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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE EXAMINE LE RAPPORT DU LIECHTENSTEIN

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a examiné, hier après-midi et cet après-midi, le rapport présenté par le Liechtenstein sur les mesures prises par le pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le rapport a été présenté par M. Martin Frick, Directeur du Bureau des affaires étrangères du Liechtenstein. Il a souligné l'importance que son pays accordait à la question de la prévention de la torture, qui est l'un des axes de sa politique internationale dans le domaine des droits de l'homme. Le Liechtenstein s'engage aussi en faveur de l'établissement dans tous les pays d'un système de visites régulières effectuées par des organismes internationaux et nationaux indépendants, sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté. Au Liechtenstein, l'application de ce mécanisme de prévention est confiée à la Commission pénitentiaire indépendante, qui s'est récemment dite très satisfaite de sa coopération avec les autorités s'agissant des visites de lieux de détention, où elle n'a constaté aucun mauvais traitement. M. Frick a également attiré l'attention des membres du Comité sur la contribution financière du Liechtenstein à la lutte internationale contre la torture et sur sa collaboration étroite avec la société civile.

La délégation du Liechtenstein était également composée d'un haut responsable de la police du Liechtenstein, du chef de la division de l'asile au Bureau des migrations et de deux autres représentants du Bureau des affaires étrangères de la principauté. Elle a répondu aux questions et observations des membres du Comité s'agissant des conditions de détention dans l'unique prison du Liechtenstein, du traitement des demandes d'asile, de la composition et des attributions du mécanisme national de prévention de la torture, de la protection des artistes de cabaret contre la traite des êtres humains ou encore des procédures d'interrogatoire par la police. Plusieurs questions et observations ont aussi porté sur la protection des droits fondamentaux des personnes condamnées par la justice du Liechtenstein mais qui sont détenues dans des prisons de pays limitrophes.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Liechtenstein, M. Alessio Bruni, a constaté avec satisfaction qu'il n'y avait pas d'allégation de torture au Liechtenstein. L'expert s'est cependant dit surpris que les enregistrements vidéo ou audio des interrogatoires de police ne soient réalisés qu'à la demande expresse du justiciable, alors que ces procédures constituent justement des garanties importantes de la validité des procédures judiciaires. M. Bruni a aussi noté que les cinq membres de la Commission pénitentiaire, en tant que mécanisme national de prévention, sont désignés par le gouvernement, ce qui pose des questions quant à leur indépendance. Saluant lui aussi les bons résultats obtenus par le Liechtenstein contre la torture, le corapporteur, M. Satyabhoosun Gupt Domah, a rappelé que ni les institutions, ni les personnes ne sont immuables et qu'il importe que les États adoptent les mécanismes prévus par la Convention contre la torture pour garantir la pérennité de l'action publique. En particulier, le Liechtenstein devrait adopter une définition de la torture qui soit conforme à la Convention.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport du Liechtenstein, qu'il rendra publiques à la fin de la session, le mercredi 9 décembre.

Le Comité examinera à partir de demain à 10 heures, le rapport présenté par l'Azerbaïdjan (CAT/C/AZE/4). La délégation présentera ses réponses jeudi après-midi.




Présentation du rapport

Le Comité est saisi du quatrième rapport du Liechtenstein (CAT/C/LIE/4, préparé sur la base d'une liste de points à traiter préparée par le Comité - CAT/C/LIE/Q/4).

M. MARTIN FRICK, Directeur du Bureau des affaires étrangères du Liechtenstein, a souligné d'emblée l'importance que son pays accordait à la question de la prévention de la torture, qui est l'un des axes de sa politique internationale dans le domaine des droits de l'homme. Le Liechtenstein s'engage en particulier pour la ratification par les États du Protocole facultatif se rapportant à la Convention (sur l'établissement d'un système de visites régulières sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté). Au plan national, le Liechtenstein considère cet instrument comme un outil de prévention, dont l'application est confiée à une Commission pénitentiaire indépendante. La Commission pénitentiaire, qui prépare des rapports et formule des recommandations à l'intention des autorités, s'est récemment dite très satisfaite de sa coopération avec les autorités s'agissant des visites de lieux de détention pendant lesquelles elle n'a constaté aucun mauvais traitement, a fait valoir M. Frick.

M. Frick a également informé le Comité des amendements apportés à la loi du Liechtenstein s'agissant des droits des personnes privées de liberté. Le nouveau code de procédure pénale adopté en 2012 stipule ainsi expressément que toute personne suspecte ou accusée a le droit de consulter un avocat avant et pendant chaque interrogatoire. La loi autorise également le justiciable à demander l'enregistrement de ses interrogatoires. L'ordre des avocats a créé, également en 2012, une permanence juridique accessible à toute heure par les personnes concernées.

De nouvelles mesures juridiques ont été prises en ce qui concerne la protection des victimes de la violence domestique, considérée comme l'une des formes contemporaines de torture et de mauvais traitement. Les autorités sont ainsi tenues d'engager des poursuites d'office en cas de menaces, de violence, de viol ou de contrainte sexuelle au sein du couple. Depuis l'adoption du nouveau code de procédure pénale, les victimes sont obligatoirement informées de leurs droits, de l'avancement de la procédure judiciaire et de la libération de la personne accusée.

D'autre part, la loi sur l'asile entrée en vigueur en 2012 reconnaît explicitement la violence sexuelle comme un motif de demande d'asile au Liechtenstein, a indiqué M. Frick. Les femmes et les filles victimes de traite des êtres humains peuvent également obtenir l'asile pour ce motif. Le Liechtenstein considère de plus que le risque de subir des violences sexuelles est un motif de refus de refouler une personne vers un pays tiers. Une femme étrangère victime de violence domestique au Liechtenstein peut se voir accorder un permis de séjour en cas de séparation d'avec son conjoint.

S'agissant de l'asile, le Liechtenstein fait partie de l'espace Schengen depuis 2011, a précisé M. Frick. Le règlement Dublin II sur la détermination de l'État membre responsable pour une demande d'asile s'applique donc au Liechtenstein. De par sa situation géographique enclavée entre le Suisse et l'Autriche, le Liechtenstein n'est saisi que de très peu de demandes d'asile sur lesquelles il est appelé à prononcer une décision de fond, a ajouté le représentant.

M. Frick a attiré enfin l'attention des membres du Comité sur la contribution financière du Liechtenstein à la lutte contre la torture au plan international. Le Liechtenstein peut se targuer d'une longue tradition d'hospitalité et figure parmi les principaux donateurs de l'aide internationale au développement, qui équivaut à 0,75 % de son PIB actuellement. Le pays est aussi l'un des principaux donateurs au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, dont il finance depuis 2008 le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture. Le Liechtenstein collabore enfin étroitement avec la société civile, notamment avec l'Organisation mondiale contre la torture et l'Association pour la prévention de la torture.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. ALESSIO BRUNI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Liechtenstein, a constaté avec satisfaction qu'il n'y avait pas d'allégations de torture au Liechtenstein, un cas rare qui mérite d'être mis en évidence. L'expert a constaté que voici un an, au moment de la rédaction du rapport, le Liechtenstein faisait état de la création prochaine d'une infraction distincte de crime de torture et de l'abolition du délai de prescription pour ce crime; il a donc demandé à la délégation de dire ce qu'il était advenu de ces promesses. Il s'est dit surpris par la mention du fait que les enregistrements vidéo ou audio ne sont réalisés qu'à la demande expresse du justiciable, alors que ces procédures sont des garantes importantes de la validité des procédures judiciaires. M. Bruni a aussi noté que les cinq membres de la Commission pénitentiaire, en tant que mécanisme national de prévention, étaient désignés par le gouvernement, ce qui pose des questions quant à leur indépendance.

Le rapporteur a en outre demandé des précisions sur les moyens d'identification des requérants d'asile qui ont été, ou qui se disent, victimes d'actes de torture et de violences sexuelles ou sexistes. M. Bruni s'est en outre interrogé sur les modalités de l'examen des cas de requérants qui risqueraient d'être torturés dans leur pays de renvoi. La délégation a été priée de dire dans quels cas le Liechtenstein était appelé à se prononcer sur le fond d'une demande d'asile, par opposition aux nombreux cas dans lesquels cette décision est exercée par d'autres pays membres du système «Dublin» (Règlement Dublin II). L'expert a constaté par ailleurs que la liste des pays dits sûrs, qui figure dans le rapport, est très restrictive, et qu'au moins un d'entre eux s'est trouvé mêlé très récemment à un conflit. M. Bruni a demandé à la délégation d'informer le Comité de la position du Liechtenstein dans le contexte de la crise des migrants que traverse l'Europe actuellement.

M. Bruni a également voulu savoir si les demandeurs d'asile placés en détention étaient incarcérés avec des détenus de droit commun dans la seule prison ouverte au Liechtenstein, dont la capacité n'est que de vingt personnes. L'expert a fait état, par ailleurs, de rapports du Mécanisme national de prévention de la torture et du Comité européen pour la prévention de la torture selon lesquels les détenus disposaient d'un espace insuffisant. Le Mécanisme national a recommandé, d'autre part, que les lieux de détention du Liechtenstein soient tous placés sous la responsabilité du Ministère de la justice, a noté l'expert, la police devant elle relever du Ministère de l'intérieur.

M. Bruni a également voulu connaître le mandat exact du groupe de travail chargé d'élaborer le nouveau code pénal du Liechtenstein; a recommandé que le Liechtenstein sépare nettement les attributions respectives du ministère de la justice et de la police s'agissant de la gestion de la prison; et s'est dit favorable à l'enregistrement audio ou vidéo systématique des interrogatoires de police.

M. SATYABHOOSUN GUPT DOMAH, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Liechtenstein, s'est félicité de ce que le Comité accueille, pour la toute première fois, un État qui peut se targuer de ne connaître aucun cas de torture. Cependant, les institutions ni les personnes ne sont immuables: comment s'assurer que les bons résultats enregistrés aujourd'hui vont perdurer? Il importe, à cet égard, que les États adoptent les mécanismes prévus par la Convention contre la torture, a souligné M. Domah, et qu'ils sachent inculquer les bonnes valeurs aux prochaines générations. Le Liechtenstein doit donc rendre compte de l'ensemble des mesures qu'il prend pour appliquer effectivement l'interdiction de la torture, en particulier en informant le Comité du contenu des programmes de formation des fonctionnaires.

M. Domah a demandé à la délégation de fournir des précisions sur les conditions d'interrogatoire et de détention des requérants d'asile. L'expert s'est étonné qu'un scrutin populaire ait rendu impossible de doter de moyens suffisants le centre réservé à l'accueil des requérants. M. Domah s'est aussi interrogé sur l'existence d'une loi permettant de poursuivre les actes d'intimidation ou de représailles dont pourraient être victimes des personnes qui déposeraient plainte pour acte de torture.

Le corapporteur a observé que le Liechtenstein ne dispose pas d'une définition de la torture conforme aux exigences de la Convention. Il est donc difficile de dire que le Liechtenstein applique la Convention de manière totalement exemplaire, même si ses résultats sont bons au plan administratif.

Parmi les autres membres du Comité, plusieurs ont voulu savoir quelles mesures étaient prises pour éviter que les mineurs détenus ne soient au contact d'adultes incarcérés. Il a été demandé comment étaient désignés les enquêteurs chargés de faire la lumière sur des cas de mauvais traitements infligés par des policiers; et quelle application est faite au Liechtenstein du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d'Istanbul). Plusieurs questions ont porté sur le respect des garanties fondamentales octroyées aux personnes détenues ou inculpées, s'agissant notamment de l'accès à un avocat et à un médecin et du respect de leur dignité.

La délégation a aussi été priée de dire combien de recours avaient été déposés contre des rejets de demande d'asile et avec quels résultats. D'autres questions ont porté sur l'indépendance et la structure du pouvoir judiciaire au Liechtenstein, sur le contenu des formations et des campagnes de sensibilisation destinées aux fonctionnaires et aux policiers, et sur le contrôle des conditions de vie des personnes jugées au Liechtenstein et détenues dans des prisons suisses et autrichiennes.

Une experte s'est félicitée de l'appui accordé par le Liechtenstein à l'action des organes conventionnels des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme, notamment en ce qui concerne l'encouragement de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Une experte s'est interrogée sur l'efficacité de la loi contre le viol adoptée en 2012.

Un expert a regretté que la prison de Vaduz ne dispose pas de personnel médical à demeure, observant que le personnel carcéral n'était est formé ni à la dispense des médicaments ni à la gestion sécurisée d'une petite pharmacie – ce qu'il doit assumer dans les faits. Une experte s'est dite préoccupée par la confusion des rôles entre la police et la justice au Liechtenstein. L'experte a vivement déploré que la police du Liechtenstein ait encagoulé une personne au moment de son arrestation.

M. CLAUDIO GROSSMAN, Président du Comité, s'est félicité des progrès réalisés par le Liechtenstein dans la lutte contre la traite des êtres humains mais s'est enquis des précautions prises par le pays pour garantir le respect des droits des mineurs placés en détention. M. Grossman a demandé enfin à la délégation de faire le bilan des mesures qui ont été prises pour protéger les droits des femmes qui travaillent comme danseuses dans des night-clubs. M. Grossman a rappelé l'importance de créer un mécanisme normatif de lutte contre la torture qui soit uniforme au niveau mondial. M. Grossman a demandé des renseignements sur les critères appliqués dans d'examen des demandes d'asile déposées par des femmes et sur les modalités de la détention préventive au Liechtenstein.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions et observations des membres du Comité, la délégation a précisé qu'une commission est actuellement chargée de réfléchir à une définition de la torture modelée sur la pratique des pays voisins. Son rapport, qui sera soumis en juin prochain, contiendra des recommandations pour amender le code pénal également sous l'angle de la suppression du délai de prescription. S'agissant de l'égalité devant la loi, la délégation a précisé que la Cour constitutionnelle a jugé en 2014 que le principe d'égalité de traitement s'applique également à tous les ressortissants étrangers, indépendamment du principe de réciprocité. La Cour peut être saisie de plaintes individuelles pour des violations des droits garantis par les pactes internationaux ratifiés par le Liechtenstein, a précisé le chef de la délégation.

Les autorités ont commencé de légiférer en 2012 pour la création d'une institution nationale de droits de l'homme indépendante; le ministère compétent fera une proposition précise dans les semaines qui viennent.

Les autorités du Liechtenstein entendent continuer d'œuvrer pour assurer la pleine protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a assuré la délégation, même si elles sont conscientes que des progrès sont toujours possibles dans le domaine de la prévention de la torture.

La liste des pays dits sûrs pour l'expulsion de demandeurs d'asile est mise à jour périodiquement, la dernière fois en mars 2015. L'Ukraine a été supprimée à cette occasion de la liste. Dans tous les cas, les requérants d'asile bénéficient d'un examen médical pour rechercher des traces de torture. Le cas échéant, des mesures thérapeutiques et un soutien psychologique sont offerts. Le renvoi est exclu d'une personne qui a été victime d'actes de torture ou qui risquerait d'en être la victime. Le Liechtenstein n'est appelé à se prononcer sur le fond d'une demande d'asile que lorsque le requérant ne figure pas déjà dans les bases de données européennes. Il n'y a pas de traitement différencié des demandes d'asile, chaque cas étant examiné à part, a assuré la délégation. L'examen du bien-fondé des demandes tient compte du risque de viol subi par les femmes requérantes. Vingt-trois Syriennes et Syriens, soit six familles, ont été récemment accueillis comme réfugiés par le Liechtenstein. Depuis 2010, 104 personnes ont été renvoyées vers leurs pays d'origine, y compris la Russie, la Serbie, l'Égypte et l'Ukraine. Aucun demandeur d'asile n'a quitté le Liechtenstein sous l'effet de la traite ou d'autre délit de ce genre, a précisé la délégation.

La détention des moins de 15 ans n'existe pas au Liechtenstein. Les mineurs de 15 à 18 ans ne peuvent être détenus administrativement qu'à des conditions très strictes, et pour un maximum de trois mois. Aucun cas n'est à signaler depuis 2010.

La révocation du permis de séjour d'un ressortissant étranger qui divorce ou se sépare d'un citoyen du Liechtenstein peut être soumise à des restrictions pour tenir compte, par exemple, de l'intérêt supérieur d'un enfant concerné.

Le système judiciaire du Liechtenstein est composé d'un volet civil et pénal ainsi que d'un tribunal administratif et d'une cour suprême. La cour constitutionnelle pour sa part suit de très près les décisions de la Cour européenne de justice, y compris dans le domaine des droits de l'homme. Les juges sont sélectionnés par une commission totalement indépendante, élus par le parlement puis nommés par le chef de l'État. En cas de désaccord sur la personne de tel ou tel magistrat, le peuple peut être appelé à trancher par voie de référendum.

La coopération du Liechtenstein avec l'Association pour la prévention de la torture s'inscrit dans le cadre d'un projet de coopération avec l'Amérique latine, doté d'un budget d'1,4 million de francs suisses. Le projet «Magdalena» de prévention de la traite des êtres humains, quant à lui, consiste en une table ronde rassemblant des représentants des pouvoirs publics, de la société civile et des entreprises de divertissement. «Magdalena» a rendu obligatoire l'organisation périodique de séances d'information destinées aux danseuses qui travaillent dans les deux night-clubs du pays. Seul un cas de traite d'être humain a été porté à ce jour à l'attention des tribunaux, l'affaire est en jugement. Le Foyer pour femmes du Liechtenstein – structure non gouvernementale qui offre hébergement, protection et assistance psychologique aux femmes victimes de violence dans la famille a été ouvert en 1991 et bénéficie d'une subvention publique annuelle de 320 000 francs.

Il n'existe qu'une seule prison au Liechtenstein, a précisé la délégation, pouvant accueillir vingt personnes. Les hommes (17 places) et les femmes (3 places), qui y sont placés en général avant un jugement, vivent toujours séparés. Une femme détenue peut recevoir autant de visites qu'elle souhaite. Les autorités ont passé des accords avec des institutions de prise en charge sociale pour le suivi des personnes détenues. Il en va de même pour les mineurs, en général un ou deux dans le quartier réservé aux femmes, qui est généralement vide. Chaque détenu dispose de sa propre cellule meublée de 12 mètres carrés (sauf une cellule à deux lits); les femmes détenues disposent chacune d'une cellule avec coin-cuisine. L'unique prison du Liechtenstein n'emploie pas de personnel médical à demeure: elle travaille sur une base contractuelle avec des médecins homologués par les autorités carcérales. On ne peut pas dire que la prison de Vaduz soit surpeuplée, a estimé la délégation.

Les personnes condamnées par les tribunaux du Liechtenstein purgent en principe leur peine en Autriche, en vertu d'accords interétatiques, a-t-il encore été précisé. Les personnes condamnées à des peines inférieures à deux ans peuvent cependant accomplir leur peine à Vaduz même, l'objectif étant de favoriser leur réinsertion. Seules les personnes condamnées sont astreintes au travail en prison: cette obligation ne concerne concrètement que trois ou quatre personnes, a précisé la délégation. La réflexion porte en ce moment sur la nécessité d'augmenter la capacité carcérale du pays: les autorités hésitent encore entre un agrandissement de la prison de Vaduz et le recours accru à la détention en Autriche, dans la prison d'Innsbruck. Le système carcéral fait l'objet d'une analyse qui aboutira, ces prochains mois, à une réforme du régime d'exécution des peines, a fait savoir la délégation.

Les mineurs détenus au Liechtenstein sont placés dans les cellules réservées aux femmes. La dernière condamnation d'un mineur remonte à plusieurs années, concernant un jeune ayant commis un attentat raciste.

L'indépendance du mécanisme national de prévention de la torture (la Commission pénitentiaire) est garantie par la loi, aucun de ses cinq membres n'ayant jamais appartenu à la fonction publique. Ils sont sélectionnés sur dossier par le ministère de la justice. Deux membres au moins doivent être des femmes; et deux ne doivent pas appartenir au système judiciaire national, tout en disposant de compétences de juriste. Les commissaires accomplissent un mandat de quatre ans. Le mandat des cinq membres actuels de la Commission se termine cette année: on s'attend à ce que les commissaires soient reconduits dans leur fonction. La Commission a pour principale mission de contrôler les conditions de vie en prison et non de se pencher sur des cas individuels. Une personne détenue en Autriche a accès à tous les recours usuels, jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme.

S'agissant d'allégations de mauvais traitements commis par des policiers sur des détenus, la délégation a précisé que toute dénonciation fait l'objet d'une enquête par les services du procureur. Trois officiers supérieurs de police seront chargés de participer à l'enquête. La taille du pays ne lui permet pas de créer une autorité de police indépendante pour traiter des deux ou trois dénonciations qui sont recensées chaque année, en général pour des abus de pouvoir ou des violations du secret de fonction, a précisé la délégation.

La délégation a précisé que l'examen d'une demande d'asile commence toujours par un contrôle auprès des autres pays européens, pour veiller à ce que la demande soit effectivement traitée par le pays compétent.

La Convention fait partie intégrante de la législation interne du Liechtenstein, a précisé la délégation: ses dispositions sont auto-exécutoires pour autant qu'elles soient suffisamment explicites. Le groupe de travail chargé d'élaborer une nouvelle définition de la torture est surtout chargé de contrôler l'utilité d'introduire telle ou telle disposition dans le code pénal. La culture juridique du Liechtenstein est proche de celle de l'Autriche: les parallèles entre les codes pénaux des deux pays sont nombreux. Il n'est pas facile d'être à la hauteur de la cause des droits de l'homme, a noté la délégation, ce à quoi s'efforcent pourtant sans relâche les autorités du Liechtenstein.

Si le code pénal ne prévoit pas expressément le délit de torture commise sur des détenus, il interdit cependant les traitements inhumains, les agressions et les humiliations, a précisé la délégation. Le Liechtenstein, membre du Conseil de l'Europe depuis longtemps, respecte, entre autres lignes directrices internationales, les injonctions de la Cour européenne des droits de l'homme dans le domaine des doctrines et pratiques de la police. Par exemple, conformément à une décision de la Cour (Portmann contre Suisse applicable au Liechtenstein), les forces d'élite de la police ne sont plus autorisées à encagouler le visage d'une personne arrêtée que dans certains cas bien précis. Cet encagoulement est d'ailleurs une mesure très exceptionnelle, réservée aux interventions des forces spéciales de la police contre certains criminels particulièrement endurcis, a précisé la délégation.

La police a notamment pour tâche de réagir sans délai en cas de violence domestique. Deux agents ont suivi une formation spécifique dans ce domaine, tant pour l'action que pour l'enquête. Plus généralement, les agents liechtensteinois sont formés dans une école de police en Suisse. L'enseignement comporte notamment 26 leçons de 45 minutes sur les droits de l'homme, ainsi que des modules complémentaires (8 fois 45 minutes) sur la traite des êtres humains et sur le traitement des détenus. Les gardiens de prison suivent également cet enseignement.

Le Liechtenstein ne peut pas gérer seul l'intégralité des détentions, a précisé la délégation: il ne dispose pas des structures nécessaires pour prendre en charge les détenus très violents ou ceux qui ont des besoins particuliers, par exemple. C'est pourquoi le Liechtenstein doit collaborer dans le domaine carcéral avec les pays voisins, notamment l'Autriche avec laquelle les différences culturelles et juridiques sont minimes: les justiciables disposent exactement des mêmes droits dans les deux pays.

Les interrogatoires de police sont systématiquement consignés par écrit; un enregistrement audio ou vidéo doit être transcrit. Les procès-verbaux doivent être en principe signés par la personne interrogée. Une salle d'interrogatoire a été ouverte dans la prison de Vaduz, pour donner suite à une recommandation antérieure du Comité contre la torture, a précisé la délégation. L'enregistrement audio et vidéo systématique des interrogatoires pourrait être réalisé moyennant des amendements au code de procédure pénale, a estimé la délégation. Elle a dit prendre bonne note de la recommandation d'un expert du Comité s'agissant du recrutement de personnel infirmier au sein de la prison de Vaduz pour assurer la distribution de médicaments.

Conclusion

M. FRICK s'est félicité de la possibilité offerte au Liechtenstein de réfléchir aux conditions d'application de la Convention et aux moyens de réduire le fléau que constitue la torture. Le chef de la délégation a assuré que le Liechtenstein continuera d'attacher la plus grande importance à la lutte contre la torture et les mauvais traitements, et d'appliquer dans ce domaine une véritable politique de «tolérance zéro».



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CAT15/027F