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LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS OUVRE LES TRAVAUX DE SA VINGT-QUATRIEME SESSION

Compte rendu de séance

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a ouvert les travaux de sa vingt-quatrième session, qui se tient au Palais des Nations, à Genève, jusqu'au 22 avril. Le Comité a adopté l'ordre du jour de la session et a entendu une déclaration d'ouverture du Chef de la Section des affaires civiles, politiques, économiques, sociales et culturelles de la Division des traités du Haut-Commissariat aux droits de l'homme, M. Simon Walker. Le Comité a par ailleurs entendu des représentants de l'Observatoire mauritanien des droits de l'homme et de la démocratie et de la Commission nationale des droits de l'homme de la Mauritanie au sujet de l'application de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille en Mauritanie, l'un des quatre pays dont les rapports doivent être examinés cette semaine. L'examen des rapports du Lesotho, du Sénégal et de la Turquie figure également à l'ordre du jour de cette session.

M. Walker a rappelé les récentes prises de position du Haut-Commissaire aux droits de l'homme en soulignant notamment que M. Zeid Ra'ad Al Hussein insisté sur la nécessité de considérer les organisations de la société civile comme des partenaires de valeur et non pas comme une menace. S'agissant des migrants, le Haut-Commissaire a souligné que certains pays du Moyen-Orient et d'Europe faisaient preuve d'une humanité remarquable, montrant la voie à suivre lorsqu'il est question de l'accueil de réfugiés et de migrants en quête de protection; il a imploré les décideurs partout dans le monde à agir afin d'établir une gouvernance effective de la question migratoire qui reposerait sur les principes du droit international humanitaire, a aussi rappelé M. Walker. La migration est une donnée de base de l'histoire humaine et elle exige un partage planétaire de responsabilité et non pas d'hostilité et de xénophobie grandissantes.

Durant cette séance d'ouverture de la session, le Comité a entendu Mmes Jasminka Dzumhur et Maria Landazuri de Mora et M. Can Ünver – trois de ses membres, nouvellement élus – faire la déclaration solennelle par laquelle ils se sont engagés à exercer tous leurs devoirs et attributions de membres du Comité «en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et en toute conscience».

Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport initial de la Mauritanie (CMW/C/MRT/1).

Déclaration d'ouverture

M. SIMON WALKER, Chef de la Section des affaires civiles, politiques, économiques, sociales et culturelles de la Division des traités du Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a évoqué différentes situations liées à la situation des migrants dans le monde, mentionnant l'expulsion massive de Colombiens du Venezuela et de personnes d'origine haïtienne de la République dominicaine, ainsi que la démagogie anti-immigrés s'exprimant ouvertement dans des pays comme l'Australie ou les États-Unis. Dans ses dernières interventions devant le Conseil des droits de l'homme, a rappelé M. Walker, le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, M. Zeid Ra'ad Al Hussein, a rappelé le caractère central de la Charte de l'ONU et du cadre international, critiquant ceux des pays qui semblent penser que l'architecture juridique internationale est un menu à la carte dans lequel chacun peut piocher selon son goût. Le Haut-Commissaire s'est aussi inquiété du fait que des États limitent la liberté d'expression, rappelant que les organisations de la société civile devaient être considérées comme des partenaires de valeur et non pas comme une menace.

S'agissant des migrants, a poursuivi M. Walker, le Haut-Commissaire a souligné que certains pays du Moyen-Orient et d'Europe faisaient preuve d'une humanité remarquable, montrant la voie à suivre lorsqu'il est question de l'accueil de réfugiés et de migrants en quête de protection. Il a imploré les décideurs partout dans le monde à agir afin d'établir une gouvernance effective de la question migratoire qui reposerait sur les principes du droit international humanitaire, a aussi rappelé M. Walker.

La migration est une donnée de base de l'histoire humaine et elle exige un partage planétaire de responsabilité et non pas d'hostilité et de xénophobie grandissantes. Le Haut-Commissaire a appelé la communauté internationale à élargir les canaux de la migration régulière et les possibilités de réinstallation, deux mesures qui sauveraient des vies et permettraient de lutter contre les passeurs, de mettre un terme aux détentions, notamment de mineurs, ainsi qu'à toute forme de mauvais traitement aux frontières, a ajouté M. Walker.

Evoquant par ailleurs les activités du Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants (M. François Crépeau), M. Walker a rappelé que le rapport que le Rapporteur spécial a présenté à l'Assemblée générale est consacré à l'impact des pratiques de recrutement, notamment des travailleurs à bas salaire ; dans ce rapport, M. Crépeau s'inquiète de la prévalence croissante de pratiques abusives. Le Rapporteur spécial recommande un cadre intégré fondé sur les droits de l'homme pour réaliser une transition globale vers un système de recrutement éthique. M. Walker a par ailleurs rappelé que le Rapporteur spécial avait rendu public un certain nombre de déclarations à la presse, l'une d'entre elles appelant les dirigeants européens à cesser de porter atteinte aux droits des migrants dans l'actuelle crise migratoire. Le Rapporteur spécial demande aussi de garantir l'accès aux services publics quel que soit le statut migratoire des personnes.

S'agissant de la réunion de haut niveau organisée l'automne dernier lors de la 70e session de l'Assemblée générale, qui visait à promouvoir une approche globale de la crise des réfugiés et des migrations, M. Walker a rappelé que l'Assemblée générale avait adopté une résolution (A/RES/70/147) relative à la protection des migrants, par laquelle elle appelle les États à promouvoir et à protéger les droits fondamentaux et libertés de tous les migrants quel que soit leur statut, y compris en devenant parties à la Convention. M. Walker a également rappelé que l'Assemblée générale avait adopté deux autres textes, un relatif aux travailleuses migrantes (A/RES/70/130) et un autre sur l'assistance au retour des réfugiés et personnes déplacées en Afrique (A/RES/70/134).

En ce qui concerne le renforcement des organes conventionnels, M. Walker a indiqué que le Ministre des affaires étrangères du Costa Rica avait proposé de mener une réflexion approfondie afin de faire des propositions innovantes lors de l'Assemblée générale de l'ONU en 2020. La Suisse a appuyé cette initiative et le Haut-Commissariat estime que d'autres pays devraient suivre prochainement. L'Académie de Genève a organisé une réunion d'universitaires internationaux à ce sujet en décembre et s'apprête à lancer un processus de réflexion indépendant. Un représentant de l'Académie de Genève (Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève) fera un exposé au Comité à ce sujet, a indiqué M. Walker.

Le représentant du Haut-Commissariat a dit sa satisfaction, par ailleurs, de pouvoir annoncer la publication de la version anglaise du guide des organes conventionnels pour leurs membres. En outre, une page internet a été créée, dédiée à l'élection des membres des comités. Il s'agit d'aider les États parties à choisir des experts compétents et indépendants, a précisé M. Walker. Il a enfin rappelé que les capacités du Secrétariat à assister le Comité étaient limitées en raison d'une charge de travail accrue et d'un personnel insuffisant.

Lors de l'échange de vues qui a suivi entre les membres du Comité et le représentant du Haut-Commissariat, une experte, originaire de Bosnie-Herzégovine, a témoigné de son expérience personnelle face la crise migratoire à travers les Balkans, tandis qu'un de ses collègues soulevait le problème de l'accueil et de l'enregistrement des migrants en Europe, soulignant que l'examen de la Turquie permettrait de poser le problème. Un expert, qui a dénoncé la situation inhumaine vécue par des migrants en Méditerranée, a déploré la relative inaction des Nations Unies face à ce drame. Un autre membre du Comité a fait observer que la différence avait tendance à s'estomper entre travailleurs migrants et réfugiés et que le Comité devrait se pencher sur cet aspect des choses.

Audition des organisations non gouvernementales et institutions nationales de droits de l'homme

S'agissant de la Mauritanie

L'Observatoire mauritanien des droits de l'homme et de la démocratie a attiré l'attention du Comité sur le nombre important de Mauritaniens à l'étranger, qui s'élèverait à 250 000 expatriés, dont 128 000 en Afrique de l'ouest, 24 000 dans les pays du Golfe et 20 000 en France. La Convention a été officiellement publiée dans le Journal officiel, ce qui dénote, de l'avis de l'Observatoire, la volonté du Gouvernement d'appliquer sincèrement les dispositions de cet instrument. Des ateliers et séminaires sont organisés à l'intention des inspecteurs du travail, a en outre relevé l'Observatoire. Il a toutefois noté une insuffisance de la sensibilisation et de la formation aux droits des travailleurs migrants.

Parmi ses recommandations, l'Observatoire estime nécessaire d'intensifier les campagnes de sensibilisation des immigrés au sujet des législations en vigueur. Il estime par ailleurs nécessaire que soit dispensée une formation destinée aux fonctionnaires concernant la stratégie nationale de gestion de la migration. Il demande par ailleurs que l'on octroie gratuitement un titre de séjour et un permis de travail à tout conjoint étranger marié à une ressortissante ou ressortissant mauritaniens.

MME IRABIHA ABDEL WEDOUD, Présidente de la Commission nationale des droits de l'homme de la République islamique de Mauritanie, a indiqué que son institution jouissait auprès du Comité international de coordination des institutions nationales de droits de l'homme du statut A attestant de sa conformité aux Principes de Paris. Parmi les activités menées par la Commission, figure l'assistance juridique et humanitaire à l'intention des migrants dans la précarité, a-t-elle indiqué. Elle a salué «les efforts du Gouvernement mauritanien qui a mis en œuvre un vaste chantier de réformes, expression de la volonté politique des pouvoirs publics de mieux promouvoir et de protéger les droits humains». Elle a affirmé que dans son pays, les migrations n'étaient pas considérées comme un danger ou une menace mais comme «un facteur d'enrichissement».

La Présidente de la Commission nationale des droits de l'homme a précisé que la Mauritanie avait connu trois vagues successives de migrations: l'une, traditionnelle, en provenance de pays limitrophes; une autre nourrie par les personnes qui fuyaient les conflits des années 1990; et enfin, une migration de transit vers l'Europe. Elle a indiqué que selon le recensement de 2013, la population résidente étrangère représentait 2,5% de la population totale. La Constitution reconnaît aux étrangers les mêmes droits qu'aux Mauritaniens, y compris dans le domaine du droit du travail, a-t-elle fait valoir. Les dispositions de la Convention sont d'application directe et peuvent être invoquées devant les tribunaux, a-t-elle d'autre part souligné. Par ailleurs, la Mauritanie applique le principe de regroupement familial, a-t-elle ajouté.

La Présidente de la Commission nationale a cependant reconnu «certaines manifestations de la vulnérabilité des migrants». «Il s'agit essentiellement de l'exploitation des enfants par la mendicité ou d'autres pires formes de travail», a-t-elle précisé. La Mauritanie «a défini une feuille de route pour l'éradication des formes contemporaines d'esclavage», a-t-elle en outre rappelé.

La Commission est «convaincue qu'une gouvernance internationale des migrations s'impose et que le modèle sécuritaire n'est pas et ne doit pas être la seule réponse possible à la question», a poursuivi sa Présidente. Elle recommande au Gouvernement mauritanien de renforcer ses programmes de formation et de sensibilisation des personnels des administrations et suggère en outre à l'État d'accorder une attention particulière à la prise en charge des mineurs étrangers non accompagnés. Elle appelle d'autre part à la mise en place d'une plateforme permanente de concertation avec les pouvoirs publics. Elle recommande aussi d'adopter un plan d'action contre la traite des personnes. La Commission nationale des droits de l'homme recommande enfin «le renforcement de la capacité à lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée, dans le respect des droits de l'homme, notamment par la formation et la professionnalisation des forces de sécurité intérieure et des autorités judiciaires».

Dans le cadre de l'échange de vues qui a suivi ces deux présentations, un expert a souhaité en savoir davantage au sujet du regroupement familial. Un autre membre du Comité s'est inquiété du coût apparemment exorbitant de de la carte de séjour, qui semble atteindre l'équivalent d'un mois de salaire. Une experte a demandé des précisions sur l'intensification des contrôles aux frontières et sur les conditions dans lesquelles se faisaient les expulsions de migrants. Une autre experte a souhaité savoir si la Commission nationale des droits de l'homme intervenait dans les centres de rétention. Il semblerait que des gens soient détenus dans les postes frontière, s'est-elle inquiétée, ce demandant également si la Commission pouvait visiter ces lieux.

L'Observatoire mauritanien des droits de l'homme et de la démocratie a souligné que d'un point de vue administratif, se posait fréquemment un problème de validité des documents d'identité, sans parler du problème de l'insuffisance d'interprètes, ces problèmes ne facilitant pas les procédures afférentes aux demandes de regroupement familial. S'il n'est pas réaliste de demander la gratuité des titres de séjour, il serait souhaitable que le tarif en soit diminué, a-t-il admis. L'Observatoire a également demandé que le titre de séjour donne le droit de travailler, a-t-il ajouté. Tout étranger entrant en Mauritanie doit payer cinq euros et dispose ensuite de trois mois pour se faire régulariser, a-t-il précisé.

La Commission nationale des droits de l'homme a indiqué qu'elle avait un droit de visite sans préavis dans tout lieu de privation de liberté. Il n'existe pas de centres de détention ou de rétention spécifiques, en tant que tels, aux migrants, a-t-elle précisé. Les personnes sans papiers sont détenues dans les gendarmeries, voire aux postes frontière, en attendant que l'on statue sur leur sort, a-t-elle expliqué. La Commission plaide elle aussi pour une diminution du coût du titre de séjour, qui est actuellement d'environ 70 euros. Les migrants sont majoritairement des jeunes rêvant d'Occident, qui entreprennent un voyage parfois sans retour, a rappelé la Commission.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CMW16/002F