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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA LITUANIE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport de la Lituanie sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Le rapport a été présenté par le Vice-Ministre des affaires étrangères de la Lituanie, M. Neris Germanas, qui a souligné que l'existence d'une tradition multiculturelle historique est un très important fondement pour la promotion de la tolérance dans la Lituanie d'aujourd'hui. Les minorités ethniques constituent 17% de la population totale, a-t-il précisé. En novembre 2014, dans le cadre de la mise en œuvre du programme et des engagements gouvernementaux vis-à-vis des minorités nationales, a été créé le Département des minorités nationales, placé sous les auspices du Gouvernement, a-t-il ensuite fait valoir, avant d'attirer l'attention sur la Stratégie pour le développement des minorités nationales à l'horizon 2015 qui vise à intégrer les résidents lituaniens appartenant aux minorités nationales dans la société lituanienne tout en préservant leur culture nationale et leur identité. La minorité rom est considérée comme l'un des groupes les plus socialement défavorisés en Lituanie, a déclaré M. Germanas, soulignant que quatre programmes successifs visant l'intégration des Roms dans la société lituanienne ont été mis en œuvre. Il convient de reconnaître que la communauté rom continue d'être confrontée à des problèmes dans un certain nombre de domaines, notamment en matière d'emploi, d'éducation, de soins de santé et de logement social, a ajouté le Vice-Ministre. En Lituanie, les crimes de haine, y compris les crimes racialement motivés, ne sont pas courants. S'agissant enfin de l'actuelle crise migratoire en Europe, M. Germanas a indiqué qu'en solidarité avec les autres États membres de l'Union, la Lituanie se prépare à accepter beaucoup plus de réfugiés qu'elle n'en a l'habitude; le pays a prévu d'accepter 1105 migrants au 1er janvier 2016, a-t-il précisé. En conclusion, M. Germanas a souligné qu'en Lituanie, la non-discrimination aux motifs de la race et de la nationalité est un principe constitutionnel que l'État est fermement déterminé à appliquer.

La délégation lituanienne était également composée, de Mme Laimute Vaideliene, Vice-Ministre de la santé; du Représentant permanent de la Lituanie auprès des Nations Unies à Genève, M. Rytis Paulauskas; de représentants du Ministère de la sécurité sociale et du travail, du Ministère de l'éducation et des sciences, du Ministère de la justice, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de l'intérieur, du Département des minorités nationales, du Bureau du Gouvernement et du Bureau du Procureur général; ainsi que de l'Inspecteur de la déontologie des journalistes. Elle a fourni des réponses aux questions que lui ont adressées les membres du Comité s'agissant, notamment, des minorités nationales, y compris les Roms; du projet de loi sur les minorités nationales actuellement débattu au Parlement; des crédits budgétaires alloués aux organes consultatifs de défense des droits de l'homme; de la lutte contre les discours de haine; du nombre de poursuites engagées et de condamnations prononcées pour violation du droit à l'égalité; des manifestations nationalistes et ultranationalistes; des apatrides; des réfugiés et migrants; de la formation aux droits de l'homme des fonctionnaires de police; de la lutte contre la traite de personnes; ou encore des raisons pour lesquelles la Lituanie n'entend pas faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention (relatif à la procédure de plaintes individuelles).

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Lituanie, M. Gun Kut, a notamment relevé que la population totale de la Lituanie, qui s'établit à moins de trois millions d'habitants, a sensiblement diminué depuis 1998, où elle était de 3,7 millions d'habitants selon le document de base – quelque peu obsolète désormais – fourni par le pays. Rappelant qu'il y aurait, selon les données disponibles, quelque 2000 Roms au total en Lituanie, M. Kut a reconnu qu'en termes absolus, le nombre de ceux d'entre eux qui n'ont pas de papiers d'identité est faible; néanmoins, le fait qu'il en demeure témoigne que ce problème n'a pas été réglé, a-t-il déploré. De la même manière, s'il y a effectivement eu diminution du nombre des apatrides, qui est passé de 4844 en 2009 à 3202 en 2014, il s'agit là d'un succès relatif, a ajouté le rapporteur. M. Kut s'est par ailleurs inquiété des marches ultranationalistes qui se manifestent le jour de l'indépendance et auxquelles sont associés des discours haineux. Quant aux réfugiés, ce ne sont pas les personnes qui posent problème mais bien les problèmes qui découlent de l'afflux massif de ces personnes, a souligné le rapporteur.

Le Comité adoptera des observations finales dans le cadre de séances privées qui se tiendront avant la clôture de la session, le vendredi 11 décembre prochain.


À la reprise des travaux lundi matin, le Comité doit entendre des organisations non gouvernementales qui feront des présentations sur la situation en ce qui concerne la mise en œuvre de la Convention dans les pays dont les rapports seront examinés la semaine prochaine, à savoir, l'Égypte, la Slovénie, la Mongolie et la Turquie.


Présentation du rapport

Le Comité est saisi du rapport périodique de la Lituanie (CERD/C/LTU/6-8), ainsi que de la liste des thèmes à traiter que lui a adressée le Comité (CERD/C/LTU/Q/6-8).

M. NERIS GERMANAS, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Lituanie, a rappelé que la Lituanie est un pays multiculturel qui, depuis des siècles, accueille diverses nationalités, cultures et religions. Cette tradition multiculturelle de longue date constitue un fondement très important pour la promotion de la tolérance dans la Lituanie d'aujourd'hui, a-t-il insisté. Même si, en termes absolus, elles ne constituent qu'une petite partie de la population ne représentant que 17% de la population totale, les minorités ethniques constituent une partie culturelle et civilisationnelle essentielle de la nation et ont grandement contribué au développement du pays.

Depuis son indépendance, la Lituanie a pris toute une série de mesures visant à combattre l'intolérance et la discrimination raciale. Le pays accorde une grande importance aux accords internationaux de droits de l'homme et aux obligations qui en découlent, a assuré le Vice-Ministre des affaires étrangères. Depuis qu'elle a rejoint l'Union européenne en mai 2004, la Lituanie a entrepris d'assurer la conformité de son système juridique national avec les acquis de l'Union européenne, a indiqué M. Germanas. Cette année, la Lituanie a accueilli une délégation de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance du Conseil de l'Europe. Le Vice-Ministre a d'autre part fait valoir qu'à l'issue de l'examen du précédent rapport de son pays, le Premier Ministre lituanien avait mis sur pied un groupe de travail en vue de la mise ne œuvre des observations finales adressées au pays par le Comité.

En novembre 2014, dans le cadre de la mise en œuvre du programme et des engagements gouvernementaux vis-à-vis des minorités nationales, le Département des minorités nationales a été créé. Placé sous les auspices du Gouvernement, il est responsable de l'analyse des politiques ethniques et du développement des stratégies et programmes dans ce domaine. Il apporte en outre une aide aux représentants des minorités nationales à prendre pleinement part à la vie sociale, politique et culturelle du pays. Cette structure doit incontestablement contribuer à mieux répondre aux besoins des minorités nationales et à préserver leur identité nationale, a insisté le Vice-Ministre. Il a par ailleurs attiré l'attention sur la Stratégie pour le développement des minorités nationales à l'horizon 2015, qui vise à intégrer dans la société lituanienne les résidents lituaniens appartenant aux minorités nationales, tout en préservant leur culture nationale et leur identité et en assurant des relations harmonieuses entre les différents groupes nationaux.

La minorité rom est considérée comme l'un des groupes les plus socialement défavorisés en Lituanie, a déclaré M. Germanas, expliquant que la politique lituanienne à l'intention des minorités nationales met donc relativement plus l'accent sur les questions roms. Ainsi, quatre programmes successifs visant l'intégration des Roms dans la société lituanienne ont-ils été mis en œuvre, afin de traiter des questions d'exclusion sociale et des problèmes d'éducation et de santé que rencontre la communauté rom, tout en préservant la culture et les traditions des Roms. Pour autant, il convient de reconnaître que la communauté rom continue d'être confrontée à des problèmes dans un certain nombre de domaines, notamment en matière d'emploi, d'éducation, de soins de santé et de logement social, a dit M. Germanas.

Le chef de la délégation a néanmoins fait valoir qu'une étude menée en 2014 sur la situation de la minorité nationale rom et l'évaluation de son intégration avait révélé des changements significatifs dans le domaine de l'éducation, attestant en effet d'une nette amélioration des niveaux de scolarité chez les Roms et d'une évolution positive dans la réduction des taux d'analphabétisme. En une décennie, la part des Roms dont la principale source de revenus provient d'activités informelles a chuté, passant de 27% en 2001 à 5% en 2011, a également fait valoir le Vice-Ministre des affaires étrangères. L'intégration des Roms sur le marché du travail officiel reste compliquée et c'est pourquoi le nouveau Plan d'action pour l'intégration des Roms dans la société lituanienne pour 2015-2020 vise à résoudre les défis persistants s'agissant de la situation rom. Ce plan d'action met particulièrement l'accent sur la réduction de l'exclusion sociale des Roms, sur la promotion de leur participation à la vie publique et la promotion de la tolérance du public à l'égard de la communauté rom.

Après avoir souligné que la tolérance, fondement essentiel des sociétés modernes, ne peut pas être considérée comme acquise, M. Germanas a indiqué qu'en 2006, la Lituanie avait adopté son premier Programme national de lutte contre la discrimination. Il a aussi fait valoir que, depuis les importants amendements apportés en 2009 au code pénal en rapport avec les crimes de haine, une attention particulière a été accordée à l'application de ces textes par les agents de police qui mènent les enquêtes préliminaires dans les affaires pénales et par les procureurs. En Lituanie, les crimes de haine, y compris les crimes racialement motivés, ne sont pas courants, a assuré M. Germanas, qui a précisé qu'il y en avait eu 163 en 2013 et 106 en 2014. Il convient en outre de souligner que le code des délits administratifs récemment adopté et qui entrera en vigueur le 1er avril 2016 prévoit également que la haine ou la discrimination fondées sur la race ou l'appartenance ethnique constituent des circonstances aggravantes.

S'agissant de l'actuelle crise migratoire en Europe, le Vice-Ministre des affaires étrangères a souligné qu'elle lance de nouveaux défis à l'Union européenne entière, y compris à la Lituanie. En solidarité avec les autres États membres de l'Union, la Lituanie se prépare à accepter beaucoup plus de réfugiés qu'elle n'en a l'habitude, a fait valoir le Vice-Ministre, avant de préciser que le pays avait prévu d'accepter 1105 migrants au 1er janvier 2016. La Lituanie applique un programme d'intégration en deux étapes: le processus commence dans le centre de réception pour réfugiés et se poursuit dans les différentes municipalités. Un tel processus d'intégration bien pensé assure un résultat fructueux, a déclaré M. Germanas, indiquant par ailleurs que les autorités lituaniennes étaient en train de préparer un plan d'action pour l'intégration des réfugiés sur le marché du travail et organisent dans ce cadre des réunions avec les employeurs. Le financement de la réception et de l'intégration des réfugiés est déjà inscrit dans le budget national pour l'an prochain et approuvé par le Gouvernement.

En conclusion, M. Germanas a souligné qu'en Lituanie, la non-discrimination aux motifs de la race et de la nationalité est un principe constitutionnel que l'État est fermement déterminé à appliquer.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. GUN KUT, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Lituanie, s'est félicité que le pays ait envoyé devant le Comité une délégation de haut niveau, dirigée par le Vice-Ministre des affaires étrangères. Il a rappelé que le précédent rapport du pays avait été examiné en mars 2011 et que le présent rapport avait été soumis avec six mois de retard, à l'été 2014. Il convient néanmoins de saluer la régularité avec laquelle la Lituanie présente ses rapports au Comité, a ajouté le rapporteur. Il a souligné que le document de base, présenté par la Lituanie en 1998, était aujourd'hui en grande partie obsolète, et a donc prié le pays de transmettre au Comité un nouveau document de base. M. Kut a notamment relevé que la population totale de la Lituanie s'établissait aujourd'hui à moins de trois millions d'habitants, et avait donc sensiblement diminué par rapport aux données figurant dans le document de base de 1998, qui indiquait une population de 3,7 millions.

M. Kut a relevé que les minorités ethniques constituaient 17% de la population totale, avec en tête les Polonais et les Russes, suivis par les Bélarussiens, les Ukrainiens, les Juifs, les Tatars, les Allemands, les Roms, les Lettons, les Azerbaïdjanais. Il s'est enquis de l'état d'avancement du projet de loi sur les minorités nationales, alors que les autorités ne semblent pas y accorder la priorité.

Le rapporteur a par ailleurs voulu savoir si les auteurs d'actes discriminatoires en Lituanie avaient été poursuivis et, le cas échéant, condamnés. Plus généralement, il a voulu savoir si le droit pénal tenait compte de la Convention et de son application.

Rappelant que la Lituanie s'était dotée d'une loi sur l'égalité des chances, dont la mise en œuvre a été confiée au Médiateur pour l'égalité des chances, M. Kut a souhaité connaître la teneur du rapport annuel que présente ce Médiateur, en particulier des recommandations qu'il adresse à l'État.

Rappelant qu'il y aurait, selon les données disponibles, quelque 2000 Roms au total en Lituanie, M. Kut a reconnu qu'en termes absolus, le nombre de ceux d'entre eux qui n'ont pas de papiers d'identité est faible; mais il a déploré que ce problème n'ait pas encore été réglé, a-t-il. De même, s'il l'on constate une diminution du nombre des apatrides, qui est passé de 4844 en 2009 à 3202 en 2014, il s'agit là d'un succès relatif, a poursuivi le rapporteur.

M. Kut s'est par ailleurs inquiété des marches ultranationalistes qui se manifestent le jour de l'indépendance et auxquelles sont associés des discours de haine.

Le rapporteur a tenu à rappeler à la délégation qu'en ce qui concerne la question des réfugiés, ce ne sont pas les personnes qui posent problème mais bien les conséquences d'un afflux massif de migrants.

Parmi les autres membres du Comité, un expert a voulu savoir pourquoi, après un quart de siècle d'indépendance, la Lituanie enregistrait une chute du nombre de personnes d'origine ethnique lituanienne.

Un autre expert a exprimé l'espoir que l'activité de l'Inspecteur de la déontologie des journalistes aura des effets concrets et contribuera à l'élimination de toute vison discriminatoire dans les médias du pays. L'expert s'est en outre inquiété de l'information figurant dans le rapport de la Lituanie (paragraphe 104) selon laquelle «plus de la moitié des membres des minorités nationales ne sont pas pleinement préparés au marché du travail» parce qu'ils ne parlent pas le lituanien.

Il a été demandé à la délégation quels étaient les montants des réparations octroyées aux victimes de racisme et de discrimination raciale en cas de décision de justice en leur faveur.

Relevant que le code pénal incrimine désormais la création de groupes ou organisations racistes, un expert s'est étonné que personne n'ait été poursuivi ni même aucune enquête préliminaire ouverte en vertu de cette disposition du code pénal depuis son entrée en vigueur. S'agissant de la «Commission internationale d'évaluation des crimes des régimes nazi et soviétique pendant l'occupation de la Lituanie», mentionnée au paragraphe 199 du rapport de la Lituanie, les travaux d'une telle instance ne risquent-ils pas de créer un sentiment antirusse dans le pays alors que la Lituanie compte aujourd'hui entre 150 000 et 200 000 Russes, soit de 6 à 7% de la population totale, s'est interrogé l'expert?

Un autre membre du Comité s'est inquiété de la «théorie du double génocide», qu'embrassent certains Lituaniens et qui constitue une sorte de révisionnisme; cette théorie place en vis-à-vis l'holocauste et les massacres perpétrés par Staline en Europe de l'Est, faisant du premier une réponse aux seconds. Comment l'État lituanien a-t-il réagi et s'est-il positionné face à cette théorie?

Sur quelle base les autorités lituaniennes ont-elles déterminé le nombre de 1105 migrants qu'elles s'apprêtent à accueillir dans le pays au 1er janvier prochain, a demandé un expert?

Un membre du Comité a fait observer que le Lituanie est un pays source, de transit mais aussi de destination en matière de traite de personnes. Dans ce contexte, quelle sorte d'assistance le Gouvernement apporte-t-il aux victimes, a-t-il demandé ? Qu'en est-il des mesures prises ou envisagées pour prévenir l'abandon scolaire des enfants roms qui, incontestablement, quittent l'école prématurément, a par ailleurs demandé l'expert. En effet, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels lui-même a préconisé la prise de mesures temporaires spéciales afin de remédier à cette situation, notamment par l'octroi de bourses et autres subventions.

Réponses de la délégation

La délégation a assuré que le Gouvernement lituanien plaçait la question des minorités nationales à un rang très élevé de son programme. La Constitution lituanienne et d'autres lois – comme celles sur l'éducation ou encore sur l'égalité de traitement - garantissent les droits des minorités en Lituanie. L'article 29 de la Constitution stipule que tous sont égaux devant la loi, les tribunaux et les institutions publiques; d'autres lois en vigueur garantissent l'égalité de droit de chacun, sans distinction fondée sur le sexe, l'orientation sexuelle, la race, la nationalité, le handicap, l'âge, la religion ou les convictions, a précisé la délégation.

Interrogée sur le projet de loi sur les minorités nationales, la délégation a souligné que des questions de cette nature prennent du temps pour avancer et a indiqué que ce texte, inscrit au programme parlementaire en 2013, est actuellement débattu par le Parlement, qui s'en saisira l'an prochain.

Dans le système éducatif lituanien, depuis l'indépendance du pays en 1990, des écoles dispensent un enseignement dans les langues des minorités, essentiellement en polonais (51 écoles) et en russe (34 écoles), mais aussi en bélarusse (une école), notamment.

La délégation a d'autre part assuré que tous les citoyens sans discrimination aucune bénéficient du droit aux soins de santé et que toute personne est protégée contre toute discrimination aux motifs de la nationalité ou de la race sur le marché du travail.

Interpellée sur le nombre de membres des minorités nationales travaillant dans la police, la délégation a indiqué que la loi sur la fonction publique prévoyait que toute personne souhaitant exercer un emploi dans la fonction publique devait être citoyen lituanien et parler le lituanien, être âgée de 18 à 65 ans et, dans certains cas, avoir un certain niveau d'éducation. Les autorités ne disposent pas de statistiques permettant de dire combien de personnes appartenant à des minorités ethniques travaillent dans la fonction publique.

Le Département des minorités nationales, actuellement doté d'un budget d'un million d'euros, compte deux programmes: l'un portant sur les communautés (minorités) nationales et l'autre sur les Roms. L'un des axes d'intervention de ce Département consiste à soutenir les cultures et langues nationales; un autre axe d'intervention porte sur la promotion de mesures antidiscriminatoires, dans le but de préserver la concorde entre les différentes communautés du pays, a précisé la délégation.

La situation des minorités en Lituanie devrait donc maintenant progresser puisqu'il existe une institution distincte dotée d'un budget adéquat, a déclaré la délégation.

Le Bureau du Médiateur est récemment devenu membre du réseau européen des institutions nationales de droits de l'homme, a indiqué la délégation. En ce qui concerne les crédits budgétaires alloués aux organes consultatifs de défense des droits de l'homme, la délégation a indiqué que le Médiateur disposait maintenant de 14 employés, contre 12 l'an dernier. Ces dernières années, son budget est stable. Le Bureau a reçu plus de 400 000 euros prélevés sur le budget de l'État. Selon une enquête, 35% des citoyens lituaniens souhaiteraient que les plaintes soient adressées au Bureau du Médiateur, ce qui témoigne de la confiance dont jouit cette institution auprès des citoyens.

Selon la loi en vigueur, nul ne saurait diffuser des informations incitant à la haine, au racisme et à la violence; le discours de haine constitue une infraction pénale. La délégation a déclaré que le pays déplorait très peu d'incidents de discours de haine en ce qui concerne l'activité des journalistes. Sur une période de trois ans, le Bureau de l'Inspecteur de la déontologie des journalistes a engagé 151 enquêtes concernant des moyens de communication pouvant contenir des informations constitutives d'incitation à la haine; mais la proportion de plaintes pour incitation à la haine déposées à l'encontre de journalistes reste faible, a insisté la délégation.

Au 1er octobre 2015, le nombre d'affaires pénales engagées depuis 2013 pour des délits commis en rapport avec une violation du droit à l'égalité, y compris en termes de liberté de conscience, s'élève à 399, parmi lesquelles, pour les années 2013-2014 (les statistiques n'étant pas encore disponibles pour cette année), des condamnations ont été prononcées à l'encontre de 124 personnes. À l'exception de quelques affaires, les tribunaux condamnent généralement la personne ayant incité à la haine raciale à une amende; ce n'est que dans de rares cas que les coupables sont condamnés à une peine privative de liberté pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement, a précisé la délégation. Elle a ajouté que l'article 170 du code pénal, qui incrimine l'incitation à la haine, prévoit qu'il y aura poursuites pénales si la haine vise des groupes nationaux, ethniques, raciaux ou religieux.

La formation des fonctionnaires de police en matière de protection des droits et libertés fondamentales des citoyens se fait en début de formation, a ensuite souligné la délégation.

Les manifestations nationalistes et ultranationalistes évoquées par certains membres du Comité doivent être replacées dans le contexte de la liberté de réunion et de la liberté d'expression, a expliqué la délégation, précisant toutefois que cette liberté a des limites. Certaines manifestations prennent un caractère de propagande raciste et il en découle des arrestations pouvant mener à de lourdes sanctions, a-t-elle souligné.

En ce qui concerne les cas d'apatridie, la délégation a indiqué que la Lituanie en comptait 4593 personnes dans ce cas en 2009; 4453 en 2011; 4314 en 2012; 4130 en 2014. Leur nombre est encore moindre cette année. La tendance est donc clairement à la réduction du nombre de personnes apatrides en Lituanie, qui ne représentent, en tout état de cause, que 0,11% de la population. Cette diminution progressive est intervenue sous l'effet de réformes législatives, y compris en ce qui concerne la nationalité. Ainsi, les apatrides ou autres personnes n'ayant pas la citoyenneté lituanienne bénéficient-elles d'une procédure de naturalisation simplifiée, a indiqué la délégation, expliquant que toute personne née sur le territoire lituanien peut faire une demande de naturalisation à condition que la personne intéressée vive légalement en Lituanie depuis au moins cinq ans et qu'elle présente une demande en bonne et due forme. La personne qui prétend à la naturalisation doit passer et réussir un examen en langue lituanienne, ainsi qu'un examen de connaissance de la Constitution du pays; elle doit en outre disposer de ressources suffisantes pour subvenir à ses besoins. En 2013, le Parlement a ratifié la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie, a d'autre part fait valoir la délégation.

Le 28 janvier dernier, a été approuvé le plan d'action interinstitutionnel pour la promotion de la non-discrimination, pour la mise en œuvre des mesures prévues dans le Plan d'action de Durban.
S'agissant de la situation des Roms en Lituanie, la délégation a rendu compte des résultats des programmes d'intégration en faveur des Roms qui sont mis en œuvre depuis 2001. De bons résultats sont apparus en matière d'éducation et de réduction des taux d'analphabétisme, a-t-elle rappelé, citant le Vice-Ministre des affaires étrangères dans sa présentation du rapport. La fréquentation de l'école primaire est passée de 31% à 42%, a-t-elle notamment précisé. La délégation a par ailleurs fait part des résultats d'un recensement selon lequel 93,3% des Roms en Lituanie avaient la citoyenneté lituanienne. Le Plan d'action pour l'intégration des Roms pour la période 2015-2020 contient un volet spécifiquement consacré aux femmes roms, a d'autre part indiqué la délégation.

En ce qui concerne les réfugiés et les migrants, la délégation a rappelé que la Lituanie avait d'ores et déjà accueilli des réfugiés sur la base de décisions prises au niveau de l'Union européenne. Il s'agit là d'un sujet épineux pour l'ensemble des membres de l'Union européenne et non pas seulement pour la Lituanie, a-t-elle souligné. Pour ce qui est des critères d'accueil de ces personnes, ils ont été établis par la Commission européenne, qui a retenu le PIB, le nombre d'habitants, le nombre de demandes d'asile déposées au cours des dernières années et le taux d'emploi. Pour la période 2016-2017, la Lituanie devrait accueillir 1105 réfugiés; pour ce faire, le pays est en train – par l'intermédiaire d'une commission mise sur pied à cette fin – de mettre à jour son système d'intégration, car jusqu'ici, la Lituanie n'accueillait qu'environ 150 réfugiés par an, a précisé la délégation.

Les traités internationaux ratifiés par la Lituanie font partie intégrante de l'ordre juridique interne du pays, a par ailleurs indiqué la délégation, avant de préciser que ces traités prévalent alors sur le droit interne.

La Loi sur l'égalité des chances prévoit que la charge de la preuve peut être inversée, a en outre fait valoir la délégation.

Quant à l'article 14 de la Convention, qui prévoit la reconnaissance de la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles (communications), la délégation a rappelé que la position de la Lituanie vis-à-vis de cet article a déjà été exposée dans le cadre de l'Examen périodique universel. La Lituanie n'entend pas dans un avenir proche faire la déclaration prévue à cet article car elle estime que son système de recours actuel est parfaitement adapté qui comporte d'une part les tribunaux nationaux et, d'autre part, des instances régionales et internationales de droits de l'homme telles que la Cour européenne des droits de l'homme et le Comité des droits de l'homme de l'ONU, a expliqué la délégation.

À ce stade, un membre du Comité a réfuté l'argumentation fournie par la Lituanie pour expliquer pourquoi elle n'avait pas fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention. En effet, la Lituanie affirme disposer de suffisamment de voies de recours en interne; or, d'autres pays tels que les Pays-Bas, par exemple, n'ont-ils pas eux aussi suffisamment de recours internes qui ont pourtant accepté de faire la déclaration prévue à cet article ? En outre, il convient de rappeler que la Convention européenne des droits de l'homme n'interdit la discrimination que pour les droits protégés par la Convention. Aussi, serait-il intéressant de savoir si la Lituanie a accédé au Protocole n°12 à ladite Convention, qui lui, interdit effectivement toute discrimination, même en dehors des droits protégés par la Convention, a indiqué cet expert.

Le Protocole n°12 n'est pas si populaire que cela parmi les États du Conseil de l'Europe, l'Union européenne elle-même n'ayant pas opté pour adhérer à ce Protocole, a alors fait observer la délégation.

En ce qui concerne la lutte contre la traite de personnes, la délégation a assuré que la Lituanie accorde une grande attention à cette question. Dès 2012, a-t-elle fait valoir, le pays a adopté un plan interinstitutionnel pour les années 2013-2015 dont l'un des axes principaux avait trait aux activités de renforcement de la lutte contre la traite de personnes.

Observations préliminaires

Le rapporteur, M. KUT, a remercié la délégation pour le caractère fructueux du dialogue qui s'est noué entre elle et les experts membres du Comité. Le Comité va désormais devoir s'atteler à la rédaction d'observations finales, à la lumière non seulement du rapport mais également des réponses fournies par la délégation tout au long de cette journée, a-t-il rappelé. La question des Roms ne devrait pas manquer de figurer au nombre des points saillants abordés dans ces observations finales, a-t-il précisé. Le rapporteur a rappelé que les autorités se doivent par tous les moyens de déceler les pratiques discriminatoires, car indépendamment de ce qui figure dans la loi, ce qui intéresse le Comité, c'est ce qui se passe dans la pratique. De ce point de vue, a précisé M. Kut, beaucoup d'améliorations pourraient être apportées en Lituanie en ce qui concerne la manière dont la loi est appliquée dans le pays. Le rapporteur a par ailleurs fait part de sa préoccupation face à la lenteur de la réduction des cas d'apatridie en Lituanie qui laisse entendre qu'il faudra encore de très nombreuses années pour venir à bout de ce problème.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CERD15/031F