité sociale; de Mme Maria Andrea Matamoros, Sous-Secrétaire d'État aux relations extérieures et à la coopération internationale; de Mme Karla Cueva, Sous-Secrétaire d'État aux droits humains et à la justice. Elle comprenait en outre des représentants des Secrétariats d'État à l'éducation et à la santé; de la Direction des peuples autochtones et afro-honduriens; de la Direction de l'analyse et de l'évaluation des politiques publiques; du Secrétariat à l'énergie; et du Secrétariat à la coordination générale du Gouvernement.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, notamment, des questions de gouvernance – y compris fiscale – et de lutte contre la corruption; des questions foncières; des populations autochtones; de l'interdiction de la discrimination; de la violence contre les femmes, y compris les féminicides; des assassinats de défenseurs des droits de l'homme; des politiques de création d'emplois et des disparités salariales entre hommes et femmes; du conflit social du Bajo Aguán; de la pauvreté; des enfants des rues; des maras; du droit à l'alimentation; du travail des enfants; de l'avortement; et de la politique migratoire.

S'agissant de cette dernière question, la délégation a indiqué que la politique migratoire est l'une des priorités gouvernementales, en particulier afin de protéger les Honduriens qui quittent le pays – mais aussi ceux qui y reviennent. On estime à 14% la réduction du flux migratoire vers l'Amérique du Nord dans la période récente, a-t-elle fait observer. Si une assistance de 750 millions de dollars a été approuvée par le Congrès des États-Unis à l'intention des trois principaux pays concernés de la région, le Honduras – qui fait partie de ces trois pays – n'a pas encore reçu un seul dollar, a souligné la délégation.

M. Mikel Mancisidor de la Fuente, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Honduras, a relevé les difficultés politiques et sociales traversées ces dernières années par le Honduras, qui a été la proie d'accès de violence. S'agissant par ailleurs de la gouvernance et des ressources de l'État, il a souligné la nécessité de mettre en place une politique fiscale progressive. Une experte a insisté sur le nécessaire respect du droit à la terre des peuples autochtones dans le cadre des projets de développement industriels et miniers. Un expert a quant à lui fait part de sa préoccupation face aux conflits sanglants relatifs à la terre, la lutte pour le foncier étant particulièrement rude au Honduras. Il a été demandé si les conflits autour de l'eau et de la terre n'étaient pas aggravés par les politiques visant à attirer des investisseurs davantage intéressés par les cultures de rente, qui tendent à accaparer les terres, alors que l'on estime qu'1,5 million de Honduriens souffrent de la faim, ce qui amène à se demander s'il ne conviendrait pas plutôt de soutenir les cultures vivrières.

Plusieurs membres du Comité ont évoqué l'assassinat de Berta Cáceres et souhaité en savoir davantage au sujet de l'enquête – un expert jugeant ce cas emblématique car l'assassinat d'une telle personnalité marque un point de rupture pour des défenseurs des droits de l'homme sans défense qui sont pris systématiquement pour cibles.

Un expert a fait part de son inquiétude concernant ce qu'il a qualifié de véritable défaillance du système éducatif. Quant aux enfants en situation de rue, que certains chiffres évaluent à 20 000 au Honduras, il s'agit de l'une des manifestations les plus graves et les plus douloureuses des problèmes du pays, a-t-il été déclaré.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Honduras et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le 24 juin.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial du Burkina Faso.


Présentation du rapport du Honduras

Le Comité est saisi du rapport périodique du Honduras, ainsi que des réponses du pays (en espagnol et en anglais) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité.

M. RICARDO LEONEL CARDONA, Secrétaire d'État au développement et à l'inclusion sociale du Honduras, a entamé son exposé liminaire en déplorant les assassinats de deux personnalités engagées dans la défense des droits fondamentaux - celui de René Martínez, représentant de la communauté LGBT et celui de la militante écologiste Berta Cáceres –, exprimant l'espoir que les auteurs seraient appréhendés. Il a déclaré que les quinze dernières années avaient constitué pour le Honduras un chemin exigeant vers la reconnaissance des droits humains de la population, soulignant par ailleurs les difficultés sociales entraînées par la sécheresse qui frappe le pays. Le Secrétaire d'État a énuméré les nombreuses mesures prises par son pays, attirant notamment l'attention sur l'adoption d'un Plan d'action des droits de l'homme. Il a fait part de l'engagement sans réserves de son Gouvernement en faveur de la transparence et de la responsabilité et contre la corruption. L'État hondurien a ouvert ses portes aux organes conventionnels et démontré le sérieux de son engagement, notamment en recevant sept Rapporteurs spéciaux des Nations Unies ces deux dernières années, a insisté M. Cardona.

Le Secrétaire d'État au développement et à l'inclusion sociale a ensuite rappelé que le Honduras était un pays multilingue et pluriculturel comptant sept peuples autochtones et deux d'ascendance africaine. En 2015, près de 64% des foyers était en situation de pauvreté – chiffre stable depuis 2005 – et 40% en situation de pauvreté extrême, soit une diminution de 6% pour cent sur la même période. Les investissements sociaux en faveur des populations en situation d'extrême pauvreté ont atteint 1,7 milliard de dollars en 2016, soit près de 19% du budget, alors que la part du budget de la défense dépasse tout juste les 6% du budget national, a fait valoir M. Cardona.

Des efforts ont été accomplis par les pouvoirs publics afin de réduire le nombre d'homicides, l'indice en la matière passant de 86,5 à 56,7 pour 100 000 habitants entre 2011 et 2015, a poursuivi le Secrétaire d'État. Dans le cadre des mesures prises en faveur des peuples autochtones et d'ascendance africaine, 158 titres de propriété ont été remis aux communautés concernées entre 2001 et 2015, a-t-il en outre fait valoir. Par ailleurs, le Honduras met actuellement en œuvre son deuxième plan en faveur de l'égalité entre les sexes, a-t-il ajouté. Des mesures ont été prises en soutien aux femmes ayant survécu à des violences, initiative qui a reçu l'appui de la Première Dame de la République, a-t-il indiqué. Des mesures ont aussi été prises en faveur des personnes handicapées, avec le lancement en 2013 d'une politique spécifique à leur intention, a d'autre part souligné M. Cardona.

La plateforme Vida Mejor (Vie meilleure) de mise en œuvre de la politique de protection sociale s'appuie sur des investissements raisonnables et une volonté politique forte, a insisté le Secrétaire d'État. Le Gouvernement est en effet convaincu qu'avec des changements modestes, il est possible de faire en sorte que les foyers les plus pauvres et les plus vulnérables aient une vie digne, a-t-il expliqué. En deux années, le programme Vida Mejor a bénéficié à 1,2 million de foyers, en les aidant notamment à améliorer leurs conditions d'habitation, a-t-il précisé. Par ailleurs, le programme monétaire conditionnel dénommé Bono Vida Mejor a bénéficié à près de 256 000 foyers en situation de pauvreté extrême. En outre, a pu être concrétisé le rêve de 50 000 Honduriens d'avoir un commerce, grâce au programme présidentiel de crédit solidaire «Tu Banca Solidaria» doté de 6,3 millions de dollars.


Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. MIKEL MANCISIDOR DE LA FUENTE, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Honduras, s'est félicité de la parité hommes-femmes au sein de la délégation hondurienne. Il a relevé les difficultés politiques et sociales traversées ces dernières années par le Honduras, qui a été la proie d'accès de violence. La pauvreté et les questions de gouvernance seront largement abordées lors de l'échange avec la délégation, a-t-il indiqué. Il a rappelé que le rapport du Honduras avait été soumis avec huit années de retard, en 2014 et a émis le vœu qu'un tel retard ne se reproduise pas à l'avenir. Le rapporteur a par ailleurs observé que si la société civile était censée avoir participé à l'élaboration de ce rapport, des informations donnaient à penser que certaines organisations avaient été exclues ou consultées seulement pour la forme. Aussi, a-t-il souhaité savoir si le Honduras entendait faire en sorte que la participation des autochtones, par exemple, ne soit pas simplement formelle elle aussi. Par ailleurs, la Commission nationale des droits de l'homme étant classée dans la catégorie B, en termes de statut auprès du Comité international de coordination (CIC) des institutions nationales de droits de l'homme (INDH), le Honduras envisage-t-il de faire en sorte qu'elle soit pleinement indépendante et puisse ainsi obtenir le statut A, a demandé le rapporteur? S'agissant par ailleurs de la gouvernance et des ressources de l'État, M. Mancisidor de la Fuente a souligné la nécessité de mettre en place une politique fiscale progressive.

Un autre membre du Comité a relevé que le pays avait subi de graves sécheresses ces dernières années. Aussi, a-t-il souhaité savoir dans quelle mesure le Honduras était passé de la réaction à une action de prévention face à ce phénomène, en s'inspirant notamment des directives onusiennes relatives à la réduction des risques de catastrophes. L'agroécologie, la diversification des cultures se sont avérées être des techniques de résilience, a-t-il souligné, avant de demander si le Honduras avait l'intention de promouvoir ces techniques et de rappeler le rôle essentiel des pouvoirs publics dans ce domaine.

Une experte a souhaité savoir de quelle manière le Honduras envisageait une participation de la société civile dans le suivi des recommandations à venir du Comité. Elle a en outre insisté sur le nécessaire respect du droit à la terre des peuples autochtones dans le cadre des projets de développement industriels et miniers.

Un membre du Comité a évoqué l'assassinat de Berta Cáceres, souhaitant savoir si le Gouvernement avait envisagé de mettre en place une instance chargée de lutter prioritairement contre l'impunité. Ce cas est emblématique car l'assassinat d'une telle personnalité marque en effet un point de rupture pour des défenseurs des droits de l'homme sans défense qui sont pris systématiquement pour cibles, a souligné l'expert. Il a demandé à la délégation de faire un point sur l'enquête en cours et sur les nombreux autres assassinats ayant ciblé des défenseurs des droits de l'homme.

Attirant l'attention sur les menaces quotidiennes à leur vie auxquelles sont confrontées les femmes au Honduras, un membre du Comité a relevé que le Code pénal contient désormais une disposition sur le féminicide et s'est enquise du nombre de cas de féminicide enregistré dans le pays et des poursuites éventuellement engagées s'agissant de ces cas. Des mesures de prévention sont-elles prises afin d'en finir avec ces atteintes à la vie, a-t-il été demandé?

Une experte a relevé que les écarts de salaire entre hommes et femmes étaient considérables, y compris dans des postes hiérarchiquement élevés. Elle a en outre souhaité en savoir davantage au sujet du fonctionnement du système de sécurité sociale – dont elle s'est interrogée sur l'efficacité.

Qu'en est-il par ailleurs du bilan de la loi adoptée il y a un an et demi afin de réglementer les activités du secteur informel, a-t-il été demandé?

Un expert s'est enquis du taux de chômage des personnes handicapées et a souhaité savoir si le Honduras était en mesure de mesurer les effets de la loi en faveur du handicap dans ce domaine.

Quelle est la proportion des employeurs respectant effectivement la loi sur le salaire minimum, a-t-il en outre été demandé, un expert rappelant que ce salaire était censé permettre de mener une vie digne. À combien est évalué le «panier de la ménagère»?

Un expert a fait part de sa préoccupation face aux conflits sanglants relatifs à la terre, la lutte pour le foncier étant particulièrement rude au Honduras. Les forces de sécurité ont été chargées de jouer les arbitres, au risque de militariser les zones rurales affectées, a-t-il souligné, avant de rappeler que le Honduras était un gros exportateur de produits agricoles – café et bananes en premier lieu. Cet expert a demandé si les conflits autour de l'eau et de la terre n'étaient pas aggravés par les politiques visant à attirer des investisseurs davantage intéressés par les cultures de rente, qui tendent à accaparer les terres. On estime que 1,5 million de Honduriens souffrent de la faim, a insisté l'expert, se demandant s'il ne conviendrait pas plutôt de soutenir les cultures vivrières.

Le taux de pauvreté est de 64% dans les campagnes et de 63% dans les villes, a poursuivi un autre expert. Alors que le rapport affirme qu'il y a fort peu d'accaparements de terres, des informations font état à l'inverse de nombreuses expulsions forcées de paysans, sans la moindre indemnisation, a-t-il souligné, relevant que ces expulsions se font en contravention avec les normes internationales. Les programmes de lutte contre la pauvreté sont-ils axés sur une approche basée sur les droits, a demandé un autre expert, indiquant avoir le sentiment que ces programmes reposaient plutôt sur le clientélisme électoral?

A par ailleurs été évoqué le phénomène des «maras» (gangs de jeunes), un expert souhaitant savoir quelle était la réponse des autorités face à ce fléau.

Une experte a demandé si le pays disposait de suffisamment de refuges pour héberger les femmes victimes de violence. Par ailleurs, le Honduras étant connu pour connaître les pires formes de travail des enfants, quel bilan la délégation tire-t-elle du plan d'action visant à éradiquer ce phénomène, s'agissant notamment des enfants des rues, a-t-elle demandé? Elle s'est enfin inquiétée de l'interdiction totale de l'avortement. Le Honduras est-il disposé à autoriser les moyens de contraception d'urgence ou «du lendemain», compte tenu de la prévalence importante du viol, a-t-elle demandé?

Une experte a affirmé que l'espérance de vie chez certains peuples autochtones n'était que de 36 ans pour les femmes et de 43 ans pour les hommes. L'État s'est-il penché sur les causes de ce phénomène?

Un membre du Comité a contesté les statistiques optimistes contenues dans le rapport concernant la prévalence de l'analphabétisme et a estimé que le droit à l'éducation n'était pas réellement réalisé au Honduras. Il a fait part de son inquiétude concernant ce qu'il a qualifié de véritable défaillance du système éducatif, sur les plans aussi bien quantitatif que qualitatif. Il s'est enquis des mesures envisagées par le pays pour y remédier dans le cadre de son engagement en vertu des Objectifs de développement durable à l'horizon 2030. Un autre expert a confié qu'il ne voyait pas clairement comment le Honduras prévoyait d'universaliser l'enseignement préscolaire, alors que celui-ci est essentiel en matière d'égalité des chances.

Un expert a demandé à la délégation d'aborder le conflit foncier qui a ensanglanté la région du Bajo Aguán en opposant quelques grands propriétaires terriens à des petits paysans. S'agissant de ce conflit, quels ont été les résultats du décret d'octroi de terres, a-t-il été demandé? Il serait en effet intéressant d'avoir des chiffres pour savoir qui a pu en bénéficier.

A par ailleurs été relevé un manque de ressources, s'agissant par exemple des moyens alloués au Médiateur; mais ce point ne saurait constituer une justification aux difficultés rencontrées par le pays, a-t-il été affirmé.

Quant aux enfants en situation de rue, que certains chiffres évaluent à 20 000 au Honduras, il s'agit de l'une des manifestations les plus graves et les plus douloureuses des problèmes du pays, a-t-il été déclaré.

Pour ce qui a trait à l'avortement, un membre du Comité a souligné que le Honduras pouvait être comparé au Salvador et au Guatemala; or, s'agissant de ces deux derniers pays, le Comité a recommandé que soit prise en compte la dignité de la femme afin de faire en sorte que la législation sur l'interruption de grossesse soit compatible avec les droits humains, a-t-il rappelé. Ce même expert s'est en outre enquis des objectifs du pays en matière de qualité de l'éducation.

Un membre du Comité a souhaité connaître la politique du Honduras face à la communauté LGBT et a insisté pour savoir si le pays comptait revoir la législation sur l'avortement. Le Honduras compte-t-il créer une unité spécialisée dans les enquêtes visant les assassinats de militants des droits de l'homme, a par ailleurs demandé ce même expert, notant que l'expérience colombienne montrait tout l'intérêt d'une telle mesure contre l'impunité? D'autre part, la fiscalité au Honduras n'est pas «progressive» mais plutôt «régressive», a fait observer cet expert, soulignant que l'augmentation de la TVA ne saurait être une solution équitable pour augmenter les ressources budgétaires de l'État. Un autre expert a rappelé que les impôts indirects constituaient toujours un fardeau pour les plus démunis.

De quels instruments, le Honduras dispose-t-il pour mesurer la taille du secteur informel, a demandé un expert?

Un autre membre du Comité s'est inquiété du programme «Guardias de la patria», le jugeant susceptible d'encourager la militarisation de la société – notamment celles des jeunes.

Réponses de la délégation

La consultation des organisations de la société civile, des peuples autochtones en particulier, n'a pas constitué une simple formalité, a assuré la délégation. L'État hondurien est déterminé à permettre une participation permanente et substantielle des autochtones, a-t-elle assuré.

Le Honduras entend s'inspirer des mécanismes de protection des défenseurs des droits de l'homme mis en place dans des pays comme la Colombie ou le Mexique, a d'autre part indiqué la délégation. S'agissant du cas de Berta Cáceres, cinq personnes ont été appréhendées et l'enquête est en cours, a-t-elle précisé. La délégation a ajouté que l'État hondurien entendait mieux contrôler l'importation des armes à feu.

Un parquet spécial des droits de l'homme est chargé des enquêtes sur les assassinats de militants des droits de l'homme, le Honduras s'efforçant de s'inspirer des pays latino-américains qui, comme la Colombie, se sont aussi dotés de telles instances, a ensuite indiqué la délégation.

Le Honduras estime important de disposer d'un médiateur, d'un défenseur du peuple fort et solide, disposant de moyens et de ressources, y compris sur le plan local, a d'autre part affirmé la délégation. Le Gouvernement a mis en place un Secrétariat aux droits de l'homme dont les moyens ont été renforcés par le nouveau Gouvernement, alors qu'il s'agissait jusqu'ici, dans le précédent exécutif, d'un simple sous-secrétariat, a-t-elle par ailleurs fait valoir. Elle a en outre indiqué que le Paraguay avait aidé le Honduras à mettre en place un Observatoire des droits de l'homme qui est en charge d'évaluer les programmes et leur suivi.

Le nouveau Gouvernement a instauré depuis 2014 une discipline fiscale, la taxe sur les produits et services (NDLR: équivalent de la TVA) étant passée de 12 à 15%, afin de parvenir à l'équilibre des comptes et d'être en mesure de financer la politique sociale, a ensuite souligné la délégation.

S'agissant de la réduction des risques de catastrophes – et alors que la vulnérabilité du pays est aggravée par le changement climatique – a été mis en place le Système national de gestion des risques (SINAGER) avec la mise sur pied d'un réseau d'alerte hydrométéorologique, a poursuivi la délégation. Pour faire face à la sécheresse, des réserves d'eau ont été constituées, a-t-elle précisé.

Les communautés concernées par des projets d'exploitation des ressources naturelles doivent absolument être consultées; il s'agit d'une condition sine qua non pour la délivrance des autorisations de prospection minière, notamment, a indiqué la délégation. Une nouvelle politique publique régissant les relations avec les peuples autochtones a été annoncée le mois dernier, qui prévoit la participation inclusive de ces populations, a-t-elle souligné. Cette politique s'accompagne de mesures spécifiques contre la discrimination raciale et les autorités espèrent qu'elle sera adoptée dans le courant de l'année par le Parlement, a précisé la délégation.

La discrimination fondée sur le sexe, l'âge, l'état-civil ou encore la religion est incriminée par le Code pénal, a ensuite rappelé la délégation. En 2013, le Congrès a modifié le Code pénal afin de garantir la protection contre la discrimination quand l'infraction est commise avec «haine ou mépris» en raison du sexe, de la religion, de l'origine nationale, de l'appartenance aux peuples autochtones et afro-honduriens, de l'orientation ou de l'identité sexuelles, de l'âge, de l'état civil, du handicap, de l'idéologie ou de l'opinion politique de la victime. Le féminicide a été ajouté comme infraction au chapitre de l'homicide, a par ailleurs souligné la délégation. La délégation a en outre rappelé que le Honduras avait ratifié la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et créé une Commission nationale contre le racisme. Une agence d'enquête spécialisée sur les féminicides a été créée, qui compte treize procureurs spéciaux, afin de remédier à l'absence d'enquête prévalant généralement dans ce type d'affaires. Vingt-neuf cas ont été enregistrés l'an dernier, dix poursuites intentées pour tentative de meurtre et 41 peines prononcées à l'encontre des auteurs, a précisé la délégation. Un centre de soins et de protection des droits des femmes a été créé; il s'agit d'assurer une prise en charge immédiate et gratuite et de rapprocher les victimes de la justice, a en outre fait valoir la délégation.

Une mission de l'Organisation des États américains (OEA) séjourne actuellement dans le pays afin de faire le point sur la lutte contre la corruption, a ensuite indiqué la délégation du Honduras. Les anciens dirigeants de la Sécurité sociale, par exemple, ont été emprisonnés pour ce délit, ce qui témoigne de la volonté politique qui existe de lutter contre ce phénomène.

En matière de création d'emplois, l'accent a été mis sur les zones rurales, où le chômage est particulièrement aigu, a indiqué la délégation. L'État hondurien s'est fixé comme objectif de favoriser la création de 600 000 emplois d'ici 2020, notamment dans le tourisme, le textile et les centres d'appel.

La collaboration du Honduras avec l'Organisation internationale du Travail (OIT) vise à octroyer de nouveaux droits aux travailleurs indépendants en leur permettant d'avoir accès à la Sécurité sociale, a ensuite indiqué la délégation. Des programmes de création d'emplois ont été particulièrement centrés sur les campagnes, là où prévaut le secteur informel, et ont bénéficié à quelque 60 000 travailleurs, a-t-elle précisé.

Quant au salaire minimum, il est négocié par les employeurs et les salariés, l'État s'efforçant de ne pas s'immiscer dans les négociations, a précisé la délégation.

L'an dernier, a été promulguée une loi qui prévoit l'égalité de rémunération entre hommes et femmes et qui permet aux travailleuses lésées de disposer, le cas échéant, d'un recours, a ensuite souligné la délégation. Par ailleurs, l'État subventionne les logements sociaux destinés aux ouvrières des manufactures du textile (maquilas), a-t-elle indiqué.

La loi stipule que les entreprises doivent embaucher 10% de travailleurs handicapés, a poursuivi la délégation.

Un projet de loi en cours d'élaboration prévoit une protection spécifique des travailleuses domestiques, qui avaient été oubliées par la législation sociale, a en outre fait observer la délégation.

L'objectif du Gouvernement est de faire en sorte que la sécurité sociale, qui ne couvre qu'un tiers de la population, devienne rapidement universelle, a souligné la délégation.

La délégation a assuré que le conflit social du Bajo Aguán, qui a fait un nombre indéterminé de victimes paysannes, tombées sous les balles de vigiles privés, était l'une des priorités du Gouvernement. Elle a rappelé que l'organisation représentant les paysans dans la région, le Mouvement unifié paysan de l'Aguán (MUCA), avait négocié avec le Gouvernement précédent. En 2011, un compromis a été trouvé sur les conditions de vente des terres et la fixation d'un prix par hectare cultivé. Les conditions financières du paiement des terres ont été définies en prenant en compte les possibilités d'octroi de crédits. Un certain nombre de terrains et de terres ont été acquis dans ce cadre, a indiqué la délégation. Les causes profondes du conflit, au-delà de la question foncière au sens strict, ont aussi été abordées, a-t-elle souligné. Un dialogue a été établi à ce sujet avec les organisations des droits de l'homme du Bajo Aguán. Une convention a été signée l'an dernier entre les parties prenantes afin d'appliquer les recommandations qui avaient été acceptées dans le cadre de l'Examen périodique universel du Honduras devant le Conseil des droits de l'homme, a fait valoir la délégation.

Des enquêtes ont été ouvertes s'agissant des cas de morts violentes, avec la nomination d'une commission spéciale, a poursuivi la délégation. Entre 2014 et 2015, il n'y a plus eu aucune mort violente dans le cadre de ce conflit social, a-t-elle indiqué. Le programme Vida Mejor a été mis en œuvre dans quatre municipalités de la région, avec – notamment – l'octroi de logements décents, a-t-elle en outre fait valoir. Enfin, le Gouvernement élabore une loi spéciale – qui concernera l'ensemble du pays – en faveur des personnes déplacées du fait de la violence.

S'agissant plus particulièrement des maras, la délégation a indiqué que deux de ces gangs de jeunes extrêmement violents sévissaient dans le pays; l'un compte 2500 membres, dont quelque 500 sont emprisonnés et, l'autre, 900 membres, dont plus de la moitié sont aussi derrière les barreaux. Des programmes de formation et de réinsertion leur sont proposés afin de permettre leur sortie de prison et leur retour à une vie normale.

La délégation a assuré que le programme «Guardias de la patria» («Gardiens de la patrie») ne visait en rien à une quelconque militarisation, mais visait plutôt l'édification de la jeunesse dans les valeurs civiques.

L'alimentation scolaire est l'un des programmes phares du Gouvernement en matière de droit à l'alimentation des enfants, a ensuite souligné la délégation. Il concerne 1,4 million d'élèves de l'enseignement public et est doté d'un budget de vingt millions de dollars par an, a-t-elle précisé. Par ailleurs, des programmes d'aide aux familles défavorisées permettent la distribution gratuite de matériel scolaire, de cartables par exemple. Des semences sont en outre distribuées gratuitement aux jeunes achevant leur scolarité.

Les produits de première nécessité sont faiblement taxés, a par ailleurs souligné la délégation, assurant que la politique fiscale est progressive et permet d'exempter les revenus les plus bas. Le système fiscal tend à être progressif, a insisté la délégation, avant de préciser que le code fiscal hondurien était en train d'être revu. La délégation s'est engagée à faire parvenir le texte final de ce code dès que le projet aura abouti.

Le taux de mortalité des enfants autochtones est de 43,5 pour 1000 naissances vivants contre une moyenne de 35 pour 1000 dans l'ensemble de la population, a poursuivi la délégation, ajoutant que cette différence s'explique par une forte prévalence de la pauvreté extrême dans les communautés autochtones. Le taux d'allaitement maternel varie grandement selon les ethnies; il est faible dans certains cas et très élevé dans d'autres. Pour ce qui est de la malnutrition, la délégation a parlé d'un cercle vicieux qui s'instaure dès la naissance, les mères étant elles-mêmes anémiques et mal nourries. La malnutrition touche ainsi aussi bien les adultes que les enfants, a-t-elle précisé. Le Ministère de l'éducation a entrepris de former des enseignants autochtones, afin de s'attaquer à un analphabétisme endémique (au sein de ces communautés), a ajouté la délégation. Globalement, les autorités honduriennes visent à instaurer un développement différencié des peuples autochtones, a-t-elle indiqué.

Le Gouvernement est engagé dans la lutte visant à diminuer le travail des enfants, a par ailleurs indiqué la délégation, soulignant qu'une commission avait été créée à cette fin au plus haut niveau. Des programmes pilotes sont mis en place dans les secteurs du café, du melon et de la pêche à la langouste, a précisé la délégation. Il s'agit d'inciter à une rescolarisation des enfants. Le pays est tout à fait conscient de l'ampleur du défi à relever dans ce domaine, a assuré la délégation.

S'agissant de la violence de genre, il existe au Honduras six refuges pour femmes battues, notamment dans les deux principales villes du pays, Tegucigalpa et San Pedro Sula. Leur capacité d'hébergement est au minimum de cinq personnes, pour le plus petit d'entre eux, et peut aller jusqu'à une quarantaine de places pour les plus importants, a-t-elle précisé. Par ailleurs, des programmes sont en cours de création, notamment pour améliorer l'accès aux soins de santé physique et psychologique.

Le Honduras prévoit l'ouverture d'autres refuges, un septième foyer venant tout juste d'ouvrir à Tegucigalpa, a ensuite précisé la délégation. Une ligne téléphonique gratuite, le 911 (qui remplace le 914) est disponible pour les femmes cherchant conseils et assistance, a-t-elle en outre indiqué. Cette ligne est accessible 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Une autre ligne d'assistance a aussi été créée pour les migrants, en particulier pour ceux en perdition au Mexique, a ajouté la délégation.

La politique migratoire est l'une des priorités gouvernementales, en particulier afin de protéger les Honduriens qui quittent le pays – mais aussi ceux qui y reviennent, a indiqué la délégation. Un Conseil national de protection du citoyen hondurien migrant a été mis sur pied, a-t-elle souligné. Il s'agit d'un organe consultatif chargé notamment de surveiller l'usage des fonds destinés à soutenir les migrants, notamment les fonds destinés aux centres chargés des services aux migrants rapatriés. L'introduction de données biométriques (pour les papiers d'identité) permet désormais d'avoir une vue claire de la situation migratoire, a fait valoir la délégation. Des actions de formation sont proposées afin de favoriser la réinsertion dans le pays, a-t-elle ensuite souligné. Le message des autorités consiste à dire aux migrants qu'ils sont les bienvenus dans leur pays, que celui-ci les aime et que leur véritable intérêt est de renoncer à émigrer. On estime à 14% la réduction du flux migratoire vers l'Amérique du Nord dans la période récente, a fait observer la délégation. Si une assistance de 750 millions de dollars a été approuvée par le Congrès des États-Unis à l'intention des trois principaux pays concernés de la région, le Honduras – qui fait partie de ces trois pays – n'a pas encore reçu un seul dollar, a indiqué la délégation. Elle a par ailleurs fait observer que le Honduras était devenu lui aussi un pays de transit; il fournit une assistance aux migrants étrangers et il s'attend à ce que ses voisins fassent de même envers les Honduriens en migration.

Les estimations – qui s'appuient sur les évaluations d'ONG – font effectivement état de quelque 20 000 enfants des rues, a reconnu la délégation, ajoutant que l'État prévoit d'effectuer un véritable recensement, afin de pouvoir prendre des mesures globales de protection de ces mineurs.

En réponse à une question sur les droits des personnes LGBT, la délégation a souligné que la Constitution ne reconnaissait pas les unions de fait entre personnes du même sexe. Toutefois, les membres de cette communauté jouissent des mêmes droits que le reste de leurs compatriotes, a rappelé la délégation.

Quant à l'avortement, sa légalisation fait l'objet d'un débat au Honduras, en premier lieu au sein du Congrès, lequel a en effet entrepris de réformer le Code pénal, a indiqué la délégation. Au Honduras, les moyens de contraception d'urgence sont interdits, tout comme la promotion des moyens contraceptifs en général, a-t-elle ajouté, avant de rappeler qu'en 2012, la Cour suprême avait confirmé la constitutionnalité des décrets en question.

Le budget de l'éducation approche les deux milliards de dollars, soit près de 22% du budget de l'État, a ensuite fait valoir la délégation.

Quant aux soins de santé primaire, leur décentralisation a été entreprise afin de remédier à l'enclavement de nombreuses régions, du fait que le Honduras est un pays montagneux.

La délégation a par ailleurs fait observer que le Honduras était l'un des pays les plus affectés par le changement climatique.

Concluant ce dialogue, le chef de la délégation hondurienne a admis qu'il était indispensable de reconnaître les profondes inégalités qui prévalent dans le pays – l'un des plus inégalitaires du monde, cet état de fait remontant à plus de cinq siècles. Le Honduras s'engage à persévérer dans ses efforts, notamment dans la perspective des Objectifs de développement durable, tout en étant conscient de l'immensité de la tâche qu'il lui reste à accomplir, a conclu M. Cardona.

Remarques de conclusion

M. MIKEL MANCISIDOR DE LA FUENTE, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Honduras, s'est félicité de la qualité du dialogue et de l'excellente coordination de la délégation. Toutefois, on a plus souvent insisté sur les programmes que sur leur application et sur les faits concrets, a-t-il relevé. Il s'est néanmoins félicité que le Honduras prévoie d'intégrer les futures observations finales du Comité dans un prochain plan national des droits de l'homme.


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ESC16/012F