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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DU LIBAN

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné aujourd'hui le rapport du Liban sur les mesures prises par cet État partie pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

La Représentante permanente du Liban auprès des Nations Unies à Genève, Mme Najla Riachi Assaker, a rappelé que le Liban traversait une période difficile. Le Liban est un petit pays qui ne compte pas plus de quatre millions d'habitants et qui est en train d'offrir un accueil à de très nombreux réfugiés syriens, comme ce fut le cas par le passé avec les réfugiés palestiniens. Le Liban subit donc les conséquences des crises de la Syrie et d'Israël et a du mal à absorber autant de personnes, qui représentent la moitié de la population du pays. Au niveau législatif, les dispositions du code du travail ont été amendées en 2010 pour assurer que les réfugiés palestiniens soient dûment enregistrés, indépendamment de leur sexe, puissent jouir des salaires correspondants aux dispositions du droit du travail libanais. En outre, le législateur a renforcé les dispositions sur la question des crimes d'honneur et l'égalité entre hommes et femmes dans le mariage, en particulier en ce qui concerne les droits de succession. En 2014, la loi sur la protection de la femme et de tous les membres de la famille a été adoptée pour permettre aux personnes battues de déposer plainte en justice pour violence domestique en bénéficiant d'une aide juridictionnelle. La présence des femmes dans la vie économique n'est pas suffisante, a reconnu la Représentante permanente, faisant observer que le chômage des femmes est le double de celui des hommes. Par ailleurs, les efforts consentis pour améliorer la situation s'agissant de la loi sur la nationalité et de la question du mariage civil se heurtent aux résistances confessionnelles.

La délégation libanaise était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de l'intérieur et des municipalités; du Ministère des affaires sociales; de la Présidence du Conseil des Ministres; de la Direction générale de la sûreté générale; de la Direction des statistiques centrales; et de la Commission nationale des affaires de la femme libanaise. Elle a apporté des réponses aux questions qui lui étaient posées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de l'afflux de réfugiés dans le pays; de la question de la reconnaissance légale de l'égalité entre hommes et femmes; de l'application de mesures temporaires spéciales; de la représentation des femmes, en particulier dans la vie politique; de la lutte contre la traite de personnes; des violences contre les femmes; de la prostitution; des questions de nationalité; des questions d'éducation et de santé; des travailleuses migrantes; des mariages précoces; ou encore des femmes rurales.

Des experts ont salué les efforts déployés par le Liban en faveur des réfugiés; le pays fait face à une crise sans précédent et à un contexte sécuritaire difficile, auxquels s'ajoute une crise politique et économique. Il faudrait dans ce cadre redonner vigueur au débat fondamental concernant le rôle de la femme dans la société libanaise. Le Liban doit engager des réformes profondes en matière d'égalité, et il a été souligné que la «la clause de conscience religieuse» prévue par la Constitution privait les femmes de certains droits fondamentaux. Relevant que le Liban ne comptait qu'une femme au Gouvernement et quatre femmes parlementaires, le Liban a été encouragé à instaurer des quotas pour favoriser la participation des femmes. Les experts ont par ailleurs déploré que les femmes libanaises ne puissent toujours pas transmettre systématiquement leur nationalité à leurs enfants. Une experte s'est inquiétée d'informations laissant apparaître que le taux moyen d'illettrisme au Liban était de 24,6% pour les femmes, soit le double de celui des hommes, les femmes rurales étant particulièrement touchées. Il a été demandé au pays s'il envisageait d'abolir le système de la kafala, qui empêche les travailleurs de quitter les employeurs qui les exploitent.

Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport du Liban lors de séances privées qui se tiendront avant la clôture de la session, le vendredi 20 novembre prochain.


Le Comité examinera demain le rapport de l'Ouzbékistan (CEDAW/C/UZB/5).



Présentation du rapport

Le Comité est saisi du rapport périodique du Liban (CEDAW/C/LBN/4-5), ainsi que de ses réponses (CEDAW/C/LBN/Q/4-5/Add.1 ) à une liste de questions que lui a adressées le Comité (CEDAW/C/LBN/Q/4-5).

MME NAJLA RIACHI ASSAKER, Représentante permanente du Liban auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que le Liban traversait actuellement une période difficile. Le Liban est un petit pays qui ne compte pas plus de quatre millions d'habitants et qui est en train d'offrir un accueil à de très nombreux réfugiés syriens, comme ce fut le cas par le passé s'agissant des réfugiés palestiniens. Le Liban subit donc les conséquences des crises de la Syrie et d'Israël et a du mal à absorber autant de personnes, qui représentent la moitié de la population du pays, a insisté la Représentante permanente. Les femmes et les enfants représentent 63% des personnes déplacées et 400 000 écoliers font partie de cet afflux de migrants, a-t-elle ajouté. La communauté internationale doit comprendre la situation dramatique qui est celle du Liban, la Banque mondiale ayant évalué à 7,5 milliards de dollars les coûts engendrés par l'arrivée d'autant de réfugiés.

Le Liban réitère son engagement à lutter contre le terrorisme; en même temps, Israël continue d'occuper une partie du territoire libanais, a aussi déclaré la représentante.

Le Liban a pris en compte les observations finales présentées par le Comité suite à l'examen de ses précédents rapports, a d'autre part assuré Mme Riachi Assaker. Elle a notamment attiré l'attention sur l'élan donné à l'éducation par les organisations non gouvernementales dans le pays. Au niveau législatif, les dispositions du code du travail ont été amendées en 2010, de sorte que les réfugiés palestiniens dûment enregistrées, indépendamment de leur sexe, jouissent des salaires correspondants aux dispositions du droit du travail libanais, a précisé la Représentante permanente. En outre, le législateur a statué sur la question des crimes d'honneur et l'égalité entre hommes et femmes dans le mariage a été renforcée, en particulier en ce qui concerne les droits de succession, a-t-elle ajouté. En 2014, a-t-elle poursuivi, la loi sur la protection de la femme et de tous les membres de la famille a été adoptée pour permettre aux personnes battues de déposer plainte en justice pour violence domestique en bénéficiant d'une aide juridictionnelle. Cette dernière loi a amendé le code pénal de manière à pénaliser le coupable, a précisé Mme Riachi Assaker. La durée du congé de maternité payé a été portée à dix semaines, a-t-elle en outre fait valoir.

Le Gouvernement libanais s'engage à soutenir les femmes et à appuyer les efforts pour promouvoir la condition de la femme, a déclaré Mme Riachi Assaker. La présence des femmes dans le système judiciaire a été portée de 29% en 2004 à 41% en 2011, a-t-elle fait valoir. La présence des femmes dans la vie économique n'est pas suffisante, a-t-elle toutefois reconnu, faisant observer que le chômage des femmes est le double de celui des hommes. Les efforts consentis pour améliorer la situation en ce qui concerne la loi sur la nationalité et la question du mariage civil se heurtent aux résistances confessionnelles, a souligné la représentante.

Mme Riachi Assaker a enfin annoncé que le Liban acceptait l'amendement au paragraphe premier de l'article 20 de la Convention relatif à la durée des sessions annuelles du Comité.

Examen du rapport

Questions et observations des experts membres du Comité

Une experte a salué les efforts déployés par le Liban en faveur des réfugiés. Le pays fait face à une crise sans précédent et à un contexte sécuritaire difficile, auxquels s'ajoute une crise politique et économique. Pour sortir de cette crise, n'y a-t-il pas lieu de redonner vigueur au débat fondamental concernant le rôle de la femme dans la société libanaise, s'est interrogée cette experte? Le Liban doit engager des réformes profondes en matière d'égalité, a-t-elle souligné. En dépit de la reconnaissance de l'égalité de tous les citoyens devant la loi dans l'article 7 de la Constitution, la clause de conscience religieuse prive les femmes de certains droits fondamentaux, a rappelé l'experte. Les femmes, dans le contexte des grandes migrations, font l'objet de violences particulières, a-t-elle également rappelé, se demandant dans quelle mesure la collecte de données statistiques relatives aux réfugiés comportait une dimension sexospécifique. Elle a s'est aussi demandé dans quelle mesure la question de l'apatridie était prise en compte. L'experte a recommandé au Liban de renforcer l'approche de la discrimination au travers de l'article 2 de la Convention. Elle s'est demandé comment le Liban appliquait la résolution 1325 du Conseil de sécurité (sur les femmes, la paix et la sécurité) dans le contexte des femmes réfugiées. En période de crise, accorder des responsabilités aux femmes est fondamental, a insisté l'experte.

Une autre experte a demandé des précisions sur le mandat des points focaux pour les femmes au sein des différents ministères et institutions. Il en outre été demandé quelles étaient les ressources techniques dont disposait la Commission nationale des affaires de la femme libanaise et s'il était envisagé de renforcer cette institution.

Une experte a rappelé que lors de l'examen du précédent rapport du Liban, le Comité avait constaté avec préoccupation que le Liban n'avait pas tenu compte des dispositions de l'article 4 de la Convention, relatif aux mesures temporaires spéciales; or, il semblerait qu'aucun progrès n'ait été réalisé en la matière, a-t-elle fait observer. Des mesures spécifiques sont-elles prévues au Liban pour les femmes ayant des besoins spécifiques, a en outre demandé l'experte, relevant que le Liban n'avait toujours pas adhéré à la Convention relative aux droits des personnes handicapées?

Une experte a invité les autorités libanaises à se pencher sur l'image de la femme véhiculée dans les médias et sur les stéréotypes qui sont ainsi véhiculés.

La violence contre les femmes est un problème auquel s'est attaqué l'État libanais, s'est félicité une experte, saluant notamment l'adoption, en mai 2014, de la loi sur la protection des femmes, ainsi que l'amendement apporté en août 2011 au code pénal afin de faire face aux problèmes qui se posaient en cas d'adultère. L'experte a toutefois plaidé pour des mesures de sensibilisation visant les agents des forces de l'ordre et les chefs communautaires afin de les sensibiliser au caractère inacceptable de toutes les formes de violence à l'égard des femmes.

Le Liban est devenu une destination pour le tourisme sexuel, a déclaré une experte. Elle a aussi constaté que la prostitution était un sujet tabou au sein de la société libanaise, ajoutant que l'exemple d'autres pays a montré que l'interdiction pénale de la prostitution n'empêchait jamais la prostitution. Elle a souhaité savoir si les autorités libanaises envisageaient de dépénaliser la prostitution. Relevant que le Liban s'est doté d'une loi incriminant la traite de personnes, l'experte a souhaité savoir si le pays avait adopté un plan national pour lutter contre la traite des femmes.

Une experte a insisté sur la nécessité d'évaluer l'application des lois; elle a voulu connaître le nombre de poursuites engagées et de sanctions prononcées contre des auteurs de traite de personnes et de violences contre les femmes.

Le Liban ne compte malheureusement qu'une femme au Gouvernement et quatre femmes parlementaires; il faut donc que le pays œuvre à l'instauration de quotas pour favoriser la participation des femmes, a-t-il en outre été souligné. Il est tout aussi essentiel que les femmes atteignent un niveau de représentation adéquat au niveau des syndicats, a fait observer une experte.

La transmission de la nationalité des femmes libanaises n'est pas automatique, a déploré une experte, qui a voulu savoir quelle stratégie le Gouvernement libanais allait mettre en œuvre afin d'être en mesure de lever la réserve que le Liban maintient à l'égard du paragraphe 2 de l'article 9 de la Convention, qui accorde des droits égaux aux hommes et aux femmes en ce qui concerne la nationalité de leurs enfants.

Une experte s'est inquiétée d'informations laissant apparaître que le taux moyen d'illettrisme est de 24,6% pour les femmes, soit le double de celui des hommes, les femmes rurales étant particulièrement touchées. Aussi, s'est-elle enquise des mesures prises pour lutter contre l'abandon scolaire des filles dans les régions rurales, ainsi que de ce qui est fait pour faire en sorte que l'éducation gratuite et obligatoire soit appliquée partout sur le territoire libanais. Certains manuels scolaires contiennent encore des images très stéréotypées des femmes, a en outre fait observer cette experte.

Le phénomène des migrations n'est pas neutre du point de vue du sexe, a fait observer une experte, rappelant que les femmes constituaient la majeure partie des travailleurs migrants. Le Gouvernement libanais mène-t-il des enquêtes impartiales pour déterminer la cause des décès de travailleuses migrantes, dont une ONG relevait récemment qu'au Liban, il s'en produisait en moyenne un chaque jour, classé comme suicide? Le système de la kafala, qui empêche les travailleurs de quitter les employeurs qui les exploitent, va-t-il être aboli, a en outre demandé l'experte? Tout en indiquant comprendre le vide institutionnel qui prévaut actuellement au Liban, elle s'est ensuite enquise des raisons du rejet de la demande d'établissement d'un syndicat des travailleurs domestiques.

Une experte a attiré l'attention sur le déséquilibre des prestations de santé entre secteur privé et secteur public et a insisté sur le devoir de l'État d'assurer la cohérence des soins de santé à travers le pays. Seules 51% des femmes dans le pays semblent avoir accès aux services de santé disponibles, s'est-elle en outre inquiétée.

Que fait le Gouvernement libanais pour veiller à ce que les enfants réfugiés aient accès à l'éducation, a demandé une experte?

Une experte a fait observer que le système de sécurité sociale du Liban comportait des dispositions discriminatoires à l'encontre des femmes. Dénonçant par ailleurs la discrimination de facto dont témoigne le faible taux de femmes d'affaires, cette experte s'est enquise de ce qui était fait pour soutenir l'entreprenariat féminin.

Tout en insistant sur la réalité complexe du Liban en raison des différents flux migratoires qui affectent ce pays, une autre experte a relevé l'importance du travail saisonnier dans les campagnes, assuré notamment par des femmes qui n'ont pas accès à la sécurité sociale comme les autres travailleurs du pays. Par ailleurs, les femmes rurales ne parviennent pas à accéder à la propriété de la terre, a souligné l'experte, refusant abandonnant souvent au profit de leurs frères l'héritage qui leur revient. L'experte s'est enquise des mesures prises pour protéger les fillettes des zones rurales contre des pratiques telles que les mariages précoces.

Une experte s'est inquiétée de la discrimination existante dans certaines dispositions du droit civil, comme celle qui interdit à une femme d'ouvrir un compte bancaire pour son enfant.

Une experte s'est inquiétée que divers âges minima du mariage soient fixés au Liban en fonction des différentes communautés religieuses, cet âge étant fixé à neuf ans, par exemple, pour les communautés musulmanes.

Réponses de la délégation

Face à l'afflux de réfugiés à ses frontières, le Liban a maintenu depuis cinq ans sa politique d'ouverture des frontières et personne n'a été refoulé, a fait valoir la délégation. Mais lorsque la capacité du Liban ne pouvait supporter cet afflux, il a été décidé de fermer ces frontières, tout demandeur d'asile conservant néanmoins la possibilité d'entrer dans le pays, a précisé la délégation. «Nous espérons que bientôt la situation politique pourra remédier à cette situation humanitaire dramatique», a-t-elle déclaré.

La délégation a rappelé que l'article 7 de la Constitution reconnaissait l'égalité de tous les citoyens devant la loi. Cette disposition ne mentionne pas de manière spécifique la non-discrimination entre hommes et femmes, a-t-elle toutefois précisé. Néanmoins, dans le préambule de la Constitution, il est souligné que le Liban respecte les différents instruments internationaux auxquels le pays est partie. Tous les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme font partie intégrante de la Constitution et l'emportent sur toute autre loi.

Les différentes confessions ont le droit constitutionnel de réglementer leurs affaires personnelles conformément à leur religion, ce qui implique que tout amendement à la loi sur le statut personnel nécessiterait un amendement de la Constitution, a expliqué la délégation.

L'article 2 de la Convention, qui concerne le principe de non-discrimination, se substitue, dans les tribunaux, aux dispositions du droit interne. Ainsi, si une partie invoque devant un tribunal un instrument international auquel le Liban est partie, cette disposition l'emportera, a insisté la délégation. Une lacune persiste toutefois au niveau du code pénal, eu égard au principe juridique selon lequel il n'y a pas de sanction sans délit, a-t-elle reconnu. Il faudra donc procéder à une révision globale du code pénal pour tenir compte des observations et recommandations du Comité, a indiqué la délégation.

La délégation s'est ensuite dite quelque peu préoccupée par les propos tenus par une experte concernant les réformes législatives auxquelles le Liban devrait procéder. La question du statut personnel et celle de la nationalité sont des questions hautement complexes, a rappelé la délégation. La question du mariage des mineurs relève des lois confessionnelles, a-t-elle ensuite souligné.

Le droit à l'éducation pour tous est respecté au Liban, a souligné la délégation.

La Commission nationale des affaires de la femme libanaise est une instance consultative qui met sur pied des politiques et des plans, notamment la Stratégie de la femme au Liban, en tenant compte non seulement des femmes libanaises, mais aussi des femmes palestiniennes et syriennes, a-t-elle précisé.

S'agissant des mesures temporaires spéciales, la délégation a indiqué que tous les projets relatifs à la loi électorale qui sont présentés au Parlement comportent un quota pour les femmes. La délégation a déclaré qu'il fallait que la priorité demeure de permettre à la femme d'occuper des postes de prise de décision, dans la vie politique et publique. Par la suite, cette présence pourra également être promue dans d'autres domaines, a dit la délégation.

La loi libanaise relative au handicap est exemplaire: elle prévoit des quotas pour les personnes handicapées, en matière de recrutement, tant pour le secteur privé que pour le secteur public, a fait valoir la délégation.

En ce qui concerne la représentation des femmes dans la vie politique, la délégation a assuré qu'un grand nombre de femmes avaient été élues dans les municipalités. Certes, le nombre de femmes parlementaires et ministres reste réduit; pour progresser dans ce domaine, il faudra prendre des mesures de sensibilisation. La délégation a ensuite rappelé qu'il n'existait pas de quotas pour les femmes au Liban, que ce soit pour les élections nationales ou pour les élections locales.

De nombreuses femmes ont en revanche été recrutées dans le système de justice et leur proportion atteint 41% parmi les juges, a fait valoir la délégation. Les femmes comptent en outre pour 35% du corps diplomatique, a d'autre part indiqué la délégation. Pour ce qui est des syndicats, la percée des femmes dans ce milieu se fait petit à petit; elle est lente mais elle se fait «à pas sûrs», a-t-elle déclaré.

Répondant à des questions sur la violence contre les femmes, la délégation a notamment souligné que la loi devait être amendée pour incriminer en tant que tel le viol conjugal. La loi sur la protection des femmes adoptée l'an dernier pénalise non seulement la violence physique mais aussi celle qui se manifeste au travers d'une intimidation, a précisé la délégation.

En ce qui concerne des questions essentielles de la traite de personnes et la prostitution, la délégation a déclaré que la traite de personnes était un crime contre lequel il fallait lutter, notamment du fait de la présence de nombreux étrangers sur le territoire libanais. Un mémorandum d'accord a été signé à cette fin avec des ONG (notamment avec Caritas), a précisé la délégation. La loi de 2011 en vigueur érige en infraction le crime de traite de personnes, a rappelé la délégation. L'organisation Caritas propose des foyers d'accueil pour les victimes de la traite, a-t-elle indiqué. Des directives sur les travailleurs domestiques migrants ont été élaborées, a-t-elle en outre fait valoir. Pour ce qui est de la prostitution, la délégation a notamment fait état de la mise à disposition d'une ligne téléphonique gratuite d'urgence pour entendre les plaintes émanant notamment des travailleuses du sexe dans les discothèques, qui arrivent au Liban au bénéfice d'un visa d'«artiste». Selon la loi en vigueur, toute personne qui force une personne âgée de moins de 21 ans à perpétrer des actes immoraux sera passible d'une peine d'emprisonnement, a ajouté la délégation.

Politiques et chefs religieux entravent le processus de révision de la loi sur la nationalité, a ensuite déclaré la délégation, avant d'exprimer l'espoir qu'à long terme, les femmes au Liban puissent voir reconnus leurs droits dans ce domaine. On s'efforce au Liban de trouver un compromis eu égard à la présence de nombreux réfugiés, en particulier palestiniens, a insisté la délégation. La proposition de la Commission nationale des affaires de la femme libanaise visant à ce que les Palestiniens qui se trouvent au Liban depuis plus de dix ans jouissent des droits civils mais pas des droits politiques a été rejetée, a-t-elle indiqué.

S'agissant des questions d'éducation, la délégation a déclaré que les taux de fréquentation scolaire pour les différents cycles d'enseignement sont en moyenne plus élevés pour les filles que pour les garçons, même s'il est possible qu'il y ait des écarts d'une région à l'autre. En moyenne, les abandons scolaires sont davantage le fait des garçons que des filles, a-t-elle par ailleurs fait observer.

La délégation a rappelé que le Liban avait opté de longue date pour le caractère obligatoire de l'éducation primaire et, en 2011, par le biais de la loi n°159, pour l'éducation obligatoire et gratuite jusqu'à l'âge de 15 ans, qui est aussi l'âge minimum d'admission à l'emploi. Mais du fait de la crise institutionnelle que connaît le pays depuis l'an dernier - le Liban n'ayant pas de Président de la République depuis le printemps 2014 -, le décret d'application de cette loi n'a pu être publié, les autorités libanaises ayant dû se contenter de se pencher sur les lois les plus urgentes; dès que le fonctionnement institutionnel du pays reprendra son cours normal, elles se pencheront de nouveau sur cette question, a assuré la délégation.

Les femmes constituent le groupe qui tiré le plus grand parti du programme d'alphabétisation mis en place au Liban, a par ailleurs affirmé la délégation. Le taux de fréquentation scolaire se situe à 98,4% pour les filles âgées de 6 à 11 ans, soit un taux supérieur à celui enregistré pour les garçons du même âge, a fait valoir la délégation. Les autorités espèrent que ce taux attendra bientôt 100%, de sorte que le pays n'aura plus besoin de campagne d'alphabétisation.

La délégation a par ailleurs rendu compte des mesures prises pour assurer l'éducation aux enfants syriens réfugiés. Après avoir rappelé que les taux d'abandon scolaire sont plus élevés pour les garçons que pour les filles, elle a précisé que les taux d'abandon scolaire dans certaines zones comme le nord du Liban sont plus élevés que dans la région de Beyrouth-capitale, ce qui pourrait être dû à la situation sécuritaire, c'est-à-dire à la guerre en Syrie, laquelle expliquerait que des garçons quittent l'école à partir d'un certain âge.

La délégation a ensuite expliqué les mesures adoptées en vue de superviser les contrats des travailleurs migrants et de leur assurer une protection adéquate contre la traite d'êtres humains, entre autres. De nombreux travailleurs migrants ont porté plainte et ont pu obtenir justice et indemnités, a fait valoir la délégation, ajoutant que les médias ont contribué à montrer du doigt les souffrances subies par les travailleurs migrants dans le pays.

Quant au système de la kafala, qui établit un lien direct entre la capacité du travailleur domestique de rester sur le territoire libanais et son employeur, la délégation a expliqué que ce système vise à protéger la société libanaise dans son ensemble et à assurer la stabilité du pays. Ce système est soumis à un certain nombre de règles. Il y a eu des plaintes pour abus déposées par des travailleuses migrantes qui avaient échappé à leur employeur; ces plaintes peuvent être portées devant Caritas ou d'autres organisations. Dans ce cas, l'employeur est contacté et une enquête est ouverte par les autorités judiciaires concernées.

Les autorités ont l'intention de promulguer un projet de loi sur le harcèlement au travail qui couvrira tout particulièrement les travailleurs domestiques, a ensuite indiqué la délégation.

Pour ce qui est des questions de santé, la délégation a notamment déclaré qu'en dépit des efforts consentis pour établir des unités de santé dans tout le pays, les services de santé sont encore largement le fait du secteur privé. Elle a précisé que 28 nouveaux centres de santé avaient été ouverts en 2014, en particulier dans les zones rurales et grâce au soutien de la société civile qui en gère un grand nombre.

Au Liban, l'avortement est interdit, sauf dans les cas d'avortements thérapeutiques spécifiés dans la loi sur l'éthique médicale ou si la vie de la mère est en danger selon l'avis d'un médecin corroboré par deux de ses collègues. Un peu plus de 9000 avortements ont été pratiqués en 2012, a précisé la délégation.

Le problème du mariage précoce existe depuis toujours au Liban, même s'il n'a jamais été très répandu. Avec l'afflux de migrants, il convient de se pencher de plus près sur cette question. Pour l'heure, le mariage d'un mineur ne peut être conclu qu'avec une autorisation émanant des autorités religieuses, chrétiennes ou musulmanes. Mais en réalité, l'autorisation est parfois accordée «pour des raisons que chacun connaît bien», a déclaré la délégation, et il a donc été décidé qu'il fallait réglementer – et non pas interdire – de tels mariages; un projet de loi a été préparé en la matière, qui prévoit que le juge chargé des mineurs devra entériner ou non l'autorisation accordée par les autorités religieuses. Ainsi, la réglementation du mariage dépendra-t-elle désormais des autorités judiciaires civiles, a expliqué la délégation.

Dans les faits, pour l'heure, il y a pour ce qui est du mariage un âge de puberté, un âge de maturité et un âge perçu comme étant approprié pour le chef religieux, a ensuite indiqué la délégation. Malheureusement, a-t-elle reconnu, dans la pratique, le chef religieux (lorsqu'il doit se prononcer pour autoriser un mariage précoce) ne mène pas les recherches nécessaires pour s'assurer qu'il ne s'agit pas d'un cas de traite de fillettes ou qu'il ne s'agit pas d'un cas de père qui cherche à se débarrasser de sa fille en raison de la charge financière qu'elle représente.

La délégation a fait état des mesures prises pour assurer que les travailleuses rurales soient protégées par les garanties associées au droit du travail. Le secteur agricole n'a pas été ignoré par la loi sur la sécurité sociale et cela vaut aussi bien pour les femmes que pour les hommes, a assuré la délégation. Lors de sa mise en place en 1974, la sécurité sociale avait commencé à couvrir les travailleurs permanents et on espérait couvrir progressivement d'autres catégories, a expliqué la délégation; malheureusement, les difficultés se sont succédé depuis cette date dans le pays, de sorte qu'il n'est toujours pas possible pour le système de sécurité sociale, qui se trouve sous pression, d'intégrer de nouvelles catégories telles que les travailleurs agricoles saisonniers, par exemple.

La solidarité internationale est fondamentale pour permettre au Liban d'honorer ses engagements à l'égard de sa population et du nombre conséquent de réfugiés qu'abrite le pays, a souligné la délégation. Malheureusement, aujourd'hui, la Méditerranée est devenue le cimetière des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants et la communauté internationale se doit de partager le fardeau de ces réfugiés, a-t-elle insisté, déplorant que les montants d'aide promis au Liban au cours de diverses conférences ces dernières années – notamment celle des Amis du Liban tenue à New York il y a deux ans à l'initiative de la France – n'aient à ce jour pas été reçus par le pays.



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CEDAW15/037F